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 Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel

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Message Sujet: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyVen 25 Nov 2016 - 18:21


Livre I, Chapitre 6 • La Danse des Trépassés
Mélodie Douxvelours & Melinda Orlemiel

Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel

Et se protéger du froid.




• Date : 03 Novembre 1001
• Météo : Nuageux.
• Statut du RP : Privé
• Résumé : Mélodie se dirige vers sa tente pour aller dormir en fin de journée. Avant cela elle va se restaurer un peu n'ayant rien avalé depuis quelques jours. C'est à ce moment qu'elle croise Melinda. Malgré la fatigue elle décide d'aller lui parler, notamment pour lui demander d'aller se suicider seule si elle le voulait, mais qu'elle n'avait pas à entrainer les autres dans sa chute.

• Recensement :

Code:
• [b]Date : 03 Novembre 1001[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t1475-petite-abeille-cherche-ruche-pour-avoir-un-peu-de-miel#44844]Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel[/url] - [i]Mélodie Douxvelours & Melinda Orlemiel[/i]

Mélodie se dirige vers sa tente pour aller dormir en fin de journée. Avant cela elle va se restaurer un peu n'ayant rien avalé depuis quelques jours. C'est à ce moment qu'elle croise Melinda. Malgré la fatigue elle décide d'aller lui parler, notamment pour lui demander d'aller se suicider seule si elle le voulait, mais qu'elle n'avait pas à entrainer les autres dans sa chute.

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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyVen 25 Nov 2016 - 18:22

La fatigue avait finalement eu raison de moi. Rassurée par un étrange sentiment de sécurité, cette certitude que le combat était fini pour le moment et que je ne risquais plus rien. J’avais plongé dans un sommeil comateux. Exactement à l’endroit où je m’étais posée pour observer la plaine et les restes saccagés du festival, me servant de mon sac comme d’un oreiller, emmitouflée dans une couverture légère récupéré auprès de l’armée venue nous secourir. Seul le froid d’une journée déclinante m’avait tiré du royaume des songes et c’était avec difficulté que j’avais dû me résoudre à me traîner jusqu'à ma tente.
Faute de mieux.
Le crépuscule ne me laissait guère le choix, m’empêchant de rentrer à la ville la plus proche pour louer une chambre dans une auberge. Le périmètre avait, de toute façon, été sécurisé et il y avait encore tant à faire que je ne risquais pas de me faire virer de sitôt. Je devais au moins avoir jusqu'à demain.

Pour le moment, mon corps raidi me faisait savoir avec des protestations particulièrement désagréables qu’il n’avait pas aimé ces derniers jours. Mais alors pas-du-tout, c’était comme revenir des années en arrière lors de mes premières escalades. J’étais courbaturée, mes mouvements étaient gauches à tel point que je n’avais plus l’impression de le maitriser. C’était une sensation exaspérante. Mais pire que tout, j’avais faim. Mon estomac sautait dans mon ventre en grondant. Je jurais presque qu’il me hurlait des menaces de mort si je ne décidais pas rapidement de le remplir.

Il faut dire qu’entre voyager dans le temps, crapahuter pour retrouver ce fichu sablier, se faire enfermer par des fanatiques et que savais-je encore, je n’avais pas franchement eu le temps de faire grand-chose à part survivre.
Ces quelques heures de sommeil avaient été salutaires, la nouvelle priorité était donc d’avaler quelque chose avant que mon estomac ne décide de mettre ses menaces à exécution en s’auto-digérant. Je détestais cette sensation, la faim, cela faisait longtemps que je ne l’avais pas ressenti avec autant de vigueur. La fatigue, mes muscles engourdis, les bleus, brûlures, estafilades… Je n’étais pas dans un état qui me permettait d’ignorer mon ventre.


Les pensées en amenant d’autres, je ralentis légèrement le pas. Ma tête tournant un peu trop, les souvenirs de ces derniers jours refluant. Ma mère qui apparaît, qui me sourit, me protège pour…disparaitre aux premières lueurs du jour. C’était injuste…tellement injuste. J’avais tellement eu à lui dire, à lui demander, j’aurais voulu me gaver de sa présence jusqu'à indigestion, m’en imprégner pour ne plus avoir ce vide que sa mort avait creusé. Je serre les poings, les mâchoires, mon ventre gronde, pour une autre raison, me force à avancer. Il était encore trop tôt, il n’y avait pas que des mauvaises choses qui étaient sorties de cette rencontre inattendue, je le savais, mais j’étais encore trop énervée et fatiguée pour chasser les sombres pensées.

Je fonce jusque dans ma tente, du moins autant que mes membres accablés me le permettent. Récupérant quelques provisions et des fleurons. Gardant mon sac avec moi. Même s’il me pesait lourdement sur l’épaule. Je n’allais pas prendre le risque de me le faire voler, pas maintenant. Puis j’aperçois Mélinda non loin.

J’hésite, fronce les sourcils et renâcle comme un cheval indécis. Puis je mords dans le pain noir que j’avais récupéré pour me donner un peu de force, me lançant à la suite de la demoiselle en la hélant.
Je devais au moins m’assurer qu’elle allait bien et si elle avait des nouvelles des autres. Et… Il fallait que je mette certaines choses aux claires, notamment concernant son esprit chevaleresque et suicidaire et sa tendance à entrainer les autres dans sa folie. Je n’avais rien contre l’exubérance, les risques, par contre j’étais fâchée avec la mort. Il serait bien que la jeune femme aussi, sinon son inconscience la conduirait droit dans ces bras et ses compagnons avec.
Il était hors de question que cela se reproduise.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyJeu 1 Déc 2016 - 20:06

La douce insensibilité de l’apathie commençait peu à peu à se saisir de moi, et je l’accueillais avec un soulagement détaché. Enfin, le trop-plein d’émotions que je ne parvenais pas à gérer refluait pour ne laisser qu’un grand vide, composé d’un mélange de fatigue, de désarroi, de tristesse, de culpabilité et de colère qui se fondaient si intimement les uns dans les autres qu’il me devenait presque impossible de les distinguer. En d’autres termes, je saturais, et je n’avais besoin pour retrouver mes esprits de rien de moins qu’une bonne, longue et paisible nuit de sommeil. Malheureusement, je savais que c’était un bel espoir. Avec ce que j’avais vécu ces derniers jours, sans doute un cauchemar quelconque ne manquerait-il pas de me désigner comme sa proie privilégiée.

J’avais peine à récapituler tout ce qui m’était arrivé durant cette fête de la Samhain sans me mettre à trembler devant ce à quoi j’avais échappé. Mon esprit ne cessait de formuler des hypothèses qui finissaient immanquablement par mourir tant elles s’emmêlaient et se perdaient dans leur propre complexité. La plupart du temps, j’avais le sentiment que lesdites hypothèses étaient pensées par quelqu’un d’autre que moi-même, tant je me sentais détachée de ce qu’elles proposaient. Se perdre dans le passé, mourir, être torturée par l’Ordre des Savoirs libérés, voir Mélodie se faire tuer par ma faute, être brûlée vive par l’incendie qu’elle avait déclenché… Tant de possibilités qui auraient probablement dû m’horrifier ou m’effrayer, mais qui accentuaient simplement mon sentiment de détachement en me soufflant que ce n’était pas vraiment moi qui avait pris tous ces risques.

C’était une idée ridicule, j’en étais consciente, d’autant plus que d’ordinaire je ne voyais aucun problème à prendre des risques – généralement parce que je ne voyais aucun risque, cela dit. Bien entendu, je savais, rationnellement, que j’avais vécu en personne les évènements des derniers jours. Mais je ne parvenais pas à m’y faire, si bien que de temps en temps il m’arrivait de penser que ce n’étaient que des souvenirs qui m’avaient été implantés d’une façon ou d’une autre. Je ne savais même pas si c’était possible, mais puisqu’on m’avait effacé la mémoire une fois, il devait bien y avoir moyen de la modifier, non ?

Tout en me dirigeant vers le portail destiné à me ramener chez moi, je secouai la tête en soupirant, consciente que j’étais dans un état de fatigue trop avancé pour réfléchir posément à tout ça. Et puis la présence de mon frère n’avait rien arrangé, et je ressentais désormais son absence d’autant plus douloureusement, même si j’avais tenté tant bien que mal de garder mes distances. Sans oublier cette pensée perverse qui s’était infiltrée jusqu’à moi et qui me soufflait qu’en rejetant mon frère comme je le faisais, c’était moi qui, d’une certaine façon, l’avait abandonné et l’abandonnait encore.

En d’autres termes, j’étais au plus bas, je me sentais capable de prendre les pires décisions possibles, et j’avais juste envie de me laisser tomber face contre terre, sans bouger, jusqu’à ce que mon cœur s’arrête, de battre, bien entendu, mais aussi de se laisser torturer par des émotions contradictoires et indésirables. Malheureusement, il continuait à s’agiter, ce traitre, et continuerait sans doute jusqu’à ce que je trouve la force de mettre fin à mes jours, force qui pour l’instant, me manquait, justement. Parce que ce cœur que je voulais faire taire me murmurait inlassablement que la vie était belle et précieuse, même si j’étais incapable de le voir à cet instant précis.

Alors que je me noyais peu à peu dans mon propre désespoir, l’appel de Mélodie fut pour moi comme une véritable goulée d’air frais. Je me tournai vers elle, dissimulant ma détresse derrière un léger sourire – léger, oui, un peu las, peut-être, mais bien présent. Elle était en vie, au moins, et elle avait l’air en bonne santé, même si elle paraissait un peu fatiguée, elle aussi. Rien de plus normal à vrai dire, après ce que nous avions subi. Puis je me rappelai brutalement qu’elle avait failli mourir par ma faute, que c’était grâce à elle que je n’étais pas enfermée dans une de ces cages, et que, accessoirement, elle avait risqué de me faire brûler vive après m’avoir traitée comme une gamine incapable de prendre soin d’elle et de se défendre.

— Je suis soulagée que tu ailles… plus ou moins bien, avouai-je tout de même, consciente que j’aurais été encore moins bien si jamais il s’était avéré que j’avais contribué à ce qu’elle soit blessée, voire tuée. Je te l’ai déjà dit mais je ne voulais pas… enfin, je n’ai pas vraiment réfléchi aux risques que je te faisais courir en t’entrainant à ma suite.

Si courir des risques ne me gênait pas particulièrement, en faire courir aux autres me mettait mal à l’aise. Si nous avions eu plus de temps pour réfléchir, j’aurais estimé que Mélodie était assez grande pour faire ses propres choix et agir comme une grande en assumant la pleine responsabilité de ses décisions. Mais, en l’occurrence, tout avait été fait dans la précipitation, et j’avais entrainé ma comparse involontaire à ma suite plutôt de force que de gré.

— J’espère que tu ne m’en veux pas, ajoutai-je avec une moue un peu triste, avant de laisser mes lèvres s’étirer de nouveau en un léger sourire. Mais regarde le bon côté des choses : nous n’étions pas là-dessous quand tout s’est écroulé, et puis ça t’a permis de semer un peu de chaos autour de toi. C’est un peu comme si je t’avais rendu service.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me remercie, non, et je ne le lui demandais pas, d’ailleurs. Je ne lui laissai, à vrai dire, pas le temps de répliquer, avant d’ajouter, tandis que mon sourire s’élargissait :

— Il faudra que tu m’apprennes comment tu as ouvert cette cage. C’était génial.

Mon enthousiasme naturel commençait à reprendre le contrôle. Parler, comme toujours, m’était d’une grande aide, et je n’avais pas envie de m’arrêter à présent que j’avais commencé. Chaque mot me paraissait être un exutoire, même si aucun d’entre eux ne concernait directement le conflit d’émotions qui faisait rage en moi. Indubitablement, parler à Mélodie me faisait du bien, même si nous étions toutes deux fatiguées, même si elle risquait d’être en colère contre moi, même si je ne le lui aurais avoué pour rien au monde. Désormais, le sourire sur mes lèvres était un peu plus sincère, et mes idées sinistres s’étaient éloignées de mon esprit. Pour l’instant.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyDim 4 Déc 2016 - 21:50

Je n’aurais pas cru que mes membres pouvaient encore me porter, me faire trottiner avec une vigueur toute relative pour rejoindre la demoiselle. Mais, ils y étaient arrivés et j’étais fier de mes jambes. Dormir quelque heure avait été la meilleure des idées que j’avais pu avoir ces derniers jours. Bon, peut-être la deuxième, la première avait été, incontestablement, celle de mettre le feu aux tentes de ces tarés de l’Ordre. Melinda se retourne lorsque je l’appelle, elle m’attend avec patience, affichant un sourire fatigué. Qui ne l’était pas après ces évènements ? Puis le sourire laisse place à ce qui ressemblait, à s’y méprendre, à une mine contrite.

Je ne peux m’empêcher de lui sourire lorsque son incessant babillage commence. Oui, moi aussi j’étais soulagée d’aller bien pour tout dire, mais je gardais la remarque pour moi, sachant pertinemment que tenter de la couper dans sa lancée aurait été tout à fait inutile. Elle avait cette capacité hallucinante de vous noyer sous les mots. Elle aurait été plus à sa place en tant qu’érudit que mage et je plaignais le maître qui se coltinerait son apprentissage. Le pauvre devrait s’armer d’une patience à toute épreuve pour réussir à en placer une devant son enthousiaste verbale à la limite du supportable.
Je déchante rapidement, mon sourire se crispant. Les phrases sortent par flopées, dégoulinant de sa bouche à tel point que je me demande si elle arrivait à se rendre compte de ce qu’elle disait. Il fallait croire que nos mésaventures ne lui avaient pas été profitables, qu’elle n’en avait retiré aucun enseignement et qu’elle était même prête à réitérer son geste suicidaire si la situation se représentait.

Je croise mes bras sur ma poitrine, l’air franchement contrarié, serrant les mâchoires, sachant pertinemment que la fatigue catalysait mes sentiments au centuple, grignotant toute bienveillance pour la remplacer par une bile amer et désagréable.

-Me rendre service… ba tiens.

Je vois rouge à sa dernière remarque. Comment pouvait-elle prendre à la légère ce qui s’était passé. Ce que j’avais fait et l’art que j’utilisais. La magie était sa vocation à la croire, la mienne avait consisté à se diriger sur les chemins sombres de la clandestinité, apprenant à passer les portes closes et à monter les parois les plus abruptes avec minutie et silence. Inculquer cela à une gamine orgueilleuse et suicidaire ? Une gosse incapable de se rendre compte de son incompétence. Pire, une enfant se prenant pour un chevalier, se jetant dans une mêlée au risque d’aggraver la situation ? Etait-elle à ce point stupide ?

-Mais bien sûr ma petite, je peux t’apprendre si tu veux. Première leçon.

Ma voix se fait douce, dangereusement onctueuse, alors que j’attrape avec lenteur sa main pour l’amener à ma hauteur pour ne pas lui faire peur. Exténuée, fatiguée et terriblement en colère, ces états mis bout à bout ne faisaient pas bon ménage.
Il fallait lui faire rentrer certaines notions dans le crâne et puisque les mots semblaient inutiles, j’allais lui apprendre quelque leçon de vie d’une nature différente. D’un geste vif, je lacère son bras d’une coupure légère avec le couteau qui ne me quittait jamais. La regardant durement et lâchant par la suite sa main.

-Ca, dis-je en lui montrant la lame légèrement colorée de rouge, c’est du sang. Ce qui veut dire que si je m’amuse à t’enfoncer cette lame dans le cœur, tu meurs. Il semble que cette évidence t’échappe, je me dois donc de te le rappeler. Maintenant, non, tu ne m’as pas rendu service. Tu ne l’as rendu à personne. Tu n’as aucune capacité au combat, même pas foutu de lancer un sort et tu crois vraiment que te jeter sur une épée va aider qui que ce soit ? Es-tu aussi stupide ? Tu ne t’aies pas dit que ta charge débile ai put perturber les plans de ceux qui étaient en train de monter la résistance, que tu as, au contraire, aggravé les choses ? Es-tu à ce point inconsciente ou bien orgueilleuse pour te croire au-dessus de personnes entrainées ? Tu te crois au-dessus de la mort ?

Je reprends mon souffle, bien consciente que la braquer ne servirait à rien. Mais… qu’est ce qui permettrait de lui faire comprendre ? Je n’en avais pas la moindre idée et très honnêtement, je n’avais pas la patience pour enseigner de telles évidences à une enfant capricieuse, qui a été dorlotée toute sa vie, persuadée que le monde n’était que joie et volupté. Des gens étaient morts, notre vie était bâtie sur des fondations d’ossements, même elle, j’avais bien vu le fantôme qui l’avait suivi silencieusement. Comment pouvait-elle renier ainsi ce que les morts lui avaient offert ? Comment osait-elle avoir si peu de considération pour elle et pour les autres.

-Nous avons failli mourir Melinda, pire, nous avons failli nous faire torturer, sans doute violer, puis tuer. Est-ce que tu te rends compte au moins de cela ? Et ceux par ta faute, par ton inconscience. Tu t’es comportée comme une enfant stupide et encore, même les enfants ont bien plus de jugeote et de malice que tu as pu en faire preuve par cette seule action, cette charge ridicule et dénudée d’espoir, seulement porteuse de mort. Alors, non. Je n’apprendrais rien à une fille qui cherche à se tuer pour se prouver je ne sais quoi. Sache ou est ta place et réfléchis à comment tu peux être utile au lieu d’agir aussi inconsidérément. Tu rendras service à tout le monde. Toi y compris.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyLun 5 Déc 2016 - 18:48

Elle avait l’air contente de me voir, Mélodie et sa joie apparente eut rapidement raison des derniers fragments de culpabilité qui s’accrochaient encore à moi. Si elle-même, victime de mon comportement déraisonnable, ne m’en voulait pas, quelle raison avais-je, moi, de me considérer comme coupable ? Je n’en voyais aucune et considérant dès lors mes excuses comme acceptées, j’en vins très vite à décréter – d’un ton à la fois sérieux et humoristique – qu’elles avaient été inutiles, étant donné que mes actions n’avaient pas été malheureuses mais, au contraire, qu’elles s’étaient révélées plutôt rusées, puisqu’elles nous avaient éloignées toutes deux du cœur des affrontements. Aussitôt, le zeste de contentement qui apparaissait sur le visage de Mélodie fondit comme neige au soleil. Elle semblait contrariée par mes propos, et certainement pas d’accord avec mon raisonnement.

Pourtant, je ne me méfiai pas une seule seconde lorsque Mélodie accepta de m’apprendre comment elle avait fait. Un peu naïvement peut-être, comme une petite fille, je la laissai s’emparer de ma main sans la moindre crainte. Je n’avais pas particulièrement confiance en elle, mais j’avais simplement le sentiment qu’elle ne me ferait aucun mal. Même sa voix, pourtant indubitablement différente de d’habitude, ne me mit pas sur la piste du danger que je pouvais courir. Bien entendu, elle n’avait sans doute pas été heureuse que je me félicite d’avoir manqué de nous faire tuer, mais elle restait Mélodie, cette jeune femme que j’avais rencontré à Lorgol quelques mois plus tôt, et je la connaissais, et à mes yeux elle n’était pas capable de blesser qui que ce soit – même l’incendie dont elle s’était rendue coupable ne me poussait pas à la considérer comme dangereuse. Aussi restai-je parfaitement immobile en la voyant s’emparer d’un couteau pour me lacérer le bras. Le sang, rouge, s’écoula de l’estafilade, contrastant avec la peau pâle.

— Mais qu’est-ce que tu fais ? questionnai-je d’une voix stupéfaite, en ramenant mon bras à moi sitôt qu’elle l’eut relâché.

Ce n’était qu’une égratignure, pas particulièrement douloureuse – même si l’air froid contre ma blessure picotait tout de même – et pas particulièrement grave, même moi, je pouvais en juger. Elle eut tout juste le mérite de me réveiller un peu plus. Si Mélodie avait voulu me faire plus de mal, elle l’aurait pu, et ses paroles le prouvèrent. Pourtant, je n’avais pas peur, non, j’étais juste déçue qu’elle se permette de me faire la leçon au lieu de m’apprendre ce que je voulais savoir. Peut-être estimait-elle de son devoir de m’exposer que j’avais failli mourir, et qu’il était dangereux de se jeter au-devant d’ennemis comme je l’avais fait, et que mes actes avaient été inutiles, et que j’étais inconsciente, et que je devrais changer de comportement, et ainsi de suite. Je ne pus retenir un soupir ennuyé. J’avais l’habitude de ce genre de discours moralisateurs. Ils étaient de ceux que j’entendais à chaque fois que je commettais une bêtise potentiellement fatale.

— Inutile de faire couler mon sang pour me dire ça, déclarai-je, les sourcils froncés. Je sais ce que c’est d’être blessée. Je sais que je risquais la mort. Je sais que je suis inutile en matière de combats. Même si tu sembles le penser, je ne suis pas stupide.

Etre blessée ne me faisait pas peur. A mes yeux, j’avais déjà subi la plus grande blessure possible lorsque mon frère était mort, une blessure qui, je le savais, n’avait toujours pas guéri. Quant à la mort, disons que j’étais consciente qu’elle me frapperait si Mélodie m’enfonçait ce couteau dans le cœur ;  j’étais simplement persuadée qu’elle n’oserait jamais faire une chose pareille. De plus, même si mon interlocutrice avait le courage – ou la folie – de m’assassiner, la mort ne me faisait pas peur. Parfois, l’espace d’un instant seulement, il m’arrivait même de me convaincre qu’elle serait préférable à la vie. Quant à me battre… je m’étais montrée inutile, c’était vrai. Mais aurais-je été plus utile à ne rien faire ?

— Je regrette de t’avoir entrainé là-dedans, je ne le nie pas, et je t’ai déjà présenté des excuses, à deux reprises. Mais si tu essayes de me convaincre que me jeter dans les affrontements était une mauvaise idée, tu n’y parviendras pas. Je sais ce que je risquais, et je sais que je n’avais pas grand-chose – voire rien du tout – à y gagner. Je ne suis pas qu’une gamine stupide incapable d’évaluer les conséquences de ses actes, quoi que tu en penses.

Je passai une main dans mes cheveux en soupirant. Comment faire comprendre à quelqu’un les sentiments conflictuels qui m’animaient ? Parfois, je ne les comprenais pas moi-même. Sur le moment, me battre m’avait paru être la seule solution. Peut-être que ça ne l’était pas, peut-être que c’était stupide de se l’imaginer, mais je n’avais eu nulle envie de me cacher dans un coin en pleurant pendant que d’autres luttaient pour nous sortir de ce mauvais pas.

— Je préfère de loin poser un acte désespéré que rester là, les bras ballants, en simple spectatrice, à regarder les choses se dérouler. Est-ce que les risques auraient été moindres si j’étais restée en arrière pendant que d’autres se battaient ? Je ne crois pas, non. Ils auraient pu perdre. Ou la caverne aurait pu s’écrouler par exemple – oh, surprise, c’est même exactement ce qui est arrivé. Or, entre mourir au bout d’une lame, bercée de son courage, ou sous des gravats, noyée de peur, crois-moi, mon choix a été rapide.

Je pris une profonde inspiration, essayant de me calmer. Les mots m’emportaient peut-être un peu loin, et je doutais que mes arguments suffiraient à convaincre Mélodie du bien-fondé de mes actions. Comme je l’avais dit, mon seul regret était de l’avoir entrainée avec moi, sûrement pas de m’être jetée sans hésiter au-devant de l’ennemi.

— Je ne cherche pas à mourir pour me prouver quoi que ce soit, Mélodie. Je sais que je n’avais pas les compétences nécessaires pour tenir bien longtemps. Je l’avoue, j’ai cru que je serais capable de plus avant d’être assommée, mais je savais que je ne remporterais sans doute pas la victoire. Néanmoins, je ne cherche pas à mourir, non. Ce n’était pas la mort qui m’a conduite au-devant du danger, simplement l’envie de… faire quelque chose. Quel qu’en soit le prix.

Ne pouvait-elle comprendre qu’au moment où je m’étais jetée au-devant de l’ennemi, tout ce que je voulais, c’était simplement agir ? Ne pouvait-elle pas saisir que c’était de loin un choix préférable à l’inaction qui ne pouvait susciter qu’une peur paralysante ? Ne pouvait-elle pas voir que faire le choix de lutter avait été la seule possibilité qui s’était présentée à moi ? Était-elle à ce point aveugle ? Je pris une profonde inspiration, m’efforçant de nouveau de saisir son point de vue, à elle que j’avais entrainée à ma suite sans lui demander son avis. Je ne pus retenir un éclat de rire ironique.

— En fait, nous revenons toujours au même problème Mélodie. Faut-il accepter la situation sans rien faire, passivement, malgré tout ce que nous risquons de subir et tout ce que nous subissons ? Ou faut-il lutter quel qu’en soit le prix et quels qu’en soient les risques contre une situation qui nous opprime, si faibles que soient nos possibilités de nous en sortir ? Crois-moi, personnellement, mon choix est vite fait.

J’esquissai un triste sourire.

— Ce n’est pas parce que mes réactions sont différentes des tiennes qu’elles sont forcément insensées, irresponsables et inconscientes. J’ai mes raisons d’agir comme je le fais, et ces raisons ne sont ni pires ni meilleures que d’autres. Ce n’est pas parce que tu ne les connais pas que tu as le droit de juger qu’elles n’existent pas.

Je laissai échapper un soupir de dépit, tout en passant la main dans mes cheveux d’un geste las. Sans doute, une fois encore, était-il inutile d’argumenter.

— Enfin, je voulais juste que ce soit clair pour toi. Toujours est-il que si tu veux garder tes secrets pour toi… Fort bien. Evite juste de me faire la leçon, c’est une perte de temps. Beaucoup ont essayé, mais rares sont ceux qui sont parvenus à me convaincre que je devais changer de comportement.

A vrai dire, de tous, il n’y avait que mon frère pour réussir, de temps en temps, à me raisonner. Malheureusement pour tout le monde, il était mort, et désormais, il n’y avait que mon propre esprit pour m’imposer ses arguments. Autant dire, depuis, que je risquais ma vie bien plus souvent.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyJeu 8 Déc 2016 - 13:36

Je regarde la demoiselle avec scepticisme. Melinda avec ses mots qui se déversent. Peut-être voulait-elle me persuader de sa perspicacité en me noyant sous les phrases.
Mes prunelles ne font que réfléchir mon état d’esprit, un franc agacement se disputant avec une fureur sourde. J’avais envie de la prendre, la tête de la jolie petite, et de la frapper contre un mur jusqu’à ce qu’elle arrête de parler pour se mettre à comprendre. J’avais rarement été si en colère. Je savais, pourtant, que ça ne servirait à rien, que ce que je dirais glisserait sur elle comme l’eau sur les plumes d’un canard.
Elle y serait imperméable.
Mais, je m’accrochais malgré tout. Incapable de comprendre comment elle pouvait, après tout ça, toujours rester sur ces positions. Comment ne pouvait-elle pas se rendre compte de la gravité de la situation, comment pouvait-elle encore penser un instant qu’elle pouvait agir en toute impunité sans que les répercussions en soient dramatiques.

Je me contente de la laisser parler, croisant les bras sur ma poitrine pour me protéger de sa logique insensée. J’avais l’impression que si je desserrais les bras, je ne pourrais empêcher la colère d’éclater ma poitrine pour aller se jeter tout droit sur sa gorge et la remplir jusqu’à ce qu’elle soit incapable de prononcer le moindre mot.
Je souffle.
Melinda avait l’air de ce qu’elle semblait vouloir rejeter, une idiote inconsciente. Elle n’avait strictement rien appris, elle était persuadée qu’elle ne pouvait pas mourir pour se contredire l’instant d’après en se disant consciente qu’elle aurait pu être blessée plus gravement et que ses actions avaient été insensées. Insensées et pourtant inévitables, comme une contrainte qui avait poussé son corps vers la mort et les lames dont elle se savait incapable de se protéger. Je ne fais que lui rire au nez à la petite bourgeoise. Celle qui n’avait connu ni la faim, ni la misère, à peine la mort, voulant frayer avec elle avec tant d’impudence.

-Tu ne sais rien Melinda, tu es à peine une enfant sortie des jupes de ta mère que tu crois connaitre le monde. Tu n’es personne, tu n’as encore rien vu ni vécu et tu penses que tes certitudes sont les bonnes ? Tu te dis prête à tout pour rentrer dans ton Académie, un endroit où tu es censée apprendre, mais que vas-tu apprendre si ta tête est déjà tant remplie convictions sans aucun fondement ? Tu es bien une gamine stupide incapable d’évaluer les conséquences de ses actes. La preuve, je ne te dis pas d’être inactive les bras ballants, je te demande de réfléchir à comment tu pouvais être utile. Ce que tu n’as pas fait et ce que tu ne fais toujours pas. Convaincu de ta toute puissante raison.

Je l’aimais bien la demoiselle innocente et pleine de rêve. C’était rafraichissant et assez drôle à voir. C’était vrai, c’est pour ça qu’elle m’avait paru à ce point sympathique la première fois que nous nous étions rencontrées. Cependant, si cette innocente fierté, ces bravaches puériles devaient avoir de telles répercussions, je trouvais cela nettement moins drôle. C’était aussi pourquoi, je m’acharnais autant à tenter de lui faire ouvrir les yeux sur son attitude dangereuse. Car je l’avais apprécié le temps d’une soirée dans une taverne de Lorgol. Je n’avais pas envie que ce souvenir soit ainsi sali et associé à la connerie et l’immaturité dont elle avait pu faire preuve. Elle avait été dangereuse, pour elle, moi et les autres.

-Ce n’était pas du courage, mais bel et bien de l’inconscience. Finalement, tu aurais peut-être dû rester dans cette cellule. Ça t’aurait fait un peu grandir et sortir de ton cocon qui te donne l’impression d’être à ce point invulnérable. Je laisse échapper un reniflement dédaigneux. C’est drôle, une enfant pourrie gâtée voilà ce que tu es. Ça se ressent tellement dans ta façon de penser et de voir les choses…. Je ne te demande pas d’avoir les mêmes réactions que moi. Nous sommes différentes c’est un fait. Mais quoi qu’on te dise tu n’es pas prête à écouter…à comprendre. C’est dommage pour toi, tu ne verras jamais le monde qu’à travers des œillères ou un prisme qui te cachera toute la beauté, toute l’entièreté de celui-ci. Je ne sais même pas pourquoi je continue de te parler comme ça. Même un âne serait plus réceptif. Quoi qu’on te dise, tu crois mieux savoir, même ce que tu n’as jamais vécu. Reste dans ta bulle. Mais une seule chose, n’entraine plus jamais personne dans tes délire de gosse en mal de sensation forte. Tu vas finir par tuer quelqu’un, tu as presque réussit d’ailleurs. Oui tu t’es excuser pour ensuite dire que je t’en devais une… Désolée, ce ne sont pas des excuses ça.

Je fronce les sourcils, avant de lâcher un énorme soupir à sa dernière phrase. Ho non, je ne me donnerais plus cette peine. Comme je ne me donnerais plus la peine de la sortir d’un mauvais pas. Je préférais garder mon énergie pour ceux qui en valait la peine. J’avais appris à ouvrir des portes car j’étais une voleuse. Cela avait demandé un plein investissement de ma part, envers le Fils des Ombres et mon maître également. Il était hors de question que je laisse filtrer la moindre petite parcelle de ce savoir pour la curiosité égoïste d’un gosse de riche qui ne comprenait pas le dixième de ce que cet art avait demandé comme sacrifice pour pouvoir être acquis.

-Je ne veux te convaincre de rien du tout. Je suis en colère Mélinda. J’ai vu le fantôme qui te suivait partout. Je n’arrive pas à comprendre que tu aies un tel comportement quand certain de tes proches ont, apparemment, tout fait pour que tu en arrive là où tu es aujourd’hui. Tout ça pour le gâcher en te comportant comme une imbécile…
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyDim 11 Déc 2016 - 1:09

— Tais-toi !

Ma voix avait claqué comme un coup de fouet. Mon ton était monté, je n’avais pas pu m’en empêcher. Les remontrances de Mélodie, je pouvais parfaitement les accepter ; elles me paraissaient tellement peu raisonnables maintenant que les dangers étaient passés. A quoi bon spéculer sur ce qui aurait pu arriver alors qu’au final, tout s’était bien passé ? Je ne comprenais pas. Pour moi désormais tout ce à quoi pouvaient servir ces évènements potentiellement désastreux, c’était à former les bases d’une belle histoire à raconter. Aussi aurai-je probablement pu accepter tout le reste si Mélodie n’avait pas parlé de lui. Le fantôme. Mon frère.

Dès qu’elle en fit mention, je sentis mon cœur frémir dans ma poitrine. Elle avait tiré juste, Mélodie, trop juste. Au seul endroit où elle pouvait parvenir à percer à travers mon armure pour me toucher au cœur. Ce dernier se compressait douloureusement comme pour mieux souligner le vide qui régnait en lui depuis la mort de mon ainé. En temps normal, j’aurais probablement pu dissimuler à quel point sa simple mention me faisait mal, mais j’étais fatiguée, j’étais lasse, et mon esprit fut incapable de trouver une diversion juste à temps. L’espace d’un instant, mes jambes vacillèrent, et je crus qu’elles refuseraient de me porter plus longtemps, et que je m’écroulerais aux pieds de Mélodie. Par chance, elles tinrent bon. La barrière qui retenait mes larmes, en revanche, fut abattue sans la moindre pitié. Ma lèvre inférieure frémit, et une ou deux larmes traitresses dégoulinèrent le long de mes joues. Mais je haïssais pleurer, je haïssais ces larmes, je haïssais ma faiblesse, et sitôt après ma peine surgit en moi une fureur noire.

— Tu n’as aucun droit de parler de lui ! déclarai-je à l’intention de Mélodie, le visage tordu de colère. Tu ne sais pas comment il pense et tu peux difficilement spéculer sur ce qu’il aurait pu me dire !

Mais le pire, c’était qu’elle avait probablement raison. Mon frère m’aurait tenu à peu de choses près le même discours. Il m’aurait secouée par les épaules, m’aurait vivement réprimandée, et m’aurait menacée au passage de m’enfermer si jamais je continuais à faire des bêtises aussi dangereuses. Puis il m’aurait probablement serrée contre son cœur au passage pour exprimer son soulagement de me revoir indemne, avant de continuer à essayer de me raisonner. En tous cas, il aurait été horrifié et furieux que je risque ma vie comme je l’avais fait. Je pouvais presque l’entendre, sa voix, vibrante d’une rage tout juste contenue. Mais quelle folie t’es encore passée par la tête, Méli-Mélo ?

— Qu’est-ce que tu peux savoir, d’abord, de mes convictions ? Tu crois qu’elles sont sans fondements ? Tu crois que je suis convaincue que ma raison est toute puissante ? Tu crois que je ne suis qu’une gosse pourrie gâtée ? Tu crois que je suis totalement inconsciente ?

J’avais envie de trouver quelque chose pour la frapper, pour lui faire mal comme moi-même j’avais mal, mais je n’avais pas grand-chose d’autre que mon paquetage sous la main, aussi me contentai-je d’ouvrir et refermer les poings. J’éclatai d’un rire amer.

— Si tu savais comme tu te trompes, Mélodie ! Tout ce que tu vois en moi et que tu penses stupide est là pour une excellente raison, mais tu fermes les yeux et, aveugle, tu piétines tout sans te dire une seule seconde que je suis comme je suis non pas parce que je suis une gosse pourrie gâtée, comme pourraient te le faire croire tes propres convictions sans fondements, mais tout simplement parce que je n’ai pas le choix !

Oh, que cette colère était libératrice ! Les mots enfermés au plus profond de mon cœur enfin semblaient avoir la permission de sortir, et ils s’en donnaient à cœur joie. Une part de moi savait que j’allais regretter de me confier autant à Mélodie, de me montrer aussi faible et désemparée devant elle, mais une autre, emportée par ma rage, n’en avait cure.

— Mes convictions, c’est mon passé qui les a construites ! Elles se sont forgées dans la souffrance et l’espoir, dans les rires et dans les larmes, et en aucun cas tu ne peux les considérer comme moins fondées que les tiennes ! Elles peuvent te paraitre stupides, ridicules, puériles, sans intérêt, mais elles ont leur raison d’être, et je les aime ! Elles ont le mérite d’être restées solides, quand d’autres de mes illusions sont mortes à mes pieds !  Elles ont le mérite de m’avoir porté quand le reste du monde paraissait s’écrouler tout autour de moi ! Elles ont le mérite de rester avec moi, toujours, et de ne jamais m’avoir abandonné !

Oh oui, c’était ces mêmes convictions qui m’avaient tenue debout alors que j’avais simplement envie de m’écrouler et de laisser mon cœur s’éteindre dans ma poitrine. C’était elles qui avaient ramené le sourire sur mon visage. C’était elles qui m’avaient protégée des dangers de la confiance. C’était grâce à elles que j'avais subi les épreuves sans frémir. Je ne pouvais pas supporter que Mélodie les mette en doute. Comme je ne pouvais supporter qu’elle mette en doute tout le reste, et surtout, qu'elle se serve de mon frère pour ça.

— Je sais bien parfois que ma raison est insensée, je le vois, je le sens, je le vis chaque jour parfois. Mais à qui veux-tu que je me fie, sinon à ce qu’elle me murmure ? Je l’écoute, oui, parce qu’elle est la seule chose que je peux suivre ! Mon cœur et mon instinct, eux, ont tendance à prendre les décisions les plus désastreuses et les plus douloureuses ! Alors peut-être que se lancer dans la bataille n’était pas la meilleure solution, mais c’est la seule qu’elle m’ait donnée à ce moment-là, et je l’ai écoutée !

Parce que ma raison non plus ne m’avait pas abandonnée quand mon frère était mort. Elle s’était détraquée, oui, elle était devenue contradictoire, parfois, et ses idées n’étaient pas toujours lumineuses, mais elle était encore bien présente. A la vérité, je n’étais pas une femme d’action. Mon domaine, c’était les mots. Eux seuls s’étaient montrés tout à fait fiables. Mais on ne pouvait pas se battre qu’avec des mots, n’est-ce pas ? Et Mélodie trouverait probablement tout aussi ridicule que je veuille me protéger de la mort rien qu’avec des petits mots.

— Tous les comportements que tu vois chez moi et que tu interprètes comme stupides, parce que tu les considères comme dignes d’un enfant gâté, ils sont là pour une seule raison, Mélodie, me protéger ! Ça te parait étrange ?

Je brandis mon bras blessé sous ses yeux. Le bras qu’elle avait blessé.

— Tu vois ce genre de blessures ? Ça s’appelle une blessure physique. Ca picote plus ou moins longtemps, ça fait plus ou moins mal, et généralement ça nous rend un peu irritable durant quelques temps. Mais au moins ces blessures-là finissent par se refermer. Elles ne font pas mal pour l’éternité, elles ne se rouvrent pas sans cesse, et elles peuvent guérir, si on en prend suffisamment soin. Je n’ai pas à me protéger de ce genre de blessures, Mélodie, parce qu’elles me semblent… dérisoires.

Ma colère commençait à décroitre, et mon ton de voix avec. C’était une mauvaise chose. Si la fureur ne me portait pas, je n’étais pas certaine de pouvoir tenir encore sur mes jambes. Et de parvenir à retenir mes larmes. Raisonnablement, il fallait que je fuie. Mais j’avais encore tellement à dire, tellement à exprimer, et après tout, Mélodie avait bien cherché que je lui jette tous ces mots à la figure !

— Et puis il y a les blessures que personne ne peut voir. C’est le problème des blessures du cœur. Elles ne sont pas physiques, personne ne peut les comprendre, et avec un peu d’efforts, on parvient même à se plaquer un masque souriant sur le visage et à faire comme si on était heureux.

Comme pour illustrer mon propos, j’esquissai un sourire. Il pouvait paraitre joyeux, de premier abord, mais des larmes nouvelles me trahirent. Je les essuyai d’un geste rageur. Comme je détestais pleurer. J’aurais voulu me cacher à mille lieues sous terre. Mais puisque Mélodie avait déjà vu tout ça… autant continuer sur ma lancée, non ?

— C'est contre ces blessures-là que je me protège, murmurai-je dans un souffle. Je peux parvenir à avoir l’air heureuse, parfois. Je sais que j’ai l’air d’une gosse pourrie gâtée. C’est parce que je réussis tellement bien à sourire que parfois mon simulacre de joie parvint à me tromper et à me faire croire qu’il n’est pas un simulacre, que j’ai une vie parfaite, belle, sublime, et que je n’en changerais pour rien au monde.

J’eus un sourire amer.

— Je ne cherche pas des sensations fortes en risquant ma vie, tu sais ? C’est simplement qu’une part de moi veut mourir pour que cette souffrance perpétuelle puisse enfin s’éteindre, et l’autre part de moi, disons qu’elle n’a pas peur de la douleur physique que je pourrais risquer de ressentir en essayant de mettre fin à mes jours.

Je secouai la tête.

— Mais tu sais, Mélodie, l’ironie de cette histoire, c’est que je suis incapable de te dire si mon sourire n’est qu’un simulacre ou s’il a en lui une part de vérité. Oui, j’ai réussi à me convaincre que j’aimais profondément la vie et ses cadeaux – y compris ses cadeaux empoisonnés. Alors, je ne peux pas simplement te prendre ce couteau et mettre fin à mes jours. C’est dommage, non ?

Je secouai la tête et me laissai tomber par terre, ne me sentant soudain même plus la force de tenir debout. J’étais lasse. J’avais tellement envie de… juste de fermer les yeux et de m’endormir.

— Mourir, rire, vivre, souffrir, au fond ça m’importe peu, déclarai-je dans un souffle, en resserrant les bras contre ma poitrine comme pour me réchauffer de l’intérieur. Tout ce que je sais, c’est que j’ai mal. Et que j’aimerais que ça s’arrête.

Je lançai un regard suppliant à celle qui, sans même l'avoir prévu, venait de me plonger dans une véritable séance de torture intérieure.

— Alors je t’en prie, Mélodie… ne retourne pas le couteau dans une plaie qui saigne depuis trop longtemps.

Je me pris la tête entre les mains, soudain consciente que j’en avais beaucoup, beaucoup trop dit.

— Je suis désolée, je… je dois être fatiguée. Je n’aurais jamais dû dire tout ça. Je n'ai... aucune excuse convenable pour les risques que je t'ai fait courir, si c'est ça que tu veux entendre.

J'avais juste envie qu'elle parte, maintenant, qu'elle me laisse à ma souffrance et à ma faiblesse, et qu'elle oublie tout de cette conversation. Mais j'avais le sentiment que ce doux espoir était surtout vain.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyMar 13 Déc 2016 - 15:18

Le masque s’effrite, laissant entr’apercevoir les plaies qui saignaient doucement son cœur. La colère déforme ses traits et les larmes s’écoulent. Discrètes, peu nombreuses, mais elles n’en restaient pas moins la preuve que tout n’allait pas, qu’elle n’était pas aussi nonchalante qu’elle pouvait bien le laissait paraitre. Avait-elle été affectée plus que je ne le croyais par les attaques de l’Ordre ? Avais-je été top dure ?

Je me redresse en croisant les bras, refusant de laisser la culpabilité adoucir mon attitude. Convaincue, moi aussi, d’être dans le vrai et qu’il fallait qu’elle comprenne ce que je voulais lui dire. Son attitude, son irrespect, comment diable avait-elle pu croire que l’art du vol était à la porter de n’importe quelle main ? Mélinda n’était pas du genre à abdiquer si facilement. Devenir plus coulant me ferait céder et je me ferai envahir par son phrasé redoutable.
La preuve, la colère qui s’étend dans son petit corps, elle brule et semble briser ses remparts. Son débit de paroles s’accélère, pour devenir un torrent déchainé. Je n’ai pas le temps d’en placer une. Je me contente d’attendre en la regardant comme si j’avais à faire à une enfant en pleine crise de nerfs. Ce n’était pas si loin de la réalité, bien que pas tout à fait pareil.

Comme je le pensais, ce n’était pas le stresse ou l’angoisse qui l’avait fait exploser. C’était que je parle du fantôme. Je n’avais pas la moindre idée de qui il pouvait s’agir. Un amant, un père, un frère ? Rien de ce qu’elle ne disait ne me permettait d’affirmer quoi que ce fût. Le fait était que cette personne avait été importante, bien plus que je ne l’aurais pensé de prime abord.

En étais-je plus affligée pour autant que d’avoir rouvert ses plaies ? Pas le moins du monde.

La douleur, je connaissais, l’absence, je l’avais subi. Elle ne m’attendrirait pas ainsi, se comportant encore comme l’enfant gâtée qu’elle était. Ne remarquant pas que sa conduite n’était possible que parce qu’on l’avait surprotégé et enfermé dans un cocon pour lui éviter plus de douleur encore. Dans la rue, elle serait morte. Ça c’était une certitude. Mes lèvres s’étirent dans un rictus qui ne pouvait pas être pris pour un sourire tant la joie y était absente.

-C’est exactement ce que je pense oui.

Je ne fais rien pour adoucir sa peine. Je n’étais pas là pour ça. J’étais trop fatiguée et son attitude m’excédait bien trop. Ou était-ce autre chose ? Je n’ai pas envie de réfléchir, bornée dans mes convictions, refusant  la réflexion et les paroles discrètes qui se distillaient dans ma tête.

Elle commence à me reprocher exactement la même chose que ce que j’avais pu lui dire un instant avant. Non, je n’étais pas aussi aveugle et têtue qu’elle, ce n’était pas vrai. C’était très différent même. Je n’avais pas oublié à quel point elle avait voulu m’apprendre la vie, elle qui n’avait encore rien vu du monde. Elle pensait que son attitude était légitime, qu’il n’y avait rien à y redire et que ça douleur était l’excuse toute trouvée pour se protéger des remontrances.

Quelle naïveté.

Je n’étais pas certaine qu’elle sache quoi que ce soit de la solitude. De mon point de vue, elle se barricadait dans sa douleur en repoussant les autres. Allant jusqu’à se mentir à elle-même pour se repaitre dans un désespoir malsain. Rien de ce qu’elle m’avançait n’arrivait à faire changer mon point de vue. J’aimais bien Mélinda, mais elle versait trop dans le drame  pour que j’arrive à être conciliante avec elle. Elle avait surtout besoin qu’on la secoue un bon coup pour la forcer à arrêter de se complaire dans son malheur et d’y entrainer, inconsciemment, les autres.


-Tes convictions sont fausses, tu les as construites au hasard, piochant dans une vision complètement absurde du monde. La preuve en est quand tu m’assènes des vérités concernant la pauvreté, des vérités inapplicables en réalité. Tu dois avancer et commencer à regarder le monde autrement, sans ton jugement caduc et ta certitude d’être constamment dans le vrai. Comme celle de venir en aide à des gens en te jetant sur des guerriers. Tu ne penses pas que ta magie aurait été plus efficace ? Que trouver un repli, réfléchir à une embuscade ou de quoi détourner l’attention aurait été plus judicieux ? Tu t’exposes inutilement, alors que tu pourrais faire tellement mieux. Purée, c’est toi qui veux entrer à l’Académie et y recevoir un enseignement, pas moi. C’est toi qui devrais être plus intelligente que ça. Pas moi.


Même si je n’avais pas la moindre fichue idée de ce qui s’apprenait là-bas. Je n’avais reçu des savoirs que de la bouche de ma mère et encore, je n’avais pu en tirer profit, je n’avais pu me repaitre de son expérience pour l’en faire miens et être plus sage.

-Tu devrais être assez grande et mature pour te rendre que tu n’es PAS seule, justement. Nom d’un dieu, arrête ce mélodrame ridicule. Tu as des gens autour de toi, tu serais morte si ça n’avais pas été le cas, si je n’avais pas ouvert cette foutue porte.

Je fronce les sourcils. Oui, je pouvais comprendre ce qu’elle me disait, je connaissais cette douleur. Mais la laissait ainsi se propager, la garder en soi et faire en sorte qu’elle continue de s’étendre… Ce n’était pas bien. Et j’avais la désagréable impression que ce refus de voir toutes les personnes qui gravitaient autour d’elle, n’était que le résultat de cette attitude.

-Je ne tourne rien du tout. Tu le fais très bien toute seule. Arrête d’entretenir cette plaie si tu veux qu’elle guérisse.

Je laisse échapper un long soupir en la voyant perdre son énergie et se confondre en excuses. Passant la main sur mon visage.

-Je me fiche d’avoir des excuses Melinda. J’aimerais simplement que tu n’agisses plus ainsi…malheureusement après tout ce que tu viens de me dire… J’ai bien l’impression que c’est peine perdue. Si tu as perdu un proche, tu devrais te rendre compte à quel point la vie est précieuse, je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu t’obstine à la gâcher de la sorte.


Dit la fille qui était persuadée qu’elle ne vivrait pas bien longtemps en ce bas monde. Mais contrairement à elle, je ne crachais pas sur l’existence, au contraire, je la louais avec admiration.

-Va dormir… Je crois que nous ne réussirons jamais à être d’accord sur quoi que ce soit de toute façon… J’ai été stupide de venir à ta rencontre. Je suis aussi épuisée. Au revoir.

Je commence à me détourner d’elle. Puisque apparemment la conversation était close.
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyVen 16 Déc 2016 - 12:50

Inébranlable, Mélodie ne se laissait pas fléchir. Devant ma détresse, devant ma colère, elle restait parfaitement impassible, conservant fermement ses convictions sans même les remettre en question. Mais elle n’en savait pas plus que moi, de toute évidence. Qui était-elle pour prétendre que mes convictions étaient fausses, arbitraires et absurdes ? Qu’en savait-elle, bon sang ? Elle n’était pas dans ma tête, elle ne pouvait pas comprendre. D’un autre côté, même si elle était à ma place, elle ne comprendrait peut-être pas ; moi aussi, souvent, j’avais dû mal à saisir les raisons de mes actes, de mes croyances et de mes paroles. Toujours était-il qu’elle n’avait aucun droit de juger les croyances qui étaient miennes, qu’elles paraissent ridiculement naïves ou non.

— Je dois regarder le monde autrement ? répétai-je avec un rire amer. Je dois abandonner mon jugement et la confiance que je place en mes croyances et mes convictions ? Sais-tu au moins ce que tu me demandes d’abandonner, Mélodie ? Tu me demandes de délaisser tout ce que je suis pour devenir quelqu’un qui pense comme toi. Mais vois-tu, ce genre de tour de force, j’en suis incapable. Il faut toute une vie pour apprendre à penser et il m’en faudrait une seconde pour changer ma manière de réfléchir.

J’eus un sourire moqueur, un peu amer, un peu furieux.

— C’est d’ailleurs pour ça que je ne vais pas tenter de te faire comprendre une nouvelle fois que mes convictions ne sont pas bonnes qu’à être jetées à la poubelle. Oh, et juste pour information : non, je n’aurais pas pu utiliser la magie, parce que je ne sais tout simplement pas comment faire, et je ne le saurais pas tant que je n’aurais pas été à l’Académie. C’est vrai, j’aurais pu trouver une idée un peu plus intelligente que celle qui m’est passée par l’esprit, mais ne me fais pas croire que tu en aurais trouvé une meilleure. Qu’étais-tu en train de faire, avant que je ne te pousse à m’accompagner ? Peut-être est-ce une autre de mes convictions fausses, mais j’avais la légère impression que tu tâchais de t’éloigner de la tourmente, et de ne rien faire jusqu’à ce que tout se soit calmé.

Je pris une profonde inspiration pour reprendre mon calme. Inutile d’accuser Mélodie de lâcheté, je savais que ce n’était pas un défaut qui lui convenait. La façon dont elle avait tenu tête à ce dragon, des décennies dans le passé, m’avait impressionnée. En fait, si je devais être honnête avec moi-même, je devais avouer que j’aimais chez elle cette qualité de savoir où et quand sa présence serait nécessaire, et où elle ne serait qu’un fardeau. Moi… moi, quoique je fasse, j’avais l’impression que mes idées étaient désastreuses et potentiellement dangereuses. Mélodie poursuivit, prétendant que je n’étais pas seule, et que cette comédie était ridicule.

Ridicule. Je frémis. Voilà à quoi se résumait ma souffrance aux yeux d’autrui : un mélodrame ridicule. Je savais que je pouvais m’attendre à un tel jugement. Comme je l’avais bien fait remarquer par moi-même, ceux qui souffraient étaient des éternels incompris, et je dramatisais à peine. Autant on me montrerait sans doute un peu de compassion si je perdais une jambe, autant personne ne s’en préoccuperait si je perdais un être cher, tout simplement parce que les blessures intérieures ne se voyaient pas, et que pour beaucoup, elles ne semblaient pas être d’une grande importance. Or, comment pouvais-je ne pas me sentir seule dans un monde où nul ne pouvait me comprendre, où toutes mes décisions passaient forcément pour désastreuses, et où la plupart des gens me prenaient pour – qu’avait dit Mélodie déjà ? – une gosse pourrie gâtée ?

— Même au milieu d’une foule on peut se sentir profondément seul, Mélodie. Ta présence en cet instant ne m’empêche pas de sentir la solitude peser sur mes épaules. Je serais peut-être morte si tu n’avais pas ouvert cette porte, c’est vrai, je ne le nie pas. Tu es là, physiquement, bien entendu. Mais es-tu pour autant en train de m’écouter ? Avant même que je n’ouvre la bouche, tu colles sur mon front des noms qui déforment mes paroles, comme « gosse pourrie gâtée », « convictions erronées », « naïveté », « ignorance » ou encore « mélodrame ridicule ». Je pourrais tout aussi bien parler à un mur que ce serait pareil.

Je laissai échapper un ricanement moqueur.

— Remarquons que je fais pareil à ton égard, dis-je en levant les mains comme pour mimer le nom que j’étalais sur son front. « Ne peut pas comprendre », « n’écoute rien », « est persuadée que j’ai tort ». Mais vois-tu, Mélodie, les titres que je te donne, ils m’empêchent de m’illusionner, et de penser que quelqu’un est vraiment prêt à être un peu à l’écoute d’une détresse que moi-même je m'efforce d'ignorer. Parce que si je tombai dans le piège, que je me mettais à croire qu’il y avait vraiment d’autres gens, au-dehors, qui tenaient à moi…

Je haussai les épaules, un triste sourire affiché sur les lèvres.

— …alors, je tomberai de haut en découvrant qu’en réalité je suis aussi seule que je le pense à présent, parce que même si les gens croient sincèrement tenir à moi, ils ne comprennent jamais vraiment qui je suis. Encore une fois, je me protège. Pas physiquement, non – quel est donc l’intérêt de protéger son corps ? – mais émotionnellement – et c’est le plus important.

Je savais que je ne devrais pas en dire autant, que je ne devrais pas parler. De toute façon, mes mots tombaient dans l’oreille d’un sourd, n’est-ce pas ? Mélodie n’écoutait rien, comme je l’avais bien compris moi-même. Tout ça, pour elle, ce n’était qu’un mélodrame ridicule. D’ailleurs, une fois encore, elle ignora la souffrance qui était la mienne, niant même qu’elle était la cause de cette souffrance, m’accusant d’entretenir moi-même cette douleur que je m’efforçais de faire taire.

— Je…

Je n’entretiens rien du tout, aurais-je voulu répliquer. Pourtant, les mots se nouèrent dans ma gorge tandis qu’un doute s’infiltrait dans mon esprit. Était-ce vrai ? Est-ce que je n’entretenais pas cette douleur, comme… comme un dernier souvenir de mon frère, que je garderais pour toujours avec moi ? Je fronçai les sourcils, songeant durant quelques secondes à cette hypothèse, incapable d’accepter qu’elle soit vraie, certes, mais tout aussi incapable de la réfuter immédiatement.

— Je ne sais pas, murmurai-je finalement dans un souffle. Je ne fais rien de particulier.

Enfin, je repris contenance, et je m’aperçus que Mélodie n’avait pas à savoir tout cela sur ma vie, sur mes faiblesses, sur mes états d’esprits. J’aurais dû ne rien dire, j’aurais dû fuir dès que j’avais compris qu’elle aborderait un sujet sensible, mais cette fatigue, cette fatigue incroyable qui me donnait juste envie de fermer les yeux et de me laisser sombrer avait aveuglé mon jugement. Aussi présentai-je mes excuses à mon interlocutrice, espérant à demi qu’elle s’en aille. Visiblement, elle ne prêtait aucune importance à mes excuses ; ce qu’elle voulait, c’était changer mon comportement. J’eus sourire moqueur. Au moins avait-elle compris elle-même l’inanité de sa tâche.

— Je ne gâche pas ma vie, déclarai-je en haussant les épaules, affichant un air presque boudeur. C’est juste que je ne me préoccupe pas de quand elle pourrait finir. C’est différent.

Ça l’était, n’est-ce pas ? La plupart du temps, j’étais heureuse, je m’amusais, j’aimais ma vie. Même quand je risquais de la perdre, j’en profitais, parce que je trouvais ça mortellement amusant. Était-ce pour autant que je ne la gâchais pas ? La vie que mon frère avait passé à protéger et à chérir, étais-je en train de la piétiner dans mon inconscience ? Je portai la main à mon front pour tenter de faire disparaitre la migraine que je sentais poindre. Mélodie instillait en moi des doutes désagréables, et pourtant, je ne pouvais pas rejeter tout ce que pointaient ces doutes sans y réfléchir à deux fois. Quoi qu’en pense mon interlocutrice, je pouvais me remettre en question quand la situation l’exigeait.

Par chance, Mélodie semblait avoir compris que je ne voulais plus lui parler, et que cette conversation n’était rien d’autre qu’une vaine tentative pour nous convaincre l’une l’autre, sans nous écouter l’une l’autre. Depuis quelques instants, je priai pour qu’elle parte, et pourtant, quand elle se détourna, quelque chose en moi ne put s’empêcher de tressaillir. Cette partie de moi qu’elle avait minée de doutes, cette partie qui se remettait en question et qui désirait s’améliorer trouva la force de relever mon corps épuisé et de la retenir en l’attrapant par le coude.

— Attends, je… Il reste une chose que j’aimerais te dire, murmurai-je d’une voix douce.

Ce n’était pas parce que Mélodie avait clairement désapprouvé mon comportement que je devais forcément critiquer le sien, et je devais avouer que, d’une certaine façon, elle s’était montrée admirable. Quand ce dragon avait surgi, elle avait réagi avec une honnêteté et une lucidité impressionnantes. Quand je l’avais entrainée malgré elle, elle était parvenue à faire d’une situation désastreuse une position de force. Moi… moi, je pouvais faire d’une position de force une situation désastreuse. Pourtant, les compliments que je voulais formuler de façon simple et directe s’emmêlèrent dans ma tête et sur ma langue, et mes mots, comme ils en avaient l’habitude, parlèrent pour moi.

— Je t’envie un peu, tu sais. Tu peux te lancer dans des concours d’équilibre et les remporter haut la main – par des méthodes peu scrupuleuses, mais peu importe. Tu peux discuter sans peur avec un dragon et l’empêcher de tous nous tuer. Tu peux te sortir des situations les plus délicates, comme quand tu nous a délivrés de ces cages.

Et puis tu me tiens tête. J’aime bien ça, aurais-je pu rajouter, même si ces mots-là, je ne le les lui dirais probablement jamais.

— En fait, on dirait que toi, tu as toujours une solution intelligente à apporter aux problèmes qui surviennent dans ta vie. Je… je ne sais pas comment tu fais, et je t’admire un peu pour ça, tu sais ? Moi… disons que la plupart du temps, j’applique une de mes idées désastreuses, choisie au hasard.

J’eus une moue mitigée.

— Tu vois, quand tu me décris comme une gamine pourrie gâtée, tu n’as pas totalement tort. Il y a quelques mois encore je n’avais jamais mis un pied en-dehors d’Outrevent, et les dangers les plus graves que je courais étaient probablement de me faire piquer par une abeille et de me faire décoiffer par le vent. Je ne sais pas ce que c’est le danger. Je ne sais pas comment y réagir. Toi…

Je haussai les épaules.

— En te voyant, on dirait parfois que tu as fait ça toute ta vie. Je ne sais pas comment tu fais pour déterminer les moments où il te faut agir et ceux où tu seras inutile, mais en tous cas, on dirait que tu es très douée pour ça. Et... sache que ce n'était pas stupide de venir à ma rencontre.

Je me passai la main dans les cheveux, soudain mal à l’aise. J’avais sans doute perdu une occasion de garder le silence.

— Enfin, tu as raison, je ferais mieux d’aller dormir. Au revoir, Mélodie. J’espère qu’on se reverra.

J’espère qu’on se reverra. Etrange, comme cette toute petite phrase pouvait dire tant de choses. Derrière, il y avait quelque chose de précieux et de beau, comme un début d’affection, peut-être ? Je fronçai les sourcils. Non, ce serait ridicule. Mélodie avait ignoré ma souffrance, avait nié qui j’étais, avait décrié mes convictions… je ne pouvais quand même pas l’apprécier, n’est-ce pas ? Et pourtant, je devais bien avouer que je commençais à bien l’aimer, cette jeune femme…
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Message Sujet: Re: Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel   Petite abeille cherche ruche pour avoir un peu de miel EmptyMar 20 Déc 2016 - 21:05

Les bras croisés sur ma poitrine, je sens mes ongles s’enfoncer dans mon bras. Qu’elle était agaçante. Oui, je n’avais eu aucune envie de participer à cette bataille, justement parce que je n’avais aucun talent dans le combat. Je savais me défendre, mais c’était de basiques connaissances en combat de rue et encore. J’étais une voleuse, mes capacités reposaient sur la discrétion et la vitesse d’exécution, pas sur la puissance et les armes. Je savais que, moi, dans cette mêlée, j’y aurais certainement perdu la tête. C’était un miracle qu’ils aient décidé de nous enfermer plutôt que de nous achever, nous avions eu une chance énorme. Omen en soit témoin.
Alors, oui, j’avais voulu fuir et non, je n’en éprouvais aucune honte, ni aucune gène. Cependant, je me gardais bien de le lui faire remarquer. Elle ne comprendrait pas, tout simplement parce qu’elle ne le voulait pas.
Pour elle, la mort était préférable à la vie, mais mort, on ne pouvait plus rien faire. Tant que nous étions capables de bouger, de respirer, il y avait toujours une chance de s’en sortir, de trouver une solution, même si les moyens utilisés étaient peu reluisant. L’important était le résultat, pas la façon d’y arriver, surtout lorsque la survie était en jeu.

Je souffle pour décompresser, pour permettre à la hargne de Mélinda de glisser le long de mon corps au lieu de s’y accrocher. Solitude, encore et toujours la solitude, elle n’avait que ce mot à la bouche. Plutôt que de se concentrer sur son malheur et si elle commençait à avancer ? Je lève les yeux au ciel lorsqu’au fond de moi, tout au fond, ma conscience s’amuse à me faire remarquer que Maëlys avait eu plus ou moins le même discours que je pouvais tenir à l’égard de la demoiselle. Alors, je l’étouffe, la muselle et l’enterre dans un recoin de ma tête. Elle ne m’était d’aucune utilité et me donnait un fichu mal de crâne.
La fatigue se fait sentir, le sommeil, la faim, même en ayant pris quelques heures de repos, ce n’était pas suffisant pour vaincre ma faiblesse. L’engourdissement s’attaque à mes jambes et je le chasse en passant mon poids d’une hanche à l’autre.

Il n’était pas toujours aisé de passer à autre chose. La preuve, je n’étais pas certaine d’avoir digéré la mort de ma mère, j’en voulais toujours à Maëlys pour son abandon, mais ma vie ne se résumait pas qu’a cela. J’étais rentrée dans la Cour des Miracle, je m’étais nourrie de l’adrénaline du vol, évoluée grâce aux splendeurs des horizons que m’avaient offerts mes escalades. J’avais fait de nouvelles rencontres.
J’avais continué à vivre, même avec un poids mort qui ralentissait mes pas, j’avais avancé peut-être plus lentement que d’autre, mais jamais je n’avais laissé la douleur et les souvenirs m’enliser dans cette torpeur mesquine. Lasse et fatiguée, je me rendais compte à cet instant à quel point je voulais rentrer chez moi, retourner dans les bras chaleureux de la Cour et me blottir contre mes camarades. J’avais cruellement besoin de réconfort et de repos. J’étais à deux doigts de craquer et j’étais incapable d’en prédire le résultat.

À côté, Mélinda ne faisait que m’agresser. Hérissant mes poils et mettant ma patience à rude épreuve. C’était difficile pour moi de ne pas couper court à la discussion en la frappant jusqu'à ce qu’elle demande grâce. C’était tentant, tellement… mais je n’avais clairement pas l’énergie pour ça. Alors, je la laisse parler, faisant mon possible pour ignorer les paroles désagréables. Elles résonnaient avec une certaine justesse d’ailleurs. Oui, j’étais persuadée qu’elle avait tort et non, j’étais incapable de comprendre ce raisonnement suicidaire qui était le sien. Je ne le voulais pas, parce que je n’acceptais pas son comportement.

C’était aussi simple que ça.

C’est pour ça que je lui disais ce que je pensais, que la douleur, elle la gardait en elle, elle l’entretenait comme un feu de cheminée, elle la transformait en braises éternelles qui la consumaient avec une lenteur malsaine, jusqu'à ce qu’un jour elle ne soit plus rien.

Et, contre toute attente, je fais mouche. Moi qui pensais que rien ce que je pouvais avancer ne la toucherai jamais. Les remparts formés par sa logique déficiente n’étaient pas si imparables. Elle était balbutiante, avouant son ignorance. Peut-être que cette conversation à sens unique ne sera pas si inutile que ça finalement ? J’étais sceptique, mais c’était toujours mieux que rien. Peut-être réussirais-je à la faire réfléchir, à ce qu’elle se rende compte de son attitude autodestructrice. Qui auraient cru toute la rancœur, toute la souffrance qui se cachait derrière ce joli minois ? Pas moi.

Puis mes yeux s’arrondissent. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle vire de bord pour me complimenter. J’entends ronronner mon ego, mais je me refusais de le laissait transparaitre. C’était ridicule que de réagir comme ça à la moindre petite louange.

-Écoute Mélinda, je ne dis pas prendre que des décisions intelligentes, je sais simplement quand je suis inutile et quand je ne le suis pas. Beaucoup ont désapprouvé la plupart de mes actions, notamment avec Stellaire et s’il faut c’est à cause de ça que l’Ordre à pu prendre ce Sablier et faire tant de victimes. Nous n’avons aucuns moyens de le savoir.

Je hausse les épaules, m’accrochant à l’idée de rentrer bientôt pour ne pas simplement m’écrouler là et dormir, pour éviter de me noyer sous les « si » et l’implication de mes actes sur le futur et le présent.

-J’ai vécu dans la rues, c’est la seule différence. J’ai appris de mes erreurs et de celles des autres. Parce que si tu ne le fais pas, tu ne tiens pas longtemps.

Un vol pouvait tourner mal très rapidement, si je n’avais essuyé que quelques coups dans le passé, désormais c’était bien plus que je risquais. Ce savoir me poussait à prendre soin de moi et d’accepter que le repli était souvent la meilleure des solutions. Je ne voulais pas mourir comme ma mère. Je ne voulais pas être amputée.
Cette idée me terrorisait.

Un hochement de tête plus tard et le silence revient. Elle partait et je tournais les talons. Finalement… Je n’avais plus si faim que ça. J’étais de nouveau épuisée. Vide à l’intérieur, les pensées s’emmêlaient et je me jetais sous ma tente, sous les couvertures. Je m’emmitouflais et fermais les yeux.
Je me laissais bercer par les rumeurs de l’extérieur et sombrais dans un sommeil sans rêve. Il n’y avait plus rien à craindre.
Les méchants étaient partis.
Je pouvais me reposer.

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