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 J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée

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Le Pavillon Noir • Modo
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Géralt d'Orsang
Géralt d'Orsang

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J'ai : 28 ans
Je suis : chirurgien à bord de l'Audacia et baron d'Orsang

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J'ai fait allégeance à : Philippe Jedidiah, ma famille
Mes autres visages: Melbren de Séverac
Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptyLun 8 Mai 2017 - 0:11

L'homme n'a pas même le temps de poser d'autres questions qu'une explosion retentit plus loin, en aval. Tu pivotes sur toi-même et constates qu'un mur a tout bonnement explosé. L'homme se désintéresse de toi sans demander son reste, comme si vous ne veniez pas d'échanger quelques paroles. Tant mieux. Tu jettes un coup d’œil à Lionel et tu le vois se réinstaller contre les parois de la cabine, soulagé. Un sourire étire tes lèvres alors que tu reprends votre traversée comme si l'interruption n'avait jamais eu lieu. Vous n'avez aucun temps à perdre.

Vous avancez sans souci durant quelques petites minutes avant que les crocodiles ne se rappellent à votre bon souvenir. Tu les cherches du regard et, bien vite, tu réalises qu'ils sont plusieurs à s'être massés contre la coque ou à côté. Tu écarquilles subrepticement les yeux : cette affaire ne fleure pas bon. Ton regard va trouver celui de Lionel, qui te fixe, mais il se reporte bien vite sur vos nouveaux amis qui semblent décider à rajouter des obstacles sur votre chemin.
Tu continues de ramer de ton mieux ; tu tentes de repousser doucement l'une des bêtes, qui ne se laisse pas faire et ouvre sa gueule contre la coque en représailles. Tu fronces les sourcils alors que la panique commence à monter. Vous n'êtes pas suffisamment loin dans les canaux pour reprendre la marche. Il vous faut trouver une manière de les repousser. Peut-être que Lionel pourrait le faire grâce à sa magie ? Seulement ce serait beaucoup tr-

Tu te retrouves tiré vers l'avant alors qu'un avertissement de la part de ton ami claque dans les airs. Tu trébuches à moitié sur les planches de bois surélevées qui séparent l'arrière et la cabine, sans comprendre ce qu'il se passe. Simultanément, tu t'affales à moitié sur Lionel, manquant de peu d'écraser Harald, et un bruit de bois brisé retentit dans ton dos. Les battements de ton cœur sont rapides, beaucoup trop rapides. Ton souffle, court, t'oblige à déglutir alors que l’adrénaline pulse dans tes veines comme un kangourou hyperactif.

Tu te redresses avec un bras, juste ce qu'il faut pour pivoter le haut de ton corps et constater la cause de tout cela : la mâchoire d'une des bêtes, immense, impressionnante, effrayante, se retire en silence du bois en lambeaux, voire inexistant par endroits, sûrement en chemin pour l'estomac de la bête. Tu déglutis à nouveau et inspires brusquement, la réalisation de ce qu'il vient d'arriver te percutant pleinement. Ta voix est blanche quand tu prends la parole – ton visage doit l'être aussi. « Par Messaïon… » Tu t'appuies sur l'une des cuisses Lionel et sur la paroi opposée pour te dégager de lui. Tu t'assieds en face de lui, mollement, chamboulé, alors que tu reprends ton souffle. Tu as besoin de quelques secondes pour te remettre, pour faire cesser le tremblement qui parcourt ton corps, impitoyable.

Tu fixes l'arrière du bateau, endommagé sévèrement, mais l'eau ne semble pas s'infiltrer à bord, à première vue. Premier soulagement. Ton regard se reporte ensuite sur l'Outreventois. « Merci, mon ami. Sans toi, je serais plu- » Nouveau coup violent porté par les crocodiles. « Bon sang ! Ils vont nous faire chavirer, les bestiaux. » Tu te redresses en t'accrochant au bois à chacun de tes pas vers l'arrière. Seulement à ce moment-là réalises-tu que la rame…. n'est plus là. « Non, non, non. Non ! » Tu te penches autant que possible par-dessus bord, tes pieds bien calés de l'autre côté pour contrebalancer ton poids. « La rame… » En même temps, tu l'aperçois non loin, devant toi, et tu tentes ta chance : tu étends ton bras, tes doigts, et tu te penches un tout petit plus pour tenter de la toucher, de la faire revenir vers la gondole. Tu serres les dents à chaque millimètre gagné vers elle, à chaque secousse produite par les crocodiles qui ne se lassent pas de leur jeu.

Si vous n'avez plus de rame, votre moyen de déplacement le plus discret et le plus sûr pour l'instant disparaît. Tu ne prêtes aucunement attention aux bêtes autour, seulement à ton environnement immédiat... Grave erreur.

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Lionel de Rivepierre
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Je suis : Capitaine du Vol d'Outrevent, mage de l'Été (destruction) et comte de Rivepierre.

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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptyJeu 18 Mai 2017 - 6:53

Sa poigne sur le bras de Géralt est douloureuse, tant elle est ferme, et chacun de ses doigts se marbre de blanc, de rouge. L’homme a volé à quelque part entre le fond de la gondole, son Familier et lui-même, dans un enchevêtrement confus de membres dont il n’a guère cure. Il ne voir que la gueule du crocodile, se refermant avec déception sur le bois pourri, abîmé, déjà mâché par ses prédécesseurs. Ou d’autres de ses tentatives, avec des voyageurs bien moins chanceux qu’eux. Bien moins rapides. « Par Messaïon… » Par Messaïon, le Destin et tous les autres, même ! Par le Vif et par l’Adroite ! Il était si près ! Près d’y passer. Près d’être perdu. Il ne peut pas le perdre, pas lui aussi, alors qu’il a le sentiment qu’il est tout ce qu’il lui reste. Tout ce qu’il leur reste.

Tu peux le lâcher. Ses doigts le laissent aller, presque avec difficulté, prêt à revenir à la charge si un seul mouvement à nouveau fait vibrer leur embarcation. « Merci, mon ami. Sans toi, je serais plu- » Ça ne rate pas. Cette fois, il attrape la chemise du pirate, toujours mû de ce même réflexe de protection, à peine une seconde avant de la lâcher. « Bon sang ! Ils vont nous faire chavirer, les bestiaux. Ils doivent être de la Cour », qu’il souffle, plein d’un humour noir qui ne les fait ni rire, ni sourire. Qui ne fait que rappeler à son esprit le danger à leurs trousses, menaçant à chaque moment de se manifester à nouveau. L’explosion a détourné l’attention, mais ce ne sera pas éternel, et bientôt, d’autres viendront, chercheront, fouilleront. « Non, non, non. Non ! Qu’est-ce qu’il y a ? La rame… Non, Géralt », dit-il faiblement, protestation un peu vaine. Il n’aurait pas dû le lâcher.

La rame effleure la main de Géralt, à peine, avant de lui être brusquement projetée en plein visage. Un craquement sinistre, celui d’un nez rudement cassé par une perche finalement pas si vermoulue, résonne dans leurs six oreilles tendues, et au son se joint celui de l’eau qui se perce, jusqu’à révéler la forme puissante, imposante et menaçante d’un crocodile. Jaillissant du canal, dans un bond splendide, prêt à arracher la tête du Belliférien sans autre avertissement. C’est sans compter sur l’Outreventois, qui d’un bond s’est levé et qui, de ce même élan, se jette sur son ami.
Il y aura beau dire : un pirate d’1m91 qui vous tombe sur le museau, ça frappe. Ça frappe, et ça frappe dans l’eau, juste à l’opposé du massif crocodile. Et deux hommes dans la force de l’âge, ça coule bien, aussi. Une pensée, alors qu’ils coulent sous la surface : l’eau est étrangement tiède. SORTEZ DE LÀ. Un concert de battements, de queues et de pattes, de mâchoires qui claquent de surprise et de remous, accueille leur plongée commune dans l’eau sombre. Il pense au lac souterrain - au tentacule autour de ses jambes, de sa taille - il pense à la mort, venant des eaux noires d’Erebor. Des cauchemars qui ont suivi, les semaines durant, le réveillant chaque nuit avec la peur au corps et au coeur. Un violent coup de queue fauche les deux pirates en plein ventre, alors que Lionel tente de faire remonter Géralt dans la barque. Les écailles acérées vont jusqu’à déchirer sa chemise, écorcher la peau bronzée et tatouée jusqu’au sang, mais le châtiment de retour est pire. Est une épée, enchantée, qui tranche, qui détruit la chair entaillée par sa lame, et qui repousse les trop curieux sauriens. Ils pataugent péniblement, les deux hommes, et sur ses lèvres, un goût immonde règne. « Vi, vite, vite, re, remonte », hoquète Lionel, nageant péniblement à une main. Un déjà vu terrible, qui lui lève le coeur, qui le fait presque chavirer, craquer, casser. Tiens bon. Nous y sommes presque.

Harald a raison. Avec tout cela, ils sont revenus vers la berge, vers une nouvelle montée. Proche de la Ville Haute, de leur première porte de sortie vers le campement. Seulement quelques minutes, encore, à courir, à se cacher, et ils seront presque saufs.

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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptySam 20 Mai 2017 - 18:35

Tu entends la faible protestation de Lionel, dans un coin de ta tête, et tu voudrais le rassurer. Seulement, vous devez récupérer la rame. Tu ne vois que ça. Tu ne vois que le moyen de faire traverser Lorgol à Lionel. Tu ne vois que ton ami qui doit vivre. Tu ne vois que ça. Tu ne conçois pas l'Audacia sans lui. Tu n'imagines pas Arven sans Lionel de Rivepierre. Par Messaïon, tu n'imagines pas tes flancs vide de sa personne. Alors tu redoubles d'efforts, tu tends ta main encore, tu grappilles d'autres millimètres. La rame ondule sur l'eau et tu sens la frustration naître dans tes tripes, rendant tous tes nerfs à vif, insupportablement.

Soudain, l'eau se soulève, comme une vague qui n'a pourtant aucun lieu d'être sur ce canal maudit. Elle se soulève trop vite pour que tu aies le réflexe de te reculer. Elle se soulève et ramène la rame vers toi. Cette dernière vient s'abattre avec violence sur ton visage. Tu entends d'abord le craquement dans ton nez puis la douleur déferle, violente et sauvage, dans tout ton visage, depuis la fracture. Tu vois des étoiles instantanément, mais aucun son ne passe la barrière de ta bouche entrouverte. Ton corps entier est concentré sur la douleur lancinante. Tu n'entends d'ailleurs rien de ce qui se passe autour de toi, seulement les battements de ton cœur pulsant à tes tempes.

Tu es donc complètement désarçonné quand une masse te percute, te coupant le souffle. Elle te fait passer par-dessus bord et tu te laisses faire, complètement impuissant. L'eau t'entoure soudain et ton nez se met à brûler plus fort. Tu as cependant le réflexe de retenir ta respiration, un peu. Et c'est à ce moment-là que tu réalises qu'il s'agit de Lionel qui s'est jeté sur toi. Et si Lionel s'est jeté sur toi, c'est qu'il avait ses raisons. Il n'y aurait pas de raison à ce qu'il fasse… fasse ça, sinon. Lionel a toujours été très correct, tu… La tête te tourne, tu le réalises seulement. Les étoiles dansent toujours devant tes yeux. Tes pensées perdent de leur cohérence. La panique monte et la douleur s'intensifie. Ton poing s'accroche désespérément à ton ami, quelque part, tu ne sais pas où, mais tu as peur. Tu ne veux pas mourir, dévoré par des crocodiles. Tu ne veux pas qu'il meurt, par ta faute, pour une satanée rame. Harald vous crie quelque chose, mais c'est bien trop le chaos dans ton esprit, dans ton corps, pour que tu sois réceptif. Tu as brièvement le souvenir d'une soirée passée à discuter avec le Familier durant l'un de tes quarts et tu divagues un peu.

Puis, d'un coup, ton visage perce la surface et tu inspires une goulée d'air salvatrice mais qui te fait tousser. Tu ouvres les yeux pour voir que c'est Lionel qui t'a aidé à remonter, que vous êtes près de la gondole. Tu halètes, ton poing serrant ses vêtements avec la force du désespoir. Il t'incite à remonter, alors, un peu hagard, tu t'exécutes docilement. Ton bras libre s'agrippe au bord, qui s'affaisse légèrement sous ton poids. Seulement, tu n'as même pas encore lâché l'Outreventois qu'une des bestioles vous frappe en plein ventre et vous immerge sous son poids. Tu entrouvres les yeux sous l'eau et vois une queue s'éloigner : une gueule béante s'approche à la place. Tu écarquilles les yeux et tentes de nager vers l'arrière, mais Lionel se charge de faire déguerpir la bête d'un coup d'épée bien placée. L'espoir te reprend et tu as la présence d'esprit de remonter à la surface peu avant ton ami. Cette fois, tu avances laborieusement de toi-même jusqu'à la gondole. Un coup d’œil en arrière t'assure que Lionel est bien là et ton cœur s'apaise rien qu'un peu.

Le mage t'enjoint de monter alors tu t'exécutes à nouveau. Tu serres les dents, tu forces sur tes bras et, finalement, tu te laisses tomber à l'intérieur de l'embarcation. Tu restes deux secondes étalé là, pas plus, avant de te redresser en grognant, le nez toujours aussi douloureux, pulsant sous la blessure. Tu tends la main pour récupérer l'épée, pour faciliter la montée à ton ami, puis tu lui offres ton aide pour le faire monter plus vite. Il te tombe à moitié dessus, mais c'est le dernier de tes soucis : non seulement vous êtes en vie, mais en plus la gondole ne coule pas. Il vous reste toujours à rejoindre la berge mais vos mésaventures vous en ont rapproché, le Destin soit loué.

Alors que vous reprenez un semblant de souffle, tu te permets un geste sous l'adrénaline, un que tu aurais sûrement hésité à avoir en temps normal : tes doigts vont survoler la blessure de ton ami, au niveau de son ventre, pour évaluer les dégâts. Ils repoussent le tissu, frôlent de manière non intentionnelle la peau intacte au-dessus de la blessure. A ce contact, tu ramènes vivement ta main et t'empresses de camoufler ton embarras par une question. « La blessure semble peu profonde, ça ira ? » Tu déglutis et tousses en réaction, mais Lionel te rassure bien assez tôt. Tu hoches la tête, soulagé.

Il est ensuite temps de se remettre au travail. Vous ne devez pas perdre de temps. Certains crocodiles rodent encore, d'autres se frottent contre la coque malgré la mésaventure de leur compère avec l'épée. Tu te redresses, encore tremblant, et rejoins l'autre côté de la gondole en faisant bien attention au Familier. Tu y récupères la corde que tu as repérée plus tôt. Elle n'est pas en très bon état, mais cela devra faire l'affaire pour vous ramener près de la montée. « Je vais essayer d'atteindre l'une des palines. » En même temps, tes mains confectionnent déjà un lasso qui permettra de faire coulisser le nœud autour d'un des pieux d'amarrage.

Tu dois t'y reprendre à deux fois, mais finalement, le lasso finit par entourer l'une des palines. Tu inspires bruyamment de soulagement alors que tu demandes son aide à Lionel pour tirer, vu le poids de votre embarcation. Les pieds calés dans le fond de l'embarcation, vous soufflez, vous tirez, mais vous parvenez à vous rapprocher de la berge. Ta respiration est quelque peu laborieuse, mais vous allez pouvoir quitter ces canaux de malheur et tenter votre chance sur la terre ferme ; c'est, au final, largement préférable.

Après avoir récupéré ton sac, tu prends les devants et mets un pied à terre. Tu t'assures que la gondole ne s'écarte pas du bord pour permettre à Lionel et Harald de te rejoindre et, d'un même homme, vous reprenez votre route sans tarder. Vos vêtements sont trempés, ton nez est cassé et Lionel est blessé au ventre, mais vous ne pouvez vous permettre un arrêt dans la Ville Basse. Les grandes tours hautoises sont non loin, il vous faut faire vite.

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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptyLun 22 Mai 2017 - 4:51

La peur qui le prend est entièrement différente de celle qu’il peut éprouver à l’idée de mourir sous les coups des voleurs, des espions et des mendiants. Différente de celle de rejoindre Sithis, comme un jour ils le feront tous. Elle pulse en lui violemment, alors que le haut-le-coeur du souvenir du lac souterrain se fait à chaque seconde plus prégnant. Tout y ressemble trop. La mort qui vient des eaux noires, la mort qui le tirera vers le fond, la noyade, ses poumons emplis d’eau glacée, prêts à exploser. Il doit sauver Géralt, comme il a tant cherché à sauver Rackham et Maelys. Le sauver de ce qui veille et de ce qui attend, des gueules béantes qui cherchent à le dévorer.

Il est si près de se briser.

L’homme réussit à monter dans la barque, puis il prend son épée, afin de faciliter sa propre montée nerveuse. Il s’échoue sur lui, un peu, et reste couché au fond de la barque, secoué de hoquets. Lionel ne pleure pas encore, pas tout à fait. Il sursaute brusquement lorsqu’il sent les doigts de Géralt le toucher, au niveau de son ventre, et il vrille sur lui deux yeux noirs et choqués. « La blessure semble peu profonde, ça ira ? Ce n’est rien », le rassure le Chevaucheur, sèchement. Son épiderme semble picoter et heureusement, le pirate ne s’est pas attardé à vérifier son état. De toute façon, il ne ment pas. Il ne croit pas. Lionel surveille les crocodiles, du coin de l’oeil, puis ils conjuguent leurs forces afin de ramener la barque vers la berge, pour enfin en sortir.

Qu’importe qu’il tremble, qu’importe la blessure, il réussit à reprendre son Familier dans ses bras, recouvert de la couverture miteuse ramassée dans la barque. Son contact le rassure, lui donne la force nécessaire pour les minutes qu’il leur reste à marcher, courir, avant de parvenir à la Ville Haute. On se rapproche. C’est bientôt terminé. J’espère. Je ne pourrai plus te porter longtemps. C’est lourd, un mouton adulte, et l’interlude de la barque n’a pas augmenté ses forces. Il a mal à des blessures qui n’existent pas, mal à leurs fantômes et à leur souvenir. L’épée de Mayeul de Vifesprit n’a jamais transpercé la chair, les muscles et les tendons de son épaule, tout comme les roches de la caverne n’ont jamais broyé ses membres. Le Kraken, lui, n’a jamais tenté de l’engloutir. N’y pense pas, Lionel. Le mage suit son compère à travers les dédales, jusqu’à ce qu’ils arrivent aux limites de la Ville Haute, où quelques gardes hautois les arrêtent fissa. « Halte là, messieurs. Où sont vos autorisations de circulation ? Nos… nos autorisations », répète Lionel, sans comprendre. Depuis quand faut-il une autorisation pour se déplacer dans la Ville Haute ? Les pouilleux en sont souvent évacués, surtout s’ils font du grabuge, mais… Vous n’avez pas spécialement l’allure de nobles, en ce moment.
Certes. Le fait d’être trempé, de puer le canal lorgois et d’être taché de sang n’aide certainement pas non plus.
« Vos autorisations, découpe le garde, comme s’ils étaient particulièrement idiots. On ne peut pas laisser entrer n’importe qui, vous comprenez. » Bien sûr, mais ils ne sont pas n’importe qui. Ils ont certainement l’air de, de pirates puants, avec un mouton, mais ils ne sont pas n’importe qui. Enfin, lui, certainement pas, et Géralt est probablement, comme Rackham et lui, un autre pauvre homme honnête pris au piège dans cette réalité hostile. « Géralt… donne-lui ma bourse. » Il laisse le pirate s’exécuter et attraper la bourse de fleurons attachée à sa taille, pour ensuite la donner au garde, qui l’ouvre et observe avec intérêt. « Cela suffit-il pour nous acheter deux autorisations de passage ? Pour mon ami et moi. » Un haussement d’épaules lui répond, alors que la bourse est empochée, et Lionel ne s’attarde pas plus longtemps aux côtés des gardes avant de les dépasser pour pénétrer dans les rues de la Ville Haute et aussitôt bifurquer vers une ruelle, afin d’un instant se reposer. Juste quelques secondes. « Si la Ville Haute n’a pas changé, je devrais pouvoir m’y repérer, glisse-t-il au pirate, déposant enfin Harald sur les pavés. Celui-ci secoue ses boucles, sans pourtant s’éloigner de ses jambes. Les gardes ne risquent pas d’être très utiles pour retenir les voleurs. Ne nous arrêtons pas plus longtemps. » Ils en ont pour au moins trois heures de marche, à vitesse maximale. Plus, peut-être même.

S’ils tombent sur d’autres voleurs, il se le jure, ceux-là, il les fait exploser. Purement et simplement. Chacun de leurs membres, un par un, dans une fontaine de sang, de tripes et d’os, une pluie vengeresse et bienfaitrice, les arrosant tous les trois. Il veut Braise, il veut son feu brûlant toutes ces personnes, il veut chevaucher son dragon et pourfendre, détruire, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.

Les images macabres, étrangement, le calment. Il n’est pas ainsi. Il ne s’abaissera pas à ce niveau. Pendant quelques secondes, Lionel est resté immobile, perdu dans ces pensées. Il essaie de sourire, mais ce n’est qu’une grimace, qu’il esquisse. Il a mal. Il est fatigué. Ils ne peuvent pas s’arrêter : il l’a dit lui-même. Pas encore. « Allons-y. » Quelque chose tremble, dans sa voix. Quelque chose qui ne peut être chassé par le désir de mort, de destruction, par cette colère qu’il refoule si mal. Quelque chose, dans le bleu des yeux de Géralt, qui le blesse.

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Dernière édition par Lionel de Rivepierre le Mar 23 Mai 2017 - 22:27, édité 1 fois
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Ce regard glacial que Lionel t'a adressé. Ce ton sec malgré les mots censés rassurer. Ils t'ont pris au dépourvu, comme une gifle au visage, mais tu n'as rien dit. Tu t'es contenté de penser à la suite, à la manière dont vous alliez vous en sortir. Seulement, maintenant que vous avancez en silence pour rejoindre la Ville Haute, la scène se rejoue devant tes yeux et tu n'arrives pas à passer outre. Elle te laisse un goût amer dont tu ne réussis à te départir. Elle te blesse presque, d'une certaine façon. Elle te donne l'impression qu'un fossé s'est créé entre vous à ce moment-là. De ton côté, tu sais d'où viennent ces limites que tu t'imposes ; il s'agit là de ton choix. Venant de Lionel, c'est autre chose. Tes instincts te le soufflent. L'espace d'un instant, tu as eu le sentiment de te retrouver face à un inconnu. Tu as eu l'impression de n'être qu'un étranger pour celui que tu considères comme un ami de longue date. Jamais tu n'avais ressenti ça en sa présence. Un malaise s'est logé entre tes côtes depuis et impossible de t'en défaire.

Tu chasses tes idées sombres car, bien vite, vous atteignez une ruelle qui n'est pas censée être gardée. Elle est supposée vous permettre de passer entre les mailles du filet ; pourtant, plusieurs hommes y sont postés et vous repèrent bien rapidement. Ta méfiance s'intensifie : sont-ils de mèche avec les Voleurs ? Tu chuchotes alors que vous continuez d'avancer, sans réel autre choix : « Ils n'auraient pas dû être là. »
Sans étonnement, des autorisations vous sont demandées. Tu es déjà en train de comptabiliser le nombre de fleurons que tu as sur ta personne, mais ce ne sera pas suffisant pour tenter de les acheter. L'incompréhension audible dans la voix de Lionel te surprend : il a toujours fallu des autorisations pour pénétrer dans le Haut Lorgol, il le sait. Ton regard se porte sur lui et il est sincèrement pris au dépourvu. Tu fronces imperceptiblement les sourcils, mais ne fait aucun commentaire – la situation actuelle est bien plus préoccupante et ton nez se rappelle amicalement à ton bon souvenir par ce geste pourtant simple.

Heureusement pour vous, la bourse de l'Outreventois est toujours pleine. Tu t'empresses de t'en saisir lorsqu'il te le demande et t'exécutes en silence. Heureusement encore, l'homme qui s'est adressé à vous semble accepter le pot-de-vin sans sourciller. Vous vous hâtez donc de vous éloigner sans demander votre reste. Lionel prend les devants, tu le suis donc jusqu'à une ruelle où il marque un arrêt. Tu en profites pour t'appuyer contre un muret et passer en revue une énième fois le chemin à emprunter pour sortir de la Ville Haute. Vous devriez croiser moins de Voleurs, mais vous n'êtes toujours pas à l'abri.
Lionel te sort de tes pensées alors qu'il dépose Harald au sol. « Si la Ville Haute n'a pas changé… » Tu restes silencieux, considérant ses mots. Pourquoi aurait-elle changé ? Vous n'avez quitté Lorgol qu'à la fin de l'Hivernage, comment une ville pourrait-elle changer en si peu de temps ? Et bien évidemment que votre ville n'a jamais été sûre, Haute ou Basse. C'est un coupe-gorge où les mal informés finissent dans les canaux, les tripes à l'air.

Tu ne sais plus quoi penser. Ton malaise s'intensifie mais tu es incapable de mettre réellement le doigt dessus. Quelque chose cloche. Outre le fait que Lionel est bouleversé par la mort de son amant. La légère différence dans ses attitudes, tu as jusque-là pu l'attribuer à la peine, au deuil, au choc. Ton instinct te murmure qu'il n'y a peut-être pas que ça. Cependant, tu es à nouveau obligé de mettre tes doutes et interrogations de côté, vous devez repartir et tu acquiesces d'un hochement de tête, sans autre commentaire. Tu préfères attendre, voir ce qu'il va se passer. Lionel et toi aurez le temps de discuter, une fois à l'abri dans le camp, perdus parmi des centaines de gens inconnus.

La traversée du Haut Lorgol, à l'exception de deux frayeurs vous ayant contraints à vous cacher quelques minutes, s'est passée sans réelle encombre. C'est avec un soulagement immense que vous vous extirpez de cette ville maudite. Tu as une pensée pour ta mère, pour tes sœurs. Tu espères que, d'une manière ou d'une autre, tu seras amené à les revoir. Vivant. Pourtant, tu sais que tu prends la bonne décision en escortant l'Outreventois, en l'aidant à échapper à la mort. Peut-être que Rackham réussira à raisonner certaines personnes ? Tu n'as pas grand espoir, mais l'espoir et vos capacités sont les seules choses qu'il vous reste en cet instant.

Vous entamez, toujours silencieux, le chemin menant à l'Académie, empruntant des sentiers non battus mais praticables – Harald y trottinera sans trop de souci la majorité du temps. Tu n'oses pas réellement parler pour différentes raisons, notamment car vous vous approchez du but et que tu ne veux pas jeter le mauvais sort sur vous. Tu te contentes de prier par intermittence, adressant tes requêtes au Destin, ton Dieu tutélaire et le plus apte à guider vos pas dans cette aventure bien malvenue.

***

Vous êtes épuisés mais vous y êtes presque. Tu reconnais les paysages alentours malgré la nuit, lorsque vous traversez des endroits à découvert. L'appréhension et l'impatience ne te quittent plus, à présent. Surtout vu la rencontre que vous avez faite durant vos heures de marche.
Trois voleurs, bien informés de la sentence pesant sur les épaules du mage, vous sont tombés dessus. Tu as cru votre dernière heure arrivée. Pourtant, après un combat acharné et quelque peu facilité par la puissante magie de l'Outreventois, les inopportuns ont fini tête la première dans le vide bordant votre chemin sans possibilité de retour en arrière. Vous n'avez fait montre d'aucune pitié, comme ils l'ont fait pour Liam. Tu n'avais d'ailleurs jamais vu Lionel si… sauvage, si à l'état brut. Il aurait d'ailleurs largement pu se charger du dernier sans ton aide. C'était simplement une question de hasard si l'homme a fini les tripes à l'air sous les coups de ta lame et non de celle du mage.

Quoiqu'il en soit, vous avez marché aussi vite que possible, compte tenu de la fatigue physique et mentale, et vous arrivez enfin aux abords de ce fameux campement sauvage qui borde l'Académie. Inutile de préciser que tu ne t'attendais pas à ça. Tu ralentis, ton regard embrassant la vue effroyable qui s'offre à toi : tant de tentes, de feux qui brûlent pour tenir chaud. Pourtant, tu sais qu'une fois dans ce camp, une fois le jour levé, ton choc actuel sera risible. Des centaines de gens ne doit sûrement pas couvrir la moitié de l'attroupement ensommeillé qui vous fait face.

« Qu'est-ce que…. Pourquoi tant de gens ont migré… ici ? » Inutile de préciser dans ces conditions. Lionel le comprendra. Pourquoi un tel exode, un tel lieu de rassemblement ? Qu'est-ce qui a pu rassemblé tous ces gens ? Tu es complètement éberlué, incapable de rassembler les pièces de ce casse-tête dont les règles t'échappent. Pourtant, ce n'est pas le moment, il vous faut trouver un endroit où mettre le mage à l'abri, même si ce n'est que temporaire. D'abord, du repos, de la nourriture, de la boisson. Ensuite, les grandes stratégies de fuite. Vous trouverez bien un endroit, une ville, un duché où passer quelque temps, le temps que les choses se tassent… ou que vous trouviez un autre lieu pour vous cacher. La perspective te tord le ventre, mais les choses sont comme elles sont. Tu as pris ta décision, tu t'y tiendras.

Ta main va frôler son avant-bras habillé pour l'inciter à avancer, joignant ainsi le geste à la parole : « Avançons, quelqu'un pourra nous renseigner sur place. » C'est d'ailleurs le cas. Une fois votre trajet terminé, à peine avez-vous pénétré dans l'enceinte du camp, formé majoritairement par les tentes placées en bordure, qu'un homme apparaît dans votre champ de vision. Il n'a pas l'air d'attendre votre arrivée, mais les apparences peuvent être trompeuses. Tu fais signe à Lionel, de nouveau encapuchonné, de t'attendre là où il est, dans l'ombre, avec son Familier. Tu préfères être trop prudent que de le voir égorgé sous tes yeux.

Tu accostes l'homme d'une voix basse et calme, les bras le long des flancs, mais prêts à se saisir d'armes si nécessaire. « Bonsoir, l'ami. » Tu attends que l'homme se tourne vers toi et réalise que tu n'es pas là pour lui voler ses possessions, quelles qu'elles soient. Tu remarques qu'il tient une chopine dans sa main. « Vous pourriez me renseigner ? Je me demandais ce qu'il s'était passé. » Tu englobes le camp d'un geste rapide de la main et l'homme plisse les yeux. « Vous avez senti l'appel, non ? » Ses mots ne t'évoquent rien. Tu fronces les sourcils, grimaçant légèrement quand la douleur pulsant dans ton nez redouble – tu as hâte de le faire soigner.
Devant ton incompréhension, l'homme continue, d'un ton que tu qualifierais de mystérieux, vu ta situation. « Vous ne vous souvenez pas. » Ce n'est pas une question et tu n'as aucune idée de ce qu'il raconte. Tu te demandes brièvement s'il n'a pas abusé de la piquette – ce qui semble assez probable, au vu de son verre. Tu insistes malgré tout. « Me souvenir de quoi ? » Un sourire triste apparaît sur son visage et cela t'emplit d'un léger agacement. Quelque chose t'échappe, encore, et tu détestes ça.

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Lionel de Rivepierre
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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptyJeu 25 Mai 2017 - 5:16

La nuit est tombée, lorsque des lueurs dansent devant ses yeux. Lueurs fixes, pourtant. Lueurs d’un campement, qui se dessine faiblement au loin, au fil de leurs pas. Il est épuisé. Il en vient à se demander, Lionel, si ces lumières ne sont pas qu’un effet de son imagination, rassurante hallucination, jusqu’à ce que le verdict ne puisse pas être changé. Tout ceci est bien réel. Ils se rapprochent bel et bien de quelque chose. D’un point de repos, de repère, où ils pourront enfin cesser de marcher. Un coup d’oeil à Harald, qui marche bien lentement, mais qui refuse de se reposer. Trop fier pour avouer qu’il est aussi épuisé que les deux hommes, qui eux-mêmes n’ont pas pris le temps de s’arrêter. Il se penche et caresse doucement le haut de la tête de son Familier, les boucles salies par la poussière de la ville. On va y arriver.

Un regard à Géralt, discret, abrité par la pénombre qui nimbe le pirate. Il le devine, à la lueur des deux lunes, dessiné par leur douce lumière. Les traits finement dessinés, les longs cheveux emmêlés par leur cavale, la bouche pulpeuse, arborant une expression grave et décidée. Les yeux bleus qui, il le sait, ne faiblissent jamais.
Il ne le connaît pas et pourtant, il n’a pas hésité à le suivre. À l’aider. À le sauver.
Envers lui, il a plus qu’une dette d’honneur. Il a une dette de vie.

Il n’ose pas percer le silence qui les entoure depuis des heures. Il y trouve quelque chose d’apaisant, malgré la nervosité qui l’engourdit, à même mesure que la fatigue. Lorsque vous arrivez enfin au campement, non loin de l’Académie et de ses murs rassurants, qui te rappellent tant de bons souvenirs, Géralt est le premier à parler : « Qu'est-ce que…. Pourquoi tant de gens ont migré… ici ? Je ne sais pas », murmure-t-il en réponse, niant une vérité depuis des heures logée en lui. D’un geste, il rabat le capuchon de la cape sur son visage, puis suit son camarade jusqu’à l’orée du campement, juste à son entrée. Caché dans l’ombre, à distance prudente, il ne peut pas entendre les mots échangés avec l’inconnu. Seulement voir les réactions du pirate, qui sont… mitigées. Un froncement des sourcils, une grimace. Il parle de l’appel, lui transmet son Familier à l’ouïe fine, couché à ses pieds pour un bienheureux moment de repos. L’appel. Celui de la survie, a bien envie d’argumenter le Chevaucheur, mais il sait bien que ce n’est pas que cela dont il est question. Il l’a senti, cet appel, au fond de lui. Quelque chose qui s’apaisait, à chaque pas en direction du campement. Comme si la solution était là. Comme s’ils se dirigeaient au bon endroit.
Lionel, quant à lui, s’est avancé. Quelques pas à peine, dans le campement de fortune. À la recherche de visages connus, amis, alliés. Même ennemis, puisqu’il y est, mais qui sauraient lui prouver que tout ceci n’est pas vrai. Qu’il n’est pas le seul. Tu sais que tu n’es pas seul. Il le sait. Il y a Rackham.

Il y avait Liam.

Tout a été si vite. Lionel recommence à trembler. La pensée, vive, brutale, vient de le piquer à nouveau, après des heures sans se manifester. « Ce n’est pas important, dit l’homme dans son dos, bienveillant, sans sembler s’attarder plus longtemps à ce qui agace tant le Belliférien. On a peut-être une tente de libre, pour vous, si vous n’êtes pas trop regardant de la propreté des lieux. Au nord. » Au nord. Dans la direction où il s’est dirigé, l’Outreventois. Où il s’est arrêté, grande statue immobile au milieu des chemins qui commencent à se battre, à se former. Où tout, subitement, le frappe de plein fouet, lui donne la nausée. Ils n’ont rien pu faire, pour le sauver. Le monde tourne, encore et encore. L’homme tombe à genou, sans prévenir, incapable de rester debout quelques secondes de plus. De rester entier. Il est arrivé où il doit être. Il est là.

Il éclate en larmes, comme il ne l’a pas fait depuis longtemps.

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Géralt d'Orsang
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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptyJeu 25 Mai 2017 - 15:50

Une silhouette entre dans ton champ de vision, sur la gauche. Lionel. Il a choisi de ne pas attendre. Tu étouffes l'inquiétude qui te saisit et te reconcentre sur l'homme et sa réponse, aussi cryptique que les précédentes. Impossible de nier l'agacement qui t'envahit. Vous êtes épuisés, les nerfs à vif, et tu n'as qu'une hâte : que vous soyez en sécurité, que Lionel soit à l'abri. Il peut exploser à tout moment, tu le sens. Tu n'as pas le temps de jouer aux devinettes avec un inconnu. D'ailleurs, l'unique raison pour laquelle tu reste courtois avec lui est qu'il enchaîne avec des paroles qui apportent un semblant de soulagement à ton âme. Une tente pour vous. Au nord, non loin. Ton visage se radoucit et tu lui souffles un remerciement empli de gratitude, choisissant de mettre de côté ces histoires d'appel et de souvenirs. Pour l'instant.

Dans tous les cas, tu aurais voulu t'y attarder que tu n'aurais pas pu. Un bruit sourd te fait tourner la tête vers le mage. Tu fronces les sourcils en constatant qu'il s'est effondré au sol. Tu hoches la tête brièvement à l'attention de l'homme alors que, déjà, tes jambes te conduisent au brun. Tu n'es pas encore arrivé que des sanglots se font entendre ; tu presses le pas. L'air est bien trop silencieux et tu as l'impression que la tristesse de ton ami résonne plus qu'elle ne devrait dans l'air de la nuit.
Tu t'accroupis sans attendre auprès de l'Outreventois, son prénom en litanie sur tes lèvres, jusqu'à n'être qu'un murmure impuissant et douloureux. L'espace d'un instant, tu ne sais pas quoi faire, quoi dire. L'homme a tous les droits du monde de laisser parler sa peine, c'est même peu dire. Pourtant, là, au milieu d'un chemin de terre formé par les centaines de pieds qui peuplent ce camp, n'est peut-être pas l'endroit le plus adéquat. Tu ne sais pas si, demain, l'Outreventois ne t'en voudra pas de l'avoir laissé épancher sa peine dans un endroit déserté, certes, mais susceptible de laisser apparaître des yeux indiscrets.

En définitive, tu ne peux te résoudre à lui forcer la main, à l'interrompre et à lui laisser croire, même sans réelle intention, qu'il ne devrait pas pleurer. S'il a besoin de ce moment d'abandon, alors tu vas lui octroyer. Tu veilleras sur lui jusqu'à ce qu'il se calme. Tu hésites d'ailleurs à le prendre un instant dans tes bras, avant de te raviser. Ton instinct te souffle de garder tes distances, même si ton cœur ne désire rien d'autre que de le protéger du monde et de sa douleur, logé contre ton torse. Alors, tu te décales de façon à lui faire face, à un distance suffisante pour ne pas envahir son espace personnel. Un genou ramené contre ton torse, ton arrière-train posé sur ta jambe repliée sous toi, tu montes la garde pour lui, en silence, sentinelle déterminée et prête à tout pour accomplir sa tâche.

Un coup d'œil et tu constates que l'homme que tu as accosté est retourné sous sa tente. Tu lui adresses un remerciement silencieux devant sa plus que probable délicatesse. Tu reportes ensuite ton attention sur la forme avachie de Lionel et ton cœur se serre comme jamais. Tu aimerais pouvoir appliquer un baume sur ses blessures, sur ce qui brise son cœur, mais tu sais pertinemment qu'à part être à ses côtés s'il a besoin de toi, tu ne peux pas grand-chose en cet instant. Tu te contentes simplement d'aller tirer de tes deux mains sur le capuchon, à l'avant, pour que le visage du mage reste bien à l'abri sous le tissu, pour qu'il puisse donner libre court à sa souffrance sans craindre d'être scruté par toi ou par le reste du monde.

Au dernier moment, pourtant, en relâchant l'étoffe, sa détresse a en partie raison de ta décision. Tu cèdes au désespoir qui t'envahit à la vue de ton ami si mal en point. Tu te permets un seul et unique geste empli d'une retenue respectueuse : ta main droite va se poser un court instant sur son crâne recouvert, au-dessus de l'oreille. Une pression brève pour lui montrer que tu es là pour lui, que tu veilles sur lui, avant de ramener sans tarder ton bras vers toi.

La suite dépendra de Lionel et tu es prêt à l'attendre autant de temps qu'il le faudra.

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Lionel a toujours été un enfant émotif. Colérique. Emporté. Tempêtueux.
Livien était mesuré, autant que son jumeau ne l’était pas.
La vie, pourtant, a fait son chemin. Outrevent a fait sa marque, sur son fils. Réprimant en lui ces sentiments trop vifs qui font bien mauvaise figure, dans un duché où l’honneur et la dignité priment d’abord, où on respecte celui qui sait se contenir, qui sait se retenir, et agir avec sa tête, sans pourtant oublier son coeur. L’Académie lui a appris à contrôler sa magie et son caractère. Les embûches à réfléchir avant d’agir. Et le monde, tout entier, à garder en lui tout ce qui pouvait déranger, le déloger de ce chemin soigneusement tracé qu’il avait décidé de suivre.

Il fallait bien qu’un jour, il se brise.
Que les barrières cèdent.
Que le monde tourne à l’envers et revienne sur ses pas.
Qu’il redevienne, un instant, cet enfant.

Alors Lionel pleure. Il pleure cette fatigue qui le mine, qui l’alourdit, lestant chacun de ses membres de plomb. Il pleure la mort de Liam, si injuste, galvaudée par ces faux-semblants et ces mensonges qui entourent le trépas de cet homme qu’il a connu toute sa vie. Il pleure la mort de Livien, qui à chaque jour lui manque viscéralement, sans jamais qu’il puisse combler ce vide qui existe depuis en lui. Il pleure Lisbeth, tuée, sacrifiée déjà bien avant cela. Il pleure Lionel, cet homme qu’on a volé à une famille et à un peuple tout entier. Il pleure Iseabail, même, leur idiotie commune, à ces deux adolescents crétins et inflexibles qu’ils étaient et qui ont saccagé, en quelques mots, toute une amitié. Il pleure Braise, irrémédiablement absent dans son esprit. Il pleure Harald, si tristement caché. Il se pleure lui-même, sans savoir où cesser.

Lionel… lève-toi. Il ne peut pas. Il n’en a plus la force. Contre son genou s’appuie un corps chaud, contre sa main une laine bouclée et douce. On doit se mettre à l’abri. Pour moi. Pour Géralt. La douce pression de la main de Géralt, sur son crâne, rappelle l’homme à lui au même moment. Pression brève, qui le fait relever la tête et tourner ses yeux sombres vers lui. Non plus froids, comme ils ont pu l’être. Non plus choqués. Que tristes, d’une tristesse prenant racine dans une autre vie que celle-ci, dans des blessures qu’il ne peut pas comprendre. « Conduis-moi », qu’il réussit à articuler, à travers ses sanglots. Il sait qu’il doit le suivre, pour leur bien à tous les trois. Il ne peut pas abandonner, pas maintenant, alors que le pirate a tout fait pour qu’il reste en vie.
Il réussit à se relever. À suivre Géralt jusqu’à une tente vide, où ils trouvent quelques couvertures dans un état acceptable, une gamelle vide, un baquet d’eau claire, une chope de fer-blanc, une chandelle déjà entamée, qui s’allume d’un seul regard du mage. Ce n’est presque rien, mais c’est bien mieux que rien.

Il pleure encore. Pleure sur l’épaule de cet inconnu, de cet ami, lové contre lui. Lui qui évite tant les contacts physiques autres que ceux avec les membres très proches de sa famille (Liam Lisbeth Lionel Hadrien Eanna Aymeric) se retrouve à le chercher, à en avoir un besoin crucial, terrible. Besoin de s’accrocher, pour ne pas tomber une nouvelle fois, dans un abîme noir et sombre, sans fond. Il pleure tellement qu’il s’endort d’épuisement. Épuisé de tout. D’un coup de canon contre son crâne, d’un baiser et d’un coup de poing, d’une mort, d’une fuite, et de tant de larmes qu’il ne pensait jamais pouvoir autant pleurer. Lui qui a habituellement le sommeil léger, toujours prêt à intervenir en urgence au milieu même de la nuit, dort comme une masse, si bien qu’il ne remarque pas que son camarade se dégage discrètement de son étreinte quasi possessive, avant de quitter la tente. Seul Harald, aux aguets, repère le mouvement. Reviendras-tu ? Il ne veut pas être seul. Ils ne veulent pas être seuls.

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Message Sujet: Re: J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   J'irai chercher ton cœur, si tu l'emportes ailleurs ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée - Page 2 EmptySam 27 Mai 2017 - 3:06

Harald s'est rapproché lorsque l'Outreventois s'est mis à pleurer, les bruits provoqués par ses sabots atténués par le sol terreux. Il est à présent niché contre son mage et tu n'as pas besoin d'entendre leur lien pour savoir que le Familier s'adresse à lui. L'inquiétude irradie de lui et tu espères qu'il saura trouver les mots pour apaiser Lionel. Tu ne sais pas si c'est cela ou ton geste, voire les deux, qui semble ramener l'homme à lui, toujours est-il qu'il relève le visage et pose sur toi des yeux emplis de larmes. Ta gorge se serre et tu déglutis difficilement. « Conduis-moi », entre deux sanglots, et tu ne peux que hocher la tête brièvement, tant son regard te cloue sur place.
Tu te reprends bien vite, pourtant. Tu lui tends tes deux mains tout en te relevant, pour l'aider à en faire de même. Tu les retires bien rapidement une fois qu'il tient sur ses jambes. Tu connais la fierté qui accompagne le caractère de l'Outreventois. Tu la comprends, même. Tu te retournes donc sans attendre, replaces ton sac sur ton épaule et ouvres la marche. Tu jettes régulièrement des coups d’œil alentour, mais surtout derrière toi pour t'assurer que ton ami avance toujours, Harald près de lui. Tu calques ton rythme sur le sien et vous filez vers le nord du campement.

Une fois dans la relative sécurité de la tente, tu te permets de souffler, rien qu'un peu. Vous vous retrouvez bien vite éclairés grâce à la magie de Lionel et tu en profites pour poser ton sac tout en détaillant ce qui est laissé à votre disposition. Ce sera largement suffisant dans l'immédiat. Vous avez besoin de repos, tous les trois, surtout lui. Il n'est cependant pas en état pour cela. Les larmes emplissent toujours ses yeux et le flot d'émotions semblent revenir de plus belle. Cette fois, pourtant, tu vas vers lui et il s'accroche à toi autant que tu le soutiens.
Tu ne sais pas combien de temps vous restez là, toi, ton bras autour de ses épaules, lui, logé contre toi, les larmes ne tarissant pas. Tu lui murmures parfois des mots de soutien – « je suis là », « je te laisse pas », « ça va aller, ça ira » –, parfois tu te contentes de « shhhh » alors que ta main caresse doucement son dos. Parfois encore tu ne dis rien et te contentes de le serrer plus fort, de poser ton crâne contre le sien, la gorge serrée, les larmes au bord des yeux sans que jamais elles ne coulent, les yeux perdus dans le vide ou posés sur Harald, qui reste pressé contre son mage.

Vous finissez par vous allonger, Lionel toujours au creux de toi, et cela semble aider à apaiser ses pleurs, qui finissent par s'espacer, se raccourcir, se faire moins douloureux. Finalement, tu entends sa respiration s'allonger, se faire plus profonde, les minutes passant. Tu te doutes que son esprit est toujours aussi agité, mais la fatigue corporelle a eu raison de lui. C'est un léger soulagement qui t'envahit. Tu en profites pour tenter de te dégager de votre étreinte, afin de laisser à Lionel l'occasion de se placer dans une position plus confortable, mais son bras se resserre sur toi et tu te figes. Tu tentes à nouveau et la même chose se produit. Tu décides donc de rester où tu trouves et de tenter à ton tour de trouver le sommeil.
Seulement, maintenant que le chaos a laissé place à un silence et un calme passagers, ton esprit, lui, ne connaît aucun repos. Tes pensées fusent dans tous les sens. Tu revois ta journée avec ta mère et ta sœur, puis la soirée, où tout est allé à vau-l'eau. Tu ne comprends même pas comment Liam aurait pu renier son dieu, renier les Voleurs. C'est inimaginable, impensable. Ça n'a pas de sens. Comme tout ce qui s'est passé ensuite. Rien ne fait sens dans ton esprit et tu restes là, allongé, à fixer le plafond de la tente, l'esprit agité.

Un picotement s'est emparé de toi à mesure, glissant sous ta peau avant de se répandre à tout ton être. Il garde l'adrénaline présente dans tes veines et se transforme peu à peu en fourmillement suffisamment gênant pour que tu n'arrives même plus à te concentrer sur tes propres pensées. Tu gigotes légèrement, pour te replacer, tu raffermis ta prise sur Lionel, complètement endormi. Tu tentes de faire le vide en toi, tu fermes les yeux, tu inspires et expires doucement, tu t'y forces. Il ne disparaît pas. Alors tu poses ton crâne contre celui de ton ami, cherchant là un réconfort qui d'ordinaire aurait suffi à t'apaiser. Tu inspires et ton odorat décèles les effluves qui t'entourent : celle des eaux des canaux, d'abord, prédominante, puis celle de ton ami, moins perceptible mais rassurante par sa familiarité, et, enfin, celle de terre, humide mais bien réelle. Tu fais ton possible pour te concentrer là-dessus, pour détourner ton esprit de cette sensation parasite… En vain.

Tu expires fébrilement, les battements de ton cœur pulsant à tes tempes, et décides qu'il te faut sortir de cette tente ou, du moins, occuper ton esprit, tes mains, ton corps. Alors, aussi délicatement que possible, tu entreprends de te défaire de la prise de ton ami. Par précaution, tu murmures contre son crâne : « Je reviens, dors, Lionel. » Tu réussis ensuite à t'extirper de votre étreinte sans le réveiller. Soulagé, tu attrapes une des couvertures et le recouvres avec délicatesse. Tu saisis ensuite ton sac au passage et soulèves le pan de tissu qui bloque l'intérieur de la tente à la vue de tous.

Reviendras-tu ? Tu sursautes légèrement à l'intrusion dans ton esprit. Ton regard se tourne vers Harald, posté près de Lionel. Tu lui réponds dans un murmure que tu veux rassurant : « Je reviens de suite, je vais simplement chercher un bout de tronc. » L'un de ceux qui trônent dehors, près des cendres d'un ancien feu. Tu en saisis un, entaillé sur toute sa partie supérieure, censé servir de siège. Tu le fais rouler jusqu'à l'entrée de la tente, discrètement. Puis, tu retournes à l'intérieur, où tu saisis la gamelle sale. Tu la retournes pour enlever ce qui traînerait dedans, avant de la nettoyer, à l'aide d'un pan de ta chemise – pas forcément très propre non plus, mais cela fera l'affaire. Tu y verses ensuite de l'eau de ta gourde et la déposes non loin des pieds de Lionel. « Au cas où, Harald. » Tu bois ensuite une goulée, deux, avant de déposer le contenant près de Lionel, pour son réveil – tu n'es pas convaincu de la qualité de l'eau dans le baquet, aussi claire soit elle. Tu t'installes ensuite devant le tronc d'arbre et sors ton carnet du sac. Tu défais la protection de cuir, détrempée, mais qui a su protéger ton bien précieux ainsi que tes quelques fusains. Un léger sourire s'invite sur tes lèvres, rassuré, puis tu t’attelles à la tâche.

Tu relates les événements de ta journée dans un style simple et peu élégant, mais qui te suffit. L'amarrage à Lorgol, les retrouvailles avec ta mère, l'après-midi avec ta famille, ton retour à l'Audacia. Puis, avec plus de détails, le mousse, Lionel, la fuite, les canaux, les crocodiles, Harald, le trajet jusqu'à l'Académie, l'homme au ton cryptique, la détresse de Lionel, votre tente, son assoupissement, ton incapacité à dormir. Tu n'entres pas dans tous les détails, mais tu décris ce qui t'a le plus marqué, tes doutes, tes peurs, ce que ton esprit a conservé avec plus de clarté. Tu écris sans relâche, à la lueur de la bougie, le monde extérieur momentanément oublié, avec pour seule compagne cette espèce de démangeaison qui ne te quitte pas, qui demande à être grattée, curée, sans que tu ne puisses rien y faire.
Elle ne lâche pas prise. Tu as beau écrire, détailler, exorciser, elle reste là, logée dans chaque centimètre carré de ta peau. Elle grignote, elle aiguise tes nerfs, toujours plus vicieusement. Ta respiration se fait plus difficile à mesure de ton écrit et tu ne comprends pas. C'est comme si elle essayait de te presser, de te faire comprendre quelque chose, mais qu'elle te parlait dans un langage inconnu. Tout ça te rend fébrile, te donne envie de te lever, de rejoindre… quelque part, quelqu'un, quelque chose, sauf que tu n'y comprends rien et ça t'énerve.

Tu es en plein milieu d'une phrase – C'est à rendre fou, je suis sûr que- – quand tu es contraint de fermer les yeux car la tête te tourne. Ta main va s'appuyer au sol pour éviter que tu ne tombes à la renverse. Tes paupières papillonnent un instant avant de se soulever sur des yeux écarquillés. Désorienté, tu halètes légèrement et ton regard se porte sur ton entourage immédiat. A gauche, la nuit, des tentes, des feux de camp en train de mourir ; à droite, l'intérieur d'une tente, une bougie, un homme endormi, un mouton près d'une gamelle qui te fixe. Tu le fixes en retour, complètement éberlué. « Qu'est-ce que… ? » La scène est tellement irréelle que tu ne bouges pas d'un iota. Est-ce que tu rêves ? Est-ce que tu as trop bu ? Est-ce que tu as pris des drogues ? Ce n'est pas ton genre, mais vu les circonstances, tu ne peux exclure cette possibilité.

Tu étais à bord de l'Audacia. Tu étais sur le pont. C'est ton dernier souvenir. Tu crois. Tu n'es plus sûr de rien. Tu essaies de te souvenir d'une beuverie la soirée précédente. Rien. D'un coup sur la tête ou d'une blessure quelconque qui pourrait expliquer ce trou noir. Rien encore. Cela n'a pas de sens. Tous tes sens sont déroutés et tu es incapable de te situer dans le temps, dans le contexte actuel.
Tu lâches le mouton des yeux et les poses sur ce que tu tiens dans ta main – un fusain – et sur ce qui te fait face – un carnet relié. Tu étais en train d'écrire. Tu lâches le fusain et te saisis avec empressement du carnet. Tu lis les dernières lignes mais cela accroît ta confusion plus qu'autre chose. Alors tu reviens en arrière de plusieurs pages. Tu trouves la date : 30 avril 1002. L'année est la bonne mais tu aurais loupé un mois entier ? C'est impossible. Comment peut-on oublier 30 jours de sa vie, par Messaïon ? Tu déglutis, en panique, les mains tremblant légèrement.

Tu lis le dernier jour mais c'est à n'y rien comprendre. Le prénom Lionel revient régulièrement ; tu en déduis qu'il s'agit de l'homme couché non loin. Harald revient régulièrement, mais l'homme semble avoir disparu. Il ne reste que le mouton, qui est retourné se coucher près de… Lionel. Tu passes une main dans tes cheveux puis sur ton visage et tu laisses échapper un grognement de douleur. Ton nez. Il est abîmé. Cassé ? Enflé, pour sûr. Qu'est-ce que c'est que ce foutoir ? Tu paniques de plus en plus. Surtout qu'il est fait mention de ta mère – ta mère ? –, de ta sœur – Capucine ? –, de gens dont tu ne connais rien, de ton hamac à bord de l'Audacia… Tu fais défiler les pages précédentes et tu n'as aucune de qui est cette personne qui relate sa vie, vie qui t'est inconnue. Il s'agit pourtant de ton écriture : elle a beau être plus rustre, moins bien formée, ce sont tes mots. Il n'est nulle part fait mention de Désirée, de Gédéon, d'Eponine. Tu lis Cap'taine Rackham, mais le seul Rackham que tu connais, de nom, est un capitaine de Chevaucheurs. Tu n'en reviens toujours pas, mais tu cites Louise, ta mère. A tes côtés. Cette constatation te brise le cœur, d'une certaine manière.

Tu fermes les yeux soudainement car la tête te tourne à nouveau et tu as du mal à respirer. Tu cales ton visage entre tes mains et tu te forces à inspirer, expirer plus calmement. Tu dois réfléchir, bon sang. Il y a forcément une explication à tout ça. C'est obligatoire. Sinon, cela voudrait dire que tu as perdu l'esprit et tu refuses d'envisager cette solution. Tu inspires donc un grand coup et te redresses. Tu poses tes yeux sur l'intérieur de la tente. Tu te penches en avant, en appui sur tes genoux, et tu entrevois le visage de l'homme, qui te semble familier. Un peu. Tu n'arrives pas à resituer son visage. Quel est le lien qui vous unit pour que tu sois tranquillement installé non loin de lui, qui dort à poings fermés, dans la même tente ? Surtout qu'il est marqué dans le carnet que… que… Tu saisis à nouveau l'objet et tentes de retrouver la page, la ligne…. Voilà. Qu'il s'est endormi d'épuisement, de détresse, dans tes bras, à tes côtés. Cela n'a aucun sens. Si tu entretenais une telle relation avec un homme tel que lui, tu t'en souviendrais, tout de même. Il le faudrait ; tu le voudrais, en tout cas. Ce ne serait que sottise et gâchis, sinon.

Tu inspires à nouveau et te replaces correctement. Tu  baisses le menton et observes les vêtements que tu portes : ils n'ont rien à voir avec ton style belliférien habituel. Tu te fais plutôt penser à certains de ces pirates que tu as pu croiser sur les quais de Lorgol. Ceux qui ont toujours vécu cette vie et dont chaque élément de leur personne en témoigne. Tes yeux se posent sur le sac à côté et tu le fouilles. Tu y trouves des vêtements, de la nourriture, un couteau dans son fourreau, quelques fusains emballés, un bijou que tu ne reconnais pas. Il y a peu de doute quant à l'appartenance de ce sac, grâce aux fusains, mais tu ne te reconnais pas là-dedans non plus. Tu ne te reconnais pas tout court. Tu as l'impression d'avoir atterri dans la vie d'un autre… toi ? Tu fermes les yeux ; ta gorge se serre.

Plus rien n'a de sens et tu ressens de plus en plus l'envie de fuir cette tente. Pour comprendre. Pour… faire quelque chose. Tout ton corps te démange et tu sens cet appel dans ton torse, qui te dit d'aller ailleurs. De faire quelque chose de précis, même si tu ne sais pas quoi. Tu étouffes un peu. Alors tu te lèves et tu commences à quitter la tente.
Pourtant, tu ne peux te résoudre à quitter l'endroit sans un mot en arrière. Tu as lu les phrases de ce jour. Lionel, en danger. Tu ne sais pas qui il est, mais tu… ton autre toi ? Cette autre personne était on ne peut plus décidée à protéger l'homme endormi. Tu sens dans ta poitrine quelque chose. De la culpabilité ? De l'inquiétude ? Tu ne sais pas, tu ne comprends pas grand-chose à ce qui se passe en toi, en cet instant. Tu ressens le besoin de partir, mais celui de rassurer, de protéger, sous-jacent et moins fort, persiste. Alors tu te retournes, tu arraches une feuille du carnet où tu écris à la hâte quelques mots : « Je reviens au plus vite. Géralt. » Cela devra faire l'affaire. Tu déposes le mot à côté de l'homme et retraverses la tente. Ton regard croise celui de l'animal par inadvertance et tu ressens le besoin de te justifier, aussi étrange que cela puisse paraître. Tu hésites un instant, te traitant intérieurement de fou – un mouton, par Callia ! –, avant de murmurer : « Je serai de retour. » Le ton est hésitant, tu fronces les sourcils, mais tu sais, en ton for intérieur, que c'est la chose à faire, que tu reviendras, même si ça n'a pas de sens.

Tu ne t'attardes pas. Tu relègues cette pensée en fond, soulèves le pan de tissu en secouant la tête et tu te concentres sur cette démangeaison, qui devient de plus en plus désagréable. Tu sais que tu dois aller quelque part. Tu le sens et tu décides de faire confiance à ton instinct. Malgré le monde que tu ne comprends pas. Malgré ce trou noir d'un mois. Malgré le bon sens.
Tu regardes à droite, à gauche, puis tu t'enfonces dans la nuit, avec pour seuls soutiens ce carnet qui n'a ni queue ni tête dans ta main et ton arme dans son fourreau.

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Bien joué, petits dragonnets !




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