CHAPITRE I Tout doit se faire dans le silence, avancez-vous et taisez-vous. Avant de voir,
écoutez. Fermez-les yeux, prenez une grande inspiration, expirez, détendez-vous. Vous l'entendez désormais cette mélodie. Est-ce qu'elle suscite en vous ce qu'elle suscite en moi ? La paix, mais aussi l'aventure ? Une musique qui apaise et qui éveille en vous de vieille histoire d'héroïsme, d'épées et de dragons, de bravoure... Des vestiges du passé, des histoires aujourd'hui oubliées, devenu légende.
Vous y êtes presque. Vous êtes dans un lieu ou règne la paix, un lieu de souvenirs, un lieu où la musique et les contes vous berceront nuit et jour.
Vous pouvez ouvrir les yeux maintenant. Reprenez votre marche. Les mélèzes vous cernent de toute part, les épicéas vous dominent, vous marchez sur une terre meuble, légèrement humide. La pluie ? Non, il fait toujours humide ici, une humidité qui a du mal à s'évacuer tant les feuillages sont nombreux. La lumière elle-même à du mal à percer. Si vous souhaitez du soleil, il faudra encore marcher. Vos pas sont silencieux, étouffés par les feuilles mortes, une branche craque ici et là, des oiseaux chantent, le son aussi semblent étouffés ici. Pourtant, vous percevez toujours la musique et vous avancez vers elle.
Elle se rapproche et vous n'entendez pas une mélodie, mais plusieurs, des douces, des rapides, des qui vous endorment, des qui vous font bouillonner. Vous accélérez le pas. Ceux-ci vous mènent au pied d'un arbre gigantesque, il obscure votre vue, mais vous savez que ce que vous cherchez se trouve derrière. Vous levez les yeux vers ce séquoia. Il est sûrement l'arbre le plus majestueux que vous n'ayez jamais vu. Sa cime côtoie les dieux, nul doute que Cerah la Dorée y apporte une attention particulière.
Vous contournez l'arbre. La musique est forte maintenant. Vous entendez des rires, des cris, des voix d'enfant, de nombreux chants. Vous courez presque, vous avez contourné le séquoia.
Enfin, vous y êtes. Vos yeux mettent quelques secondes à s'habituer à la luminosité après cette forêt sombre. Le soleil qui se réverbère sur un lac gigantesque vous aveugle quelques instants. Vous savez que c'est un lac et vous voyez, au loin, sur la ligne d'horizon, un léger relief. Des bateaux vogue sur cette étendue d'eau, vous percevez des voiles ici et là qui profitent d'une légère brise pour se déplacer sur les eaux calmes.
Votre regard quitte l'horizon pour se porter vers la rive du lac où de nombreuses tentes sont dressés. Des petites, des grandes, de multiples couleur, mais c'est le jaune qui domine. De nombreuses fumées éclosent entre les allées des tentes, toutes portent avec elles une délicieuse odeur de viande et de poissons grillés. De nombreuses personnes se bousculent sous les différentes tentes, marchand et client négocient avec entrain. La noblesse côtoie la roture, comme à Euphoria. Après tout aujourd'hui, c'est l'euphorie, un jour de fête !
C'est d'ailleurs pour cela que vous êtes là. Que vous soyez marchand de tissu, aubergiste, roturier, noble, en ce jour, il y a une place pour vous à la fête. Par contre, si vous êtes barde, jongleur, cracheur de feu, conteur, poète, non seulement vous avez une place à la fête, mais aussi au château du baron.
En effet, à Sombrechant un accueil particulier est fait aux artistes, plus particulièrement aux bardes. Le baron de Sombrechant n'est pas quelqu'un de très important dans le monde politique de Sombreciel, néanmoins ses terres génèrent des revenus suffisant pour permettre à la baronnie de mener une vie confortable. Le bois, la baronnie comporte de nombreux bois exploités pour en tirer des matériaux de construction. Le sureau, au nord du domaine, est cultivé afin d'en tirer une liqueur sucrée, fortement apprécié par les femmes et ce, dans tout Arven.
Le baron ne roule toutefois pas sur l'or, car il est dépensier. Il organise régulièrement des événements à sa baronnie, des fêtes la plupart du temps, des chasses à courre suivi d'un banquet, tout est prétexte à la fête. Le baron, aime particulièrement la musique, les contes populaires, les chansons paillardes. Lothar est le dernier d'une longue lignée de baron. Une lignée qui a vu le jour avec Lloris. Un barde particulièrement doué. Le Duc de Sombreciel lui aurait donné la baronnie de Sombrechant pour récompenser son talent. Les mauvaises langues disent que le barde avait des talents bien plus significatives dont seule la duchesse était bénéficiaire. Vrai ou pas, ce ne sont que des racontars. Les années ont passé et la baronnie de Sombrechant appartient toujours au descendant de Lloris. Voilà pourquoi à Sombrechant les arts ont une place importante, c'est ancré dans leurs gênes.
D'ailleurs puisqu'il est question de descendance... Aujourd'hui, c'est le fils cadet de Lothar qui est à l'honneur, sa naissance aussi est une bonne excuse pour les festivités. Bien-sûr, les festivités sont moindres que lors de la naissance de Lloris, l'aîné de Lothard, mais comme vous pouvez le voir, cela reste tout de même une fête honorable.
Pour vous, il est maintenant l'heure de vous joindre à la danse, à la fête, n'êtes-vous pas là pour ça ? Allez, venez et danser, venez et chantez ! Enivrez-vous jusqu'à oublier votre nom, forniquez avec qui le souhaite, homme ou femme ou même les deux, ici, pas de tabous, il n'y a que le plaisir qui compte ! À Sombrechant, le plaisir prime.
Vous êtes toujours là et le temps s'est doucement écoulé. Vous êtes le spectateur de ce temps qui défile, du changement. Un mouvement lent mais constant.
La vie à Sombrechant est toujours aussi heureuse. Jamais baronnie ne portait aussi son nom que celle-ci. Les chants sont nombreux, certes, mais rarement sombre. Les allées et venus sont nombreux dans la baronnie et il y a toujours de bonnes histoires à écouter et des personnages singulier à regarder. Cela n'échappe pas au regard du petit Léandre. Il a deux ans maintenant et il grandit à bon rythme. Son père est heureux, son fils sera robuste ! Ce qui n'est pas le cas de Lloris, le frère de trois ans l'aîné de Léandre. Lui, est un enfant chétif. Souvent malade, un corps frêle, un regard cerné, sombre. Lloris a toutefois survécu à ses premières années de vie alors que ne l'y prédisposait.
Léandre, dans sa chambre, dort paisiblement. Au loin, la musique. Un barde est de passage, comme souvent. L'enfant s'agite dans son petit lit à barreau. Il remue, il sert ses petits poings, il gémit. Une fois. Deux fois. Les pleures de l'enfant ne tardèrent pas. Des pleures longs et stridents. Il appelle à l'aide. Des images qu'il ne comprend pas, mais qui font peur l'ont dérangé dans son sommeil. Il veut sa maman, mais elle ne l'entend pas. Maman est en train d'écouter un barde.
Pourtant, la porte de la chambre s'ouvre doucement. Et une petite silhouette s'approche du lit. Le petit Léandre reconnaît à la lumière du couloir, son grand-frère. Il sourit et l'appel par son prénom. Il ne le dit pas bien, mais il apprend.
«
Lloli' ! »
Bébé Léandre sourit. Son frère s'approche et passe un bras à travers les barreaux du lit. Il pose sa main sur le visage de son petit frère. Comme à son habitude, le regard de Lloris est sombre, mais ce soir, il y a quelque chose en plus dans ce regard, quelque chose qui n'a rien à faire dans le regard d'un enfant. La main de Lloris ce pose sur la bouche de Léandre. Son autre main passe à travers les barreaux et vient se poser sur le nez de l'enfant. Et il pince. Petit Léandre ne pleure plus. Petit Léandre ne réagit pas de suite. Puis il se mit à gigoter. Ses bras en premier, puis ses jambes, il ne comprend pas. Ça chauffe dans son corps, ça brûle, ça fait mal, mais il ne peut pas crier. Où est maman ? Si maman était là, cela irait mieux ! Mais maman n'est pas là. Maman écoute un barde.
Il est alors seul avec Lloris. Mais son frère lui fait mal, Léandre n'aime pas ce jeu. Lloris non plus apparemment, il pleure. Lui aussi il a mal ? Petit Léandre ne comprend pas.
«
Papa te préfères ! C'est ta faute ! Ta faute... »
Lloris pleure. Il aime son petit frère, mais depuis que celui-ci est plus grand, son père l'a presque oublié lui. Qu'est-ce que Léandre a de plus que lui ? Lloris, tremble, pleure et relâche enfin sa prise sur son petit frère. Il le regarde quelque instant. Petit Léandre se sent soulagé, ça fait moins mal dans son corps. Et maman n'est toujours pas là. Il tend ses petits bras vers son frère. Celui-ci ne bouge pas et se contente de le regarder, les yeux ébahis. Combien de temps s'écoule ? Aucune idée, il semble tourner au ralentit. Finalement, Lloris remet la couverture sur son petit frère et s'enfuit en courant. Petit Léandre est calmé, il se rendort. Dans le château, le calme s'est finalement installé. Le barde a fini de jouer.
CHAPITRE II Les années ont passé. Les événements de cette terrible nuit ce sont estompés et seul Lloris est le détenteur de ce lourd secret, un secret qu'il a refoulé au plus profond de son esprit, mais qui le hante certaines nuits.
L'aîné de la jeune fratrie a changé, il est moins chétif qu'autrefois et il est plus souriant, néanmoins sa santé est régulièrement préoccupante. Il essaie de faire bonne figure, mais il ne dupe personne. Léandre de son côté, grandit, se développe, sans le moindre soucis. Enfant joyeux, robuste, il déborde d'énergie. Néanmoins, il passe beaucoup de temps aux côtés de son frère et partage avec lui des activités plus posées. Ce qu'ils préféraient, c'était qu'on leur raconte des histoires. Au pied du majestueux séquoia, ils pouvaient rester des heures à écouter des histoires. Ils ne posaient pas de question, ils se contentaient d'écouter et de vivre une vie héroïque par procuration.
Les deux frères sont fusionnels. Léandre passait son temps à faire le pitre pour faire rire son frère souvent malade. Il défendait aussi l'honneur de son frère lorsqu'ils jouaient avec les enfants du château. Son frère et ses compétences sportives étaient souvent sources de quolibet chez les plus jeunes, du coup Léandre n'hésitait pas à déclencher des bagarres.
Cela ne déplaisait pas à son père qui ne voulait pas que son fils se « comporte comme un sauvage ». Sa mère, elle, ça la faisait rire.
La dame de Sombrechant, Margot. La mère de Léandre, la fille d'un noble originaire du nord de Sombreciel, elle, a des origines erebiennes ce qui explique son caractère bien trempé. Margot est d'une grande beauté, de long cheveux bruns foncé, de grands yeux auxquels rien n'échappe et un très beau sourire. D'ailleurs Lothard est très fier de ce mariage arrangé, lui, qui est un homme sophistiqué, se devait d'avoir une femme à son image. Lothard et Margot règne sur la baronnie en égaux et les problèmes importants de la baronnie sont bien souvent gérés par la matriarche.
C'est à l'âge de 9 ans que la relation de Léandre et Lloris prit un tournant important. Lors d'un hiver un peu rude, Lloris alors âgé de 12 ans tomba gravement malade. Maladie dont il guérira, mais où il en ressortira affaiblit par des soucis pulmonaires.
Léandre passait ses journées auprès de son frère. Il ne mangeait plus, ne sortait plus, ne souriait plus. Son frère était souvent malade, mais là, c'était plus grave que d'habitude. Et c'est Lloris qui, malgré son état de fatigue, essayait de changer les idées de son frère.
Il lui raconta lors une histoire.
«
Tu connais les aventures du guerrier Elander? »
«
Non... »
«
C'était … Humhum... c'était un grand guerrier de Bellifère ! »
«
Pfff.. J'suis sûr tu l'as inventé. »
«
Juré craché que non ! »
«
Crache alors ! »
Lloris crache dans sa main et serre la main de son frère ! Léandre se détendit, on ne ment jamais sur un juré craché !
«
C'est bon, t'es rassuré ? * tousse *
Hum... Donc le guerrier Elander était un guerrier très puissant. Mais avant ça, c'était juste un homme issue de la petite noblesse. Humhum... Engagé comme soldat, il se battait surtout contre des brigands, protéger les fermes... Il n'était pas très connu mais il était très courageux. Un jour, alors qu'il protégeait un convoi d'or destiné au Duc de Beffi, Belli * tousse fortement *
Pardon... »
«
Tiens bois ! »
«
Merci... Donc, l'or était destiné au duc de Bellifére, sauf que le convoi ce fit attaquer ! Les assaillants étaient au moins 20 et Elander et ses compagnons n'étaient que 4. Ils se battirent avec bravoure, mais au final Elander fut capturé et ses compagnons tués. Mais Elander était malin et pendant que les brigands se soûlaient pour fêter leur victoire, Elander se détacha et prit la poudre d'escampette! Il alla voir le Duc de Bellifére pour lui dire ou était son or, mais quand le Duc se rendit sur place les brigands étaient partis ! Le Duc hurla de colère et désigna Elander comme le complice de ce vol et il le condamna à mort. Elander se jeta à ses pieds et le supplia : « Pitié mon seigneur ! Je n'ai rien à voir avec ça, je vous suis fidèle et loyal ! Grâce, je ferais tout ce que je peux pour me faire pardonner ! » Le Duc réfléchit alors : « Soit ! Et bien, dans ce cas j'ai une mission pour toi ! Une terrible créature retient ma princesse dans une grotte ! Va et délivre là. Si tu me la ramène avant la prochaine lune, alors, la sentence est levée. Par contre si tu n'es pas revenu à temps je te déclare ennemi du duché et ta tête sera mise à prix ! » Elander se jeta alors au pied du Duc et le remercia pour sa clémence ! Elander bien décidé à vivre, fit son baluchon et partit délivrer la princesse. La créature habité dans un marais puant, avec des moustiques gros comme des corbeaux, des serpents et des crocodiles. Elander marche encore et encore au milieu des marais mais sans jamais trouver la princesse. Désespéré il s'assoit sur une souche d'arbre et ce mit à prier Volga la Vagabonde de lui indiquer le chemin ! Au bout d'un moment, une lumière se mit à voleter devant lui. Voyant là un signe Elander sauta sur ses jambes et se mit à la suivre. Le marais était immense et il était facile de s'y perdre, mais avec la sphère pour le guider, il arriva bien vite à destination.
Il se retrouva devant une grotte. Il n'y avait ni princesse, ni créature. Elander alluma une torche, sortit son épée et fonça dans la grotte. »
Lloris regarda son frère allongé à côté de lui. Il s'était endormit. Depuis combien de temps, il ne saurait dire. Il mit une couverture sur son frère et éteignit la lumière. Lui aussi avait sommeil.
Tiens, sa toux s'était calmé.
Deux ans ont passé depuis l'histoire d'Elander. Léandre avait compris que ces histoires étaient inventées et Lloris, lui en contait à chaque fois qu'il était malade. L'aîné de la baronnie était très doué pour conter, mais aussi pour écrire. Il passait beaucoup de temps à étudier, à lire, notamment des récits historiques, avec des notes d'héroïsme et il s'inspirait de tout ça pour écrire les histoires d'Elander.
Léandre de son côté étudiait, mais ce n'était pas son point fort. Ce qu'il préférait, c'était ses leçons d'équitation. Il passait le plus de temps possibles dehors. Il fréquentait les enfants des serviteurs du château et ceux du village aussi. Il ne comptait plus le nombre de fois où il revenait couvert de boue, de bleu et parfois de sang. La grande passion de Léandre, au plus grand désarroi de son père, c'était de se battre à l'épée ! Soyons d'accord, son épée était une branche d'arbre et ses valeureux ennemis, le fils du maréchal-ferrant, le fils du forgeron et le fils meunier.
Il commençait aussi à développer son intérêt pour les filles et il ne pouvait s'empêcher de faire le coq quand il était avec ses amis. Ce qui était souvent cause de bagarre complice, car la susceptibilité du garçon était déjà exacerber à 11 ans.
Un jour où il rentrait au château, plein de poussière, vêtement déchiré, son père lui tomba dessus, comme un aigle sur une souris. Le garçon n’eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait que son père le souleva par le col.
«
Tu as vu dans quel état tu es ? Et tu saignes en plus ? Qui tu as fais ça ? Tu peux pas t'empêcher de te conduire comme un sauvage ! Ce n'est pas une façon de se comporter ! Tu es mon fils ! Ce n'est pas comme ça qu'on se conduit sous mon toit ! À te traîner dans la fange et la boue comme un pécore !
Quel image tu donnes !...»
Derrière, à moitié dissimulé dans l'ombre, Léandre voyait son frère qui essayait de dissimuler un fou rire. Situation délicate, car Léandre avait envie d'éclater de rire, mais son père continuait de vociférer et il ne pût retenir un sourire.
«
Tu souris ? * Grosse gifle*
Quoi ? Je croyais que tu aimais ça te battre ? Tu vas m'écouter petit sauvage, on va aller à Euphoria et je compte sur toi pour que tu te tienne tranquille ! »
«
Père ! * Lloris s'approche *
Je peux venir avec vous ? J'ai toujours voulu voir la capitale de notre duché ! »
«
Toi tu resteras avec Hubert, tu prendras ma place et tu apprendras à gérer la baronnie durant mon absence, à ses côtés. »
«
Mais père... »
«
Pas de mais ! Puis, dois-je te rappeler que ta santé plus que précaire ne te permets pas de voyager comme tu le souhaites ? Nous nous y rendons pour présenter nos félicitations au Duc et saluer le prince héritier, ta présence n'est pas indispensable. »
«
… Bien père ! »
«
Lloris, tu apprendras à ton petit frère toutes les notions protocolaires et aussi tout ce qu'il doit savoir sur la noblesse du duché, les territoires, la hiérarchie et tout ça. Tu es mon héritier et il en va de mon image autant que de la tienne. »
«
Je sais déjà tout ça père, Lloris n'a pas à... »
«
Tais-toi ! Nous partons dans une semaine, j'attends de toi que tu te tienne à carreau, sinon, tu resteras ici et tu nettoieras les écuries, quitte à te traîner dans les fèces, autant faire ça de manière utile ! »
Le baron tourna les talons et disparut dans le château laissant les deux frères déroutés. Il était rare que le baron leur père s'énerve, même s'il n'appréciait pas toujours le comportement de Léandre, mais celui-ci était un enfant. Mais il semblerait qu'il était temps de laisser un peu l'enfance de côté.
Ce qui inquiétait davantage Léandre, c'était son frère. Celui-ci avait le visage crispé et les yeux larmoyant.
«
Lloris, je ... »
«
Tais-toi donc. Tu ne comprends rien, tu ne comprendras jamais rien, sot que tu es. »
Et il tourna les talons et disparut dans les étages.
Léandre se retrouva seul. Le petit hall du château était écrasé par un silence de plomb dont seul les paroles de Lloris faisaient échos. Mais il savait bien que c'était dans sa tête que ça sonnait.
Qu'est-ce qu'il ne comprenait pas ?
La semaine des préparatifs fut pas mal agité, enfin... pas pour tout le monde. Léandre s'ennuyait ferme et la joie d'aller à Euphoria n'était pas au rendez-vous. Pourtant, il avait toujours souhaité y aller, voir la capitale, lui qui n'était jamais allé plus loin qu'à la baronnie voisine.
De son côté, Lloris ne sortait pas de sa chambre et Léandre le voyait quatre heures par jour. Quatre longues heures à apprendre la géographie de Sombreciel, sa démographie, les coutumes du duché du nord au sud, les règles de politesse selon les titres etc. Et le pire dans tout ça, c'est que Lloris ne le regardait pas, si ce n'est pour lui faire des remontrances.
Léandre n'osait pas lui poser la question qui le taraudait : Qu'est-ce qu'il ne comprenait pas ?
Lloris avait toujours été plus malin que lui, il était plus âgé, il n'avait aucun mal à reconnaître son ignorance, mais il ne savait pas de quoi il en retournait et ça, c'était agaçant.
Il comprenait le ressentiment de son aîné envers lui. Lloris avait toujours souhaité se rendre à Euphoria, mais il n'en avait jamais eu l'occasion. Et là, c'était le petit frère qui partait et lui qui restait. Il aurait réagi de la même manière à sa place.
Le jour du départ, l'ambiance entre les deux frangins n'était pas des meilleurs. Lloris salua son père et sa mère et se contenta d'un «
Bon Voyage » à son frère.
C'est le coeur lourd que Léandre laissait son frère derrière lui, en compagnie de Hubert, l'intendant. Ce dernier était un homme bon et patient, mais terriblement barbant.
C'est la première fois qu'il s'éloignait autant de temps de son frère et partir en aussi mauvais terme, ça lui donnait envie de rester sur place. Mais il était trop tard pour changer d'avis.
Son père donna le départ et Léandre mit son cheval en marche au côté de son père.
«
Ne t'en fais pas, ce n'est pas à toi que Lloris en veut, c'est à moi. Il ira mieux d'ici notre retour. »
Léandre acquiesça. Puisse son père avoir raison.
Le voyage fut long, notamment à cause de la carriole dans laquelle voyageait dame Margot, la mère de Léandre. Le soir, ils s'arrêtaient dans des auberges, toujours plus nombreuses au fur et à mesure qu'ils approchaient de la capitale. Chaque soir était synonyme de nouvelle rencontre. Rien que le voyage valait le coup. Léandre qui ne connaissait que Sombrechant avait l'impression de vivre une petite aventure, comme ses héros auxquels il s'identifie. Mais malgré ces presque dix jours de voyage, Léandre ne les vit pas passer, à aucun moment il ne s'est lassé. Le plus compliqué, fut les premiers jours de cheval, il n'était pas habitué et il avait l'intérieur des cuisses en feu. Il filait retrouver la carriole au côté de sa mère sous les rires hilares du convoi quand il n'en pouvait plus.
Le convoi était composé de Lothard, Margot et Léandre évidemment, mais aussi de Bérénice, la suivante de dame Margot - une jeune femme douce et gentille que Léandre appréciait beaucoup - de Yvain le maître d'armes/ garde- chasse - personnalité discrète de la baronnie, personnage sympathique mais, que le baron ne voit que par nécessité- il y avait aussi les six gardes du convoi - les gardes de Sombrechant sont la plupart du temps des roturier qui préfère s'enrôler comme soldat que de vivre dans la misère, ils sont formés par le maître d'arme - et enfin, Melchior le barde résidant de Sombrechant, ami du baron.
Mais malgré les rougeurs aux cuisses et les muscles ankylosés, rien n'entacher son enthousiasme - à part penser à Lloris peut-être - si bien que lors du dernier jour de voyage il ne pouvait s'empêcher de se trémousser sur sa selle et de se redresser dessus, comme s'il allait voir quelque chose.
«
De la brume ! »
«
Ah, ça veut dire qu'on va pas tarder à arriver. »
De la brume. Des nappes de brume, une odeur d'iode dans l'air. Sauf que Léandre n'arrivait pas à percevoir quoi que ce soit. Comment pouvait-il voir quoi que ce soit ? Pourtant, le nombre de voyageur avait considérablement augmenté depuis quelques heures et l'activité sur la route ainsi que la présence régulière de patrouille de garde indiquait à Léandre, qu'en effet, ils y étaient.
«
Regardez monseigneur. »
Yvain pointa du doigt haut devant lui et Léandre suivit la direction. Une tour. Bien plus grande que la plus grande des tours de Sombrechant. Il poussa un «
whoua » ébahit. Mais cette tour n'était que la première de nombreuse autres, comme son père lui expliquait, à Euphoria il y avait plus de tour que d'habitant. C'était pour rire hein ?
Il dût attendre encore de longues minutes avant que la brume laisse apercevoir la capitale de Sombreciel. En effet, c'était plein de tour. Léandre ne savait pas ou donner de la tête, regarder les tours, les murs d'enceinte, gérer son cheval et les gens qui avançaient à petit pas maintenant, il y avait aussi de nombreux vendeur ambulant, la plupart proposait de l'alcool, mais d'autres, des choses plus insolites. Le gamin n'avait pas assez d'yeux pour tout voir.
La cité lui semblait démesurée, grande mais, oppressante. Alors qu'il passait les murs d'enceinte, les maisons qui s'élevaient à droite et à gauche et qui lui bouchait l'horizon, ça lui faisait bizarre, il se sentait enfermé. Sensation passagère, car il se détendait petit à petit et il ne se contentait plus que de regarder et de poser des questions.
La ville était très belle et les manoirs et maisons des plus riches - du moins, Léandre le supposait-il - arboraient de nombreuses tours. Il se demanda même si ce n'était pas une compétition à celui qui en aurait le plus. Il y avait de nombreuses arches aussi, de courbe et d'arc. Comme si la simplicité n'avait pas sa place dans cette ville. Lui qui trouvait son château magnifique devait revoir ses critères de beauté architecturale.
Le bâtiment le plus somptueux restait néanmoins le Palais Ducal où régnait Eudes de Sombreflamme. Nul tour de la ville ne pouvait rivaliser avec celles du palais. La plus grande crevait le ciel. Elle lui rappelait un peu le séquoia du domaine. Mais ça, c'est l'Homme qui l'a construit et c'était d'autant plus surprenant.
À mesure qu'ils approchaient du palais, Léandre se faisait plus discret. Impressionné par le palais et par la prestance des gardes - rien à voir avec ceux de la baronnie.
Arrivait dans la cour du palais, l'Intendant vint les accueillir. S'en suivi une longue conversation au ton cordiale, mais Léandre s'en souciait peu. Il écoutait un bruit dont l'origine lui était inconnu, derrière un des murs de la cour il semblerait. Il s'approcha d'Yvain qui était en retrait de son père et de sa mère et tira sur sa manche.
«
C'est le bruit des épées ? »
«
Oui, la caserne est attenante au mur d'enceinte du Palais. »
«
On peut aller voir ? »
«
Pas maintenant monseigneur, nous allons prendre nos quartier. »
Et en effet, quelques instants plus tard, ils rentraient dans le palais. Pour Léandre c'était un vrai labyrinthe, il marchait dans des couloirs deux fois plus long que le château de Sombrechant ! Et là encore on y retrouvait l'architecture cielsombroise avec de nombreuses arches et arc ici et là.
Une fois à la chambre, ils posèrent leur affaire et Léandre entendit Yvain dire à son père qu'ils allaient prendre leur quartier à la caserne.
«
Père ! Je peux les accompagner ? »
«
Tu veux pas plutôt te reposer ? »
«
J'ai envie d'aller voir …. »
«
Bon... Yvain vous me le ramenez pas trop tard ? Y doit se baigner avant le repas de ce soir, on est invité à la table ducale ! »
«
Bien monseigneur ! »
«
Et toi, tu restes tranquille ! »
«
Oui père, merci ! »
Et il fila à la suite d'Yvain.
Ce dernier le mena jusqu'à la Caserne d'Euphoria. C'était une grande cour avec champ de tir pour les archers, une arène pour les soldats, un forgeron, des râteliers d'armes...
Léandre ce retint de courir et resta coller à Yvain. Un garde les arrêta et le maître d'armes expliqua sa présence ici. Le garde les laissa passer à condition que Léandre n'aille pas se promener tout seul. Yvain lui montra les armes de la caserne, quelles étaient leur utilité. Ils regardèrent aussi quelques soldats faire des passes d'armes. Tout cela fascinait Léandre. Mais il était un peu déçu quand même et cela n'échappa pas à Yvain.
«
Vous vous attendiez à de grand guerrier avec des haches à doubles tranchant ? Bah... Ici, ce sont des soldats du duché, ce ne sont pas les plus grands guerriers qui soient, mais ils font ce qu'on leur demande, ça leur suffit ! Faut que vous alliez à la Guilde des Guerrier, là-bas, vous serez servi, c'est plus hétéroclite. »
«
On peut y aller ? »
«
Votre père me tuerai s'il apprenez que je vous y ai amenez ! »
«
Bah alors on lui dira pas ! S'il te plaît Yvain... Lloris m'en a tellement parlé, j'aimerais voir à quoi ça ressemble... »
Et c'est ainsi que Léandre fut mené à la Guilde des Guerrier de Sombreciel. Il ne rentra pas, ce contenta de rester dehors, mais pour son plus grand plaisir, il rencontra un des Guerrier de la Guilde. Il n'était pas habitué à ce qu'on s'approche de lui de la sorte ici et le guerrier ce porta volontiers au jeu de l'enfant. Quand Léandre repartit, il était convaincu d'avoir rencontré un véritable pourfendeur de dragon, chasseur de troll et protecteur de l'humanité !
A leur retour à Sombrechant, il demanda à Yvain de lui apprendre à manier l'épée. Celui-ci accepta, mais il lui fallait l'autorisation de son père.
Les longues semaines qui passèrent ne furent que source d'engueulade. Léandre voulait à tout prix apprendre à manier l'épée. Son père finit par abdiquer en ce disant que cette lubie allait lui passer.
Les choses s'étaient arrangées avec Lloris dès leur retour à Sombrechant et il encouragea Léandre à manier l'épée.
Trois ans ont passés.
Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Léandre et quoi de mieux que de passer cette journée avec son frère, à l'ombre de leur séquoia ?
Il fait encore frais en ce début de printemps, la neige a disparu depuis peu et les premiers bourgeons commence à peine à faire leur apparition. Néanmoins, les deux frères sont bien assis dans l'herbe. Certes emmitouflés dans d'épais manteaux - surtout Lloris - mais avec le sourire. Pour l'occasion, Lloris avait piqué une bouteille de liqueur de Sureau à la cuisine .
«
Tiens c'est pour toi. »
Léandre qui adorait les surprises retira l'écharpe qui emballait le cadeau et découvrit un livre. Pas un bien gros ouvrage, mais avec une belle couverture en cuir. Il l'ouvrit et découvrit le titre, joliment calligraphié « Les aventures d'Elander le Valeureux ». Il tourna les pages. Il reconnut l'écriture de son frère, belle et élégante. Il avait aussi ajouté des illustrations.
«
Les illustrations sont plus belles au fur et à mesure des pages. Je me suis entraîné mais j'ai encore besoin de m'exercer. »
«
T'es fou.... C'est juste superbe ! »
Il sauta au cou de son frère, le remercia et examina plus en détail le livre. Il bloqua notamment sur le nom d'Elander. C'est la première fois qu'il le voyait écrit.
«
Tiens, Elander, ça fait... »
«
Léandre. C'est un anagramme. Je me demandais quand est-ce que tu comprendrai. »
«
Bah non j'avais pas fais attention. C'est top en tout cas ! Mais j'ai rien à voir avec Elander... »
«
Et pourquoi ça ? »
«
Je suis pas un valeureux guerrier. »
«
T'as 14 années, bien-sûr que non t'es pas un guerrier, t'es même pas un homme. Mais rien ne t'empêche de le devenir. »
«
J'y pense tu sais. Yvain dit que je suis un très bon élève et je me débrouille bien mieux que certains des soldats, bon d'accord, je manque de force, mais je commence à avoir de la technique. »
«
Pourquoi tu hésites ? C'est à cause de père ? Père n'aime pas les gens d'armes, mais il ne peut pas se passer d'eux, tu le sais aussi bien que moi. Pourquoi à ton avis ? »
«
Car... On a besoin d'être protégé. »
«
Oui. Les soldats nous protège et surtout, ils dissuadent. S'il n'y avait aucun soldat, cela fait longtemps que la baronnie serait envahit de coupe-jarret et de voleurs. Mais en plus de ça, c'est les soldats qui maintiennent la paix. Père a beau dire que sans soldat, il n'y aurait pas de guerre, mais ça n'arrivera jamais. Je sais que tu te dis que façon, c'est la paix, qu'il n'y a pas de guerre. C'est parce qu'on est toujours sous la Trêve depuis presque 1000 ans maintenant. Mais une trêve, même de 1000 ans, c'est temporaire. Peut-être que tu ne le vois pas, mais tu peux être sûr, que cette paix dans laquelle ont vit, ce sont bien les armes qui la maintienne, autant que la diplomatie. »
«
Comment tu peux savoir ça ? »
«
Il suffit de lire et d'écouter. Chez les bardes tu aimes surtout leur chansons, mais le plus important, c'est les informations qu'ils ramènent des terres étrangères. Ils enjolivent beaucoup leurs histoires, mais il y a toujours un fond de vérité. »
«
Si c'est vrai ce que tu dis, pourquoi en Sombreciel on ne développe pas d'avantage notre armée ? »
«
Sombreciel... Peut-être ai-je passer trop de temps à lire, peut-être que je vais te paraître caustique, mais Sombreciel et son armée, ce n'est qu'une vaste blague. Le cielsombrois moyen vit dans sa bulle et dans le déni. Tu sais qu'en Sombreciel on consomme plus de drogue que dans tout les autres duchés réunis ? Regarde père. S'il mettait autant de moyen financier à développer une armée qu'à organiser des fêtes, on aurait une armée qui rivaliserait avec le Duc lui-même. Enfin...
J'ai toujours été jaloux de toi Léandre. Quoi ? Me regarde pas comme si tu comprenais pas. Tu montes à cheval, tu pars en forêt avec Yvain, tu t'entraînes à l'épée, tu n'as pas père sur le dos pour remplir tes devoirs d'héritier. Tu es libre, insouciant et heureux. Je rêve d'être à ta place et ce depuis toujours. J'aimerais manier l'épée moi aussi, j'aimerais chevaucher de l'aube au crépuscule. Mais je suis né sous une mauvaise étoile, maudit des dieux. La moindre chute, le moindre mauvais coup et je risque la blessure. Regarde toi, tu as trois ans de moins et tu es déjà plus grand et plus costaud que je ne le serais jamais. De toute manière, ma destinée n'est pas de combattre mais de régner autant de temps que mon corps le supportera. »
«
Tu es bien sombre mon frère. Tu parles comme si tu allais mourir. »
«
Cela t'étonnes ? Je sais bien que jusqu'à présent j'ai été chanceux. À mes six mois mes chances de survie était quasi nul et Omen l'Aléatoire lui-même n'aurait pas parié sur moi. Si j'ai survécu jusqu'à maintenant, je sais bien que je vivrai bien moins longtemps que la plupart des gens. »
«
Tu dis n'importe quoi ! »
«
Tu es naïf ! Tout le monde le sait, père le sait. Pourquoi crois-tu que c'est toi que père a mené à Euphoria ? Il ne veut pas exposer son enfant malade à la vue de tous. Ce n'est pas ça l'image de Sombrechant. C'est toi la vraie image de Sombrechant : plein de vie, débordant d’énergie et souriant. Pas une image maladive, chétive et d'yeux cernés ! Mais je suis tout de même là et je tiens parfaitement mon rang... je suis pas dupe. Il aurait aimé que tu sois l'aîné. Ne le nie pas, tu le sais aussi bien que moi. Je sais qu'il est en train d'organiser un mariage, il espère tout de même tirer de moi une descendance viable. »
«
Quoi ? Mais.. Avec qui ? »
«
Malheureusement, mon état de santé, ne me permet pas de courtiser la duchesse. Je crois savoir qu'il négocie par lettre avec une baronnie de l'ouest et la fille d'un riche marchand d'Euphoria. Tout dépendra de la dot j'imagine. »
«
Et toi ? Tu ne dis rien ? »
«
C'est peut-être simple pour toi, mais j'en ai marre d'être une déception. Je fais des efforts mais ça ne suffit jamais. Peut-être que si un héritier venez à montrer le bout de son nez...
Mais aujourd'hui, il n'est pas question de moi, mais de toi. Tu as toutes les cartes en main pour faire ce que tu veux, hésite pas fonce. Peu importe papa, peu importe Sombrechant. Tu te rappelles, à ton retour d'Euphoria ? Tu avais les yeux pleins d'étoiles. Le trajet lui même était une aventure et Euphoria était une cité magnifique. Imagine La Volte, Edenia, Hacheclair... Tant de merveille qui ne demande qu'à être visité ! Tu n'as pas envie de les voir ces cités ? »
«
Bien-sûr que si, mais... C'est si loin. »
«
Je te dis pas de partir dés demain, mais je sais que t'as toujours eu envie d'aller voir ailleurs, de te mettre au service d'une cause juste, de te rendre utile. Si tu restes ici, tu vas pourrir sur place à écouter des chansons que tu connais déjà, entendre des récits que tu connais mieux que les bardes eux-même. Crée toi ta propre histoire, vis tes aventures plutôt que de les rêver ! Allez, on se l'ouvre cette bouteille ? »
Les nuits qui suivirent furent agités pour le garçon – surtout la première avec une bonne dose de liqueur de sureau dans le ventre – les paroles de son frère faisaient leur petit bonhomme de chemin dans sa tête tout en soulevant mille et une questions. La baronnie, la lignée, son père, Lloris, ses envies, ses capacités... Puis si jamais il voulait suivre cette voie, la voie du Guerrier comme il l'appelait, il devrait affronter son père et ça, ça ne se ferait pas aisément. D'un côté, Léandre n'avait que 14 ans et le temps d'y réfléchir encore.
Il se rapprocha d'Yvain, la personne la plus à même de le renseigner. Le Maître d'Armes ne cacha pas ses doutes quant à la faisabilité de cette entreprise, Llothar restait le point noir de tout ça. Mais sinon, oui, physiquement, il avait les capacités. Mentalement aussi, après tout était question de détermination, mais pour Yvain, il ne faisait aucun doute qu'avec un peu d'investissement, Léandre pourrait devenir un bon combattant. Surtout s'il décidait de passer par une carrière militaire, rejoindre la caserne d'Euphoria et gravir les échelons un à un. C'était un garçon cultivé, avec suffisamment de bon sens pour se démarquer rapidement de ses paires. Ce qui ne serait pas dur quand on voit la garnison d'Euphoria.
Cette conversation avec le Maître d'Armes rassura le garçon. Il ne se voyait pas partir sur les routes, tout seul pour devenir un chevalier errant. Mais, rejoindre une caserne, ça, c'était déjà un peu plus rassurant.
Il garda ses réflexions pour lui, le temps de mûrir tout ça dans sa tête. Il ne se doutait pas qu'ailleurs, dans les autres duchés, rejoindre un corps d'arme était une chose naturelle, pour Léandre, c'était une réflexion vraiment complexe.
Peu à peu, sans s'en rendre vraiment compte, ce qui n'était qu'un projet, un rêve de gosse, devint plus réel. Jusqu'à ce que finalement la détermination prenne le dessus : il serait soldat !
L'intrigue 2.3 parle des vies alternées des personnages. Merci de la mentionner ici pour indiquer ce que ton personnage avait comme vie alternée.