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 Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?

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Bartholomé d'Ansemer
Bartholomé d'Ansemer

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Message Sujet: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 3 Juin 2018 - 5:05


Livre III, Chapitre 4 • La Légion des Oubliés
Bartholomé d'Ansemer & Jehanne d'Ansemer

Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?

Les lamentations du rhum et du coeur



• Date : 08 juin 1003
• Météo (optionnel) : Il fait nuit.
• Statut du RP : Privé.
• Résumé : Bartholomé a abusé du rhum, et l'alcool le pousse à aller retrouver Jehanne, toujours assignée à ses appartements, tard, pour lui demander ce qu'ils ont bien pu faire pour en être arrivé là où ils sont à présent.
• Recensement :
Code:
• [b]08 juin 1003 :[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t3768-et-si-on-s-etait-laisse-la-chance-de-s-aimer#140721]Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?[/url] - [i]Bartholomé d'Ansemer & Jehanne d'Ansemer[/i]
Bartholomé a abusé du rhum, et l'alcool le pousse à aller retrouver Jehanne, toujours assignée à ses appartements, tard, pour lui demander ce qu'ils ont bien pu faire pour en être arrivé là où ils sont à présent.



Dernière édition par Bartholomé d'Ansemer le Lun 4 Juin 2018 - 23:25, édité 1 fois
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 3 Juin 2018 - 5:06

« Pas ce soir, vas-t-en. » qu’il décide bien soudainement, après des baisers, des caresses, alors qu’elle est là, dans son lit, presque nue. Un mot de trop, une formulation de travers, et c’est tout ce qui suffit pour lui faire changer d’humeur. Il n’a plus envie de la voir, et Geneviève est ainsi bien forcée de se taire, de ravaler les répliques qu’elle aurait aimé lui lancer, de se rhabiller et de quitter. Il ne lui adresse pas un mot de plus, il attend simplement qu’elle quitte. C’est souvent comme cela, ces derniers jours, de toute façon, et si elle continue de venir, de venir le rejoindre malgré tout chaque fois qu’il la demande, c’est qu’elle doit bien se rendre compte, malgré qu’il ne lui partage pas la vérité, que la situation actuelle est bien plus tendue qu’il semble laisser croire. Elle sait qu’il aimerait mieux se retrouver sans Jehanne, mais elle sait aussi comment il aime Bertille. Pourtant cette nouvelle naissance aussi devrait le ravir, mais on peut deviner que ce n’est pas autant le cas. Il s’en fiche, il se fiche bien de ce qu’elle pense.

Il attend qu’elle referme la porte, qui se referme presque en un claquement, avant d’enfiler une simple chemise aux broderies discrètes pour terminer de se rhabiller. Il est tard déjà, et les lunes sont bien hautes alors que le palais doit s’apprêter à aller dormir. Il n’a pas sommeil, et s’il pourrait simplement prendre une potion pour s’endormir c’est plutôt le rhum qui le tente, qui au final aura le même effet en plus d’ennivrer ses sens. Alors il attrape une bouteille dans le petit cabinet qui lui en garde plusieurs toujours à portée, et se sert généreusement un verre bien rempli. Et il s’affale dans un fauteuil et boit ce dernier, puis rapidement un deuxième et un troisième. Il les enchaîne et sans vraiment s’en rendre compte c’est la bouteille qu’il termine.

La prochaine chose qui s'ensuit est les gardes, postés en permanence devant les appartements de sa femme, qui se jettent un regard hésitant avant de s’écarter pour le laisser passer. Ils n’oseront pas le questionner sur sa venue, dans cet état, habillé ainsi, à cette heure. Mais c’est tout hors de ses habitudes, et les questions dans leurs regards seront bien présentes. Il s’en fiche, le duc, et même si ce n’était le cas, à cet instant il n’était pas en état de s’en soucier outre mesure. L’alcool a fait ses effets, et ça se voit. Pourtant il entre, dans ces appartements, comme s’ils étaient siens, comme si on l’y attendait. Mais il est tard, et Jehanne doit même dormir, ou s’apprêter à, sinon. De toute façon, qu’a-telle a faire d’autres, alors qu’il lui a tout enlevé?

Il entre. Et il s’annonce, lui-même, refermant derrière lui. « Jehanne. C’est moi. Bartholomé. Ton mari. » Comme si elle ne savait pas qui il était, comme s’il y avait une autre possibilité de visite pour elle à une telle heure. Il est bourré, et c’est sans équivoque la seule raison qui la mené jusqu’ici, si tard. Et il ne sait pas vraiment pourquoi, il ne sait pas tant ce qu’il est venu chercher en venant la voir. Mais le rhum a fait naître en lui les vifs souvenirs d’un temps si lointain, ainsi que les spéculations de ce qui aurait pu être. « JEHANNE ? » Et il crie, presque, parce qu’elle n’est pas dans le petit salon qui ouvre ses appartements, alors qu’il s’avance jusqu’à sa chambre où elle doit bien être, il n’y a pas mille et une possibilités dans cette prison dans laquelle il l’a confinée.
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Jehanne d'Ansemer
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 3 Juin 2018 - 9:30

Quand personne n’est là, Jehanne se perd. Depuis plus d’un mois, les murs de sa prison l’ont vue passer et repasser devant eux, ont vu ses yeux s’échiner à observer la course du soleil après les lunes dans le ciel dans l’espoir de savoir combien de temps passait. Mais quand personne n’est là, Jehanne se perd. Océane, aussi douce et agréable soit-elle, a pour son duc un respect mêlé de crainte qui ne saurait la forcer à désobéir à celui-ci en fournissant papier ou autre à la duchesse. Océane reste une femme, aussi amusante et capable de consoler la future mère soit-elle. Elle reste une jeune fille dont les histoires ne sont que miroirs et cachotteries pour distraire la captive de sa prison.

Les jours se réchauffent, petit à petit. L’air marin qui la réveille, qui rythme sa journée en s’en allant et revenant, est une douce caresse presque bienvenue pour la tirer de la torpeur dans laquelle elle sombre. Sa grossesse se passe bien. Les médecins qui passent – il faut bien conserver les apparences – lui assurent que tout est en ordre. La félicitent. Certains dans leur barbe prient pour que l’enfant, comme la princesse Bertille, n’hérite pas de ce mutisme qui fait jaser et rire à la cour.

Bertille… Mais Bertille est loin. Loin de l’influence de son oncle, loin de son père, loin de sa mère. Elle est là où Jehanne n’aura sans doute jamais la chance de retourner, dans un duché où l’air n’est pas rêche du sel de la marée, où les terres ne sont pas vides de gens. Elle est là où Jehanne aurait voulu l’élever. Bertille est sans doute ce que Rodrigue aurait voulu pour sa fille devenue duchesse : une enfant qui désire la mer et les jardins avec la même passion et sans distinction.
Mais Bertille est loin. Jehanne l’a pleurée, seule, pendant des heures. Lorsqu’elle a appris la nouvelle, lorsqu’elle a essayé de sortir pour aller s’en assurer, elle a pu lire dans le regard de l’homme l’ayant stoppée – garde stupide à bien y repenser – une forme de pitié devant ses larmes. Bertille est loin. Avec des gens infiniment précieux au cœur de la duchesse, dans le plus beau lieu du monde à ses yeux, mais elle est loin.

Jehanne est seule.
Elle ne se plaint pas. Faible comme elle est, autant dans sa passivité que dans sa complexité physique, et parce que l’enfant à naître, les plaintes se perdraient avant d’atteindre des oreilles. Elle ne se plaint pas, mais certains signes ne permettent pas de se tromper. Ses livres s’empilent, dans un coin. Ses yeux sont aisément gonflés de pleurer. Chaque jour, elle passe du temps à fixer le vide, à attendre qu’elle lui revienne. Que quelqu’un vienne. On lui a pris sa fille. La douleur est forte, brûlante, désagréablement violente.

Elle dort, aussi. Beaucoup, parce que rien n’est plus salvateur que le sommeil pour oublier cette enfant qu’on lui a arrachée. Elle dort, empêtrée dans des draps qui l’angoissent de leur étreinte, dans lesquels elle se démène faiblement, prisonnière encore une fois.
C’est bien la première fois, en revanche, qu’elle se réveille. Avec sa complexion et l’avancement de sa grossesse, on lui a interdit l’usage de potion. Ca allait, encore, que la Chasse ait été vue en Bellifère selon les dernières nouvelles, le soir d’avant. Ca allait. C’est bien la première fois que Jehanne se réveille au son des portes que l’on ouvre… Ou de son mari qui crie son nom. Le cœur battant, elle repousse ses draps et l’envie de vomir à ses lèvres. D’un geste de tête vers la porte d’Océane qui s’entrouvre, là, dans le mur, elle l’empêche de venir. La duchesse peut encore s’en occuper seule.
Ses pieds foulent le sol, doucement, jusqu’à l’entrée de sa chambre dont elle ouvre la porte. Elle ne dit pas un mot, en le voyant là, mais le regard qu’elle lui lance vaut toutes les questions et les peurs du monde.

Elle ne le laissera pas rentrer dans sa chambre. Malgré sa tenue, malgré la porte entrouverte, malgré la lueur des lunes qui nimbe leur rencontre et rappelle une funeste soirée pour l’arrangement qu’ils sont, elle ne veut pas refaire cette erreur.
Une fois, il y a treize ans, il est arrivé à la réveiller et à se glisser dans sa chambre. Une fois. Ca n’arrivera plus. Ils ne revivront pas ça.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 3 Juin 2018 - 19:57

Son regard fouille la pièce alors qu’il avance vers la chambre de sa femme. Combien de fois est-il venu la retrouver ainsi depuis Bertille? Une seule, peut-être. Et encore. Et avant, avant Bertille. Trop peu de fois sûrement aussi, pour qu’il se sente à l’aise dans ces appartements. Ils lui sont étrangers, un peu comme l’est cette femme qu’il a toujours repoussé, mais en la gardant là.

La porte s'entrouvre et Jehanne se tient là, sa silhouette découpée par la lueur des lunes, sa tenue ne camouflant aucunement ce ventre arrondi, ses cheveux cascadant sur ses épaules pour encadrer son visage délicat. Et malgré le terne de sa peau, malgré la fatigue de son corps, elle est belle. Et Bartholomé ne peut pas empêcher cette pensée d’envahir son esprit. Il ne lit pas les questions et les peurs dans le regard de sa femme, il n’y voit que le bleu aussi beau que celui des océans qu’il aime tant. L’alcool entremêle la vision qu’il a d’elle à cette instant avec celle qu’il a gravé dans un coin de sa mémoire, de la jeune Lagrane qu’il emmena sur les balcons pour lui faire découvrir une des merveilles de la mer. Le rhum mêle aussi les sentiments qu’il ressent. La colère et la haine et le mépris et la rancoeur. Mais l’amour aussi qu’il a un jour ressenti. La jalousie de la savoir aimée d’autre que lui. Et la tristesse peut-être, les remords et les regrets, de toutes ces années qu’ils ont passés, qu’il a passé, à se déchirer.

Il s’arrête, alors qu’elle est là, et il reste muet quelques instants, espérant qu’elle parle. Il veut entendre sa voix, encore. Qu’importe que ce soit pour qu’elle lui crie toutes sortes d’atrocités, il a envie à nouveau que ce timbre si particulier se rendre jusqu’à ses oreilles pour lui faire revivre ces souvenirs de ces courts instants où ils étaient tous deux encore heureux. Mais elle ne dit rien, elle le regarde, muette, comme elle l’a toujours fait depuis ces treize dernières années. Sauf qu’il l’a entendue, lui parler, lui lancer toute sa rage au visage, juste un peu plus d’un mois plus tôt. Et il veut l’entendre encore. Là, ce soir. Il veut qu’elle lui parle.

Son regard retrouve le sien. Dans ses yeux ce n’est pas une colère froide qu’elle pourra y lire, mais le voile de perdition qu’elle aura semé chez lui et que l’alcool dévoile. Est-ce mieux? Non, pas nécessairement. C’est peut-être plus dangereux même, chez ce duc impétueux dont les humeurs sont aussi changeantes que les torrents des mers. « Tu es si belle Jehanne. La grossesse te va bien. » Son esprit a renvoyé loin le vouvoiement ce soir, préférant la tutoyer, dans l’espoir de s’en rapprocher, peut-être. Et il pense ces mots prononcés tout bas, malgré qu’il déteste déjà cet enfant à venir, il ne peut nier que les courbes ne font qu’embellir la duchesse. Et ces compliments qu’il a souvent pensés, au cours des dernières années, mais qu’il s’est toujours refusé de dire à voix haute, il sont a présent tangibles. Parce qu’il n’a jamais cessé de la trouver belle en fait, parce qu’au détour des couloirs, parce que de loin, parce que quand son regard captait ces boucles blondes, avant que les ressentis ne surplombent tout autre chose, il s’était bien trop souvent surpris à sentir son coeur s’emballer pour elle. Il ne l’aurait jamais avoué, encore moins à elle, mais l’alcool fait dire bien des choses que l’on aurait autrement gardé sous silence.

Le silence. C’est encore ce qu’elle lui sert. Et quand ses compliments ne trouvent pas de réponse en sa voix, alors il se fâche, un peu. « PARLE-MOI! » Et il fait un pas de plus qui le rapproche d’elle, de la porte qui encore les sépare, mais il n’ose pas, alors qu’il lui en serait si facile, de s’inviter dans sa chambre. Il aurait envie qu’elle vienne à lui. Qu’elle l’implore, qu’elle l’insulte, qu’importe.
Il ne sait pas vraiment ce qu’il veut. Elle.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 3 Juin 2018 - 22:06

La nuit, les appartements de la duchesse sont d’ordinaire encore plus silencieux qu’à l’accoutumée. Lorsque le sommeil la fuit, danger avec la Chasse en liberté ! elle en pleure presque. Elle n’ose pas le briser, mais de ne rien entendre peut vous rendre fou. Petit à petit, le manque de sonorité s’insinue dans votre crâne et y résonne, vide de sens, vide de début, de fin, de consistance. Il mange vos souvenirs, dévore les idées, transforme tout en une vague impression de souvenir vicié. Il vous ronge, tel un ver, et fait couler des larmes qui ne peuvent le briser. Le silence est une arme. Le silence, d’ordinaire, est son arme. Et si elle le manie si bien, c’est qu’elle en a douloureusement fait les frais, chaque nuit.

Elle sait les dommages qu’elle peut causer avec, elle sait combien un mot retenu peut vous blesser plus que s’il a été dit. Elle sait, et il lui arrive, quand le silence l’avale toute entière pour la consumer, seule dans l’immensité de la nuit, de se dire qu’il n’existe pas de son.
Elle sait les dommages que ses lèvres scellées ont fait aux alentours : même Bertin, son tendre Bertin qui hante ses pensées en souffre. Même sa fille, lumière de sa vie, sans qui elle ne serait rien, n’a jamais entendu une seule phrase sortir de ses lèvres. Et elle sait que c’est trop tard, désormais. Il n’y a plus rien à faire, pour récupérer ça. Elle sait, enfin, les dommages volontaires qu’ils ont fait à son époux – et s’en réjouit, secrètement.

La blonde a la main sur la poignée de sa porte – comme si elle pouvait la refermer, alors qu’elle se tient dans l’embrasure ! Elle ne baisse pas le regard, fatiguée mais fière. Elle n’abandonnera pas la lutte qu’ils se livrent. Elle prend son regard comme un premier assaut, ses yeux n’exprimant rien : c’est le vide, qu’elle voit. Elle s’efforce de l’ignorer, d’agir comme si en face ne se tenait qu’une statue ou un homme insignifiant.
Le compliment l’attaque et la frappe comme une gifle. La colère grimpe, rapidement, plus sûrement qu’elle ne l’aurait fait s’il ne l’avait attaquée comme il en a l’habitude. Ca, il n’a pas le droit. Il n’a pas le droit, après une décennie de fiel et de haine, de la traiter comme s’il la voyait encore. Comme si elle était une femme. Comme si elle était sa femme. Il n’a pas le droit, et elle serre les dents.

C’est là que la réalisation qui la frappe. Légère. Discrète. Ses mots qui l’ont ébranlée – il n’en saura rien, bien que son regard ait tout dévoilé – laissent entrevoir quelque chose dont elle pourrait se douter. Il a bu, il n’y a sans doute pas d’autre explication. Ou alors son esprit pervers et malsain a encore atteint un nouveau niveau, et il souhaite la priver de son sommeil.
Il avance et elle recule, surprise par l’éclat de voix. Sa main lâche la poignée, et elle est presque prête à parler. Presque. Que peut-il lui faire, de toute manière ? Il a tout pris. Un jour ou l’autre, il viendra et lui prendra ses livres, puis Océane. Il lui prendra tout. Peut-être même sa vie. Se battra-t-elle, ce jour-là ?
Elle ne dit rien, Jehanne.

Elle n’a sans doute jamais rien dit. Elle joue avec le feu – non, elle joue avec l’océan. Le feu grandit et se propage. L’océan, lui, est imprévisible. Aussi destructeur. Alors elle joue avec l’océan, elle qui le haït plus que tout. Les lèvres closes, dans l’ombre de sa chambre, elle est une silhouette presque fantômatique à la peau pale et aux cheveux épars sur ses épaules. Elle daigne lui accorder un regard. Comme s’il existait, juste un peu.
Elle joue, la peur lui asséchant la gorge et le cœur battant, son souffle presque inaudible.
Elle joue avec l’imprévisible.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyMer 6 Juin 2018 - 21:13

Elle ne dit rien. Encore. C’est ce mur de silence sur lequel il se frappe, sur lequel il vient se briser.

Elle ne dit rien. Mais elle le regarde, et dans ce regard qui le voit, qui acquiesce sa présence, il y a somme toute une réponse. Non pas celle qu’il souhaiterait, qu’il a espoir d’obtenir, mais une réponse qui l’encourage à continuer. Peut-être que si elle l’aurait ignoré, que si sur lui elle avait passé un regard vite comme s’il n’était même pas là, peut-être qu’il aurait fini par se lasser. Il se serait sûrement frustré, aurait hurlé un peu, frappé quelque chose, mais il aurait abandonné et aurait quitté ses appartements. Il serait retourné noyer ses souvenirs dans encore plus rhum au lieu d’en vain tenter de les revivre. Il aurait fini par s’endormir, ou à vomir toute la nostalgie qui tentait de grimper en lui.

Mais elle fait exprès, elle se joue de lui, tel ce fantôme là pour le hanter. Et le rhum qui se mêle à son sang le fait s'acharner.  « Non. Bien sûr que non. Bien entendu que ma femme ne me parle pas. » Et à ses paroles résonne son rire. L’éclat de sa voix, le sarcasme et l’ironie de la situation. Il a presque l’air réellement amusé de ce qui se passe, si ce n’était qu’uniquement quelques instants plus tôt il la sommait de briser ce mutisme.

Et il profite qu’elle recule, qu’elle lâche la poignée de la porte pour s’avancer et s’imposer dans l’embrasure de celle-ci, la piégeant dans sa chambre, s’invitant dans les derniers murs de son intimité. D’un geste brusque - l’alcool lui fait faire fi de toute douceurs, si seulement il en possède en présence de Jehanne - il repousse la porte qui vient s’ouvrir bien grande, se frappant contre le mur. « Par Sedna, qu’est-ce que je dois faire, DIS-MOI, pour que tu daignes me parler à nouveau? » Il avait fallu qu’il la prive de sa liberté pour qu’après une décennie de silence obstiné elle brise cette promesse qu’elle s'était faite et que les mots glissent sur ses lèvres et non pas sur ses papiers. Et sur l’instant, il n’avait voulu qu’elle se taise à nouveau. Maintenant, il ne demandait uniquement qu’elle lui parle encore, qu’importe pour dire ce qu’elle voudrait. Lui retirer tout papiers et carnets n’avait pas suffit. Il avait naïvement cru que lui enlever tout moyen d’écrire la forcerait à converser avec lui. Ça n’avait été le cas. Avec tout les - quelques - autres, peut-être. Pas avec lui. « Je t’ai enlevé Bertille et MÊME PAS tu n’oses m’insulter ! » Pas même une seule petite insulte, alors qu’il l’avait vu peu de temps après le départ de la famille ducale Lagrane, accompagnée de Bertille ainsi que toute la petite cohorte vouée à assurer son bien être dans ce duché voisin. Rien. Aucun mots haineux, insultes ravageuses, reproches tranchants, aucun son. Il n’avait pas insisté cette fois-là, il avait quitté après quelques instants en claquant la porte. Il savait qu’il l’avait atteint, en lui retirant sa fille, mais ce n’était pas assez, ce n’était plus assez.

Qu’est-ce qu’il voulait d’elle?
Et même si elle se soumettait aux moindres de ses désirs, de ses caprices, serait-ce assez, suffisant? L’océan se calmerait-il, ainsi? Ou ne s’apaiserait-il seulement qu’alors il aurait réussi à l’engloutir, la noyer?
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyJeu 7 Juin 2018 - 21:44

Elle le fixe. Elle a peur, la duchesse, alors qu’enfin elle semble réellement le voir. Jusqu’ici, c’était comme si sa présence était à l’orée de sa conscience : elle supposait, elle laissait passer l’idée légère qu’il est là mais ne s’en préoccupait pas. Il est là, mais sans réel effet sur son existence. Une des raisons de son silence malgré tout ce qu’il lui inflige, par ailleurs : on ne parle pas au vide, et Jehanne ne se parle jamais à elle-même – pourtant, s’entendre lui ferait tellement de bien… Si elle a réussi, jusque-là, à garder les lèvres scellées malgré tout ce qu’il lui impose, c’est bien parce qu’elle n’a pas réellement pris en compte sa présence.

Jusqu’à ce soir. Son être, son essence même s’impose violemment dans sa chambre, dans sa vie, et elle en prend pleinement conscience. Elle a peur de le savoir vraiment ici. Le palais, surtout cette partie, est déserté. On ne peut compter sur les gardes : ils sont dévoués à leur duc, comme les évènements du passé l’ont si bien prouvé. On ne peut, également, pas compter sur Océane ou quelqu’un d’autre : personne ne serait fou au point de s’interposer entre eux deux. Surtout pas ce soir, quand on voit l’état de Bartholomé.
Personne sur qui compter. La porte qui claque la fait reculer encore, forme craintive dont les gestes sont de plus en plus incertains malgré le contrôle qu’elle tente d’avoir. Et toujours, toujours elle ne dit rien.

La colère et l’angoisse étreignent son cœur, mais son instinct de survie distordu par des mois de captivité – loin d’être aussi horrible qu’un séjour en prison, mais tout de même – lui souffle de continuer à se taire. Elle va se faire emporter, Jehanne, par la colère de son mari et sans même émettre un son.
Sauf qu’il parle de Bertille. Point faible. Peut-être la seule de ses faiblesses, qu’ils ont en commun. Avait en commun : qu’il l’ait exilée en Lagrance, soyons justes dans les formulations, ne signifierait-il pas qu’il n’a plus pour sa nièce la tendresse d’un père ? Lui qui l’a aimée, chérie et adorée d’une affection toute paternelle sans jamais rien savoir de la vérité a-t-il découvert la supercherie ?

Elle ne dit rien, Jehanne, mais les mots lui brûlent les lèvres, qu’elle serre pour s’empêcher à la fois de parler et de pleurer. Elle ne dit rien, mais c’est dans son esprit sa fille qui en pâtit. Et la petite souffre déjà bien assez.
Elle parle. Elle s’efforce de ne pas laisser entendre la peine qui la transperce à la pensée de Bertille loin d’elle – elle est en sûreté, en Lagrance, mais quand même. « Ca n’aurait rien changé. A part t’amuser, et je suis déjà source de moqueries pour tout le duché. Je n’ai pas besoin de te divertir en plus. Je pensais que tu l’aimais, toi aussi. Visiblement, l’envoyer loin de toi ne t’a pas posé de problème. »

La duchesse reporte son regard sur lui, un regard fatigué, sombre. La lumière ne l’atteint pas, et elle semble presque se cacher dans les ombres de sa chambre.
« Que veux-tu ? » Ses mains tremblent un peu, dans la nervosité, mais jamais elle ne le quitte du regard. Ne pas le regarder reviendrait à le laisser s’approcher plus, à ne pas pouvoir anticiper le moindre de ses mouvements. A ne pas pouvoir s’échapper.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 8 Juin 2018 - 5:19

Elle parle enfin. Elle parle à nouveau.
Et Bartholomé ne l’écoute pas. Si, il l’écoute, mais c’est le timbre de sa voix qu’il entend, non pas les mots prononcés. Il ferme les yeux, pour laisser sa voix porter en lui ces souvenirs qu’il était venu chercher. Elle n’est plus là devant lui, pâle copie fantomatique de ce qu’elle eu été quand il l’avait rencontrée pour la première fois, de longues années avant. C’est la Jehanne de jadis qui dans son esprit parle, c’est la Jehanne de laquelle il était tombé amoureux, alors qu’il n’était encore qu’un jeune homme épris des demoiselles et de liberté qui refusait les chaînes du mariage. C’est la Jehanne qu’il aurait voulu aimer, qu’il aurait pu aimer, qu’il aime peut-être encore même, sans jamais se l’avouer.

Oh il était si facile de l’oublier, quand elle ne disait mot. Quand elle se taisait, elle devenait invisible, et toutes les autres femmes devenaient alors d’autant plus attirantes, envoûtantes. Il pouvait aisément la reléguer en arrière plan sans seconde pensée lorsqu’elle était muette. C’était simple ainsi, c’était beaucoup plus simple.

Les derniers mots lui font ouvrir les yeux à nouveau, et à son esprit ces phrases prononcées qu’il n’avait pas vraiment écouter prennent leur sens. La voix n’est plus qu’une musique mais retourne parole, et il fronce les sourcils, hochant doucement la tête de la négative. « Je l’aime. Plus que tout. Et tu le sais. C’est mieux ainsi, pour elle, d’être loin. » Loin de nous qui nous nous déchirons. Sa voix est un murmure qui porte la douleur de savoir son héritière chérie à des lieux de où elle devrait être. Elle qui devrait grandir entourée des vagues et de la mer sera dans ces jardins accompagnée de Rose et veillée de Marjolaine. Elle y sera bien, bien évidemment, il n’en doute pas. Mais ils n’auraient pas dû en arriver là, de devoir éloigner Bertille pour tenter de conserver l’innocence de son enfance.
Jehanne n’avait pas le droit de dire qu’il ne l’aimait pas. C’était faux. Et c’est ses yeux qui s’embuent presque de larmes, parce que s’il portait le poids de ses décisions sans laisser transparaître la douleur de celles-ci, l’alcool ne lui laissait pas cette force qui lui permettait de les dissimuler. Il a mal pour cette enfant qui subit sans rien demander la guerre de ses parents. Il a mal pour cette enfant qu’il aime tellement et sur qui il dépose les espoirs d’un duché tout entier.

Ce qu’il veut? Il s’avance vers elle, il entrouvre la bouche, pour parler, mais aucune réponse ne vient. Son regard sur le sien la voit enfin. Il semble découvrir les ravages que cet emprisonnement a eu sur elle. La façon que ces années de silence, de mépris et d'indifférence ont fragmenté son être. « Je… » Il perd les mots. Il ne sait plus parler, penser. Son esprit est une brume, de souvenirs, d’images, d’émotions. Il a autant envie de la frapper qu’il a envie de l’embrasser. Il veut lui hurler qu’elle n’a pas le droit de lui parler ainsi, comme si de rien n’était, après une décennie de silence obstiné. Il veut la prendre dans ses bras et lui murmurer des excuses pour cette vie qu’ils auraient pu avoir en étant heureux tous deux. Il veut la gifler, et lui dire que c’est de sa faute. Il veut prendre ses mains dans les siennes et plus jamais ne laisser autre homme les caresser. Il veut qu’elle perde cet enfant qui grandit dans son ventre autant qu’il aimerait qu’il soit sien.

Il recule, hagard presque. Il s’éloigne d’elle à présent, comme pour se protéger lui même de ce qu’il ferait. La mer semble contenue, calme presque, mais le duc sait ne pas se faire confiance, surtout pas cette nuit. Il recule, et il vient se frapper contre le mur derrière lui. Alors son regard retourne retrouver le sien, et il demande, simplement : « Comment en est-on arrivé là, Jehanne? »
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 8 Juin 2018 - 19:39

A-t-il seulement le droit de parler de Bertille, maintenant qu’elle est loin ? Jehanne se pose la question, alors que son regard accroche la peine dans le sien. A-t-il le droit de dire que c’est le mieux pour elle – mensonge, songe-t-elle – quand il n’hésite pas à s’en débarrasser ? La manière dont il l’a formulé, plus tôt, laisse clairement à penser qu’outre l’envie de la mettre à l’abri de leurs déchirements incessants, il l’a fait pour toucher et blesser sa femme. Une blessure de plus. Une blessure qui va s’infecter et finir par la ronger entièrement, car elle a besoin de sa fille ! Elle a besoin de la savoir à ses côtés, en vie et heureuse. De l’entendre rire, tenter de lire, de mieux en mieux. De l’écouter lui raconter que plus tard, elle sera la duchesse Chevaucheuse cuisinière navigatrice, mais qu’elle ne dormira pas parce que le sommeil l’empêcherait de voir les étoiles. De l’écouter rêver qu’elle se débarrasse de la Chasse Sauvage d’un claquement de doigts et le sourire aux lèvres, parce qu’elle n’a pas peur Bertille et qu’il faut bien protéger tout le monde.
Elle a besoin de la savoir à ses côtés. Et elle soupçonne, en le voyant affecté, qu’elle n’est pas la seule. Mais sur ce point, elle ne dira rien : Bartholomé souffre autant qu’elle d’avoir sa nièce envoyée loin de ce duché dont elle doit hériter, un jour. Elle comprend sa douleur. Et ce n’est pas d’elle qu’elle se repaîtra, avide de vengeance et de justice quant à sa condition. Car elle ne l’a pas causée.

Il s’avance et elle ne bouge pas, cette fois. Derrière elle, elle sait la forme d’un siège sur lequel elle trébucherait si elle venait à reculer encore. Elle sait la grande fenêtre, un peu plus loin, qui déverse la lumière du soir jusqu’à son lit et dont les rideaux sont restés entrouverts. La duchesse comprend que son mari ne pourra pas, pour toujours, rester dans cet état. Que bientôt les mots reviendront, que ses véritables sentiments pour elle ressurgiront : elle retournera alors à l’état de femme brisée, silencieuse, dont le seul but est de se dresser vainement contre sa colère. Bientôt.
Pour l’heure, Bartholomé semble la découvrir : il n’y a pas de haine dans son regard – ça, elle saurait l’identifier en un instant. Il y a plus compliqué, une sombre mer agitée qu’elle aimerait comprendre. Pour l’atteindre.
Pour le calmer ?

La pensée est incongrue et la surprend. Elle le regarde s’éloigner, perturbée par l’idée qui l’a transpercée. Elle ne veut pas le calmer. Elle le veut brisé, déchiré, écrasé, à la limite de se vouer au silence comme elle. C’est violent, comme idée. Ca la rattache à l’instant, cette poussée sanguine, et c’est droite qu’elle semble presque dominer la pièce alors que lui recule. Elle est maîtresse, au moins pour un temps. Et elle ne flanchera pas. Elle ne veut pas flancher, pour cette flamme qui s’est allumée et qu’elle refuse, ce dernier soubresaut d’une affection éteinte qui se transforme si aisément en haine.

Elle ne veut pas.

Ses bras se croisent sur sa poitrine, mais elle ne semble pas ouvertement opposée à lui. C’est un fugace éclair de tristesse qui passe sur son visage, dans son regard où danse l’envie de lui faire mal. Elle est réveillée, il est presque à sa merci – elle est la plus faible des deux, mais ses mots savent où frapper, et il semble leur accorder tant d’importance qu’inconsciemment il s’offre.

« Les manigances d’un autre qui nous a utilisé pour… » Pour quoi ? Il n’en a rien retiré, Rodrigue. La froideur de son beau-fils, l’élévation de sa fille certes, mais rien pour lui. « Pour juste semer le chaos. Pour te nuire, ou nous nuire, sans aucune raison. » Ses doigts serraient sa peau, juste à la pliure de ses coudes, luttant contre les souvenirs à l’aide de la douleur. « Et tu n’as jamais cru bon de t’arrêter un instant et de châtier le véritable coupable. Tu as préféré faire l’enfant et reporter la faute sur la personne qu’il avait utilisée. »
Son visage se détend légèrement, mais toujours elle ne le quitte pas du regard. « Je ne voulais pas me taire pour toi, au départ. »

Elle n’avait pas voulu que son silence se prolonge. Elle avait naïvement pensé que si elle ne prononçait pas ses vœux, si elle restait silencieuse, alors ils ne seraient pas pris en compte. Que le mariage serait annulé, qu’avec le temps elle pourrait lui expliquer et regagner, au moins, sa confiance si ce n’était son affection.
Folie. Le mariage avait été accepté. Alors, simplement, elle s’était tue, jusqu’à ce qu’il ne soit plus son époux. Promesse brisée, mais elle n’avait jamais été bonne pour les tenir.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 10 Juin 2018 - 5:37

Ils sont si proches, dans cette petite pièce éclairée des rayons des lunes qui traversent la fenêtre, pourtant il la sent si loin, plus éloignée encore que lorsqu’il l’ignorait. Quand il ne voulait pas d’elle, c’était à ces moments qu’elle était le plus là, fardeau qu’il se devait de traîner à ses côtés, un poids qu’il aurait volontier lesté. Quand il ne voulait pas d’elle, tout lui rappelait sa présence, qu’il était encore obligé de se faire voir à ses côtés, d’endurer ses regards et son mutisme. De supporter sa place ici au palais, les chaînes qu’elle était sur son existence. Quand il ne voulait pas d’elle, elle était toute proche.

Mais maintenant. Ce soir. Alors que ses premiers mots un mois plus tôt avaient éveillé en lui les souvenirs d’un temps qu’il avait relégué aux bas-fonds de son esprit, alors qu’elle l’avait lentement plongé dans un désespoir qu’il ne se connaissait pas en devenant muette. Alors ce soir, alors que finalement elle lui parlait à nouveau, elle lui semblait tellement loin, inaccessible. De qui rêvait-il, de la Jehanne de jadis, la Jehanne de l’Ancre-Fleurie, ou de celle qu’il avait brisé au fil des années? Un étrange mélange des deux, produit de ses nuits au sommeil agité, aux rêves aussi heureux que douloureux. Ce soir, il ne la voyait plus comme le fardeau comme lequel il l’avait traitée tout ce temps. Mais ce n’était pas réellement elle qu’il voyait, n’est-ce pas?

Parce qu’au matin, quand il aurait dégrisé, quand l’alcool ne coulerait plus dans ses veines et n’embrumerait plus ses pensées des songes qui la nuit le tourmentaient, la verrait-il encore comme il la voyait à présent? Quand il apprendrait que cet amant qu’elle cachait et protégeait était le prince, son frère, pourrait-il encore sur elle porter ce regard qui rappelait ceux qu’il lui adressait, au tout début de leur histoire? Et s’il apprenait que, même Bertille, sa fille chérie, n’était pas sienne, serait-il capable de la regarder encore et d’y voir la femme qu’il avait un jour voulu aimer? Serait-il capable, même dans ses rêves, de s’imaginer une idylle entre eux qui jamais n’aurait lieu?

Mais ce soir il la voit, il découvre la femme qu’il a brisé, et il regrette celle qu’il a rencontré un soir de mai il y a si longtemps. Ce soir, elle n’est plus la faible et morne et invisible Jehanne sur qui il a tant de pouvoir. Ce soir c’est elle qui porte les coups, et il s’offre, il veut avoir mal, un peu.

Il l’écoute. Il l’écoute alors que son esprit essaye de bien garder le timbre de sa voix, parce qu’inconsciemment il croit savoir que l’aube venue, toujours enfermée dans cette prison, quand il reviendra la trouver, dans un état totalement différent, c’est à nouveau le silence qu’elle lui offrira. Est-ce qu’il devra se battre pour qu’elle lui parle à nouveau quand la nuit aura laissée place au jour? « Tu n’as jamais rien dit. » qu’il murmure tout bas. Non, elle s’était tût, peut-être dans l’espoir d’ainsi faire changer les choses, mais comment pouvait-il le savoir? En ne disant rien jamais elle ne s’était opposée à tout cela, et son silence avait été un gage d’acceptation. Elle n’avait jamais rien dit, non, et elle lui remettait la faute, comme si tout le blâme était sur lui. « TU N’AS JAMAIS RIEN DIT ! » qu’il répète, se surprenant presque lui-même en haussant le ton, en hurlant presque, à nouveau. Et il se redresse, marche à nouveau, se rapprochant de sa femme pour venir retrouver une position plus autoritaire alors qu’il s’arrête juste devant elle, la forçant à lever le regard pour l’observer. « Tu ne voulais pas te taire pour moi, MAIS TU L’AS FAIT ! Tu devais t’obstiner, chercher à m’insulter davantage en gardant le silence ! »

Et il soupire vivement et la contourne pour venir se poser devant la fenêtre, une main contre le mur, le regard sur le large au loin sans vraiment le voir. Sa vision se mêle, et les souvenirs et le temps présent se succèdent devant ses yeux. Il y a cette nuit-ci, et la mer calme et sombre au loin, et cette nuit-là, et cette mer illuminée de million d’étincelles. « On aurait pu être heureux je crois, Jehanne. J’aurais aimé être heureux avec toi, tu sais. S’aimer. » Il ne la regarde pas, alors qu’il dit ces mots, alors que son regard continue de se perdre dans des souvenirs qui ne sont plus là, qui dansent et se brisent devant ses yeux. Il a envie de lui demander s’il est trop tard, mais il connaît la réponse, alors la question se meurt au creu de sa gorge avant même de ne glisser sur ses lèvres.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 10 Juin 2018 - 16:29

La nuit ne se finira jamais. Il est là, et il sera là pour toujours. Même lorsque viendra le jour, sa présence restera gravée dans la chambre de la duchesse : son odeur, déjà, semble emplir et dominer la pièce plus que celle, discrète et fleurie, de sa femme. Ou peut-être hallucine-t-elle plus qu’autre chose. Oh, comme c’est douloureux ! Comme c’est étrange ! Elle est en position de force et souffre en même temps ! Elle veut lui faire du mal tout en craignant son ombre et sa présence ! Il attise en elle la colère et la rancœur, mais également le besoin de pardon et d’attention. Elle a été privée de son regard pendant longtemps, si longtemps qu’elle ne peut que chercher à le retrouver. Elle cherche à exister, comme le regard de son frère lui donne ce qu’il faut pour continuer à avancer. Il fait naître en elle tant de contradictions qu’elle ne sait plus que penser.

C’est l’alcool, ça va passer. Demain, tout sera oublié. Il retournera à son être froid et insensible et, comme un rêve, cette nuit doucement glissera dans l’oubli. Jehanne n’en parlera pas. A qui pourrait-elle le confier ? Bertin en souffrirait, de savoir qu’elle nourrit encore pour Bartholomé autre chose que la froide colère remâchée qu’elle a toujours au fond d’elle. Et puis Bertin est loin, parti lui aussi.
Elle a l’impression de ne plus savoir. C’est de sa faute, au duc, aussi. C’est de sa faute. Elle le sait, elle l’affirme et l’affirmera encore et encore aussi longtemps qu’il le faudra. Elle est bien pâle, la résistance qu’elle lui oppose, mais tout de même. Malgré le cri qui la fait trembler, les mots qui suivent, elle résiste.

La colère resurgit, véritable éclat. Elle est chaude, cette rage, dans sa voix ! Comme une véritable explosion, derrière la froideur des autres mots. « Je ne pouvais pas te parler ! Tu n’écoutais pas. Tu m’as interdit l’accès à tes audiences, tu m’as laissé attendre dans tes appartements pendant des heures alors que je ne voulais que te voir pour m’expliquer pour ensuite m'ignorer, tu m’as faite retenir par tes gardes pour partir alors que tout ce qu’il manquait, c’était pouvoir enfin te parler ! »
Elle en a les larmes aux yeux, la gorge nouée. Ses mains tremblent. « Je ne pouvais pas te parler, même quand nous étions seuls, parce que si je l’avais fait tu n’aurais rien entendu. Et qu’après le mariage, je… » Sa voix se brise. Elle ne continue pas. Il lui semble encore sentir les douleurs dans son corps, souvenirs de sa rage portée jusque dans le lit nuptial. Il n’en a pas eu conscience, sans doute, à l’époque. Il n’en saura jamais rien.

Il n’est pas en meilleur état qu’elle, peut-elle deviner. Elle respire doucement, mais les larmes ont déjà coulé. Elle n’aurait pas dû pleurer. Heureusement, il ne le verra pas. Il s’en fiche, de toute manière. « On aurait pu. » est sa réponse, et ses mots tremblent sur sa langue, au bout de ses lèvres pâles. Elle le sait, elle. Elle sait qu’elle l’a aimé, qu’elle l’aurait encore aimé si elle avait accepté de ne pas se taire. Elle sait que, tout au fond, s’ils s’étaient donné la peine, elle aurait pu lui pardonner. Elle ne sait pas si elle l’aime encore – et l’idée même lui fait peur.

Pour la première fois, peut-être, elle se rapproche de lui. Elle ne tente pas de le toucher, non. Elle n’est pas folle. Elle veut juste comprendre. Elle veut comprendre tout ce qui a pu le contraindre à venir ici. « Bartholomé. »
Elle le regarde. Ses yeux sont encore légèrement humides, mais elle chasse les larmes d’un battement de cil. Il dira ce qu’il veut. N’importe quoi. Elle veut comprendre, mais elle sent qu’elle peut se briser si jamais elle essaye de parler encore.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyMar 12 Juin 2018 - 0:00

Elle n’avait pas tord. Jamais il ne lui avait vraiment laissé la chance de parler, et aurait-il seulement été prêt à l’écouter si elle l’avait fait? Probablement pas. Pris dans ce tourbillon de colère et de mépris, de rancoeur et ce sentiment d’avoir été trompé, mais aussi face à l’approbation - faible mot ne faisant aucunement justice à la joie bien plus qu’approbatrice qu’avait manifestée sa mère et les vieux conseillers qui siégeaient à son conseil de l’époque - que la nouvelle de ce mariage avait reçu, il avait préféré éviter la Lagrane et ne lui avait jamais même laissé la chance de s’expliquer. Il était persuadé qu’elle avait participé à ce complot, que son silence alors que son père venait les interrompre faisait parti de ce théâtre qu’ils avaient finement orchestré. Ces Lagrans, après tout, n’étaient-ils pas réputés pour leurs mensonges, et la toile qu’elle avait posée autour de lui en fréquentant sa cour et cherchant sa présence ne pouvait être que les multiples facettes de ce stratagème qu’elle avait organisé pour devenir duchesse.

Oui, il n’avait pas voulu lui laisser la chance de s’expliquer. Il avait cherché à éviter un scandale, alors qu’il venait tout juste de reprendre la couronne ducale. Il avait préféré éviter de possible conflits avec leur voisins Lagrans, desquels Ansemer dépendant tant durant les longs mois d’hiver ou la pêche ne suffisait plus à les nourrir. Il avait accepté, parce qu’encore inexpérimenté des pouvoirs qui lui étaient conférés, il s’était laissé embourbé dans ce filet duquel il n’arrivait plus à se dépêtrer. Il avait accepté, parce que peut-être malgré toute la haine qui s’était formé sur l’instant pour la demoiselle de l’Ancre-Fleurie, y avait-il toujours, là-dessous, une petite dose d’amour et d’attirance pour cette jeune femme qu’il avait poursuivi au cours des semaines précédentes.

« T’écouter me balancer un tissu de lagraneries? Comment aurais-je pu croire ce que tu avais à me dire, de toute façon. » Il avait refusé de l’écouter, de l’entendre, peut-être parce qu’il craignait devant ses mots d’être faible. De la croire, justement. D’espérer, quelque chose, quoi que ce soit. D’espérer malgré tout cet avenir qu’il avait entrevu, imaginé, le soir de leur première rencontre. Se camper dans la colère et le mépris était plus simple. L’ignorer était plus simple. « Geneviève m’avait prévenu. » Que tu avais toujours souhaité t’élever plus haut que ce à quoi tu étais destinée, que tu n’hésiterais pas à mentir et à user de fourberies pour remettre le blâme sur autre que toi.

Et il l’avait malgré tout épousé, dans l’espoir peut-être qu’une fois mariés, sa colère pourrait s’éteindre et qu’il lui serait possible de retrouver chez Jehanne ce qui l’avait attiré aux premiers abords. Ce ne fut pas le cas.

Elle s’approche de lui, et baignée des rayons des lunes elle est si belle. Ses cheveux d’une pâleur miroitante, sa peau presque translucide des journées, des semaines, tenue recluse à l’intérieur. Les larmes qui glissent sur ses joues. Il lève le bras et sa main se rapproche de son visage, s’approchant hésitante, s’arrêtant à mi-chemin, comme s’il n’avait pas le droit. L’avait-il seulement encore, ce droit, celui de la toucher? Et d’une douceur qu’elle ne lui a sans doute jamais connu, jamais depuis cette nuit fatidique qui fit basculer leur histoire, ses doigts viennent essuyer les perles salines qui glissent sur ses joues. Son regard retrouve le sien, et il n’y a que douceur dans celui-ci. « J’avais oublié de te demander ton nom, cette soirée-là. Mais j’avais besoin de savoir. J’ai dû faire trouver par un domestique, comment se prénommait la demoiselle de l’Ancre-Fleurie. » Ses doigts ont quitté sa joue, pour glisser sur ses cheveux, caressant délicatement une mèche blonde. Ils sont si proches, et il pourrait si facilement basculer dans ses souvenirs, continuer comme s’ils étaient treize années plus tôt. Oublier tous les tumultes qui les ravagent et se croire, ne serait-ce qu’un instant, dans ce temps qui faisait encore fleurir leur rêves.

Cadrés des murs de la prison qu’il lui a imposée, baignés de la lumière de la nuit, étourdi du rhum dans son sang, il n’y a que lui et elle. Il n’y a plus Geneviève, il n’y a plus cet amant inconnu, il n’y a plus cet enfant adultérin.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyMar 12 Juin 2018 - 12:33

La douleur dans son corps, souvenir de ces premiers mois de fureur, ne partira pas. Ce n’est rien comparé à l’instant vécu, ce n’est rien comparé à celle qui a suivi, plus d’une fois. Mais c’est un souvenir, toujours, qui la hante et qui se rappelle à elle dès que l’occasion se présente. C’est la froideur de l’instant qui souvent la réveille… Ou, comme dans ce cas, l’appel direct. Ca lui tord le ventre, faisant remonter dans sa gorge une nausée qu’elle combat en n’y pensant pas. Ca la brûle et ça la détruit, la lamine et la brise sans qu’il n’en ait, en face d’elle, la moindre idée. Mais c’est là. Juste sous la surface.

Jehanne a les mots pour la distraire, cette fois. Pour se battre aussi, un peu plus qu’elle ne le fera ailleurs, un peu plus qu’elle ne le fera un autre jour. Il doit savoir, même si ça ne le touche pas.
« A partir du moment où je me suis éloignée à tes côtés, j’avais perdu Geneviève. » Elle n’irait pas dire que la brune l’aimait – elle n’en a jamais été sûre, mais certains signes sont tout de même assez clairs. « A partir du moment où tu m’as parlé, déjà, elle cherchait le moyen de nous éloigner. Ca a joué en sa faveur. Pourquoi aurait-elle voulu que tu saches la vérité ? » Surtout qu’elle lui a dit, à son amie. Elle lui a tout confié, brisée, réfugiée entre ses bras dès l’aurore. Elle lui a tout confié, sans penser un seul instant que la froideur qu’elle avait senti dans ses mots venait d’autre chose que du fait qu’elle la surprenne au réveil.

Jehanne tient le coup. Elle ne sanglote même pas, et les larmes qui roulent sur sa peau pâle et privée du fort soleil d’Ansemer – il passe par les fenêtres, mais ça n’est pas assez pour la toucher – sont silencieuses et lentes. Elle en retient tellement. Parce que si elle lâche, si elle se brise en face de lui entièrement, il aura gagné sans se battre. Il l’aura menée à sa perte sans même chercher à la blesser consciemment, du moins le croit-elle. Ses doigts sur sa joue, toucher incongru, humain, tendre, blessant, vivant, définitivement le sien, sont le premier contact réel qu’ils ont eu depuis longtemps. Et même pour elle, c’est bien la première personne qui ose toucher sa peau depuis des semaines. Océane l’effleure à peine ; il n’y a que Bertin, lors de ses courtes visites, qui lui permet un peu de retrouver la sensation de ne pas être entourée de fantômes.

Elle se fige, en croisant son regard, ses dernières larmes suivant les sillons effacés sur sa propre peau. Il se fait du mal, et c’en serait presque beau, quasiment jouissif à voir, s’il ne l’entraînait pas avec lui. Elle n’esquisse pas un geste pour le repousser, même si l’idée qu’il puisse à tout instant se retourner contre elle étreint son cœur. C’est la première fois qu’elle n’a pas l’impression qu’il veut sa mort immédiate, ou sa souffrance et sa perte quand il la regarde – et bien malgré elle, elle pourrait tomber dans le piège.
Et le pire, c’est que demain, tout reviendra à la normale. Personne n’aura jamais vent de cette nuit, il l’oubliera, mais pas elle. C’est tellement plus simple de le haïr, pourtant, quand il n’est pas comme ça ! Quand il ne réveille pas leurs seuls souvenirs heureux. Qu’il n’a pas l’air de quémander le pardon de tout son être.

Ca fait tellement mal, de ramener à la surface des moments de félicité. « Je… » J’aurais voulu y retourner. J’aurais voulu que l’on s’aime, que la situation soit moins compliquée. Le sourire qu’elle ébauche est fade, mais il vaut mieux que les larmes. J’aurais voulu que tu ne me connaisses jamais. Elle glisse sa main sur la sienne doucement, pour l’écarter de ses cheveux. Elle voudrait la garder dans la sienne juste un instant, pour se convaincre que ce n’est rien. J’aurais voulu que tu oublies mon nom et mon visage, que je ne sois qu’une autre noble de passage. J’aurais voulu t’oublier, moi aussi, ainsi la peine nous aurait épargnés.
Les pensées se font intrusives, dangereuses, et elle n’en a pas l’habitude. La culpabilité la ronge, poussée par son amour pour Bertin : comment peut-elle encore éprouver un quelconque remord face à lui ? Comment peut-elle regretter ses sentiments d’un temps presque oublié, face à ce qu’il lui a fait ? Je voudrais que tu te souviennes de ce soir.
Qu’il souffre des contradictions que l’alcool plante en lui. Qu’elle puisse le briser en le voyant. Mais en a-t-elle encore envie ?
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyMer 13 Juin 2018 - 4:06

Il avait longtemps reproché à Jehanne de mépriser Geneviève, d’en être jalouse, de vouloir constamment lui nuire. Il ne voyait pas alors la part de torts que la brune possédait. La Compagne était son échappatoire, la douceur de ses caresses, mais surtout ses mots, ses mots enveloppants, envoûtants, tangibles, audibles, étaient tout le contraire de sa femme. Elle semblait se complaire dans son poste chez les Compagnes, aussi n’avait-il jamais soupçonné qu’elle puisse nourrir contre son amie de la rancoeur et de la jalousie de lui voler cette place auprès de lui. N’était-ce pas elle qui avait amenée la Lagrane à sa cour, à ses soirées, par ailleurs?
Il nie de la tête, il refuse les propos de sa femme. « Vous étiez proches. » Mais il commence à percevoir, les désirs cachés de la brune, sournoisement emmenés. Ils semblent plus forts, alors que cette dernière doit sentir que sa chance est peut-être proche. L’aurait-il épousée, auparavant, s’il n’y avait eu Jehanne? Rien n’est moins sure. Et maintenant, s’il n’y avait plus Jehanne, le ferait-il?

Il y a un sourire qui étire doucement ses lèvres. Ce n’est pas, et de loin, tel ceux qu’elle réserve, réservait, à Bertille. Mais c’est là, malgré tout, et adressé à lui. À lui, ou à ces souvenirs qu’il évoque? À lui, ou à celui qu’il a un jour été? Sa main sur la sienne, et la douceur de ses doigts. C’est tout ce qu’il perçoit d’abord, alors qu’elle l’écarte de ses cheveux. Ses doigts se referment sur les siens, l’empêchant de rompre ce contact. Il veut prolonger cet instant, ce moment. Qu’importe que la douleur de la réalité soit violente et déchirante après. Il veut vivre ce qui aurait pu être, quelques secondes encore.

Son autre main vient glisser sur sa joue, ses doigts descendent sur la peau humide de son visage, viennent se glisser sous son menton, qu’il redresse un peu pour mieux pouvoir la regarder. Son sourire est léger et triste, à cet instant, et son regard presque désolé. Il voudrait parler, mais les mots se bloquent dans sa gorge, ses lèvres restent closes, scellées. Il a envie de l’embrasser, de faire glisser sur sa peau les vêtements qu’elle porte, de caresser ses courbes et de se perdre dans ses étreintes. Il a envie de l’embrasser, juste une fois encore peut-être, pour tenter de se souvenir le goût de ses lèvres. Ont-elles encore celui des fruits qui poussent dans les vergers de l’Ancre-Fleurie? Ou ce n’est que du goût salé de ses pleurs qu’elles sont maintenant imprégnées?

Sauf qu’il n’a pas le droit. Il n'a plus le droit.
Sa main relâche son menton, mais vient se glisser dans ses cheveux, derrière sa tête, et il l’attire à lui, contre lui. Ses lèvres viennent se poser à la lisière de son front, où débute sa chevelure d’un blond si clair. Il ferme les yeux, et il hume son parfum, celui des fleurs. Est-il réel, ou alors l’imagine-t-il, produit de ses rêveries et des souvenirs qui hantent son esprit? Il a l’impression qu’il est encore là, pourtant. « J’en avais envie, je crois. De t’épouser. Tu sais. » Il murmure tout bas, mais dans le silence qui les entoure elle aura entendu. Il sent son corps contre le sien, il sent la courbe bien distinctive de son ventre arrondi. Il pourrait se perdre et s’imaginer que c’est encore Bertille qui grandit en elle, cette enfant qu’il aime plus tout. Il ne l’a jamais touché ainsi alors qu’elle portait leur fille. Il aurait aimé qu’il en soit autrement, maintenant, pas alors. Pas alors qu’elle n’avait pas encore parlé, alors qu’il avait encore oublié le son de sa voix. Tout était différent, maintenant. L’était-ce vraiment?

Qu’elle le repousse. Qu’elle s’extirpe de son étreinte. Qu’elle brise le charme douloureux qui les enveloppe, que l’alcool l’a forcé à confronter, à révéler. Qu’elle lui hurle après, qu’elle le frappe. Qu’elle le fasse retrouver la haine et la rancoeur qui est tant plus facile à porter.
Qu’elle lui répondre qu’elle ne l’a jamais souhaité, elle, qu’elle n’a jamais voulu l’aimer.
Qu’elle repousse loin en son coeur ces sentiments qu’il lui aurait été plus facile de laisser enfoui.
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Jehanne d'Ansemer
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyMer 13 Juin 2018 - 15:47

Il ne comprend pas. Comment pourrait-il comprendre ? Elle n’explique pas toute la rancœur derrière ses mots, toute la douleur de l’amie trahie par Geneviève. Elle n’explique pas comment ou pourquoi les choses, la fracture entre elles a pu se produire, tant cela lui semble normal et acquis, et su de tous – surtout de lui ! La Compagne aurait-elle sciemment omis de mentionner les horreurs dites, les distances prises, la haine née ce soir de mai alors qu’ils disparaissaient ensemble pour une poignée de minutes ? Aurait-elle oublié de dire qu’elle lui en avait sûrement voulu, dès le premier instant ? Car c’a été ce que Jehanne a ressenti, toutes ces fois où elles se sont reparlées, avant qu’elle ne prenne son vœu désormais bien brisé – et que Bramir la punisse, s’il le faut. Il y a des fois où tout, le monde, est juste trop.

Elle voudrait retirer sa main, après avoir éloigné la sienne de sa chevelure, mais il s’arrange pour la garder dans la sienne. Le contact est singulièrement nouveau. Pour un peu, il semblerait s’accrocher à elle. Ca serait bien la première fois, et elle a peur qu’il ne s’agisse, là encore, que d’une habile manipulation dans les brumes de l’alcool. Son regard glisse dans le sien plus qu’il ne s’y confronte, cachant aisément ses appréhensions et ses sentiments. Elle pensait le haïr. Elle le haït toujours, pour tout ce qu’il a fait. Il n’est pas bon pour elle, c’est un fait. Douze ans, treize, à la détruire pour quelque chose qu’au final ils regrettent tous les deux, treize ans à la laisser souffrir et à l’humilier. Treize ans de silence contre treize ans de torture : lequel était le plus amoché ?

Un instant, la peur vacille au fond de ses yeux. C’est mal, ce qui arrive. Il faut en être rendu à un point bien particulier de son existence pour penser que le toucher de son époux est une insulte. Elle ne veut pas trahir celui qu’elle aime, elle ne veut pas que l’homme qui la touche en ce moment – bourreau qui l’a tant faite souffrir – puisse laisser sur sa peau une quelconque trace d’une tendresse fugitive. Elle n’est pas à lui.
Si seulement c’était si simple.

Elle se fait presque morte, n’osant pas bouger, luttant contre le dégoût qui lentement grimpe entre ses lèvres et l’envie de se laisser aller à ses bras, de profiter du peu de chaleur humaine, réconfortante, qu’il lui offre. Sa confession lui fait monter les larmes aux yeux, lourdes, dangereuses, et la colère, et l’incompréhension, et tout ce qui n’a pas de nom mais remue en elle.
Elle l’a dit à Bertin. Elle lui a dit, quand il lui a exposé son plan, quand il lui a dit qu’elle devait jouer le jeu de la tendresse retrouvée au moins aux yeux des autres. Elle lui a dit qu’elle ne pouvait pas. Pas parce qu’elle en était incapable. Mais parce que ça faisait trop mal.
« Tu n’as pas le droit de dire ça. » La blonde ne trouve pas la force de le repousser, la colère la paralyse. Elle est de celles que la rage fige sur place. Elle s’écarte vaguement, mais son corps tremble. « Tu n’as pas le droit de dire ce genre de choses après tout ce que tu as fait. » Elle plante son regard dans le sien, malgré les larmes qui coulent, coulent sans s’arrêter – ruisseaux, rivières, fleuves. « Tu n’as pas le droit de revenir sur ce que tu n’as pas cessé d’affirmer comme si de rien n’était, comme si depuis le début je n’avais voulu que ta perte, comme si je ne ressentais rien pour toi ! » Les mots sont lâchés et ils s’envolent loin d’elle. Elle n’a même plus conscience, à ce stade, des aveux voilés qu’elle laisse s’échapper : ses yeux la piquent des larmes brûlantes qui en coulent, sa gorge lui fait mal, le sang pulse à ses oreilles et sur sa langue traîne un arrière-goût amer.

Elle l’a dit, qu’elle se voulait triomphante. Qu’elle voulait se battre, le perdre lui comme il l’a perdue. Mais Jehanne n’a jamais été une battante. Il a sans doute trouvé la faille, inconsciemment, pour l’atteindre encore alors qu’elle se pensait intouchable enfin. Une nouvelle manière de la détruire, assurément une manipulation malsaine qu’il mettra à profit dès demain.

Pour l’heure, c’est une véritable tristesse qui s’empare d’elle, alors qu’elle tente de retenir les soubresauts provoqués par les sanglots retenus. « Tu as eu ce que tu voulais. » parvient-elle à dire, se détournant totalement de lui pour ne plus le voir. Elle ne sait plus ce qu’elle veut. La paix. Le silence. Lui. Bertin. Personne.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 15 Juin 2018 - 4:57

Elle ne l’a pas repoussé, pas tout de suite, du moins. Entre ses bras et dans l’étreinte qu’il lui a imposé elle s’est laissé envahir. Il le sent, il le sait, qu’elle ne se donne pas à lui, qu’elle attend simplement qu’il la libère. Mais il étire cet instant malgré tout. Peut-être que sans son esprit ce moment de tendresse viendra traverser les limbes d’amnésie qu’il éprouvera au réveil. Peut-être que c’est l’odeur des fleurs qui reviendra à lui la première, ou la texture si douce et soyeuse de ses longs cheveux blonds entre ses doigts. Peut-être que c’est la chaleur de sa main qu’il serre de la sienne, ou les larmes qui coulent sur ses joues et qui tâchent de sel sa chemise. Peut-être qu’il finira par se souvenir de la douceur de cette étreinte, et du triste désir qui le tenaille.

Peut-être aussi qu’il oubliera tout cela. Peut-être qu’il ne se souviendra que des reproches, que des mots qui semblent vouloir lui interdire. Peut-être qu’il rejettera toute la tendresse et toute l’amour, tellement ces sentiment lui sembleront incongrus, associés à cette femme qu’il est si aisé pourtant pour lui d’hair et de mépriser.

Ses bras la libère, à contre-coeur, alors que dans son étreinte elle semblait chercher à s’écarter. Son corps entier est figé, à cheval encore entre le temps présent et les souvenirs qu’il s’évertue à vouloir revivre. Mais elle le brise, elle brise ce rêve éveillé dans lequel il aurait préféré rester endormi. Elle ne pleure pas, là-bas, dans ses souvenirs. Elle ne lui reproche pas, non plus, ses paroles et ses agissement, dans ce passé que son esprit cherche à recréer. Ses reproches le frappent, le ramènent tranquillement là, ici, dans cette prison dorée. Il a la tête qui tourne, et le regard qui lui semble devenir flou. La nausée qui veut perler sur ses lèvres. Il cligne des yeux, il l’écoute, sans rien dire, mais son regard change, un peu. Il se refroidit, il n’est plus aussi chaud et doux qu’il l’était l’instant précédent.

Sa main s’élance et vient se saisir de son bras alors qu’elle se détourne de lui. Ses doigts se serrent certainement bien plus qu’il n’est nécessaire sur sa peau -  ils y laisseront leur marque violacée au matin, souvenir tangible de sa présence cette nuit - alors qu’il l’empêche de s’éloigner davantage, qu’il la force à se retourner, à lui faire face encore. « Non. » Sa voix tonne surement plus fort qu’il ne l’avait envisagé. « Tu as fait en sorte que ça n’arrive jamais. » C’était plus facile, de tout lui faire porter, de lui faire porter le blâme de cette vie qu’il n’aurait jamais. C’était plus facile, de s’évertuer à la détester. C’était ce sentiment connu, agréable à porter. Il connaissait cette haine et cette rancoeur, dans son coeur elles s’étaient fait une place qui prendrait plus d’une nuit à déloger.

Et il a tant envie de la détester. Mais les larmes montent à ses yeux et glissent aussi sur ses joues. Elles viennent se mêler à sa barbe et sur ses lèvres le salin de ces dernières lui rappelle la mer. « Tu savais ce que je voulais. Tu savais que je n’étais pas prêt. Tu n’avais pas le droit de me punir de ton silence. » Il la relâche. Il se retourne vers la fenêtre. Les lunes sont belles et éclatantes, sur les vagues elle projettent leur lumière et semblent faire scintiller l’océan. Comme un million de paillettes. Il écarte les bras et attrape les rideaux pour les refermer d’un geste, plongeant la pièce dans une obscurité presque totale. Il n’y que la lueure du salon avenant qui entre par la porte de la chambre qui est restée grande ouverte. Juste assez pour esquisser dans l’ombre les silhouettes de leur corps.

« Tu m’as privé de ta voix, comme tu m’as enchaîné à terre. » Il marche, au travers de la pièce, sans réel but, dans une cadence rapide, ses mouvements désordonnés. « Tu penses que tu serais plus heureuse, avec cet amant que tu t’es évertuée à me cacher? » Il la regarde, et il éclate d’un court rire. Il ne lui laisse pas le temps de répondre, et si c’est formulé tout comme, ce n’est malgré tout pas vraiment une question. Ou alors il ne veut pas connaître la réponse. « Dommage que tu ne sois plus en Lagrance, où il t’y aurait été possible de me divorcer. » Il attraper un livre, posé là au sommet d’une pile déposé contre un mur. Son regard glisse sur le titre, sans vraiment le lire. Ses propos s'enchaînent sans véritable sens. Il n’aura jamais ce qu’il voulait, parce que ce qu’il voulait depuis longtemps n’existait même plus. Parce qu’il l’avait brisé trop long pour qu’il soit possible de le réparer. « Il n’y que moi qui ai droit de t’aimer ! » Il a projeté le livre qu’il tenait dans sa main en direction de la duchesse, il est venu s'écraser contre le mur, celui tout juste à côté de Jehanne. « Tu n’as pas refusé de m’épouser. Alors TU ES À MOI ! » Dans les mots presque hurlés, dans la colère à nouveau déversée, il n’y a pas que de la haine cette fois, mais de la douleur, aussi.

Il n’a pas entendu, au travers de sa tirade, les bruits de conversation étouffés de l’autre côté de la porte. Il n’a pas entendu cette dernière s’ouvrir et quelqu’un entrer. Alors qu’il tourne finalement le regard vers son frère, là, dans l'embrasure de la porte de la chambre, il ne pourrait pas prétendre savoir ce à quoi il a eu le temps d’assister.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 15 Juin 2018 - 6:54

Il s’efforce de ne montrer, sur ses traits fatigués, aucune expression. Cachée, la colère qu’il peut éprouver envers son frère elle qui pourtant, dans l’immédiat, le consume de l’intérieur. Masquée, la peur qu’il a ressentie pour Jehanne lorsque des coups tambourinés en urgence sur la porte de sa chambre l’ont réveillé quelques instants plus tôt.  Il s’est arrêté dès qu’il a vu le geste de Bartholomé, cette colère insoupçonnée qu’il a vue éclater et qui a glissé sur ses traits une tristesse non feinte. Là, dans l’embrasure de la porte, il a trop vu, déjà. Il n’ose pas attarder son regard sur Jehanne de peur que ce simple regard ne trahisse tous les secrets qu’ils cherchent tous deux à garder depuis si longtemps. Une part de lui crie à la lâcheté, le pousse à tout dévoiler afin que la colère de Bartholomé change de cible. Mais Jehanne n’accepterait jamais. Oh, sa douce Jehanne ! L’idée même qu’il aurait pu lui arriver du mal ce soir si on ne l’avait pas prévenu de la visite du duc chez sa femme le force à réprimer un frisson d’horreur.

Tristesse et lassitude se peignent sur ses traits alors qu’il s’avance enfin dans la chambre. Le silence s’étire, brisé seulement par le bruit de ses pas sur le dallage de la chambre. « Cela suffit, Bartholomé. » Sa voix est d’une douceur contrôlée, teintée d’une amitié fraternelle blessée, ébranlée par la scène dont il vient d’être témoin et toutes ces années de mauvais traitements envers sa douce… leur douce, apparemment… « Crois-tu que ce soit ainsi que tu regagneras son cœur ? Où sont passé tes grands charmes ? » Sois prudent. Sa progression est lente, guettant à chaque pas, à chaque instant les gestes de son frère dont il se méfie, à présent. Le livre abimé aux pieds de Jehanne qu’il peut apercevoir du coin de l’œil est un amer souvenir de l’imprévisibilité du duc. La distance qui les sépare diminue, jusqu’à ne plus être que la distance d’un bras tendu.

« Il est l’heure de rentrer, Bartholomé, viens. » Une main se ferme sur le bras de Bartholomé alors que la seconde vient entourer ses épaules à la fois pour le soutenir et le force à quitter la chambre. Entraîner de force son duc. Encore heureux que les couloirs soient déserts à cette heure de la nuit grâce à la chasse sauvage… Encore heureux aussi que l’aîné soit trop ivre pour remarquer la douleur du cadet alors qu’il force toutes les fibres de son être à s’éloigner de celle qu’il aime et qui aurait tellement besoin de lui ! « Non, Bartholomé. Tu ne resteras pas avec ta femme cette nuit. Elle a besoin de repos, tu le sais. Allons plutôt boire un verre, juste toi et moi. Tu n’es pas en état d’avoir cette conversation avec elle. »
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 15 Juin 2018 - 9:35

C’est un fait : cette nuit ne pourra pas être oubliée. Pas par ceux qui l’ont vécue, le couple qui se déchire et se hait, qui s’aime peut-être mais sans se l’avouer, parce que la haine est si proche de ce sentiment, qu’elle fait s’échauffer l’esprit autant que le sang. Entre les deux, le cœur peut très bien se perdre. Trop bien se perdre, et les égarements d’un être aussi fragile que Jehanne sont tellement imprévisibles ! Même si son cœur va à Bertin, le doute est planté. Même si elle sait, du plus profond de son être, de son existence toute entière qui lui est dévouée, qu’elle a pour lui les plus tendres de sentiments. Même si tout ça, même si plus encore, son inconscient lui souffle des et si. Et si tu ne l’aimais que parce qu’il était là quand l’autre te repoussait ? Et si tu n’étais tombée amoureuse de lui que parce qu’il était un substitut face aux sentiments que Bartholomé te refusait ? Et si tu t’étais simplement servie de lui ? Et si tu lui mentais, depuis toutes ces années, sans t’en rendre compte, en attendant simplement que ton époux revienne vers toi ? Et si tout était faux, si Bertille était l’enfant de l’attente et des faux-semblants au lieu de la consécration de votre union interdite ?

Les doutes sont plantés. Elle les repousse, mais ils sont là. Arrosés par la peur et les larmes, ils germeront bien vite, enserreront son cœur pour l’étouffer et la faire mourir encore un peu sous le poids d’une culpabilité presque grandissante. Oh, comme elle aurait aimé qu’il n’en soit rien, que jamais Bartholomé ne vienne, ou qu’elle ne soit pas cette pathétique ébauche d’être humain ballottée ici et là au gré des vents de la colère et de la peine. Elle aurait aimé ne pas être si passive, pouvoir se tenir face à lui, le détruire, le piétiner, le reconstruire, s’excuser, le haïr, l’excuser, se laisser oublier et s’imposer, perdre son titre d’épouse et regagner celui de femme.

Cette nuit ne pourra pas être oubliée. Il la retient, sa force imprimant sur sa peau diaphane le souvenir impérissable de leurs sentiments ambigus – affrontement longuement repoussé. Ses yeux le trouvent, à nouveau, et les larmes qui continuent d’y perler rencontrent les siennes. Parler, encore. Lui dire qu’elle ne savait rien, mais ça serait mentir. Lui dire qu’elle aurait voulu lui rendre son océan, sa liberté, mais qu’elle ne pouvait rien y faire. Que si ça n’avait pas été elle, c’aurait été une autre, choisie par sa mère. L’aurait-il haïe, elle aussi ? Alors elle ne dit rien, parce que ses mots n’attendent pas de réponse et que sa voix est fatiguée. Fatiguée de ne pas être entendue – parce qu’il n’écoute pas. Il ne l’écoute pas.

Sa poigne se relâche, et elle recule, aussi loin qu’elle le peut. La colère est de retour, hurlante, dangereuse, écho de la sienne teintée de leurs douleurs mêlées. Il commence à arpenter la pièce, son pas vif et presque menaçant. Instinctivement, elle ramène ses bras sur elle, sur son ventre. Protection minime. Stupide. Mais si elle veut bien encaisser, elle ne veut pas qu’il touche à son enfant. Le silence l’enveloppe, protecteur. Invasif. Il engourdit sa bouche et réveille son être. Elle ne dira rien, mais elle guette l’instant propice pour fuir et s’abriter. Elle devine une forme sombre dans l’obscurité, oiseau de douleur, qui fonce vers elle. Baisser la tête, ne pas bouger. S’il atteint son crâne, son torse, son visage, elle s’en fiche. Qu’elle saigne, qu’elle ait mal, elle s’en fiche : il lui a bien assez fait de mal en treize ans. Physiquement et mentalement. C’est pour l’enfant qu’elle a toutes ses peurs.

Le livre ne la touche pas. Paralysée, dos au mur, les mains crispées et tremblantes, elle veut fuir. Fondre en larmes, oublier. Fuir, loin.
Et ce n’est qu’à ce moment qu’elle remarque une présence. Que son regard se tourne vers la porte, que son cœur se fige. Jehanne voudrait lui dire de partir. De ne pas s’avancer à ce sujet. Elle ne ressent aucun soulagement quant à son arrivée, juste une peur sourde. Elle décroise les bras, s’avance un peu dans la lumière : comme des traînées brillantes et brûlantes sur ces joues. Doucement, elle va rouvrir les rideaux, rouvrir la fenêtre de ses mains tremblantes.
Il reviendra demain, et tous les jours qui suivront. Ses yeux cherchent Bertin, juste un instant, qu’il y lise sa peur. Fais attention. Je t’en prie. Sois prudent. Ses mains s’agrippent à la fenêtre, alors qu’elle les regarde.

Les plans commencent à se former dans son esprit. Stupides, improbables. Réveiller Océane, l’envoyer chercher un mage – après avoir acheté son silence, nous sommes en Ansemer –pour portailler jusqu’en Lagrance, supplier le duc de l’aider – trop risqué, trop rocambolesque, des possibles frictions avec Ansemer. Portailler jusqu’à Lorgol – pour se réfugier où ? La tour de l’Ancre-Fleurie ? Ils ne la laisseraient jamais entrer. Celle d’Ansemer ? Autant rester où elle est.
Se faire passer pour morte ?
Tellement de possibilités. Tellement d’impossibilités. Elle tente de se calmer. Mais tant que les deux seront là, si près, trop près, et que le secret pèsera à la bordure de ses lèvres, elle voudra fuir.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyVen 15 Juin 2018 - 20:12

Bertin est là, et la vision incongrue de son frère dans cette pièce lui fait cligner les yeux. Il en avait presque oublié le reste du monde, dans cette scène irréelle qu’ils venaient de vivre, lui et Jehanne. Il avait oublié que par delà les portes closes des appartements de sa femme il y avait les gardes qu’il faisait poster là, nuit et jour, inlassablement. Il avait oublié que de l’autre côté de la petite porte dérobée dans la chambre se trouvait aussi Océane, qui devait avoir tout entendu de leurs échanges. Il avait oublié que Bertin était revenu, quelques jours plus tôt, et qu’entre ses quarts de service il était ici, au palais.

Il fronce légèrement les sourcils, à regarder son frère s’avancer, l’écouter tenter de le calmer. Pourquoi est-il ici? La question traverse son esprit, et il se demande qui l’a prévenu? As-t-il été prévenu, même, ou le hasard de sa présence en même temps que lui dans les appartements de sa femme n’en était pas un. Venait-il la voir? À cette heure de la nuit? Son esprit trop embrumé ne fait pas plus de liens que cela, il ne s’attarde pas aux si et aux possibilités, il n’y croit pas, de toute façon. Ça ne lui traverse même pas l’esprit, qu’entre sa femme et son frère il pourrait y avoir plus. Naïf, surement. Trop confiant de l’amour et du respect fraternel, peut-être plus.

La colère qui avait repris le duc s’est figé avec l’arrivée du prince. Il le laisse s’approcher, et le laisse briser les souvenirs qu’il revivait et mettre un terme à cette rencontre nocturne qu’il ne sait comment elle aurait fini autrement. Aurait-il poursuivi, tenté de briser plus encore sa femme, de la violenter, se laisser emporter par les flots tempétueux de la rage et la blesser? Aurait-il regrettés les gestes posés au lendemain? Les larmes et la douleur qui se frayait un chemin de son coeur à son esprit au travers cet échange teinté de nostalgie auraient-elles fait basculer ses émotions et se serait-il effondré de ce passé qui ne serait toujours que cela, un motif beau et heureux sur la tapisserie du grand métier à tisser de la vie, mais loin, et déjà déformé et brisé, ne ressemblant plus à rien.

Il n’offre pas de résistance à son frère, presque soulagé de quitter la duchesse. Elle lui fait mal, ce soir. Simplement sa vision est douloureuse. Les souvenirs qu’elle lui fait revivre, qu’il tentera de rejeter loin dans son esprit, mais qui ainsi déterrés seront plus proches qu’ils ne l’eurent jamais été. Son frère l'entraîne, et il le laisse faire, il le suit. Mais ses pas ralentissent, alors qu’ils viennent à traverser la porte de la chambre. Il se retourne un peu, pour jeter un dernier regard sur la Lagrane. Il croit voir la peur dans ses traits, mais ce n’est pas lui qu’elle regarde, c’est le regard de Bertin qu’elle cherche. « Jehanne, je - » Sa voix est brisée, ses yeux encore humides. C’est la douleur et la tristesse qui résonne à nouveau sur celle-ci, alors qu’il voudrait s’excuser. Mais Bertin parle, et il se retourne vers son frère, hoche simplement la tête, et se laisse entraîner loin d’elle, hors de sa chambre, hors de ses appartements, hors de cette aile déserte du palais.

À Bertin il n’évoquera rien des échanges de cette nuit qu’il aura eu avec sa femme. Sorti de ce théâtre douloureux qu’il s’était forcé à revivre la fatigue et l’alcool finira par avoir raison de lui. Drainé, de la douleur et de la colère, des souvenirs et des aveux voilés, il s’effondrera dans un sommeil qui pour une fois ne sera pas hanté de la voix de sa femme. Il rêvera de la mer. De ses tempêtes et ses berceuses. De ses vagues presques noires et fracassantes et de l’écume perlée qui miroite au soleil.
Il se réveillera au matin encore nauséeux, la tête qui lui tournera, mais la nuit un flou duquel il n’aurait pu dire ce qui en était vrai ou ce qui n’était que les rêves qu’il faisait constamment, nuit après nuit. Lentement, les doléances et les demandes d’audiences suffiront à le ramener à son rôle de duc, à éloigner ses pensées des doutes et des questionnements. Quand il retournera voir Jehanne, une bref vague d’incertitude glissera furtivement dans son regard, mais san plus. Il ne restera pas longtemps, mal à l’aise, presque, dans ces appartements. Ils ne diront rien, lui même ne dira rien. Les médecins suivront, s’assurer de la santé de l’enfant. Et la vie reprendra.

Il n’aura pas totalement oublié. Les sentiments qui étaient toujours là le sont encore. Il ne les comprendra pas. Il ne cherchera pas à les comprendre. Il ne voudra pas s’y rattacher.
La haine et la rancoeur et la colère et le mépris et l'indifférence sont si agréable à porter, ce masque confortable qu’il connaît si bien.
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptySam 16 Juin 2018 - 23:32

Il aurait pu, il aurait dû peut-être, chercher le regard de sa douce pour la rassurer et y lire l’avertissement qu’elle cherche à lui transmettre. Mais ç’aurait été ouvrir cette partie de lui-même qu’il cherche désespérément à garder fermée. Ces émotions qui oppressent sa poitrine plus encore aujourd’hui qu’au cours des douze dernières années. Lui qui pourtant croyait être immunisé à la culpabilité qu’il avait longtemps ressentie face à son frère… Il réalise qu’il n’avait réussi qu’à l’endormir, l’apaiser là dans un coin de son être. Il s’était convaincu que Bartholomé n’avait cure de sa femme, qu’il la détestait, et que cela voulait dire qu’il ne le blessait pas en aimant Jehanne. De cet amour avec un grand A qu’il vivait avec le plus grand plaisir, même s’il lui est impossible de l’afficher publiquement. Cette culpabilité, muette, ignorée depuis si longtemps l’a giflé, ce soir, lorsqu’il a dû faire dévier la course du projectile lancé par son frère.

La culpabilité, mais la tristesse aussi. Il réalise à présent que depuis douze ans il contribue au malheur de son frère. Tant que l’aîné n’en avait rien su, il n’y avait eu nul besoin de remise en question, et les doutes n’avaient fait que l’effleurer, parfois, lorsque la peur le prenait aux tripes quand ils étaient presque découverts après une nuit d’Amour, Jehanne et lui. Mais ce soir, comment pourrait-il l’oublier, l’ignorer ? Elle était là, elle occupait tout l’espace, meublait son cœur tout entier. Triste pour Bartholomé, donc, dont il a vu ce soir la profondeur, l’immensité de la détresse. Triste pour Jehanne dont, blessée, meurtrie, et ce soir ignorée par l’amant dans les bras de qui elle voudrait pouvoir pleurer, mais qui ne pourra pas venir la voir sans éveiller les soupçons. Triste pour Bertille qui, éloignée de force par son « père », ne ressent peut-être plus rien des tensions qui déchirent le couple ducal, mais qui reviendra sans doute dans quelques semaines ou mois retrouver sa famille complètement détruite… Partie, l’illusion dans laquelle étaient parvenu à la maintenir ses parents… Tout ça par sa faute. Et la pensée lui enserre le cœur et l’étouffe. Et son regard fuit celui de Jehanne, l’évite, car elle lirait trop, elle qui détient la clé de son cœur. Elle saurait trop, et il n’est pas prêt à ce qu’elle voit ses doutes. Cela lui ferait trop de mal…

La gorge nouée, il ne peut que s’éloigner, un bras autour des épaules de Bartholomé qui n’offre étonnement aucune résistance. Cela le surprend, mais il lui en est gré, il n’aurait pas eu la force de se maîtriser ce soir. Déjà, il relâche la prise sur son bras sans pour autant retirer la main autour de son épaule. Il faut jouer le jeu, même si ça le tue un peu de l’intérieur. Même si ça blesse Jehanne, et leur enfant… Il y a peut-être encore une chance de sauver les apparences. Ou pas, mais ça, il l’ignore…

Il n’aura eu, pendant son bref passage dans la chambre, aucun mot pour Jehanne. Il prie silencieusement pour qu’Océane ose enfin sortir de la chambre lorsque la tempête sera éloignée, et qu’elle veillera sur Jehanne comme il aurait aimé pouvoir le faire. Qu’elle saura calmer sa douce, l’apaiser, l’aider à retrouver le sommeil… Lui, c’est sur celui de Bartholomé qu’il veillera. Ce serait inconvenant qu’il se présente à la chambre de la duchesse avant le matin bien avancé. Il ne pourra donc que mettre Bartholomé au lit, et tâcher de s’assurer qu’il ait, dans sa chambre au réveil, de quoi lutter contre le contre-coup de sa nuit fortement alcoolisée.
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Jehanne d'Ansemer
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Message Sujet: Re: Et si on s'était laissé la chance de s'aimer?   Et si on s'était laissé la chance de s'aimer? EmptyDim 17 Juin 2018 - 12:42

Elle attend d’être seule. Son mari lui parle, mais ses mots ne vont même pas jusqu’à elle. Elle entend son prénom, mais elle se refuse à simplement l’écouter. Elle a été sotte, idiote et stupide, de penser un seul instant que ce qu’il lui disait était poussé par un besoin réel de s’amender ! Ah, quelle imbécile ! Le silence retombe, alors que les portes se ferment. Toujours accrochée à la fenêtre, les mains serrées sur le cadre comme pour s’empêcher de tomber dans les flots qui viennent lécher en contrebas les fondations du palais. Il n’y a rien. Si elle se penche un peu, juste un peu plus, la mer l’avalera sans un bruit autre que celui de son corps qui percute l’eau. Etoile filante vêtue de blanc, mort dramatique, suicide stupide.

Il y a la vie en elle. Décemment, elle ne peut faire ça. Elle ne peut se laisser tomber ainsi. Et ça leur ferait beaucoup trop plaisir. Et Bertin. Pense à Bertin. Imagine ses larmes, imagine sa confusion, la douleur. Mais imagine aussi, Jehanne, le soulagement de ne plus avoir à porter ce secret qui l’alourdit. De ne plus avoir à souffrir comme il a souffert en découvrant son frère dans cette chambre.
Ses pensées s’entremêlent. Elle ne sait pas pourquoi continuer de lutter, et seule, si seule, le monde n’a plus de sens. Les murs sont trop près, alors qu’elle referme la fenêtre. Elle a l’impression d’étouffer, de se laisser plonger dans un monde trop petit pour elle. Seule. Seule face à des souvenirs qui remontent dans son esprit, qui sont si doux ! La brève passion qui l’a animée n’est rien face à celle qui, depuis des années, perdure pour le prince, mais elle est là quand même. Avortée avant de s’épanouir, mais réveillée par l’homme même qui l’a si brutalement assassinée.

La duchesse silencieuse marche jusqu’à son salon. Elle n’a pas le courage de dormir, ce soir. Même ses pas sur le sol ne font presque aucun bruit. Elle reste juste assise là, à fixer les ombres qui dansent dans la lumière des lunes se déversant à plein flots à l’intérieur de la pièce. Son corps lui fait mal. Son cœur lui fait mal. Sa tête tambourine de tout ce qu’elle n’a pas pu dire, pendant ces treize années, ces pensées qu’elle a cachées dans des dizaines de carnets et dans ses lettres. Dans des mots, cachés derrière des miroirs et récupérés à la nuit. Dans des missives à elle-même qui ont fini au feu, effrayée qu’elle était de se faire attraper à ne pas être totalement silencieuse.
Ils sont tous les deux coupables, dans cette situation. Elle, pour ne pas avoir su se dresser contre ce père terrifiant et vicieux, contre Rodrigue le manipulateur qui avait tout arrangé. Elle, pour ne pas avoir dit non, ce jour de mariage, sur ce bâtiment dont elle ne se souvenait même pas du nom. Elle, encore, pour ne pas avoir cherché à le calmer, pour ne pas avoir cherché à se l’attacher alors que tout son être voulait sa compagnie et voulait se rattacher. Ils sont tous les deux coupables, aussi entêtés l’un que l’autre ! Et maintenant, la haine brûle entre eux.
Mais est-ce vraiment de la haine ?
Certaines choses doivent être tues.
Jehanne le sait.
Alors elle repousse les pensées dans son esprit, loin, bien loin.
C’est ici qu’Océane la trouve, quelques minutes plus tard. Qu’elle ne dit rien, la jeune noble aux traits fins – elle a un visage à peindre, et une beauté singulière dont on méritait de se souvenir. Jehanne est à peu près sûre que si Bartholomé a accepté qu’elle reste à ses côtés aussi longtemps, malgré ce dont elle a été témoin, c’est parce qu’elle doit lui plaire.

Elle ne dit rien à la duchesse, rien qui ne la marquera du moins. Ses mots sont doux, mais ils ne la touchent pas. Elle tente d’obtenir une réaction de Jehanne, mais rien : même l’éclat de ses yeux est mort, ce soir. Océane, alors, parle pour deux pendant une heure, sans s’en formaliser – et le babillage réconfortant apaise un peu le tumulte douloureux de l’esprit de la future mère.
Ce n’est que tard, encore plus tard dans la nuit, qu’elle acceptera d’aller se coucher, les rêves hantés par ce qui aurait pu être. Par des rêves où Bertille est l’enfant de son oncle – et la différence est si minime que, des fois, le doute peut se faire. Des rêves où elle est duchesse, et heureuse de l’être. Où Ansemer l’aime, où son duc est fier de sa femme. Des rêves d’impossible, enfouis, éclatés, déterrés de force par un homme qu’elle aime dans la haine.
Ils sont tous les deux coupables de ce qu’il leur est arrivé. Tous les deux coupables de ces douleurs qu’ils s’infligent. Ils auraient pu s’aimer.
Mais ils n’ont pas su.
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