L’arrivée de Liry est digne d’un grand spectacle. Si Rhapsodie n’avait pas été prévenue de son arrivée, elle aurait peut-être agi exactement comme les autres filles, à leurs hurlements près. Parce qu’elle a beau ne pas être très grande ni très épaisse, elle fait peur, à crier et à s’agiter dans tous les sens. L’une des deux vipères, la brune, celle qui lui a attrapé le bras, se prend les pieds sans ses chaussures – ou ses jupons, elle n’a pas exactement vu, Rhapsodie – et tombe à la renverse, faisant naître sur ses lèvres un sourire vite dissimulé derrière sa main plaquée sur sa bouche. Elle sait que c’est mal, de se moquer. Elle se souvient aisément des fois où les autres enfants se moquaient d’elle, petite, alors qu’elle peinait à se faire comprendre et voulait simplement jouer avec eux. Et elle ne souhaite à personne de connaître la même chose, avec le même sentiment de culpabilité, de honte et de regret qu’elle. Mais la situation est drôle. Les deux vipères, terrassées par la tornade Îlienne bien plus jeune qu’elles, ne pourront plus l’embêter, maintenant que Rhapsodie l’a vue jupons à l’air. Des jupons sacrément abîmés, d’ailleurs. La pauvre ne doit pas avoir la chance de vivre dans une famille aisée, contrairement à la jeune Cibellane. Elle se dit que plus tard, peut-être, elle pourrait lui proposer de lui prêter les siens, si elle a besoin. Pas maintenant. Là, elle est bien occupée avec Liry à ses trousses. Et elle n’accepterait jamais son aide. La Lagrane ne l’apprécie guère, et elle verrait peut-être sa proposition comme une autre humiliation, ou une moquerie de sa part. Il n’en serait rien, mais comment anticiper sa réaction ?
C’est avec un amusement non feint qu’elle suit des yeux la course de ses camarades, jusqu’à les perdre de vue alors qu’elles tournent le coin. Elle entend encore des cris, des gros mots aussi, des bruits de pas pressés… Puis plus rien. Elles sont parties. Un instant, elle croit que la blondinette aussi est partie. Mais elle revient vite, encore cachée sous son drap de fantôme, en riant et jubilant. La Cibellane lui sourit, et hoche la tête. Oui, elle a vu. Et elle est contente que ça ait aussi bien marché. Peut-être qu’elles vont arrêter de l’embêter pour de bon, maintenant.
Elle est un brin surprise par le câlin spontané que lui offre la jeune Savante, alors que le drap la quitte pour choir au sol. Câlin suivi de remerciements. La Cibellane sourit, et referme ses bras autour d’elle. Elle aussi, est contente. Et elle aussi, doit lui dire merci. Mais elle n’a pas trouvé de geste plus parlant que celui de rendre un câlin pour la remercier, alors elle ne bouge pas. Et elle sourit, encore, en l’entendant l’appeler à nouveau Sodie. Oui, elle aime véritablement ce surnom. Il est joli, et personne ne l’appelle comme ça, à part Liry, ce qui le rend encore plus unique.
Finalement, elle se détache de sa nouvelle amie. Il se fait tard, elle croit que les cours vont bientôt reprendre. Et elle n’aimerait pas arriver en retard, alors qu’elle n’est ici que depuis quelques jours. Et puis, elles doivent offrir un curieux spectacle, toutes les deux au milieu d’un couloir, avec le drap au sol. Drap qu’il faudrait mettre en sécurité avant que quelqu’un ne découvre leur secret ! Alors, elle se penche pour ramasser le drap et le plier rapidement pour le fourrer entre les bras de la fillette. Elle lui montre le drap, puis le torse de son amie. Pour toi. Puis elle indique une porte qui s’ouvre non loin, et les étudiants qui commencent à en sortir, puis son propre buste, et mime avec les doigts une personne qui marche. Je dois aller en classe. Elle lui sourit grand Puis elle les montre elles deux, et fait un pett moulinet de la main, l’air interrogatif. On se revoit plus tard ?