Virginie Tendre-Chair | il est des appétits que même la bonne chair ne peut contenter

Aînée d'une fratrie de quatre enfants, Virginie est la seule fille de la famille, et un très beau brin de fille, à en croire son père. Boucher de métier, Hector Tendre-Chair n'aspirait qu'à de bons repas sur la table accompagnés de sa mousseuse favorite, sa femme à ses côtés pour le bichonner, ses fils costauds et vaillants pour marcher sur ses traces et sa fille chérie mariée à un parti prometteur. Et tout allait dans la direction prévue, du moins pendant plusieurs années.

Dès que Virginie a saigné pour la première fois, il ne s'est pas gêné pour vanter son joli minois et ses formes à tous ceux qui voulaient bien l'entendre. C'est qu'elle était mignonne la petite, bien nourrie, un peu rondelette, parfaite pour porter des enfants en bonne santé. Et ils étaient nombreux à être tout à fait d'accord, dans l'entourage d'Hector.

C'est à la veille de ses seize ans que l'enlèvement a eu lieu, par un jeune homme bien bâti, apprenti forgeron, qui a tenu en respect son père et ses trois frères sans peine. Il faut dire que le paternel n'y a mis les formes que par principe mais qu'il était plus qu'heureux du prétendant venu cueillir sa fille. Celle-ci, résignée, s'est laissée emporter dans la demeure de son époux et, le lendemain, le drap imprégné de rouge a été salué par les vivats du voisinage.

Plusieurs années ont passé dans un mariage qui ne comblait pas Virginie de bonheur mais qui aurait pu s'avérer bien pire. Son époux n'était pas une grosse brute, mais il n'était pas non plus très malin ni très doux. Il l'honorait régulièrement et malgré ça, le couple joua de malchance. Après la première fausse couche, l'entourage du garçon a su le rassurer quant à la suite ; ça arrive, qu'ils disaient. Le corps est jeune et a encore le temps d'accueillir la vie en son sein. Mais une seconde fausse couche a suivi la première, puis une troisième. Après cinq ans de mariage infructueux, il a fini par la répudier et Virginie est retournée dans sa famille, apportant la honte et le déshonneur dans son sillage. Sans surprise, son père l'a chassée sans ménagement, lui donnant juste de quoi voyager jusqu'à la capitale sans se soucier de ce qui lui arriverait une fois là-bas. Elle a pris les fleurons, ses affaires, puis s'en est allée à Hacheclair.

En chemin, elle a eu largement le temps de songer à ce qui allait lui arriver. Il était hors de question de trouver un nouvel époux, personne ne voudrait d'une femme incapable de pondre un héritier. Mais il y a bien un domaine dans lequel son malheur serait utile. Dès son arrivée, elle s'est présentée à la Guilde des Compagnes et elle a démarré son apprentissage auprès de ces dames à l'âge de vingt-et-un ans.

Avec les années, elle est devenue une Compagne très demandée. Ses courbes généreuses et sa bouche pulpeuse en font un accessoire de luxe que beaucoup d'hommes mariés apprécient avoir à leur côté lors des événements où il est bon d'être vu. Le fait qu'elle ne puisse enfanter a grandement aidé à asseoir sa réputation et ils sont nombreux, ceux qui la désirent à leur côté. Virginie sait se montrer docile et obéissante, simple faire-valoir prisé dans un milieux où elle n'a pas le droit de s'exprimer. En compagnie de ses collègues, en revanche, elle est une femme dévouée au caractère affirmé. Ses talents, elle sait les utiliser pour des intérêts plus nobles et voilà des années qu'elle est également dévouée à la Rose Écarlate, recueillant toutes les informations qu'elle peut trouver pour les communiquer aux pièces. C'est que certains ne font pas attention aux paroles qu'ils prononcent devant une Compagne qui, selon eux, n'a pas plus d'importance qu'une descente de lit particulièrement bien ouvragée, et Virginie l'a bien compris.