Persistant malaise, depuis quinze longs jours. Persistante nausée, à chaque fois que ses oreilles captent les murmures qui content les horreurs passées au front de Lagrance, à chaque fois que ses yeux tombent sur quelque mage de bataille, quelque Chevaucheur en déroute. La guerre, comme il a été chuchoté sur toutes les lèvres. Qu’elle aimerait que tout soit uniquement un tour, une illusion, mais hélas, tout ceci est bien vrai, et même à l’abri dans l’empire de la Magie, Maelenn tremble et craint.
Même les plus grandes horreurs savent trouver un velours à caresser, cela dit, et elle ne peut se retenir d’être enthousiaste lorsque le mage des portails la fait passer d’Edenia à l’Orchid d’un seul pas, puis qu’elle est escortée jusqu’à Eugénie. « Maelenn, quel plaisir de vous voir à nouveau. J’espère que le voyage vous fut agréable. Rapide, ma chère, je ne m’encombre que rarement de voyages autres que magiques », rit-elle avec douceur en lui rendant sa bise, puis en gratifiant Jasmin des mêmes affections, qu’importe la comique timidité de ce vif bambin dès le moment où il la voit. Si adorable, doux Osir ! Même Gavriel persifle de la langue contre son cou, s’échappant de ses vêtements afin de saluer son petit préféré. Le petit quitte bien vite les lieux, laissant les deux dames seules : « Maelenn, merci d’être venue. C’est toujours un plaisir, Eugénie. » Elle est curieuse, cela dit, de cette inquiétude que les traits réguliers de la dame ne peuvent entièrement camoufler. Sa magie doucement l’enveloppe, comme pour tenter de tâter et de mieux percevoir les sentiments de la blonde, confirmant sa première impression. Elle prend gracieusement place dans l’un des fauteuils et son Familier se glisse jusqu’à ses genoux, les yeux fixés sur le temps gris visible par les fenêtres du salon. Le serpent est pourtant aux aguets, comme toujours, autant qu’elle, alors que d’une voix grave, Eugénie adresse enfin ses inquiétudes : « La guerre est à nos portes Bellifère a vu ses frontières menacées dit-on. Menacée ? Ô, mon amie, si ce n’était que cela… », se désole la Compagne. Il y a longtemps qu’Eugénie a quitté le duché de la Guerre, mais son attachement semble assez fort pour se soucier du sort de ceux qui y vivent encore, d’une famille qui l’a chassé, d’une terre aride et qui pourtant l’a vu fleurir.
C’est à elle de baisser la voix, se faisant confidente de ce qui est entendu autant au palais qu’entre ses draps : « Sombreciel et Bellifère ont été amplement touchés par les frappes faës. Les pertes humaines sont moindres, au sud du continent, mais au nord… Outrevent et Bellifère sont deux duchés guerriers et Kern seul sait l’ampleur de ce qui s’est disputé à ce front. Savez-vous si le domaine de votre parentèle a été touché ? », s’inquiète la brune.