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 Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée

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Le Destin
Le Destin

Messages : 1321
J'ai : un âge au dessus de toute raison.
Message Sujet: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 1:33




Livre II, Chapitre 3 • La Roue Brisée
#6 ♦ Melinda & Raygnar

Les liaisons dangereuses

Intrigue 2.3 ♦ Trame temporelle alternée




« Dis tout à tes enfants, ou je te quitte, Raygnar ! »
La demande de Melinda est sans appel. Enceinte de sept mois, main protectrice sur son ventre rebondi, elle adresse un ultimatum ferme à son professeur qui est également le père à venir de cette vie qui grandit en elle. L’écart d’âge ? Elle s’en fiche un peu, et l’attrait de l’interdit a mis dans sa vie un piquant dont elle a fini par se lasser. Ce qu’elle veut, c’est un époux pour prendre soin d’elle et avec lequel élever son enfant… Seul souci : entre deux battements de cil, voilà qu’elle se rappelle soudain de sa vie d’avant, de la femme qu’elle était ; et l’incompréhension envahit son regard. Que fait-elle dans les bras de cet homme qui a l’âge d’être son père et qu’elle méprise ?
Raygnar, lui, n’a pas conscience de cette autre existence, contrairement à elle. C’est donc tout naturellement qu’il lui répond : « Je vais le dire à mes enfants, tu as raison ; nous allons nous marier pour le bébé, ma mie. »




Consignes

Le Destin vous passe la main



• Ce topic est votre participation à l'intrigue 2.3 La Roue Brisée et n'est ouvert qu'à vous.  

• Vous devez y poster au moins une fois par semaine chacun.  

• Ce sujet devra être clôturé avant le dimanche 28 mai !  

• Vos personnages doivent arriver à Lorgol en fin de sujet, pour rejoindre l'Académie, ils ont le pressentiment qu'on les y attend. De fait, un campement de romanichels rescapés commence à se former dans la forêt de sapins à proximité. Vous serez sûrement au complet vers la fin du mois de mai.

• C'est le Destin qui décide si votre personnage a conscience d'avoir vécu une autre vie auparavant, ou pas ! Respectez bien votre contexte, et soyez attentifs : il peut vous faire retrouver la mémoire en cours de sujet...  

• Le premier message posté sera obligatoirement le formulaire d'ouverture des RP ! Pensez à le dater et à insérer le lien de votre sujet à l'endroit prévu pour permettre son recensement dans la chronologie.

• Le Destin passera peut-être vous taquiner de temps en temps...

• Pas de limite de mots, vous êtes des dragonnets libres, liiiiiiibres !

Bonne chance à tous !  

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 15:37


Livre II, Chapitre 3 • La Roue Brisée
Melinda Orlemiel et Raygnar d'Ysgramor

Les Liaisons Dangereuses

Intrigue Globale



• Date : 20 avril 1002
• Météo : Plutôt beau temps à l'Académie
• Statut du RP : Intrigue Globale
• Résumé : Melinda demande "gentiment" à son amant Raygnar de tout dévoiler de leur relation aux enfants de celui ci. Celui ci cède et lui promet de l'épouser.
• Recensement :
Code:
• [b]Mettre la date ici : 20 avril 1002[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t1949-les-liaisons-dangereuses-intrigue-2-3-la-roue-brisee#58090]Les Liaisons Dangereuses[/url] - [i]Melinda Orlemiel et Raygnar d'Ysgramor[/i]
Melinda demande "gentiment" à son amant Raygnar de tout dévoiler de leur relation aux enfants de celui ci. Celui ci cède et lui promet de l'épouser

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 16:39

Mon bureau, enfin. La journée avait été longue, mais je n’avais pas eu le temps de m’ennuyer. Entre les cours et mes responsabilités de Recteur à l’Académie, il ne se passait pas une minute sans que je ne sois occupé. Si bien que, le soir, quand je retournais dans mes appartements, je savourais le silence et un bon livre devant un feu de cheminée. Cela faisait maintenant plus de dix ans que j’enseignais à l’Académie. Et si je ne me lassais pas de la vue de ses tours, je dois avouer qu’Ysgramor me manquait terriblement. Je savais mon domaine entre de bonnes mains et j’avais régulièrement des nouvelles de Rolf. Et je savais aussi qu’Elanin s’était trouvée une très bonne situation auprès de l’Empereur. Mais ils me manquaient. J’en venais même parfois à regretter les violentes tempêtes de neige qui frappaient souvent mes terres. Mais, heureusement, je n’étais pas seul. Rudolf avait réussi ses concours d’entrée et entamait sa première année à l’Académie. Et puis, il y avait Melinda.

Si notre relation avait été dévoilée au grand jour, beaucoup auraient pu s’offusquer de notre différence d’âge, du fait que j’aurais pu être son père, mais cela n’avait pas d’importance pour nous. Melinda m’avait redonné un second souffle et le bonheur que je pensais avoir définitivement perdu depuis le décès de mon épouse. Et je le lui rendais bien. Je lui avais prouvé que je pouvais encore être un jeune homme et que j’étais loin d’être sénile. Notre rencontre remontait à presque un an, quand elle intégra l’Académie. Son intelligence et sa capacité de raisonnement m’avaient étonné et je l’avais poussé à franchir ses limites, à en faire plus. Après les cours, il n’était pas rare que nous nous engagions dans de longues discussions qui pouvaient durer jusqu’à la nuit. Ses résultats dépassaient l’entendement et nombreux étaient les professeurs qui louaient les capacités de Melinda. Et cela m’avait empli de fierté, sachant que j’en étais à l’origine.
Nos rendez-vous se firent beaucoup plus fréquents, et beaucoup plus long. Je m’étais surpris à la courtiser, mais je n’avais pas cessé pour autant. Et cela avait porté ses fruits. Notre premier baiser suivi de notre première nuit ensemble avait été pour moi une renaissance. Je me rappelle d’avoir été aussi hésitant qu’un jeune homme au début, puis les années d’expérience avaient repris le dessus. Melinda me faisait oublier mon âge, mon domaine qui me manquait, et les responsabilités qui pesaient sur mes épaules.

Les mois avaient passés, et elle était tombée enceinte. J’avais alors senti que mon bonheur ne pouvait pas être plus grand. Mais il y avait une tâche dans le tableau. Mes enfants. J’imaginais sans mal leur réaction quand ils allaient apprendre qu’ils allaient avoir un autre frère ou une autre sœur, qui n’a pas la même mère qu’eux. Mais, et sans doute était ce lâche de ma part, je laissais le temps filer et ne faisais rien. Et cela ne plaisait pas à Melinda.
Je sortis de mes pensées et rangeait mes affaires dans mon bureau. Je portais une tasse de thé à mes lèvres quand Melinda entra. Je connaissais suffisamment ce regard pour savoir que j’allais passer un mauvais quart d’heure. Je reposais ma tasse et dit juste :

« - Bonjour Melinda, tu es sublime ce soir. Comment s’est passé ta journée ? »

Un compliment pourrait peut-être l’adoucir un peu, cela marchait avec mon épouse en tout cas. Quand je compris que, sur elle, cela n’avait aucun effet. Je me redressais et demandais :

« - Qu’est-ce qu’il y a ? Quelque chose ne va pas ? »

Avec elle, je pouvais me permettre ce genre de familiarités. Et puis, autant aller droit au but, je n’aimais pas m’étendre sur un sujet lorsqu’il méritait d’être rapidement clos. Et elle me répondit. Juste une phrase, mais une phrase sans appel, qui me frappa comme l’aurait fait une tempête de neige. Je devais tout avouer, ou bien la perdre. Je savais aussi que cela voulait dire que je devais l’épouser. Melinda voulait une vie stable, et une union avec moi lui apporterait de quoi avoir une existence confortable jusqu’à la fin de ses jours. Notre enfant pourrait grandir à Ysgramor, avoir une bonne éducation et ne serait jamais dans le besoin. Elle savait que jamais je ne les laisserais de côté. Mais comment mes enfants allaient il réagir ? Je soupirais et regardais le ventre rond de mon amante. Mes enfants étaient grands, et ils avaient presque tous une bonne situation. Rudolf, étant encore à l’Académie, était celui qui risquait le plus d’être blessé par ma situation. Mais il allait devoir faire avec. Et puis, je savais qu’il appréciait Melinda et qu’il l’admirait pour son intelligence. Rolf et Elanin avaient leurs propres vies maintenant, et ils comprendraient surement mon désir de poursuivre la mienne comme je l’entends.

Je me dirigeais donc vers Melinda, passa derrière elle et l’enlaça. Je posais les mains sur son ventre où, lentement mais surement, une nouvelle vie grandissait. Puis j’embrassais doucement sa tempe avant de lui murmurer à l’oreille :

« - Tu as raison mon amour, je vais tout leur dire. Je te le promet »

Je posais le menton sur son épaule, et reprit :

« - Je leur écrirais dès ce soir. Je vais leur dire que nous allons nous marier, pour le bien de notre enfant. »

Ecrire à Rolf et à Elanin serait sans doute plus facile que d’en parler à Rudolf, mais je n’étais pas genre à rompre mes promesses. Ils sauraient tout, et devront accepter que, maintenant, j’avais choisi de mener au grand jour cette double vie que j’avais débuté dans le secret avec Melinda.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 18:59

Je parcourais les couloirs de l’Académie d’un pas rapide, un livre sous le bras, saluant de la tête les quelques connaissances que je croisais. Les cours venaient de se terminer, j’étais fatiguée, j’avais mal au dos, et j’aurais aimé m’accorder au moins une petite sieste – ou peut-être une pause pour aller taquiner un ou deux camarades – mais je ne pouvais pas laisser la situation s’éterniser plus longtemps. Je posai une main sur mon ventre, un sourire songeur étirant mes lèvres. Moi, enceinte, qui l’eût cru ? Mais mon enfant, douce petite abeille, s’agitait désormais suffisamment pour que je ne puisse plus douter de sa présence, sans compter qu’il commençait à prendre beaucoup de place, ce petit bout de chou. Sept mois que je le portais, déjà, mais une petite ombre au tableau : je n’étais toujours pas mariée à son père. C’était inacceptable.

J’avais rencontré Rayg au début de l’année académique. Fière d’avoir été intégrée à l’Académie, même dans le domaine du Savoir, j’étais restée appliquée durant quelques temps, curieuse d’apprendre et exaltée par toutes les nouveautés que je pouvais découvrir. Raygnar… disons qu’il avait été une nouveauté comme une autre. J’avais apprécié nos discussions, j’avais été surprise de le voir me courtiser, puis curieuse. Je ne comptais pas faire quoi que ce soit de bien terrible, mais de fil en aiguille, une chose en entrainant une autre, je m’étais retrouvée enceinte. Alors, il m’était apparu avec évidence que Raygnar serait plus qu’une « curiosité ». Il serait le père de mon premier enfant… et mon époux. S’il se décidait, bien entendu, à se remuer un peu, parce qu’à l’heure actuelle, il n’avait même pas encore averti ses enfants de notre relation. Ce n’était même pas comme s’ils étaient jeunes et innocents, ils avaient l’âge d’être mes frères et sœurs, ils comprendraient !

Mais j’allais prendre les choses en main. J’avais toujours été douée pour persuader autrui de se conforter à mon point de vue. Je ne céderai pas, non, sous aucun prétexte, jusqu’à ce que Rayg se décide à m’épouser. Ma petite abeille avait besoin d’un père, et ce père, c’était lui. Mon enfant vivrait dans de bonnes conditions. Il serait noble, d’abord, et fils du Recteur de l’Académie. Je pourrai même faire importer du miel de chez moi – parce que le miel d’ici était immonde et le mien me manquait terriblement – sous prétexte de faire découvrir ce délice à ma progéniture. Je caressai distraitement mon ventre, sentant mon enfant s’agiter en moi.

— Ne t’inquiète pas, petite abeille, je te promets que je prendrai soin de toi.

Ou plutôt, je m’arrangerai pour que d’autres prennent soin de lui. Arrivée devant la porte du bureau de Raygnar, je frappai un seul coup avant d’entrer sans attendre de réponse. Je n’avais pas vraiment la patience d’attendre que mon amant daigne m’autoriser à entrer. Je le vis reposer sa tasse de thé, sans doute brûlante, notant immédiatement où se trouvait l’arme que je pourrais utiliser contre lui en cas de besoin, si vraiment les mots ne suffisaient pas – savait-on jamais, il tergiversait depuis si longtemps, peut-être allait-il se débiner ! D’ailleurs, il essaya lâchement de détourner mon attention avec un compliment, comme si j’étais si facilement corruptible. Ma détermination se mua en exaspération.

— Je ne suis pas sublime, je me sens lourde, j’ai mal au dos, je suis fatiguée, et j’ai faim ! Quant à toi, peu importe que ta journée se soit bien passée ou pas, parce qu’elle risque de se terminer sur une note plutôt sombre si tu ne m’écoutes pas attentivement !

Comme si ce n’était pas assez évident, Raygnar me demanda si quelque chose n’allait pas. Je lui lançai un regard assassin, persuadée qu’il savait très bien de quoi je parlais. Bien sûr qu’il le savait, ce n’était pas la première fois que j’en parlais, même si je n’avais jamais été aussi déterminée qu’aujourd’hui. Ma voix se fit dure, ma main se prépara à empoigner la tasse de thé – juste pour offrir un glorieux adieu au kyréen – et je délivrai mon ultimatum.

— Tu sais très bien ce qui ne va pas, et tu sais ce que je veux ! J’en ai assez que tu lambines dans ton bureau ! Je ne laisserai pas cette situation durer plus longtemps. Maintenant, tu dis tout à tes enfants, ou je te quitte, Raygnar !

Il se dirigea vers moi, et je lui jetai un coup d’œil méfiant, me demandant s’il comptait changer de sujet. Attentive, je le regardai passer derrière moi, et même si je refusai de tordre suffisamment mon cou pour continuer à l’observer, j’étais prête à lui donner un méchant coup de coude si jamais il osait ignorer ma demande. Mais quand il posa les mains sur mon ventre, je m’adoucis. Il ne laisserait sûrement pas tomber son enfant, n’est-ce pas ? Il posa ses lèvres sur ma tempe dans un doux baiser, et… et…

Tout se brisa.

Un homme m’embrassait la tempe ; j’étais dans ses bras. J’avais peine à me tordre suffisamment pour voir de qui il s’agissait. Effarée, incapable de me rappeler ce que je faisais là et comment j’y étais arrivée, je l’entendis me murmurer à l’oreille quelques mots tendres et m’appeler « mon amour ». Je voulus me débattre, lui faire payer cette étreinte obscène, mais ce fut alors que mes yeux tombèrent sur mon ventre. Rond. Gros. Lourd. Un doute terrible m’étreignit le cœur et, quand quelque chose me frappa de l’intérieur, je ne pus plus le nier. Enceinte. J’étais. Enceinte. La stupéfaction fut telle que je ne réagis même pas lorsqu’une tête se posa sur mes épaules, et que l’homme qui me tenait dans ses bras poursuivit. Il voulait se marier. Avec moi. Pour notre enfant.

Il fallait que je hurle, jusqu’à ce que mes cordes vocales éclatent.

Il fallait que je fuie, jusqu’à ce que mes poumons s’enflamment et soient réduits en cendres.

Il me fallait… un peu… d’air frais.

— Lâche-moi, criai-je avec une certaine violence, poussant tant bien que mal pour me dégager.

Je titubai, m’éloignant tant bien que mal de l’homme qui se prétendait mon amant, perturbée par ce poids inhabituel que j’avais à porter. J’essayai de comprendre et d’accepter la situation actuelle. Enceinte. Avant même d’être mariée. Dans les bras d’un homme. Un homme qui n’était autre que le père de mon enfant. D’accord. Tout allait bien. Mayeul m’avait peut-être donné quelque chose pour effacer mes souvenirs ? Non, le voltigeur n’aurait jamais fait une chose pareille. Alors… alors quoi ? Et si… et s’il s’était produit quelque chose comme dans les souterrains de Lorgol ? Si quelque chose qui avait modifié ma mémoire ? Alors, ma vraie vie, c’était laquelle ? Celle dont je me souvenais ou… celle que j’étais en train de vivre ? Désemparée, je jetai un coup d’œil prudent au père de mon enfant, et… éclatai de rire.

C’était une plaisanterie. Une vaste plaisanterie. Il ne pouvait en être autrement. Lui, le noble kyréen insupportable et méprisable que j’avais croisé devant l’Académie, j’aurais… j’aurais… eu un enfant de lui ? Hors mariage ? Certes, c’était plus qu’une simple blague – une simple blague ne faisait pas tomber les gens enceints – mais c’était peut-être une illusion, ou un cauchemar. Même dans une vie dont j’aurais perdu tout souvenir, je n’aurais pas pu m’acoquiner avec cet homme-là, cela du moins j’en étais sûre. Je me pinçai discrètement le bras, sans pour autant me réveiller. D’accord. J’étais sûre que tout allait bien quand même. Tout allait s’arranger.

— Tout va s’arranger, murmurai-je pour moi-même, une fois que j'eus repris mon sérieux, en faisant les cent pas pour me donner contenance. Je ne suis pas enceinte, je ne me trouve pas dans une pièce inconnue, ce noble qui martyrise ses enfants ne vient pas tout juste de me proposer le mariage, je suis à la Taverne, dans mon lit, en train de dormir, et je rêve. Je vais me réveiller, aller courir pour oublier cette vision d’horreur, et puis reprendre ma vie normalement. Tout. Va. Très. Bien.

Je me retournai vers le noble kyréen et le foudroyai du regard. Peut-être avait-il décidé de se venger de moi en orchestrant cette vaste plaisanterie ? Je ne connaissais pas les détails techniques, certes – et comment il avait réussi à me faire croire que j’étais enceinte, et à m’amener jusqu’ici sans que je m’en souvienne, et ainsi de suite – mais il devait bien savoir quelque chose, non ? Je me retournai vers lui, pointant un doigt menaçant sur sa poitrine, le regard méfiant et furieux.

— En tous cas, si c’est de votre faute, je ne sais pas ce qui vous est passé par la tête, mais c’est immonde et obscène ! Oh, et comme vous pouvez le voir, je me suis rendue compte de la supercherie, alors vous pouvez tout de suite… dissiper tout ça. Vous savez, ramener les choses à la normale, comme avant ?

J’avais envie de le supplier d’en être capable. A vrai dire, j’étais terrifiée. L’hypothèse qui m’était passée par la tête, et que c’était réellement ma vie que j’étais en train de vivre, mes souvenirs ayant été modifiés, ne parvenait pas à me quitter. Auquel cas, j’étais vraiment enceinte, et cet enfant qui grandissait en moi était une responsabilité que j’avais peine à supporter, et qui méritait pourtant toute mon attention. Je ne me sentais pas capable de m’occuper d’un enfant, et encore moins de faire ce qui était nécessaire, comme épouser quelqu’un dans le but de l’élever dans les meilleures conditions possibles. Mais de toute façon, je n’avais pas à m’en inquiéter, n’est-ce pas ? Parce que le noble kyréen allait soupirer de dépit, déçu de ne pas pouvoir faire durer la comédie, et m’annoncer la chute hilarante de cette histoire. N’est-ce pas ?

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 20:33

Elle avait eu ce qu’elle voulait. Un père pour son enfant, un homme qui lui promettait le mariage, la sécurité ainsi qu’une vie confortable. Je ne voyais pas comment la situation pourrait se dégrader. Je pensais qu’elle ne pouvait que s’améliorer. Elle se retournerait, m’offrirait son plus beau sourire, m’embrasserait et on aurait passé la soirée autour d’un bon repas tout en parlant de ses cours et de ses réflexions diverses. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle me repousse en hurlant. Elle se débattit et je la lâchais immédiatement, soucieux de lui avoir fait mal. Je savais, par expérience, que les femmes enceintes étaient fragiles et pouvaient avoir toutes sortes de sautes d’humeurs. Melinda devait sans doute en avoir une en ce moment. Elle venait de me dire qu’elle se sentait lourde, qu’elle avait mal au dos, qu’elle était fatiguée et qu’elle avait faim. C’était sans doute ça. Je me dis qu’elle devait manger de la viande rouge, cela lui ferait le plus grand bien.

J’allais le lui suggérer quand je vis son désarroi. Elle agissait comme si elle venait de se réveiller d’un long et tumultueux rêve qui l’avait bouleversé. Je fronçais les sourcils et m’avançais d’un pas. Je ne comprenais plus rien. Elle n’avait aucune raison d’être en colère. A moins que j’aie dit quelque chose qui ne fallait pas. Ou alors s’attendait-elle à se lancer avec moi dans une joute verbale, comme elle les aimait, et qu’elle refusait que de me voir céder aussi facilement. Mais elle devait savoir que mon caractère kyréen faisait que je ne supportais pas de m’étendre sur un sujet sans aller droit au but. Non, je ne voyais pas qu’est ce qui ne pouvait pas aller entre nous. Je lui dis alors :

« - Melinda, tu ferais mieux d’aller te reposer. »

Elle se tourna vers moi et… Eclata de rire. Je restais totalement stoïque. Alors comme ça, c’était une plaisanterie. Elle faisait semblant de bouder. Et bien ce n’était pas drôle du tout. Je me sentais peut-être comme un jeune homme dans ses bras mais j’avais passé l’âge pour ce genre de plaisanterie. Mais je compris vite que c’en était pas une. Elle se mit à faire les cents pas dans la pièce tout en se pinçant le bras, comme si elle voulait s’assurer qu’elle ne rêvait pas. Tout en faisant cela, elle murmurait, pour elle-même, que tout allait s’arranger, qu’elle ne se trouvait pas ici, en compagnie d’un noble qui martyrisait ses enfants et qui venait de lui promettre de l’épouser. Elle se murmurait qu’elle allait se réveiller et oublier cette vision d’horreur. Je restais silencieux, ne sachant que dire devant ça. Elle avait perdu la tête, c’était indéniable. Ses camarades avaient dû faire une farce et mettre quelque chose de malsain dans son thé. Je me promis de trouver le responsable et de le faire renvoyer immédiatement de l’Académie. Je relevais légèrement ma lèvre supérieure, sentant la colère monter, puis je la refoulais. Pour le moment, je devais calmer Melinda.

Pendant que je réfléchissais, elle s’était avancé vers moi, pointant un index menaçant sur ma poitrine. Elle me dit que ce que j’avais fait était immonde. Et qu’elle s’était rendu compte de la supercherie. Elle m’ordonna de ramener les choses à la normale et d’arrêter cette plaisanterie. Tout cela, en me vouvoyant, comme si notre relation n’avait jamais existé.Elle voulait que tout redevienne comme avant. Oui mais c’est-à-dire ? Pourquoi voudrait-elle rompre notre relation alors qu’elle exigeait notre union il y a à peine quelques minutes ? Je m’avançais et tendis la main. Je lui dis sur un ton qui se voulait le plus doux possible.

« - Calme toi mon amour, assis toi et repose toi, je vais nous faire apporter de quoi manger. Tu ne sais plus ce que tu dis. Le terme est peut-être plus proche que nous le croyons. »

J’allais arranger mon fauteuil de telle sorte à ce qu’elle soit confortablement assise, puis allais lui servir une tasse de thé brulante. Tout en la lui apportant, je lui demandais :

« - Mais que t’arrive t’il Melinda ? Il y a quelques minutes, tu menaçais de me quitter si je ne te promettais pas de t’épouser. Et maintenant ça. Tu comprends bien que je dois trouver ça un peu étrange. »

J’espérais franchement qu’un peu de repos remette de l’ordre dans ses idées, et que tout revienne à la normale. J’avais craint que son cri n’alerte mes voisins et je ne voulais pas me faire plus remarquer. J’étais certes le Recteur, j’avais une certaine autorité que tous ici respectaient. Je devais veiller à ce que cela reste comme ça. Pour mon bien et celui de l’Académie.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 1 Avr 2017 - 22:05

C’était terrifiant.

Le noble kyréen ne réagissait absolument pas comme prévu. J’aurais voulu qu’il avoue son crime et s’étonne de ma capacité à le déceler, mais loin de correspondre à mes désirs, il paraissait juste… perplexe, comme si mon comportement était tout à fait imprévisible. Une part de moi s’était bien sûre attendue à ce qu’il ne cède pas tout de suite, mais je ne pouvais pas croire qu’il savait si bien jouer la comédie, et encore moins trouver une raison quelconque pour laquelle il s’abaisserait à faire semblant d’éprouver quelque tendresse pour moi – une raison pour me promettre le mariage. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : lui, au moins, n’était pas au courant. Et c’était terrifiant. Parce qu’alors, je ne parvenais à m’accrocher à aucune explication rationnelle, excepté celle qui faisait de cette réalité ma réalité.

Lorsqu’il avança sa main vers moi, je ne pus m’empêcher de la frapper vivement, comme si elle risquait de se transformer en serpent venimeux et de me mordre à la gorge. Certes, désormais, j’avais à moitié convaincu mon esprit raisonnable que cette réalité était la mienne et qu’il fallait que je m’y fasse, mais il restait une grande part de moi qui ne pouvait tout simplement pas l’accepter. C’était trop invraisemblable, à mes yeux, pour être vrai. Et puis, qui aurait pris la peine de modifier mes souvenirs à ce point-là, et de m’inventer une existence qui était toute autre ? Pourquoi ? Je n’étais personne ! Je n’avais pas la moindre importance ! La seule explication que j’avais pu trouver, même si elle parvenait à répondre à certaines questions, en laissait bien d’autres en suspens. A moins… à moins que je ne sois importante, dans cette réalité ? Et si le noble kyréen me connaissait, il pouvait m’aider à découvrir qui j’étais, non ? Très bien, mais qu’il se révèle utile en restant loin de moi, si possible, le temps que je me fasse à l’idée que dans cette existence, nous avions un enfant ensemble.

Le noble kyréen, dans cette optique, ne paraissait pas aussi terrible. J’avais le sentiment qu’il se préoccupait vraiment de moi. Du moins, il avait l’air de prendre ce qu’il devait considérer comme une petite crise avec beaucoup de patience, me demandant gentiment de me calmer et de me reposer. Avec un peu de chance, il répondrait gentiment à mes questions, et puis je pourrais me dépêtrer de cette embarrassante situation. Enfin, j’aurais pu m’en dépêtrer sans peine… si j’avais été seule. Je posai une main tremblante sur mon ventre rond. Enceinte. J’avais toujours peine à y croire, et pourtant, il était là, mon enfant. Une petite abeille qui n’était même pas encore capable de voler de ses propres ailes, et qu’il me fallait protéger… quels que soient les sacrifices que je devais faire. Si je devais accepter la présence de ce kyréen à mes côtés dans une vie de couple… qu’il en soit ainsi. Je ne pus m'empêcher de penser, toutefois, que dans le pire des cas il devait être assez vieux pour mourir d’ici quelques années.

Quand le kyréen se détourna pour arranger un peu un fauteuil – voir ainsi ce confortable fauteuil me fit prendre conscience que j’avais terriblement mal au dos – je remerciai Lyncée d’avoir un instant pour apaiser mon cœur battant et mon souffle court. Je m’installai dans le fauteuil avec un brin de méfiance, analysant la situation avec la crainte d’un chaton devant un environnement qui lui serait totalement nouveau. Quand le noble revint avec une tasse de thé, j’étais parvenue à peu près à me calmer. Je l’acceptai en le remerciant du bout des lèvres, plongeant mon regard au fond de la tasse sans mot dire, attendant que le breuvage refroidisse. Mes pensées se bousculaient dans ma tête pour essayer d’ordonner ce que j’étais en train de vivre, en vain.

Ce fut le noble kyréen qui brisa le silence, posant exactement la question qui envahissait mon esprit : que m’arrivait-il ? Je n’avais pas la réponse, et je me sentais perdue dans cet univers qui m’était inconnu. La Melinda qui était tombée enceinte de cet homme et qui était allée jusqu’à le menacer pour obtenir un mariage n’était tout simplement pas moi. A quel point avait-on modifié mes souvenirs pour altérer ainsi ma façon d’être ? Ma seule certitude, pour l’instant, c’était que je m’appelais Melinda. Est-ce que je me ressemblais, physiquement ? Je fus envahie par le besoin soudain de fouiller la pièce pour trouver un miroir, mais je m’obligeai à rester assise. Le noble kyréen devait déjà me prendre pour une folle. Et mon frère, existait-il, dans cette réalité-ci ? Était-il… était-il en vie ? Non, je ne pouvais pas nourrir de tels espoirs. Si quelqu’un était né des mêmes parents que moi, peut-être serait-il profondément différent de l’homme que je considérais comme mon frère. Les questions jonglaient ainsi dans mon esprit, suivies de longues réflexions sur ce que pouvait être ma vie, dans cette réalité-ci.

— Eh bien, pour moi aussi, c’est assez étrange, déclarai-je avec méfiance. Pourquoi voulez-vous m’épouser ? Vous êtes noble et notre union ne vous sera d’aucun intérêt. Je ne comprends pas. Je peux vous poser quelques questions, juste pour m’assurer de votre santé mentale ?

Je devais l’avouer, ce n’était pas la meilleure argumentation que j’aie eu de ma vie. Mais j’étais perturbée mentalement, et mon état physique se rappelait peu à peu à moi, à présent que ma peur avait décru pour ne laisser place qu’à une sourde méfiance. Fatigue, faim et douleurs s’abattaient sur moi dans toute leur cruauté et m’empêchaient de réfléchir correctement. Sans attendre la réponse du noble, craignant qu’elle ne s’avère négative, je commençai mon tour de questions. Il allait bien répondre, juste par gentillesse, non ?

— Quel est votre nom ? On est où, ici ?  Où s’est-on rencontré ? Quelle est la date d’aujourd’hui ?

C’étaient des questions normales, non, pour quelqu’un qui voulait vérifier la santé mentale de son interlocuteur ? Et même si, en l’occurrence, c’était plutôt le noble kyréen qui devait être désireux de vérifier ma santé mentale à moi, c’était un bon début.

— Combien font deux plus deux ? questionnai-je pour me donner contenance, même si la question n’avait que peu d’intérêt pour moi.

Mes mains étaient crispées sur la tasse de thé que m’avait donnée le soi-disant père de mon enfant. Je m’obligeai à me détendre, prenant une profonde inspiration pour retrouver mon calme. Si jamais il venait à se montrer menaçant, louche ou insistant, je pourrais toujours lui lancer ma tasse de thé au visage, et profiter de la distraction pour fuir en courant, en essayant de prendre autant de vitesse que possible malgré le poids dont ma petite abeille m’alourdissait. Affermie par l'idée qu'une éventuelle échappatoire restait toujours possible, je surveillai le noble du coin de l’œil, attendant qu’il n’esquisse ne serait-ce que le moindre geste brusque pour passer à l’action.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyDim 2 Avr 2017 - 17:05

Elle s’était enfin calmée, mais elle refusait que je l’approche et que je la touche. La voir frapper ma main me fit aussi mal que si elle avait planté un couteau dedans. Mais je restais totalement impassible. Ce n’était pas le moment de se mettre en colère, Melinda avait besoin de moi et je devais tout faire pour qu’elle aille mieux, et que tout redevienne comme avant. Je préparais donc mon fauteuil et, une fois qu’elle fut confortablement assise, je lui servis une tasse de thé, qu’elle accepta en me remerciant. Je la regardais plonger ses lèvres dans la boisson sans prononcer un mot, cherchant dans ses gestes le signe d’une drogue ou d’une maladie. Mais elle avait l’air d’aller bien. Physiquement du moins. Je lui demandais alors ce qui pouvait bien lui arriver pour qu’elle se mette si soudainement à me repousser et à me considérer comme un inconnu.

Sa méfiance me fit tout aussi mal que la claque sur ma main. On aurait pu croire qu’elle avait totalement oublié ce qu’il s’était passé entre nous. Son regard, ses manières prudentes et sa façon de tenir sa tasse comme si elle était prête à jeter son contenu brulant sur mon visage. Elle craignait que je lui fasse du mal, à elle et à notre enfant. Je baissais la tête, anéanti et confus, ne sachant que faire. Devais je appeler un médecin ? Melinda risquait de s’en vexer. Non, pour le moment, le mieux à faire, c’était de ne pas bouger, de ne pas la laisser seule et de rester le plus calme possible.
Melinda me répondit que, pour elle aussi, tout cela était étrange. Mais pas dans le sens que j’imaginais. Elle me demanda pourquoi voulais je l’épouser alors qu’elle n’était qu’une gueuse. Puis elle me demanda si elle pouvait me poser quelques questions pour… Quoi ? S’assurer de ma santé mentale ? C’était plutôt la sienne qu’on devrait examiner. Mais soit, je ne voulais pas la contrarier plus qu’elle ne l’était déjà. Je lui dis alors sur un ton doux, tout en restant à quelques mètres d’elle :

« - Mais Melinda, je veux t’épouser pour notre enfant. Je veux vous assurer, à toi et à lui, une existence paisible et confortable. Tu dis que notre union n’aura aucun d’intérêt, pas pour moi, la survie de mon domaine est déjà assurée, l’aurais tu oublié ça aussi ? Notre rencontre a été comme une renaissance pour moi. Et… » Je me tus, aussi gêné qu’un adolescent et sentit mes joues s’empourprer. C’était tellement plus facile quand elle me considérait encore comme son amant. Je repris : " Et puis c’est ce que tu voulais Melinda. Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans mes explications ? »

Amoureux, à mon âge, si on me l’avait dit il y a un an, je n’y aurais jamais cru. Je m’étais résigné au fait que plus jamais je ne marierais depuis la mort de mon épouse. Je pensais rester veuf, père de trois enfants, jusqu’au jour où je pourrais la rejoindre. Mais le cœur d’un homme est imprévisible et, dans mon cas, alors que je le pensais gelé pour toujours, il s’était remis à battre pour une demoiselle, pour Melinda. Et, à présent, je le sentais se serrer devant les questions qu’elle me posait. Tout en continuant de me vouvoyer, elle me demanda mon nom, celui du lieu où on se trouvait, elle me questionna sur notre rencontre et sur la date d’aujourd’hui. Je soupirais tout en passant la main dans mes cheveux et me dirigeais vers la fenêtre. Mon nom. Elle avait tout oublié de moi, même mon nom. La seule preuve de notre relation grandissait en elle, sous la forme d’un enfant. J’expirais et soufflais pour calmer l’angoisse qui menaçait de me submerger. Ce n’était pas le moment Raygnar. Il fallait que je reste fidèle à moi-même et que je tienne le coup. Je me retournais et, tout en restant appuyé contre le mur près de la fenêtre je répondis :

« - Mon nom est Raygnar, seigneur d’Ysgramor, professeur d’Histoire et Recteur à l’Académie de Lorgol. Nous sommes dans mon bureau, dans la Tour Nord. » Je pris ma tasse de thé et bus une gorgée qui me fit du bien et me redonna confiance. Je repris : « Nous nous sommes rencontré dans ma salle de cours, au début de ton cursus. Tu m’avais posé une question très pertinente sur le règne d’Ophélie d’Outrevent, et nous sommes le vingt avril 1002. »

Sa question suivante me laissa sans voix pendant quelques secondes. Je m’attendais à ce qu’elle demande plus de détails, histoire de se remémorer quelques souvenirs. Mais non. Elle me demanda combien faisaient deux plus deux. Je la regardais. Ses mains étaient crispées sur sa tasse, et elle me surveillait du coin de l’œil, comme une bête qui se retrouvait prise au piège. Je me dirigeais vers ma sacoche, en sortis une pomme et la lui tendis, me rappelant à quel point la faim pouvait se révéler perturbante. Puis je reculais de quelques pas et lui répondis dans un souffle :

« - Quatre. Deux et deux font quatre Melinda. »

Je m’appuyais sur mon bureau et fermais les yeux. Cette journée avait si bien commencé. Qu’avais je fais au Destin pour mériter ça ? La mère de mon enfant avait perdu la raison, et je me retrouvais à lui répondre que deux et deux faisaient quatre. Que pouvais il arriver de pire ? J’ouvris les yeux. Peut être qu’en rentrant dans sa « folie » je pourrais comprendre d’où elle venait. Je lui demandais alors :

« - Et toi Melinda ? De quoi ou de qui te rappelle tu ? »

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyLun 3 Avr 2017 - 11:23

Il voulait m’épouser. Pour notre enfant. Ces paroles, bien que d’une logique indiscutable dans la situation actuelle, me percutèrent avec force tant elles me paraissaient contradictoires avec mes propres souvenirs, avec la vie que je menais, avec mon caractère, avec… ma réalité à moi. Une nouvelle fois, je posai la main sur mon ventre, comme pour m’assurer qu’il était toujours bien là, tout aussi rond, tout aussi plein d’une vie nouvelle dont je ne me rappelais même pas le commencement. J’étais perdue. Désemparée. Déboussolée. Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait ni comment j’en étais arrivée là. Et la présence du noble kyréen qui se prétendait père de mon enfant ne m’aidait pas vraiment à réfléchir posément, d’autant plus qu’il me paraissait profondément différent de l’homme que j’avais rencontré au mois de septembre, devant les portes de l’Académie. Il était plus doux, plus patient et il me paraissait plus soucieux aussi, comme s’il avait laissé éclater son masque de glace.

Il fallait qu’il m’épouse. Pour notre enfant. Cette certitude se cristallisa dans mon esprit. Si vraiment tout cela était réel – même si ça me semblait improbable et totalement fou, ça restait possible – alors je devais protéger ma petite abeille, et ne pas la laisser souffrir du fait que j’avais perdu tout souvenir de cette réalité où je l’avais conçue. Je devais la protéger, et lui assurer « une existence paisible et confortable ». Le kyréen avait raison à ce sujet. Avec un peu de chance, puisqu’il avait déjà martyrisé sans merci les rêves de ses autres enfants pour qu’ils se plient à sa volonté, il laisserait au mien toute latitude. Peut-être même pourrais-je en faire une condition de notre mariage – parce qu’il était absolument hors de question que ma petite abeille, sous prétexte de naitre dans un milieu paisible et confortable où elle serait choyée, protégée et bien nourrie, doive museler ses précieux rêves.

Mes réflexions furent brutalement interrompues par une idée désagréable, et mes joues s’empourprèrent en même temps que celles du noble kyréen. Selon lui, j’avais été comme une renaissance. Je fermai les yeux, n’osant laisser mon imagination courir à ce sujet, et n’osant imaginer ce qu’il exigerait de moi une fois que nous serions mariés – si nous allions nous marier un jour, évidemment. Certes, je me doutais bien que cet enfant n’avait pas été fait juste comme ça, mais je n’avais pas encore laissé mes pensées s’attarder là-dessus jusqu’alors. Encore une fois, ce fut un mélange de dégoût et d’incompréhension qui me frappa de plein fouet. Comment avais-je pu me retrouver dans le lit de ce kyréen ? M’avait-il droguée ? Forcée ? Convaincue ? Menacée ? Sans doute pas, non ; il me paraissait presque aimant, à la façon dont il se comportait devant ce qu’il devait considérer comme un éclat de folie. Par conséquent… tout ça avait été un choix volontaire de ma part. Je ne pus retenir un frisson d’effroi à cette idée. Je savais que je ne prenais pas toujours des décisions très intelligentes, mais de là à tomber enceinte de ce kyréen, et ce, hors-mariage ? La Melinda de cette réalité était d’une stupidité aberrante.

— Ce que je ne comprends pas dans vos explications ? demandai-je d’une voix faible, essayant encore d’accepter ce que j’étais en train de vivre.

Tout, aurai-je eu envie de répondre. Je ne comprends rien de ce qu’il se passe ici. Je ne suis pas la Melinda que vous semblez connaitre. Je n’aurais jamais voulu ça. Ce n’est tout simplement pas logique. Ce n’est absolument pas possible. Et pourtant… et pourtant… je suis en train de le vivre, non ? Mais je me doutais qu’il valait mieux ne pas paraitre trop folle si je voulais que ce noble kyréen soit toujours d’accord de m’épouser – si jamais, finalement, c’était la décision qu’il s’avérait nécessaire de prendre. Aussi me contentai-je de hausser les épaules.

— Je ne sais pas, ça me parait suspect, marmonnai-je en haussant les épaules. Ce n’est pas logique, tout simplement. Vous êtes vieux, vous ne supportez pas de perdre votre temps, vous faites passer les intérêts de votre domaine avant les vôtres, vous ne devez pas m’apprécier beaucoup, parce que je suis plus forte que vous pour jouer de mes mots et vous êtes beaucoup trop sérieux pour vous marier sur un coup de tête. Je me trompe ?

Peut-être que oui. Peut-être que le kyréen de cette réalité était différent de celui de mes souvenirs. C’était possible. Et ça me rassurerait, au moins en partie, sur les choix que j’avais faits sans en garder la moindre trace dans ma mémoire. Je plongeai à nouveau mon regard sur ma tasse de thé, refusant de soutenir le sien.

— Je trouve votre choix bien étrange, voilà tout. Je ne suis pas vraiment d’un caractère facile, et je ne suis pas faite pour être une bonne épouse ou même une fréquentation agréable à long terme.

Désireuse d’obtenir des réponses à mes questions sans pour autant paraitre totalement folle, sous le couvert de vérifier que le kyréen n’était pas atteint mentalement pour avoir produit une telle décision, je l’interrogeai sur des évidences. Les réponses auraient probablement dû couler de source, mais dans l’état actuel des choses, je me sentais capable de tout remettre en question. Comme s’il était sidéré par la teneur de mes questions, mon interlocuteur se détourna de moi et s’éloigna de quelques pas. Je me détendis un peu, comme si la distance qu’il instaurait entre nous pouvait me protéger de ses intentions, et du passé qu’il prétendait que nous avions partagé. Je guettais chacun de ses mouvements, comme un animal aux abois, tandis qu’il se retournait pour s’appuyer contre le mur. Enfin, il répondit.

Raygnar. Raygnar d’Ysgramor. Recteur de l’Académie. Professeur d’Histoire. C’était un homme important, de toute évidence, et il s’intéresserait à moi ? Mais pourquoi ? Je n’étais personne, j’avais même été recalée aux entretiens d’entrée ! La suite de ses explications, néanmoins, me fit douter de ça aussi. J’avais été acceptée à l’Académie ? Avant que j’aie pu m’en empêcher, un sourire amusé perça brièvement ma détresse. Même si je ne m’en souvenais pas, j’avais bien réussi les entretiens d’entrée, comme il se devait. Mon sourire vacilla lorsque je conscientisai qu’il était mon professeur. Je m’étais donc inscrite dans le domaine du Savoir, malgré la guerre qui avait éclaté en janvier. Certes, j’aurais préféré développer ma magie, mais au moins pouvais-je me reconnaitre dans cette décision. Entrer à l’Académie à tous prix, n’est-ce pas ? Y compris si cela signifiait de s’intéresser aux Savoirs plutôt qu’à la Magie. Et puis, de toute façon, je pouvais avoir accès aux bibliothèques si je voulais m’informer sur la magie de l’Hiver, non ? Je me félicitai intérieurement de cette judicieuse décision, même si je n’en avais aucun souvenir. La situation n’était donc pas aussi dramatique qu’elle le paraissait.

Nous étions le vingt avril 1002. Mes derniers souvenirs remontaient à environ trois semaines, même si je n’aurais pas pu donner un jour précis. De toute évidence, toutefois, je n’avais pas simplement perdu des souvenirs, puisque j’étais certaine de ne pas avoir mis le pied à l’Académie de toute mon existence, et que je n’étais pas enceinte, il y a un mois. Si nous nous étions rencontrés au début de mon cursus, Raygnar et moi, comme il semblait le dire, alors ce que moi je me rappelais de lui, il ne l’avait probablement jamais vécu. Je résistai à la tentation de demander quand avait commencé mon cursus, exactement. Peut-être au début de l’année. Ce qui signifiait, au vu de la rondeur de mon ventre, que je n’avais pas perdu beaucoup de temps avant de me rapprocher un peu plus près que prévu de mon professeur. Je passai ma main dans mes cheveux en prenant une profonde inspiration. Stupide Melinda. Pourquoi donc ton professeur d’Histoire ? Il devait y avoir à l’Académie des tas de gens plus agréables, non ? J’avais toujours peine à comprendre. Et pourtant, peu à peu, je me résignais.

J’acceptai la pomme que me tendait Raygnar, et je pris seulement conscience, alors, de la faim qui me rongeait le ventre. Sans me préoccuper du fait qu’elle pouvait très bien être empoisonnée, je croquai dedans presque avec désespoir, comme si elle était ma seule bouée de sauvetage dans ce monde étrange. Manger, au moins, m’était un acte familier, et jamais une pomme ne me parut plus agréable que celle-là. Le noble kyréen m’interrogea alors sur mes propres souvenirs, et je fermai les yeux, regrettant qu’il l’ait deviné aussi vite. Certes, une telle perte de mémoire était difficile à cacher, mais j’aurais voulu pouvoir la garder pour moi un peu plus longtemps. L’espace d’un instant, j’envisageai de détourner le sujet, mais quelque chose me disait que je n’y parviendrais pas. Aussi choisis-je la voie de la sincérité.

— Je me souviens de vous, murmurai-je en le regardant attentivement, pour quêter sa réaction. Je me rappelle que nous nous sommes rencontrés en septembre, l’année passée, même si je ne pourrais plus donner le jour exact. Mais les cours à l’Académie, eux, ne recommençaient qu’en novembre, à cause du retour des Mages du Sang sur le continent. Et je n’étais pas inscrite. J’ai été recalée aux entretiens d’entrée de la Magie, qui ont eu lieu, par conséquent, en novembre. Vous étiez avec votre fils, je crois. D’une douzaine d’années, à peu près, si je ne me trompe pas. Je venais pour essayer de vous extorquer des informations sur l’Académie et pouvoir passer plus facilement les entretiens. Notre conversation ne fut guère concluante, de toute évidence.

Je m’en rappelais, comme si c’était vrai, et pourtant, au vu de ce que Raygnar me révélait, ce n’était pas possible. Je pris une nouvelle inspiration, tâchant de garder mon calme.

— Notre deuxième rencontre, c’était en janvier, cette année, poursuivis-je sans le quitter des yeux. Nous étions un petit groupe, rassemblés pour s’introduire par effraction dans le Musée des Savoirs Oubliés, en Erebor. Je me rappelle que vous aviez peur du vide. Vous ne vouliez pas grimper aux murs pour vérifier s’il y avait une entrée sur le toit. Et quand nous sommes descendus par une fenêtre, vous aviez l’air… plutôt tendu.

Je posai les yeux sur mon ventre rond. Non, je n’avais pas le moindre souvenir de cette petite abeille. Pas plus que d’une éventuelle histoire d’amour que j’aurais vécu avec Raygnar – avec ce noble kyréen, parmi tous les autres habitants d’Arven ! Ni même d’être entrée à l’Académie. Cette vie n’était pas la mienne, elle n’était pas vraiment celle dont je me souvenais.

— Je ne me rappelle pas d’avoir jamais mis les pieds à l’Académie, sauf pour mes entretiens d’entrée, évidemment. C'est la première fois que je vois ce bureau. Et cet enfant… Je me souviens de ce qu’il s’est passé il y a plus ou moins trois semaines. Je n’étais pas enceinte, à l’époque, mais de toute évidence, je le suis maintenant depuis beaucoup plus longtemps que trois petites semaines.

Je levai à nouveau les yeux sur le noble kyréen, jouant avec ma pomme à moitié mangée du bout des doigts.

— Je sais que ce que je dis dois vous sembler complètement invraisemblable, mais je ne me sens pas folle, simplement déroutée et perdue. Mes souvenirs me paraissent réels et logiques, même s'ils ne correspondent pas à la réalité. J’ai le sentiment de les avoir réellement vécus. A vrai dire, c’est ce que je suis en train de vivre qui me semble fou, et pourtant, je ne peux pas le nier, je ne peux pas nier la vie qui se développe en moi et la façon dont vous me regardez comme si nous avions partagé quelque chose. Mais tout ça est en totale contradiction avec ce que j’ai l'impression d'avoir vécu jusqu’à présent.

J’eus un rictus moqueur.

— Je suppose que ce que je viens de dire ne vous aide pas beaucoup à croire que je suis encore saine d’esprit. Peut-être que je suis folle, c’est vrai. Mais je suis plutôt en train d’envisager sérieusement la possibilité que mes souvenirs ont été modifiés d’une façon ou d’une autre. Ou que j’ai été plongée dans une illusion absolument ridicule, parce que pour moi, nous imaginer ensemble est assez… improbable.

Je croquai à nouveau dans ma pomme, en attendant le verdict de Raygnar. Je ne savais pas pourquoi son avis me semblait brutalement d’une importance cruciale. Peut-être parce qu’il était pour l’instant la seule personne capable de me rassurer sur mon état mental. J’espérais presque qu’il me donne une explication encore plus rassurante que celles que j’avais pu trouver, sans pour autant y croire. Déjà, je commençais à me résigner à l’idée que j’étais bel et bien enceinte… et que cet homme, même si je le méprisais, était bien le père de mes enfants… et peut-être mon futur mari.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMar 4 Avr 2017 - 21:59

Elle n’avait pas l’air de comprendre. Malgré mes explications, la situation lui semblait toujours aussi improbable et elle avait encore beaucoup de mal à y croire. Je voyais son expression varier entre la stupeur et la confusion la plus totale. Pourtant, ce que je lui expliquais n’avait rien de compliqué. Il fallait que je l’épouse, pour notre enfant. Point final. Quand je lui avouais qu’elle avait été pour moi une renaissance, ce qui était, selon moi, une belle preuve d’amour, je vis ses joues s’empourprer. Mais, contrairement à ce que j’aurais espéré, elle n’était pas séduite. Le dégout se lisait sur son visage aussi facilement que s’il avait été écrit sur son front et elle frissonna. Encore un coup de couteau qu’elle m’infligea sans s’en rendre compte.
Je restais cependant totalement impassible. Je devais m’assurer qu’elle n’avait pas perdu l’esprit et, pour cela, il fallait que nous restions calmes, tous les deux.

Elle reprit la parole, d’une vois faible, et m’expliqua que tout cela n’avait rien de logique. Je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils quand elle me dit qu’elle me trouvait vieux. J’avais presque cinquante ans certes, mais j’estimais avoir encore de belles années devant moi. J’étais loin d’être sénile et j’avais encore toute ma raison, contrairement à elle. Selon elle, aussi, j’avais horreur de perdre mon temps, et j’avais toujours fait passer les intérêts de mon domaine avant les miens. Pour ces deux faits, elle avait entièrement raison. Je n’hésitais pas à me sacrifier pour le bien être mon peuple. Et ils m’appréciaient pour cela. Melinda m’avoua aussi que soi-disant je ne l’appréciais pas, car elle m’était supérieur dans l’art de jouer avec les mots, et que j’étais beaucoup trop sérieux pour me marier sur un coup de tête. Je la repris, tout en haussant légèrement la voix :

« - Sur un coup de tête ? Tu appelles notre enfant un coup de tête toi ? »

Je passais la main dans mes cheveux et soufflais par le nez. J’avais laissé ma colère s’exprimer, cela m’arrivait rarement, et je devais veiller à ce que cela arrive le moins possible. La colère embrouille l’esprit. J’avais appris depuis longtemps à la dompter mais dans des situations comme celle-ci, ou je sentais mon cœur se déchirer, je me sentais faible, et à la merci de cette maudite colère. Je la regardais tandis qu’elle me disait qu’elle n’était pas une femme au caractère facile et lui dis, sur un ton plus neutre et plus doux :

« - Je ne vois pas ce qu’il y a d’étrange à aimer et à vouloir le meilleur pour ceux qu’on aime. Mais, si tu ne veux pas que je t’épouse, il y a surement beaucoup d’autres jeunes hommes dans l’Académie qui n’hésiteront pas à adopter ton enfant pour t’avoir pour femme. Tu es admirée de tous ici Melinda. »

Voyons voir sa réaction. Allait elle réfléchir sérieusement à cette possibilité ou la rejeter pour revenir vers moi ? Je plaçais un autre pion en ma faveur en lui donnant une pomme ; tout en sachant que sa faim devait être perturbante. Une femme enceinte avait une deuxième bouche à nourrir en plus de la sienne et, dans mon rôle de père, je devais veiller à ce que les deux aient l’estomac plein.
Elle me posa ensuite des questions qui m’avaient choquées tant leur réponse étaient évidentes et par le fait qu’elles témoignaient d’une amnésie totale de Melinda à mon sujet. Je lui répondis et, tout en l’observant manger la pomme avec l’énergie du désespoir, je me proposais de rentrer dans son jeu, voir ce qu’elle pensait vraiment de moi et ce qu’elle savait de moi. Je laissais donc le silence planer un peu, le temps de la laisser avaler quelques bouchées, puis je lui posais la fameuse question.
Elle m’observa attentivement, me regardant dans les yeux et me dit qu’elle me connaissait depuis septembre 1001. Selon elle, nous nous étions rencontré à L’Académie, mais pas pendant les cours. J’étais avec mon fils qui, au vu de sa description ne pouvait être que Rudolf. Notre rencontre aurait été tout sauf agréable.

Ensuite elle me parla de janvier de cette année, en Erebor, au Musée des Savoirs Oubliées. Je levais un sourcil, cachant tant bien que mal mon étonnement. Que viendrais je faire en Erebor, dans un Musée totalement désaffecté et donc l’accès est interdit ? J’adorais les musées et les monuments mais jamais je n’oserais risquer ma tête pour pénétrer dans l’un d’eux. Melinda me parla de ma peur du vide, et que j’étais plutôt tendu lorsqu’il m’avait fallu descendre par une fenêtre. Je fermais mon œil blessé et passa un doigt dessus, me rappelant alors ma chute dans la bibliothèque. Dans la réalité de Melinda, j’avais aussi peur du vide. Mais c’était la seule chose cohérente dans ses propos.
Elle ne se rappelait donc pas d’avoir intégré l’Académie, et encore moins d’être tombée enceinte car, selon ses souvenirs qui remontaient à deux, trois semaines, elle ne l’était pas. Son ventre n’avait pas gonflé en une nuit quand même. Je baissais la tête, désormais résigné qu’elle avait surement perdu la raison. Mais pourquoi aussi vite ? Pourquoi comme ça ? Je me contentais de secouer la tête, l’air désolé, pour lui dire que ce qu’elle disait ne correspondait pas à mes propres souvenirs. Je pris la chaise de mon bureau, la plaça face à elle tout en restant à quelques mètres, m’assis et plongea ma tête dans mes mains. Puis je dis sur un ton bas, comme si je parlais à moi-même :

« - Je ne comprends pas. » Je relevais la tête puis demandais : « Tu ne te rappelle même pas d’être tombé enceinte, tu me regardes comme si j’étais un parfait inconnu alors que, hier encore, nous partagions un repas en admirant les Tours. Ce que tu me racontes semble venir d’un autre temps, d’une autre époque, dont la seule chose cohérente avec la réalité est ma peur du vide

J’aurais pu croire qu’elle était en train d’inventer. Mais quelque chose me soufflait qu’elle fût surement malade. Une maladie qui se cachait et qui a grandi avec elle, pour se manifester seulement maintenant. Elle me raconta qu’elle ne se sentait pas folle, seulement perdue. Tout ce dont elle se rappelait lui semblait réel. Tout ce qu’elle vivant maintenant était en totale contradiction avec ce qu’elle pensait avoir vécu. Elle pensait alors être la victime d’une illusion, ou alors d’une modification de ses souvenirs contre sa volonté. Mon cœur se serra devant sa dernière phrase. Notre relation, selon elle, lui paraissait plus qu’improbable. Une pulsion que je n’avais plus connue depuis mon adolescence me souffla qu’elle mentait et qu’elle cherchait juste à m’offrir une rupture qui resterais à jamais dans ma mémoire. Je la chassais et soupirais. Je ne savais plus quoi penser. Ma seule possibilité était de voir ce qu’elle se rappelait non pas de moi, mais du reste, de tout le reste. Se souvenait elle d’un Arven au bord du gouffre ? Mes mains se mirent à trembler. Je demandais alors, tout en luttant pour les maintenir immobiles :

« - De quoi te rappelle tu d’autre, dans ta réalité ? Y’a-t-il des noms qui te reviennent en mémoire ? Ou alors des évènements particuliers, qui pourraient coïncider avec ce que nous vivons maintenant ? Je ne te crois pas folle Melinda, ou du moins pas encore. Je veux juste comprendre… »

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMer 5 Avr 2017 - 12:15

Le noble kyréen laissa éclater une colère face à laquelle je ne pus retenir, l’espace d’un instant, un sourire amusé. Je ne l’aurais jamais imaginé être furieux pour si peu. Certes, si nous avions réellement eu une relation intime, quelle qu’elle soit, il devait se sentir vexé que je considère soudain tout ça comme un coup de tête. Et pourtant, même si, sans le connaitre ni lui ni les circonstances de sa conception, je me sentais prête à beaucoup pour assurer la protection de l’enfant que je portais, je pouvais me douter, en connaissant mon caractère, que je n’aurais jamais partagé le lit de ce kyréen hors-mariage si j’y avais mûrement réfléchi. Sans doute avait-ce été un défi pour moi, défi que je m’étais hâtée de remplir sans réfléchir aux conséquences. Cet enfant n’était rien d’autre que le produit de mes errements, et le mariage, la conclusion logique de cette affaire. Mais tout ça était parti d’une bêtise idiote que j’avais dû faire dans un moment d’égarement. Alors oui, ma petite abeille était un coup de tête. Elle n’était pas que ça, mais elle en était un, indubitablement.

— Tout à fait, répondis-je au noble kyréen, d’une voix assurée, cette fois-ci.

Que ce que j’étais en train de vivre soit réel ou non, je ne pouvais pas douter du fait que cet enfant était le produit d’un acte irréfléchi et stupide de ma part. Certes le noble kyréen était prêt à m’épouser et ainsi à nous donner son rang, à moi et à mon enfant – ce dont j’aurais pu me réjouir, si j’avais été un tant soit peu vénale – mais il aurait tout aussi bien pu se moquer de nous et nous abandonner à notre sort. De toute évidence, néanmoins, et selon ses propres mots, il m’aimait et voulait le meilleur pour moi et mon enfant. D’ailleurs, il paraissait penser que nombreux étaient les élèves de l’Académie qui seraient prêts à faire pareil. Je bus une gorgée de thé pour me remettre de ma surprise. Moi, admirée au point d’avoir une foule de prétendants ? Un rire incrédule se coinça dans ma gorge. Qu’est-ce que j’avais bien pu faire pour qu’on s’intéresse ainsi à moi ? Alors, finalement, j’étais suffisamment importante pour qu’on tente d’effacer mes souvenirs et de me faire croire à une autre vie ?

— C’est difficile à croire, murmurai-je d’un ton méfiant. Je suis insignifiante ; personne ne devrait se préoccuper de moi. Mais de toute façon, si c’est bien vous le père de cet enfant, c’est vous qui méritez de l’élever.

Si, bien entendu, je n’avais pas commis sans le savoir d’autres stupidités irréfléchies qui auraient pu me faire tomber enceinte d’un autre homme. Je pris une profonde inspiration tant cette idée me paraissait horrifiante. Et pourtant, alors que toutes mes certitudes avaient été remises en cause, je ne pouvais pas être sûre que j’aurais été fidèle à un seul homme. Peut-être que le père véritable de cet enfant était un autre, qui n’avait pas voulu m’épouser, et que j’avais décidé de jeter mon dévolu sur un homme pétri de responsabilités afin de donner à mon enfant un père convenable. Que Lyncée soit maudit, ce scénario me paraissait presque plus plausible que l’idée que j’aie pu tomber amoureuse du noble kyréen !

L’esprit plein de questions, je ne pus m’empêcher plus longtemps de les poser, même si elles devaient paraitre ridicules à mon interlocuteur. Quand il me demanda ce dont je me rappelais, je lui répondis lentement, tout en quêtant sa réaction. Il paraissait surpris, étonné de ce que je lui disais, comme si lui ne s’en rappelait pas. J’eus un pincement de cœur quand je le vis baisser la tête, comme s’il abandonnait tout espoir de trouver la moindre parcelle de raison dans mes paroles. Il secoua la tête, et je le soupçonnai d'être totalement désemparé devant ma situation. Je l’observai prendre une chaise, s’y asseoir, et plonger sa tête entre ses mains comme pour y chercher refuge. Enfin, il parla. Lui non plus ne comprenait pas. J’eus un triste sourire à ses paroles.

— Croyez-moi, c’est ce que vous vous me racontez qui me semble venir d’une autre réalité, déclarai-je avec un sourire doux-amer. S’il n’y avait pas ma petite abeille, dont l’existence est indubitable, pour me prouver vos dires, alors je penserais que vous êtes en train de me mener en bateau dans un but bien peu honorable. Jamais dans mes souvenirs je n’ai partagé un repas avec vous, et jamais…

J’agitai la main en l’air en rougissant, ne pouvant m’empêcher de détourner les yeux du kyréen dans un soudain accès de gêne.

— Jamais nous n’avons fait… ce qu’il faut faire pour concevoir un enfant. Qu’Idril m’en soit témoin, je n’ai même jamais partagé le lit d’un seul homme !

L’idée même m’embarrassait, et seules mon incrédulité et ma perplexité face à la situation actuelle m’avaient permis d’en parler avec autant de facilité. Un sourire mutin étira soudain mes lèvres, tandis qu’une lueur amusée traversait mon regard, un instant.

— Mais je suis contente d’apprendre que vous avez bel et bien peur du vide.

Une part de moi s’amusait d’avoir découvert un point faible à ce noble kyréen qui s’était toujours pris de haut. Dommage que lui m’apprécie et n’ait probablement aucun problème à me confier ce genre de faiblesses, sans quoi j’aurais pu allègrement le taquiner à ce sujet. L’heure, néanmoins, n’était pas à la plaisanterie, et Raygnar me le rappela lorsqu’il me questionna sur mes autres souvenirs. Il ne paraissait pas comprendre que je n’avais pas perdu la mémoire, mais que j’avais le sentiment d’avoir vécu jusqu’alors une toute autre existence, comme si je venais d’une autre réalité et que j’avais brutalement été transportée ailleurs. Au moins prétendait-il ne pas me croire folle, ce qui était un bon point de départ s’il tentait vraiment de me comprendre.

— Je me rappelle de TOUT, vous savez, sire d’Ysgramor, avouai-je avec un sourire moqueur. J’ai les souvenirs de toute une vie, des moments que j’ai partagés avec mon frère quand j’étais petite, jusqu’aux derniers jours que j’ai passés à Lorgol à la fin du mois de mars, en passant par mon arrivée dans la Ville aux Mille Tours en mai dernier. Simplement, cette vie ne correspond à rien, ou presque, de ce que je découvre brutalement ici.

Je réfléchis quelques secondes. Y avait-il des gens, habitants à Lorgol, qui pourraient m’aider ? Mes yeux s’écarquillèrent, tandis qu’un espoir fou m’étreignait le cœur. Je me levai d’un bon, l’enthousiasme me faisant ignorer le poids supplémentaire que je me devais de supporter.

— Ma cousine ! déclarai-je avec un large sourire. Astrée Aubétoile, elle est… elle doit être à l’Académie. Elle est en astronomie, elle a presque terminé son cursus ! Elle a un projet, elle veut faire un atlas céleste !

Je poursuivais, mes pensées volant vers d’autres connaissances qui pourraient m’aider à prendre conscience, peu à peu, des différences fondamentales entre cette réalité et celle dont je me souvenais. Je pourrais peut-être me rendre à la Taverne de la Rose. Je me demandai si Freyja était repartie en mer ou si elle s’y trouvait. Mais de toute façon, il y aurait Lena, et Eponine, et les habitués, et il y aurait bien quelqu’un, là-bas, pour m’aider, non ?

— Nous pourrions aller dans la Taverne de la Rose, aussi. C’est là que je loge. J’y fais même du miel, la propriétaire, Freyja, a accepté de me laisser installer des ruches dans son arrière-cour. Sans me vanter, je suis plutôt douée pour ça. Vous devriez goûter mon miel. Enfin, m’en acheter. Parce que vous êtes riche, de toute façon, et que j’ai une vie à gagner, l’air de rien.

Sauf que cette vie n’était pas vraiment la mienne. Mais ce n’était qu’un détail, bien entendu.

— Quant aux grands évènements, dont vous pourriez avoir entendu parler… La guerre, évidemment. En janvier, Faërie et Ibélène sont entrés en guerre. C’est dommage, je trouve, alors que la Trêve a duré mille ans. Et puis, les ibéens ne sont pas si méchants que ça quand on apprend à les connaitre.

Il m’effleura à peine l’esprit que l’homme qui se prétendait père de mon enfant était ibéen, et kyréen, en plus. Je me demandai, l’espace d’un instant, s’il pourrait m’emmener en Valkyrion pour revoir Mayeul. Le voltigeur me manquait. J’étais certaine qu’il aurait pris la situation avec suffisamment de légèreté pour me détendre rapidement. Et puis, bien entendu, il se serait probablement moqué de moi. Moi, enceinte, d’un homme qui avait une trentaine d’années de plus que moi ? Moi, enceinte ? Il m’aurait taquiné à ce sujet pour le restant de mes jours. Un triste sourire étira mes lèvres. J’espérais bien revoir le voltigeur un jour… et j’espérais sincèrement qu’il se souvienne de moi.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyJeu 6 Avr 2017 - 21:31

Elle souriait. Je venais d’exprimer franchement ma colère et elle souriait bêtement ! Si elle avait été une des gueuses vivant dans ma seigneurie, je l’aurais envoyé passer quelques jours dans les froids cachots de mon manoir. Cela lui aurait donné matière à réfléchir. Et puis, qu’est-ce que c’était, un ou deux doigts gelés qui tombaient comme des fruits trop mûrs ? Elle avait de la chance d’être, ou d’avoir été comme je commençais à le croire, mon amante. Tout ce que j’avais fait avec elle, tout ce que j’avais ressenti pour elle, je l’avais réfléchi. Enfin, la plupart du temps. On ne réfléchit pas lors de sa première fois. Mais j’avais réfléchi à l’éventualité d’avoir un autre enfant, et je n’étais pas contre l’idée. Alors oui, en me disant que tout cela n’était qu’un coup de tête, elle m’avait vexé. Cela voulait dire que nos nuits ensemble n’étaient qu’une distraction, un moyen de s’évader, de ne plus penser à rien. Elle me l’affirma avec un simple « tout à fait » d’une vois assurée. J’en tombais des nues. Alors comme ça, notre relation, et cet enfant, n’étaient que des erreurs ? Non, je refusais de croire cela. Je refusais de croire qu’elle ne ressentait rien pour moi.

Je tentais donc de le prouver en lui proposant d’aller épouser un autre jeune homme qui ne serait pas difficile à trouver vu le nombre d’admirateurs qu’elle avait. Elle retint un rire qui, s’il était sorti, m’aurait paru plus ironique qu’autre chose. Mais ce qu’elle dit ensuite me rassura, enfin, plus ou moins. Elle me dit que sa popularité était difficile à croire tant elle se pensait insignifiante. Puis elle m’avoua que, si j’étais le père de cet enfant, c’était moi qui méritait de l’élever. Un doute commença à m’envahir. Elle a bien dit « si » … Je demandais donc :

« - Parce que il y en aurait eu d’autres ? D’autres qui pourraient être le père de cet enfant ? »

Et voilà que je parlais en amant jaloux. Melinda ne m’appartenait pas. Mais savoir que d’autres étaient passés avant ou après moi… J’avais du mal à l’accepter. Mais ça restait probable. Elle aurait été dans le lit d’un homme, puis, se sachant enceinte, se serait rapprochée de moi et de ma position pour offrir, à elle et à son enfant, un avenir confortable dans un milieu aisé. Elle ne serait donc jamais tombée amoureuse et n’aurait agi que par intérêt, profitant du fait que je sois veuf et écrasé par les responsabilités pour s’approprier mon cœur, et mon titre. Penser à cette possibilité me fit presque aussi mal que ce qu’elle m’avait dit juste avant.

Mais elle ne me laissa pas le temps de réfléchir plus et me posa des questions. Je lui en posais également et, quand elle me répondit, j’avais cru que tout mon être allait tomber en morceaux. Je m’étais assis, avait enfoncé la tête dans mes mains, et avais juste dit que je ne comprenais plus rien. Je restais dans cette position quand elle me dit que ce que je lui racontais moi lui semblait venir d’une autre réalité. S’il n’y avait pas eu « sa petite abeille » comme elle le disait, elle aurait cru que je la menais en bateau. Mais son abeille était belle et bien là. Mais ses souvenirs avaient disparu. Elle ne se rappelais pas avoir partagé un repas avec moi, ni mon lit. Elle prétendait même n’avoir jamais partagé le lit d’un seul homme. Je fronçais les sourcils. Cet enfant ne tombait pas du ciel quand même !

Elle se mit alors à sourire, sans doute amusée par ma mine outrée. Elle avait réussi à me rendre aussi confus qu’elle. Cela devait bien l’amuser. Mais elle se contenta juste de dire qu’elle était contente d’apprendre que j’avais peur du vide. Je lui répondis :

« - Mais je t’en avais parlé Melinda. C’est à cause d’une chute que je ne vois presque plus de l’œil gauche. Mais ça aussi, tu as dû l’oublier. »

Cette dernière phrase, je l’avais soufflé sur un ton de reproche, même si ce n’était surement pas sa faute si elle avait perdu la mémoire. Surement… Peut-être pas. Je commençais à penser qu’elle pourrait peut-être inventer. C’est pour cela que je lui demandais d’autres souvenirs, qui n’avaient aucun rapport avec moi. Peut-être saurais je si elle invente ou si elle dérive complètement. Dans ce cas, je ne pourrais sûrement plus rien faire pour elle.
Heureusement que j’étais assis. Car ce qu’elle me raconta été aberrant. Non pas le fait qu’elle était arrivé à Lorgol seulement en mai dernier, et que ce qu’elle vivait ici était complètement différent de ce qu’elle se rappelait avoir vécu. Non pas le fait qu’elle ait une cousine, dont le nom m’est inconnu, qui est à l’Académie. Ni le fait qu’elle veuille me vendre ses pots de miel. A ce moment-là, je fronçais une nouvelle fois les sourcils. Riche, riche… C’était une façon de parler. Nombreux étaient les personnes parmi mon peuple qui trouvaient que, si j’étais soigné dans mon travail, je ne l’étais pas tellement pour mon physique. Ma tignasse et ses mèches rebelles, mes habits plutôt austères et mes mains souvent tâchées d’encre en était la preuve. Je préférais mettre à profits mes maigres ressources pour mon domaine, mon manoir et le bien-être de mes enfants. Et aussi pour les livres, ça il ne fallait pas l’oublier.
Et enfin, ce qui m’étonna le plus, elle me dit qu’Arven était en guerre. Arven. En guerre. Je secouais la tête en faisant une sorte de sourire moqueur, mais qui, dans mon cas, ressemblait plus à une grimace. C’était complètement improbable. Arven ne pouvait pas être en guerre. Et puis, une Trêve ? Mais de quoi parlait-elle ? Mon amusement céda de nouveau à la pitié. Elle n’aurait pas pu inventer une guerre qui n’existait pas. A quoi cela lui servirait elle ? Je lui dis sur un ton doux, comme si je parlais à une enfant qui croyait dur comme fer qu’un monstre se cachait sous son lit :

« - Melinda, il n’y a pas de guerre. Faërie et Ibelène ne sont pas en conflit. Nous sommes en paix depuis un long moment. Mais dans quel monde crois tu vivre ? »

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyVen 7 Avr 2017 - 13:51

Toute à mes réflexions sur cet enfant et ses origines douteuses, je ne remarquai pas les doutes qui traversaient mon interlocuteur. L’aurais-je vu, sans doute aurais-je tenté de changer de sujet, consciente qu’il fallait un père pour ma petite abeille, et que pour l’instant, cet homme, quand bien même je le méprisais, était le plus à même d’assumer ce rôle. S’il doutait de sa paternité et de ma fidélité – de la fidélité de celle qu’il prenait pour son amante – notre mariage ne lui apparaitrait probablement plus avec autant d’évidence. Sa question, étrangement en phase avec mes propres interrogations, aurait dû me mettre la puce à l’oreille et me faire réfléchir, mais malheureusement, je me sentais trop désemparée devant la situation actuelle pour m’attarder sur ce genre de détails.

— Qui sait ? répondis-je avec un triste sourire. Mais vous êtes un homme sensé, et ce serait étonnant.

J’espérais de tout cœur que la Melinda de cette réalité partageait mes valeurs. Si tel était le cas, jamais elle n’aurait menti au noble kyréen. Elle n’aurait peut-être pas abordé le sujet, ou peut-être aurait-elle détourné toutes questions, mais cet homme en aurait probablement été intrigué à la longue. Il aurait pu m’acculer, et s’assurer de finir la conversation avec une réponse claire en main – une réponse claire et, forcément, vraie. Non, je lui avais sans doute été fidèle. Sans doute. Même si le vide de mes souvenirs ne pouvait guère m'éclairer à ce sujet.

— En tous cas, jamais je ne vous ai menti, déclarai-je avec assurance, en le regardant droit dans les yeux.

Mais lui, avait-il posé les bonnes questions, ou avait-il évité d’aborder ce genre de sujets ? Peut-être estimait-il que sa paternité était d’une telle évidence qu’il n’avait pas besoin d’investiguer la question ? Je pris une profonde inspiration, désireuse d’écarter cette hypothèse. De toute façon, je ne pourrais pas avoir la moindre certitude. Je devais partir du principe que ce kyréen était le père de cet enfant, et avancer avec ça, même si je n’appréciais guère la situation. Certes, ma petite abeille méritait probablement mieux qu’un père probable que je n’avais considéré comme tel que par facilité, mais je n’avais que ça à lui offrir. Et puis, je n’en avais jamais voulu, moi, de cet enfant, et puisque je n’avais aucun souvenir de sa conception, je ne pouvais même pas me consoler en songeant qu’au moins ma curiosité avait été assouvie…

Dans la situation où j’étais, toutes les vérités que contenaient mes souvenirs, même les plus minuscules et les plus inutiles, étaient de petites victoires. En apprenant que Raygnar avait bel et bien peur du vide, je ne pus retenir un sourire triomphant. Il prétendait m’en avoir déjà parlé, même si je n’en avais aucun souvenir. Une histoire quelconque à propos d’une chute qui lui aurait abîmé l’œil gauche… je ne m'en rappelais pas le moins du monde. Je frissonnai, soudain envahie par l’impression désagréable qu’un pan entier de mon existence m’avait été arraché. Même si les décisions qu’avait prises la Melinda de cette réalité laissaient à désirer, je brûlais d’envie de les avoir vécu au lieu d’en subir passivement les désagréables conséquences.

— Je ne savais pas, marmonnai-je à l’adresse de Raygnar, d’un ton presque boudeur, comme pour répondre à ses reproches par une attitude criant clairement que je n’étais pas responsable de ce qu’il m’arrivait. Je ne sais rien de vous, sire d’Ysgramor, sinon ce que j’ai pu deviner en vous parlant par deux fois, et ce que vous m’avez dit aujourd’hui.

Une lueur de malice traversa mon regard tandis qu’une idée pernicieuse me traversait l’esprit. En imaginant que ce que nous étions en train de vivre ne soit pas vraiment ma vie, m’était-il possible de grappiller des informations sur Raygnar maintenant, dans cette réalité où il me les donnait volontiers, et de m’en servir pour le taquiner une fois de retour dans la mienne ? J’étouffai cette idée dans l’œuf. Tout d’abord, rien ne me disait que j’allais retrouver un jour cette réalité dont je me souvenais. D’ailleurs, je ne voyais même pas comment c’était possible. Non, j’allais probablement devoir m’habituer à être mère et, bientôt, épouse – une idée horrifiante. Et puis, cette taquinerie ressemblait beaucoup à une forme de tromperie, et quelque chose me disait que ce ne serait pas très juste pour Raygnar. Le pauvre, il n’aurait même pas l’occasion de se défendre…

Bientôt, le kyréen en vint à me demander si je me rappelais d’autre chose. Quand je lui parlai de la guerre, son attitude se modifia, et il sourit, comme si j’étais en train de plaisanter. Quoi, la guerre ? Quelqu’un aurait modifié mes souvenirs pour y implanter un évènement de cette ampleur ? Non, ce n’était pas possible. Sans doute avais-je mal interprété la réaction de Raygnar. Il était peut-être simplement amusé par mes piètres compétences commerciales. Oui, ça, c’était une explication plausible. Pourtant, quand j’entendis la douceur de sa voix, comme s’il s’apprêtait à m’annoncer une terrible nouvelle, et qu’il me confirma oralement qu’il n’y avait pas de guerre, je sus qu’il ne plaisantait pas. Et alors ? C’était positif, non, s’il n’y avait pas de conflits ?

— Ne me regardez pas comme si ce que je disais était improbable, déclarai-je en le foudroyant du regard. Je ne me préoccupe que peu de l’avis d’autrui sur ce que je dis, d’habitude, mais en cet instant, je n’ai pas besoin de votre pitié.

Ma voix était dure, sèche, glaciale, impérieuse, sans appel. Je n’appréciais pas du tout la façon qu’avait ce kyréen de remettre en doute ce que je disais, encore. Ne comprenait-il pas que j’avais le sentiment, au plus profond de moi, que ce que je disais était fondé, et que je l’avais vécu ? Ce qu’il remettait en question en doutant de moi, ce n’était pas seulement quelques mots jetés au travers d’une conversation, c’était ma vie entière ! Est-ce que j’étais bien outreventoise ? Mes parents étaient-ils apiculteurs ? Avais-je jamais goûté du miel correct ? Qui était à la tête de l’empire faë ? Chimène ? Avais-je seulement assisté à son couronnement ? Ma famille, ceux que je considérais de plus en plus comme mes amis, même mes relations moins cordiales… Existaient-elles encore ? Avaient-elles le moindre sens dans ce monde ? Finalement… qu’est-ce qui m’assurait que j’étais bien moi-même, sinon ce nom que je portais comme un mensonge, et ce corps déformé par une vie nouvelle ?

— Je vivais dans le bon monde, jusqu’à présent, sire d’Ysgramor. Un monde qui correspondait à mes souvenirs. Ou du moins, c’est l’impression que j’en ai. Mais évidemment, je n’ai rien d’autre que les souvenirs en question pour m’en assurer, et puisqu’ils semblent défaillants… je n’ai plus rien. J’ai besoin de votre aide, si vous voulez bien me l’accorder.

Qui accorderait son aide à une jeune femme qui semblait possédée ? Sans doute Raygnar n’était-il pas loin de penser que je m’étais cognée la tête quelque part, et qu’avec un peu de repos tout irait mieux. A moins qu’il ne soit en train de s’imaginer que j’étais malade, et que j’étais plongée dans un délire dû à un accès de fièvre. Mais pourquoi m’avoir écouté, alors ? Se moquait-il de moi ? Était-ce lui qui m’avait plongée dans cet état, et qui en profitait désormais à cœur joie ? Non, c’était peu probable. Il n’avait aucune raison de me faire ça. Aucune. Il était juste attentionné et prêt à m’écouter. N’est-ce pas ?

— Imaginez… Imaginez que je ne sois pas vraiment Melinda. Imaginez que je sois… un sosie. A qui vous donneriez le même nom, et qui occuperait un corps tout à fait semblable… Imaginez un instant que je doive prendre la place de Melinda, pour des raisons qu’il est inutile de préciser. Qu’est-ce que vous me diriez ? Qu’est-ce que vous me diriez sur moi ? En urgence, pour que je puisse jouer mon rôle de la meilleure façon possible ?

Dites-moi que je suis moi ! avais-je envie de lui dire en le secouant par les épaules. Dites-moi que je me ressemble ! J’avais un besoin impérieux qu’il me fasse une description détaillée de celle que j’avais été à ses côtés, afin que je puisse vérifier si cette vie pouvait être la mienne ou si nous étions trop différentes, la Melinda que Raygnar connaissait et la Melinda que je me sentais être, au plus profond de moi. Je ne demandais pas grand-chose, juste quelques informations capitales sur moi-même, afin de déterminer si tout ça était une vaste blague, ou si c’était une histoire à laquelle je pourrais me laisser prendre. Je voulais juste savoir… si j’existais vraiment.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMar 11 Avr 2017 - 22:30

Sa simple supposition avait suffi à faire naitre le doute et un soupçon de jalousie en moi. Savoir qu’elle avait peut-être partagé le lit commençait à me rendre malade. Plus j’y pensais, et plus le doute prenait sa place dans mon esprit. « Alors cesse d’y penser, elle a besoin de toi » me souffla celui-ci. Je la regardais me faire un triste sourire et me répondre que cela pouvait être possible, mais que cela serait étonnant car j’étais un homme sensé. Et alors ? Etre sensé ne signifie pas ne pas être cocu ! Je restais silencieux, braquant mon regard furieux dans le sien. Je ne me détendis que quand elle m’assura qu’elle ne m’avait jamais menti. Bon, connaissant Melinda, je pouvais la croire.
Je m’étais longtemps interrogé après avoir appris qu’elle était tombée enceinte. L’enfant était-il de moi ? J’estimais ne plus être capable de concevoir un enfant mais je m’étais visiblement trompé. A moins que l’enfant vienne d’un autre. Je ne lui avais jamais posé la question, profitant de notre bonheur et ne voulant en aucun cas le gâcher. Elle continuait à venir me voir et ne m’avais jamais repoussé. J’en étais venu au fait que j’étais le seul.

Mais cette angoisse grandissante viendrait plus tard. Je devais comprendre pourquoi Melinda avait soudainement perdu tous ses souvenirs. Mes tentatives pour en savoir plus furent à la fois une réussite et un échec. J’en appris plus sur ses souvenirs mais cela ne correspondait en rien avec les miens et ils n’avaient aucune cohérence avec le contexte actuel. Quand elle apprit qu’elle avait peur du vide, elle se contenta de dire qu’elle était ravie de le savoir. Je lui répondis sur un ton boudeur qu’elle le savait déjà, et qu’elle savait d’où ça venait. Elle me répondit alors, sur le même ton que au contraire elle n’était pas au courant. Et pire encore, elle me dit qu’elle ne savait rien de moi. Elle avait pu seulement deviner que j’avais peur du vide lors de nos « deux seules rencontres » et pendant notre actuelle discussion. Je regardais Melinda qui semblait se plonger dans ses pensées et baissais la tête. Elle ne savait plus rien, elle ne se souvenait plus de rien. Elle m’appelait « Sire d’Ysgramor » alors qu’elle m’appelait par mon prénom quelques minutes auparavant. J’avais l’impression de me retrouver face à une totale inconnue. Le ton avait changé, elle y mettait plus de prudence, plus de respect, par crainte de m’offenser sans doute. Mais je ne voulais pas que cela se passe ainsi. Après tout, nous allions peut-être nous marier et passer le reste de notre vie ensemble. Je soufflais :

« - Raygnar. Appelle moi Raygnar. C’est ce que tu as toujours fait depuis qu’on se connaît. »

J’en venais ensuite à lui demander si elle se rappelais d’autre chose. Tout d’abord, elle prétendit se rappeler de tout. Puis elle me parla d’une cousine, de la Taverne de la Rose, de me vendre son miel… Vendre du miel à son fiancé. Mais quelle idée. Tant qu’on y était, je lui demanderais de me verser une pièce par morceau de yack si jamais ne elle se permettais de faire la même chose pour le miel. Cela me détendit tant la situation me paraissait coquasse. Je me sentais maintenant prêt à affronter la suite. Je ne pus en effet retenir un sourire moqueur quand elle me parla de la guerre. Ça aussi, c’était vraiment étrange. Une guerre ? En Arven ? Maintenant ? La seule guerre dont j’avais la connaissance était celle qui régnait entre mes livres et l’étagère. Le second luttait pour survivre sous le poids des premiers.
Puis, je me rendis compte que c’était loin d’être une plaisanterie. Melinda était sérieuse. Elle me foudroyait du regard et me dit qu’elle n’avait pas besoin de ma pitié. Cela me fit faire une grimace. Je n’avais pas pitié d’elle. Enfin, pas complètement. Je devais avouer que ma réaction pouvait être vexante, donc je comprenais sa réaction. Sa voix sèche et froide m’avait ramené dans la dure réalité. J’allais m’excuser quand elle me coupa la parole en me disant qu’elle pensait vivre dans le bon monde, un monde qui correspondait à ses souvenirs. Mais elle n’avait plus rien à présent, vu que ceux-ci semblaient défaillants. Elle implora mon aide. Je me tournais vers elle et m’approchais. Je m’avançais jusqu’à être suffisamment prêt pour pouvoir la toucher sans tendre le bras. Je m’agenouillais et posais les mains sur l’accoudoir de son fauteuil. Et je dis sur un ton désolé :

« - Je crains de ne pas être d’une grande aide. Mais je te promets de faire le maximum pour que tout redevienne comme avant. »

Je restais dans cette position, attendant qu’elle me chasse ou m’autorise à rester, puis je l’écoutais me demander ce que je dirais si je découvrais qu’elle était une autre Melinda, qui devait prendre la place de la vraie. Elle me demanda ce que je savais sur la Melinda que je connaissais. J’hochais la tête. Ça oui, je pouvais le faire. Je posais les yeux sur son ventre et dis :

« - Si tu devais remplacer la Melinda que je connais, je t’aurais dit qu’elle est d’une rare intelligence. Elle possède une capacité d’analyse à toute épreuve et réussit tout ce qu’elle entreprend. Elle a de l’ambition. Et… » J’esquissais une nouvelle fois un petit sourire face aux souvenirs qui resurgissaient et repris : " Elle aime par-dessus tout les abeilles et le miel. Et je l’ai même surpris, une fois, à corriger un ouvrage traitant de la récolte du miel. Parce que Melinda ne supporte pas avoir tort. Elle aime jouer avec les mots et tout faire pour avoir l’avantage dans une discussion. Elle m’avait avoué que, pour elle, c’était un jeu. Et elle pouvait passer des heures voire des nuits entières à parler rien que pour avoir le dernier mot. »

Je me tus, attendant sa réaction, voir si ce que je disais correspondait au moins à son caractère. S’il s’avérait que je me trompais, je ne savais plus quoi faire. Elle serait donc, pour moi, une autre Melinda, une totale inconnue qui porterait mon enfant sans se rappeler de son vrai passé. Cela me faisais froid dans le dos rien que d’y penser.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyJeu 13 Avr 2017 - 13:31

— Raygnar. Appelle-moi Raygnar. C’est ce que tu as toujours fait depuis qu’on se connaît.

Je jetai un coup d’œil à mon prétendu amant. Je pris conscience que la situation devait probablement être extrêmement difficile et douloureuse pour lui. Certes, si je le voyais comme le noble kyréen que j’avais sauvagement abordé devant les portes de l’Académie, je ne pouvais pas décemment imaginer qu’il souffre de mes propos et de la distance que j’avais instaurée entre nous. Néanmoins, dans cette réalité, j’étais son amante, je portais son enfant, et j'allais probablement l'épouser. Le dégoût, la crainte et la froideur dont je faisais preuve à son égard devaient être autant de couteaux qui s’enfonçaient douloureusement dans son cœur et qui le blessaient profondément. Peut-être… peut-être qu’au nom de la patience dont il faisait preuve, je pouvais faire un effort ? Au moins l’appeler par son prénom ? Je hochai la tête.

— Je vais essayer, marmonnai-je entre mes dents. Mais c’est assez difficile pour moi, si… Raygnar.

L’appeler par un titre plutôt que par son prénom permettait d’instaurer entre nous une distance rassurante. C’était probablement stupide et ridicule, mais j’avais le sentiment que cette marque de respect me protégeait. Me protégeait de lui et des intentions qu’il pouvait avoir à mon égard à cet instant, mais aussi des moments que nous avions probablement passés ensemble pour que je me retrouve enceinte, dans son bureau, et qu’il me propose le mariage pour le bien de notre enfant, moments dont je n’avais pas le moindre souvenir. L’appeler par son prénom, c’était accepter qu’il soit plus proche de moi que ce que me soufflait ma mémoire. Et c’était aussi, d’une certaine façon, me résigner à l’épouser pour le bien de cet – notre ? – enfant. C’était abandonner toute idée que ma réalité, celle dont je me rappelais, celle que j’avais le sentiment d’avoir toujours vécu, n’était en fait qu’une illusion, et que plus jamais je ne la retrouverai.

Le kyréen poursuivit ses interrogations. Je lui parlai donc de la guerre, découvrant avec surprise qu’il ne l’avait pas vécue. Devant son incrédulité, devant la façon dont il avait de me regarder avec pitié, comme si j’étais folle, je ne pus que laisser ma fureur éclater. Elle retomba aussi rapidement qu’elle était venue, et je m’affaissai dans le fauteuil. J’étais perdue, j’avais besoin d’aide et de soutien, même de cet homme que je connaissais à peine, et tout ce qu’il était capable de faire, c’était de m’expliquer les choses avec cette douceur mielleuse qu’on utilisait pour calmer les bêtes sauvages et les enfants turbulents ! Ma colère, ma détresse, ou peut-être les deux ensemble parurent faire prendre conscience à Raygnar que j’allais vraiment mal.

Lorsque je demandai son aide, il s’approcha. Je me crispai aussitôt, comme un animal pris au piège. Il s’approchait. Il comblait la prudente distance que j’avais instaurée entre nous. En un éclair, je me remémorai la situation dans laquelle j’avais retrouvé ma mémoire, et je ne pus retenir un frisson d’effroi. Je ne pouvais imaginer que trop bien ses bras autour de moi, son souffle à mon oreille, tandis qu’il me promettait avec tendresse qu’il allait m’épouser. Je pris une profonde inspiration pour me calmer, et me pinçai le poignet, comme si cette douleur allait parvenir à me détourner du fait qu’il se tienne aussi près de moi. Je ne pouvais pas perdre de vue le fait qu’il serait peut-être mon mari. Si je devais l’épouser pour le bien de notre enfant, j’allais devoir… supporter au moins sa proximité. Peut-être même son contact. Que Lyncée me soutienne… Je n’étais pas certaine de pouvoir m’empêcher de partir en courant s’il tentait de me toucher maintenant. Mais il se contenta de s’agenouiller, comme pour se mettre à mon niveau, et de poser ses mains sur l’accoudoir. Parfait. Qu’elles restent là où je pouvais les surveiller.

— Je crains de ne pas être d’une grande aide. Mais je te promets de faire le maximum pour que tout redevienne comme avant, déclara-t-il, l’air désolé.

Pour que tout redevienne comme avant ? J’eus un ricanement moqueur, haussant les yeux au ciel. Avait-il conscience que tout ne reviendrait jamais comme avant ? Je doutais que mes souvenirs reviennent brutalement envahir mon esprit. Sans eux, cet homme n’avait jamais été mon amant, ne m’avait jamais touchée, ne m’avait jamais embrassée. Je ne l’avais jamais appelé Raygnar, je ne lui avais jamais rien dit sur ma vie, et je n’avais jamais eu un enfant de lui. Les choses ne pouvaient pas être comme avant. Mais sans doute le découvrirait-il bien assez vite. Inutile de briser ses espoirs naïfs pour l’instant. Autant attendre qu’il m’ait épousée, d’abord. Pour le bien de ma petite abeille. Je hochai donc simplement la tête, sans mot dire, comme pour le remercier de son aide.

Je lui demandai alors ce qu’il me dirait, si je devais jouer le rôle de la Melinda de cette réalité. Je ne pus m’empêcher de hausser les yeux au ciel aux premiers mots. « D’une rare intelligence » ? « Une capacité d’analyse à toute épreuve » ? « Qui réussit tout ce qu’elle entreprend » ? On aurait dit qu’il me couvrait de compliments pour me demander quelque chose par la suite. Sauf que je réussissais vraiment tout ce que j’entreprenais, généralement. Du moins, je réussissais plus ou moins tout ce que j’entreprenais – mieux valait rester modeste. Quant à avoir de l’ambition… Je n’étais pas sûre. Je n’étais pas ambitieuse. J’étais plutôt désireuse de m’amuser en réussissant ce que d’autres n’auraient pas réussi. Peut-être que la Melinda de cette réalité était vraiment différente. Peut-être qu’elle portait simplement mon nom, mais qu’elle n’était pas moi. Le désespoir assombrit un instant mon visage.

La suite me détrompa lourdement. J’aimais le miel et les abeilles, profondément. Je les adorais, et j’étais intransigeante à leur sujet. Si j’avais découvert une erreur dans un ouvrage, j’aurais bel et bien été capable de le corriger et, si j’en connaissais l’auteur, de lui en rabattre les oreilles pendant des mois. Je ne supportais pas avoir tort, effectivement, parce que je n’avais jamais tort. Je disais la vérité, toujours, et quand je ne savais pas de quoi je parlais, j’ajoutais de prudents « sans doute », ou « probablement ». Jouer avec les mots, c’était le cœur de ma vie. Je jouais parfois seule ou à plusieurs, à monologuer ou à débattre avec n’importe qui, que ce soit un inconnu dans la rue ou une connaissance dans un environnement plus agréable. Il y avait donc des choses qui n’avaient pas changé entre mes souvenirs et cette réalité, malgré les profondes différences qui séparaient ces deux mondes. Le soulagement me frappa de plein fouet. Un léger sourire flotta sur mes lèvres. C’était… étrangement rassurant. Comme si, d’une certaine façon, l’essentiel de ma personne avait continué à exister.

— Merci, murmurai-je, véritablement reconnaissante.

Je marquai un bref instant d’hésitation puis, comme mue par une audace soudaine, je m’emparai d’une de ses mains et la pris entre les miennes, sans perdre mon sourire. Il avait les mains d’un homme assez âgé. Pas marquées par le travail manuel, non, mais du moins par le temps.

— Merci, vraiment. Je… J’apprécie que vous vous montriez si patient avec moi, Raygnar. Je suppose que ça ne doit pas être facile pour vous de me voir dans cet état, alors que je porte votre enfant et que vous venez de me proposer de vous marier avec moi. Je… merci. Je ne comprends rien à ce qu’il se passe, et je n’aurais jamais imaginé apprécier votre présence dans le passé, mais votre soutien est le bienvenu, en cet instant.

Je lâchai sa main, et eut un sourire amusé en me rappelant sa description.

— En tous cas, vous êtes plutôt doué. Je ne sais pas si je suis vraiment la Melinda que vous avez rencontrée, mais votre description me ressemble beaucoup. Juste un petit détail… Ce n’est pas que je ne supporte pas d’avoir tort, c’est que je n’ai jamais tort. Je dis toujours la vérité.

Une part de moi avait encore du mal à comprendre et à accepter la situation, mais une autre, déjà, retrouvait ses marques dans cette réalité, et commençait même à élaborer des projets pour un avenir éventuel. Avenir au côté d’un enfant, et d’un époux.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMar 18 Avr 2017 - 21:50

Ce n’était pourtant pas compliqué. Elle l’avait toujours fait, et je ne voyais pas ce qu’il y avait de si difficile à m’appeler par mon prénom. Elle me regarda pendant quelques instants et semblait réfléchir aux conséquences que cela entrainerait. Pour ma part, je n’en voyais qu’une : cela nous rapprocherait, et j’aurais l’illusion d’avoir retrouvé la Melinda que j’avais toujours connu. Elle finit par accepter tout en marmonnant entre ses dents. Je lâchais un soupir de soulagement en l’entendant prononcer mon prénom. C’était déjà un bon début. J’avais le sentiment que, même si ça allait être long, nous finirions par nous en sortir, tout allait finir par revenir à la normal. Je repris courage et continuais à poser des questions sur ses souvenirs, sur ce qu’elle ressentait en pensant à moi. Découvrir que j’étais un parfait inconnu à ses yeux me fit l’effet d’un coup de poignard en plein cœur.

Coup de poignard qui ne fit que s’enfoncer lorsqu’elle me parla de la guerre. La surprise et l’amusement qui m’avaient envahi avaient vite laissés place à la pitié. Elle avait décidément perdu la raison. Pourquoi parler d’une guerre alors qu’il n’y en avait pas eu depuis très longtemps ? Nous en étudions certes pendant mes cours mais de là à en inventer une qui se déroulerait en ce moment même… J’en frissonnais rien que d’y penser. Elle du remarquer mon incrédulité car elle laissa sa colère éclater et me parla d’une voix froide et sèche tout en me regardant avec des yeux noirs qui auraient pu me foudroyer sur place s’ils en avaient eu le pouvoir. Je soupirais et restais silencieux tandis qu’elle s’affaissa dans son fauteuil et demanda mon aide. Elle allait mal, et je n’avais, pour le moment, rien fait pour l’aider. Il fallait que cela change.

Je m’avançais vers son fauteuil, brisant ainsi la distance qu’elle avait établi entre nous depuis qu’elle m’avait repoussé. Immédiatement, elle se crispa, tel un animal résigné à se laisser manger. Je vis son regard effrayé et faillit reculer. Non. Ce n’était pas comme ça que j’arriverais à la récupérer. Je me rappelais alors qu’il avait suffi que j’embrasse sa tempe pour qu’elle soit dans cet état. Si je recommençais, cela pourrait peut-être inverser le processus. Je faillis faire une grimace. A trop lire de contes et d’histoires farfelues j’en arrivais à penser comme leurs personnages. Nous n’étions pas dans un livre. Un baiser n’allait pas la sortir de sa torpeur. Dans la vraie vie, le prince s’en tirerais avec une claque dans la figure et des noms d’oiseaux en veux-tu en voilà. Je me contentais donc de m’agenouiller à côté de son fauteuil et de poser les mains sur l’accoudoir, tout en lui promettant que je ferais de mon mieux pour l’aider. Je la vis ricaner et lever les yeux au ciel, comme si elle ne croyait pas un mot de ce que je lui disais. Mais, après un silence durant lequel elle restait plongée dans ses pensées, elle hocha la tête. Elle me demanda ce que j’aurais pu lui dire si elle devait jouer le rôle de la Melinda que je connaissais.

Je commençais donc à parler, tout en regardant son ventre qui protégeait notre enfant. Je mourrais d’envie de poser la main dessus, juste pour sentir ses mouvements et ses petits coups, mais je savais que je subirais le même sort que le prince charmant de la vraie vie si je le faisais. Autant m’abstenir pour le moment. Elle leva les yeux au ciel dès mes premiers mots, comme si la version de Melinda que je lui contais lui semblait irréaliste. Son amusement et son exaspération se transformèrent en désespoir. La Melinda que je connaissais était donc si différente de ce qu’elle était soi-disant réellement ? Heureusement, je me trompais. Car mes paroles suivantes redonnèrent courage à Melinda. Je lui parlais de sa passion pour les abeilles, de sa volonté de toujours avoir raison et du fait qu’elle aimait par-dessus tout jouer avec les mots. Combien de fois m’avait-elle laissé sans voix, devant la cheminée, une tasse de thé à la main, alors que nous parlions de choses légères, tel les moulins à vent et leur beauté. Son sourire me fit du bien. L’espoir revenait. Petit à petit, mais il revenait.

Elle me remercia et prit une de mes mains entre les siennes. Sentir sa peau douce contre la mienne marquée par le temps réchauffa mon cœur. Je baissais les yeux, regardais ma main tâchée d’encre, aux doigts longs et noueux entourée des siennes, bien plus petites. Je plongeais ensuite mon regard dans le sien. Elle me dit qu’elle appréciait que je me montre aussi patient avec elle, elle avait conscience du mal que tout cela me faisait mais mon soutien était le bienvenu. Elle lâcha ensuite ma main et je lui répondis :

« - Tu n’as pas à me remercier Melinda. Je n’allais pas t’abandonner alors que tu portes mon enfant. »

Je fis à mon tour un petit sourire quand elle affirma que j’étais doué. Pour quoi, je ne savais pas, mais cela me flattait. Elle me dit ensuite que j’avais oublié un détail. Ou, plutôt, je l’avais mal considéré. J’avais dit qu’elle ne supportait pas avoir tort. Mais, selon elle, elle n’avait jamais tort. Elle disait toujours la vérité. Revoilà le caractère espiègle que je connaissais. Je lui dis alors, tout en croisant mes bras sur l’accoudoir :

« - Tu faisais toujours en sorte d’avoir le dernier mot. Il n’était pas rare que, pendant mes cours, tu te lance dans un débat avec tes camarades. Rares étaient ceux qui tenaient plus de dix minutes. Tu sortais tes arguments sans leur laisser le temps de bien réfléchir à leur réponse. Certains disaient même que tu leur donnais la migraine ! »

Je sentais mes jambes et mon dos qui commençaient à protester contre cette position inconfortable. Je les ignorais, tout en sachant qu’ils arriveraient bien à me le faire payer une fois que je serais dans mon lit. Je restais immobile et lui parlais de mes souvenirs d’elle et de sa manie de toujours avoir le dernier mot. Je lui avouais qu’elle m’avait laissé plus d’une fois sans voix, et que cela me rendait terriblement fier. Non pas de moi, mais d’elle. Elle irait loin dans la vie grâce à cela.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyJeu 20 Avr 2017 - 14:53


Livre II, Chapitre 3 • La Roue Brisée
Melinda Orlemiel et Raygnar d'Ysgramor

Le Destin intervient

Vous êtes trop tranquilles ? J'arrive. :superman:




Ils tentent de comprendre ce qui se passe, la femme qui se souvient de tout et l'homme qui se souvient de rien, avec entre eux le filigrane de ce bébé qu'ils auraient conçu tous les deux. Peut-être qu'une réflexion plus poussée leur permettrait de dénouer les fils du Destin, mais cela serait sûrement bien trop simple...

Dans un grand fracas, la porte s'ouvre violemment, laissant passer Rudolf, le fils aîné, et une bande de ses amis, l'air hargneux et le regard noir. Il n'est pas du tout d'accord avec les projets de son père, ce fils indigné ; et c'est donc dans l'optique de chasser la gourgandine qui s'est installée à la place de sa mère qu'il débarque là, avec bâtons et gourdins. Quelques coups pleuvent sur Melinda avant que Raygnar n'ait le temps de réagir ; et dans la confusion une torche enflamme les rideaux.

En quelques instants, le temps d'une poignée de battements de cœur, c'est toute la pièce qui s'embrase... Il faudrait peut-être songer à bouger... ? :eheh:

Note : Pour le feu, c'était l'idée du Destin bel et bien, mais c'est la Fatalité qui a insisté. :geu:



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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyVen 21 Avr 2017 - 12:28

Raygnar refusa mes remerciements, prétendant qu’il ne m’aurait pas abandonnée, de toute façon, alors que son enfant grandissait en moi. Je le regardai durant quelques secondes, me demandant s’il était suffisamment naïf pour penser que tous les hommes étaient comme lui. Je n’étais rien pour lui, et mon enfant aurait dû avoir encore moins d’importance à ses yeux ; il ne pouvait même pas être certain que c’était bien le sien. S’il pensait que j’avais perdu la raison – et sans doute le pensait-il – alors l’intérêt que je pouvais avoir pour lui diminuait encore. Je ne serais ni une épouse agréable, n’ayant aucun souvenir des moments qu’il pensait avoir passés avec moi, et je ne pourrais probablement même pas être une bonne mère, n’étant pas taillée pour m’occuper d’un enfant. Sans doute restait-il encore à mes côtés dans l’espoir que j’aie une illumination subite et que je me rappelle brusquement de ces choses qu’il me racontait et qui me semblaient étrangères. Peut-être avait-il raison ; peut-être allais-je récupérer mes souvenirs, mais… j’en doutais. Ce dont il me parlait, parfois, ne me semblait même pas familier.

Par exemple, lorsqu’il mentionna les débats que je pouvais avoir avec mes petits camarades, je ne pus qu’afficher un sourire poli. Certes, je reconnaissais bien là mon caractère, dans cette tendance toute particulière à vouloir obtenir le dernier mot, mais l’histoire en elle-même ne me paraissait pas familière. Je n’appelais pas les autres élèves de l’Académie « mes camarades » ; je ne les connaissais pas. De même, je n’avais jamais été à un cours de Raygnar, je ne savais même pas, en le voyant ce jour-là devant les portes de l’Académie, puis plus tard en Erebor, qu’il était professeur. Toutes les histoires qu’il me contait produisaient en moi l’étrange sentiment que celle dont il parlait aurait pu être moi, mais m’était en même temps profondément étrangère. Mais je conservai courageusement mon sourire, l’affichant comme un unique bouclier face à cette vie qu’il décrivait et que je ne pouvais pas reconnaitre comme mienne.

Raygnar aurait probablement pu continuer à parler pendant des heures entières, encore – visiblement, me fréquenter avait titillé chez lui un côté bavard qu’il reniait pourtant fortement, quand je l’avais rencontré devant les portes de l’Académie – mais la porte de son bureau s’ouvrit alors brutalement et bruyamment, nous interrompant dans notre conversation, ou du moins, interrompant le prétendu père de mon enfant dans son monologue. La stupéfaction me maintint tout d’abord immobile, lorsque je vis entrer une bande de jeunes gens, sans doute un peu plus âgés que moi. Il me fallut quelques secondes pour noter leur fureur, pour voir les armes qu’ils tenaient à la main, pour constater la violence qui les animait. Je fronçai les sourcils et posai mes mains sur mon ventre dans un geste protecteur, maudissant les ennuis que s’était attiré le noble kyréen. Parce que moi, j’étais l’insignifiante apicultrice, je ne pouvais pas attirer ainsi la haine de qui que ce soit.

Désillusion et désarroi, de les voir s’approcher de moi avec leurs armes et leurs envies de violence ! Une peur nouvelle, paralysante, se glissa en moi. Oh, je n’avais pas peur d’être blessée, mais j’étais terrifiée à l’idée qu’il arrive quelque chose à ma petite abeille, à l’idée qu’elle soit meurtrie, peut-être même de façon irréversible, alors qu’elle était encore si vulnérable, même pas capable, encore, d’argumenter pour sauver sa vie par les cris d’un nourrisson désireux de vivre. Puis, au moment où le premier coup me frappa, à l’épaule, une fureur noire et aveugle s’empara de moi, et je me retrouvai à me débattre, à protester, à donner des coups de pieds au hasard, à lancer tout ce qui me passait par la main sur mes adversaires – un ou deux coussins, et même un livre égaré dans le coin du fauteuil. Ma grossesse me rendait considérablement moins agile, mais je ne les laisserai pas m’agresser sans rien faire.

Dès que je pus me relever, je me redressai, la rage au cœur, un coussin entre les mains, prête à frapper quiconque me paraitrait encore menaçant. Heureusement que la colère m’empêchait de voir à quel point la situation était pitoyable, sans quoi j’aurais sûrement remarqué qu’une femme enceinte armée d’un coussin n’était pas des plus impressionnantes. Non seulement je ne devais pas inquiéter beaucoup nos agresseurs, mais en plus, Raygnar venait sans doute de se convaincre que j’étais bel et bien folle. Néanmoins, ce genre de considérations ne me passa même pas par l’esprit. J’étais furieuse, tout simplement. Furieuse contre nos agresseurs qui avaient mis en danger la vie de ma petite abeille. Furieuse contre moi-même pour ne pas avoir réagi plus vite. Furieuse contre le noble kyréen que je blâmais pour ce qui était arrivé. Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais trouvé quelques mots bien sentis à leur envoyer en plein visage, pour leur faire comprendre l’ampleur de ma colère mais je venais de remarquer, comme un exact reflet de ma rage, l’incendie qui commençait à prendre, ravageant avec voracité livres, bois et tissus.

Je pourrais les assommer. M’arranger pour qu’ils perdent conscience. Puis les laisser brûler. Tous. Pour les punir d’avoir mis en danger ma petite abeille. Je pourrais les pousser dans le feu, et les regarder mourir. Je pourrais…

Mais je ne les connaissais même pas. Je n’étais pas enceinte, je n’allais pas être mariée, personne ne m’en voulait au point de rassembler quelques compagnons pour m’agresser avec des gourdins. Ce n’était pas vraiment moi, ici, dans cette pièce, dans cette vie, dans ce corps. Ma fureur s’évanouit comme neige au soleil, et je me laissai tomber par terre, comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. J’aurais pu fuir, c’est vrai, j’aurais peut-être pu, mais ça n’avait pas d’importance, n’est-ce pas ? Cette vie n’était pas la mienne, cet enfant n’était pas le mien, ce corps n’était pas le mien. Qu’ils meurent tous les trois ne changerait rien pour moi, n’est-ce pas ?

Et puis… peut-être que si j’attendais simplement de mourir dans cette réalité, je pourrais réintégrer la mienne ? Peut-être… peut-être que les choses seraient aussi faciles ? Que pouvais-je bien perdre, après tout, à essayer ? Si je mourrais, je ne ferais guère plus que rejoindre mon frère, tout compte fait. Rien de bien effrayant…

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyDim 23 Avr 2017 - 22:07

Elle sourit, mais je sentis peu de conviction chez elle. J’avais beau lui raconter ce dont je me souvenais, je voyais que cela ne lui revenait pas. Mais je n’abandonnais pas. Je continuais, priant pour qu’elle ait une illumination, qu’elle se rappelle enfin de quelque chose. J’aurais pu continuer pendant des heures, voire même toute la nuit, j’aurais tout essayé… Mais un évènement soudain m’en empêcha.

Rudolf.

J’essayais de ramener Melinda dans la réalité quand il fit son entrée, défonçant pratiquement la porte de mon bureau. Son regard furieux, ses amis armés de torches et de gourdins. Ils venaient pour Melinda. Rudolf avait dû comprendre quelles avaient été mes intentions, et il refusait de voir cette jeune femme remplacer sa mère. Je me relevais, retenant un gémissement quand les muscles de mes cuisses protestèrent, et fit face à mon fils. Nos regards se croisèrent. La torche lançait des ombres menaçantes sur les murs de mon bureau. Je lui ordonnais sur un ton grinçant de vite renoncer à cette folie ou il allait le regretter. Il savait que je pouvais me montrer sévère mais il n’avait aucune conscience de ce que je serais capable de faire s’il persistait dans cette voie. Je ne l’avais pas élevé pour qu’il se montre violent avec les femmes. Il me répondit sur le même ton, tout en agitant sa torche, qu’il ne pourrait supporter la présence de cette catin chez nous. J’avais selon lui rompu le lien qui m’unissait avec sa mère, lien que, selon lui, j’aurais dû maintenir jusqu’à ma mort.

Je n’eus pas le temps de réagir. Rudolf et ses amis usèrent de leur jeunesse et de leur nombre et purent porter quelques coups à Melinda. Je m’avançais et fit ce que je pus pour les repousser. Pendant un instant, je tenais Rudolf entre mes mains, et il se débattait, animé par la détermination et la conviction que je faisais une grave erreur. Il était persuadé qu’il agissait pour le bien de notre famille. C’est, du moins, ce que je compris entre deux bousculades. Je tournais la tête vers Melinda et la vit en train de se défendre malgré son état. Elle donnait des coups de pieds, dont certains touchèrent leur cible car j’entendis quelques grognements.

Tout est arrivé si vite. En un instant, alors que je luttais pour défendre Melinda et pour calmer mon fils, les flammes léchèrent un des rideaux qui s’embrasa instantanément. L’incendie se répandit très vite, dévorant aussi bien les tissus, le bois que le papier. Je regardais avec effroi mes livres disparaître dans les flammes. Des années de travail et de recherches… Partis en fumée. Pendant un instant, tout s’arrêta. Nous restâmes tous immobile, à prendre conscience de la gravité de la situation. Mon fils me lança un regard apeuré, et je lançais un regard noir. Cet enfant allait passer un mauvais quart d’heure une fois que tout serait fini. Si nous en sortions vivant bien entendu.
Je me tournais vers Melinda, le bras devant ma bouche et les yeux en larmes à cause de la fumée. Mon œil blessé m’irritait affreusement. Melinda, furieuse, brandissait un oreiller, prête à défendre son enfant. Elle n’avait pas l’air d’avoir conscience de ma présence. Moi qui voulait instaurer une bonne entente entre elle et ma famille, c’était raté. Maintenant, la seule chose que je pouvais faire, c’était leur sauver la vie. A tous les deux. Je poussais Rudolf à suivre ses camarades pour se mettre à l’abri, puis rejoignis Melinda, qui venait de tomber à genoux, le regard perdu dans le vide.
Je tombais également à terre face à elle, toussotant à cause de la fumée et la prit par les épaules. Je lui demandais, sur un ton qui se voulait rassurant :

« - Melinda, il faut que tu te lèves. Nous devons nous mettre à l’abri ! »

Je me glissais à ses côtés et, brisant toute distance, toute gène qui s’était installée entre nous depuis qu’elle m’avait repoussé, je pris son bras et le passa par-dessus ma tête. J’usais de ma force pour la relever. Et ce fut facile tant elle était petite et frêle comparé à moi. Je devais les sauver, elle et notre enfant. Peu importe qu’elle ait perdu la raison, peu importe qu’elle ne se rappelle plus de moi et qu’elle me considère maintenant comme un étranger. Je devais les mettre à l’abri. La fumée ne cessait de gagner en intensité, et je n’osais pas m’approcher des fenêtres de peur de me frotter aux flammes qui dévoraient les rideaux et les poutres. Mais que faisaient les secours ? Quelqu’un avait bien dû remarquer les flammes ! Je tournais mes yeux larmoyants vers Melinda et lui dit :

« - Ne te laisse pas abattre. Tout va bien se passer. Nous allons nous mettre à l’abri à l’extérieur. »

Je sentais la lassitude qui l’avait gagnée. Son regard était vague, comme si le courage et la colère qui l’animaient il y a quelques instants l’avaient soudainement quitté. Notre situation n’était pourtant pas désespérée, pas encore. Je toussais violemment et commençait à nous trainer vers la sortie. Tout n’était pas perdu. Nous pouvions encore nous en sortir.

Ca ne pouvait pas se finir comme ça.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMer 26 Avr 2017 - 9:13

C’était sa faute. Tout était de sa faute. Forcément.

C’était à cause de lui que j’étais tombée enceinte. A cause de lui que j’étais dans ce bureau ce soir. A cause de lui que je venais de passer plusieurs minutes à tenter de reprendre mes esprits et de faire naitre un peu de raison dans la folie que j’étais en train de vivre. A cause de lui qu’étaient entrés les agresseurs, son fils à leur tête, pour me viser moi. Je pouvais le blâmer pout tous les coups durs qui m’avaient frappée depuis que j’avais repris conscience dans ses bras. Et pourtant, étrangement, je ne parvenais pas à lui en vouloir. Ma colère, comme toute entière incarnée dans l’incendie qui ravageait la pièce, s’était volatilisée. Je ne parvenais pas à la retrouver, et à l’allumer à nouveau et à la laisser me porter. A quoi bon lutter, après tout, pour une vie qui n’était pas la mienne, sans savoir si je pourrais jamais retrouver une existence normale ?

Il se laissa tomber à genoux à côté de moi, le coupable, après avoir laissé partir nos assaillants. Il posa ses mains sur mes épaules. Il tenta de me raisonner, d’une voix qu’il espérait sans doute rassurante. Ses paroles glissèrent sur moi sans que je ne trouve le courage d’y répondre. A quoi bon se lever ? A quoi bon tenter de se sauver ? Pourquoi ne pas rester là ? Les flammes dansaient, se mouvaient sur les murs, jouant d’ombres et de lumières dans un spectacle fascinant. Leur chaleur semblait se tendre vers moi comme une invitation muette à me joindre à elles. Je savais que leur étreinte était mortelle, mais à l’instant, je ne parvenais pas à craindre la mort. Cette existence, de toute façon, n’était pas la mienne. La mort que j’y subirai ne serait pas mienne non plus, pas vraiment, du moins.

C’était de sa faute. Mais il faisait bonne figure, le noble kyréen, comme s’il ne s’apercevait même pas de sa culpabilité. Il tentait de m’aider, évidemment. Il se glissa à mes côtés pour me relever, paraissant n’éprouver aucune difficulté malgré le poids supplémentaire que je devais porter. La fumée me piquait les yeux, les emplissant de larmes. Je suivis Raygnar d’un pas lent, comme si mon esprit se trouvait à des lieues de cette pièce. En vérité, le choc combiné d’avoir été projetée dans les bras d’un homme, enceinte d’un enfant, dans un monde à la fois semblable et différent, puis frappée par des inconnus et plongée dans une pièce en flammes avait eu raison de moi et de ma résistance. Que le monde fasse donc ce qu’il voulait, puisqu’il avait visiblement décidé de ne répondre d’aucune règle ! Mais qu’il ne me demande pas de jouer à un jeu où rien de certain n’était fixé.

Raygnar continuait à me couvrir de paroles naïves. Ne pas se laisser abattre ? Comment ne pas se sentir abattu, dépassé, insignifiant, quand on avait le sentiment que le monde sombrait dans la folie et qu’on ne pouvait rien faire pour le rattraper ? Tout allait bien se passer ? Non, tout n’allait pas bien se passer ! La seule façon que tout se passe bien, c’était que je me réveille, maintenant, et que je frissonne de ce cauchemar dont j’étais enfin sortie, mais ça me paraissait peu plausible. Tout était trop réel, trop vibrant de vie, pour n’être qu’un rêve. Quant à se mettre à l’abri… y avait-il seulement un endroit où se mettre à l’abri, dans ce monde si différent ? Et à quoi cela servirait-il, de toute façon ? Qui me protégerait du kyréen lui-même ? Et des autres conséquences de choix que je n’avais jamais faits ?

— Ne dites pas n’importe quoi, murmurai-je entre deux toussotements. Je ne suis pas une petite fille. Je sais que tout ne va pas bien se passer. Je ne suis pas dans la bonne vie.

J’avais essayé de jouer le jeu, pendant un instant. De me dire que même si tout ça ne correspondait pas à mes souvenirs, c’était bien moi la Melinda qu’avait fréquentée Raygnar, et même de le tutoyer comme si nous étions proches. Mais je ne parvenais plus à y croire. A quel titre pouvais-je encore m’approprier cette existence si je ne m’en rappelais même plus ? Pourtant, malgré toutes mes idées sombres, je ne parvenais pas à me décider à échapper à la prise du kyréen pour retourner mourir en paix. Je me laissais entrainer ; je marchais même à ses côtés, comme si une part de moi désirait encore vivre.

Brutalement, comme une illumination, je revis Mélodie à mes côtés, me dire « d’arrêter ce mélodrame ridicule ». J’avais le sentiment d’entendre à nouveau sa voix, d’être à nouveau la cible de sa fureur. Elle pensait que je gâchais ma vie. Que je n’en percevais pas la valeur. Elle avait raison, visiblement. Si Raygnar n’avait pas été là pour me relever, j’aurais pu me laisser mourir ici. Et mon frère… je savais très bien ce que mon frère en aurait pensé. Il n’aurait pas apprécié que je risque ma vie et celle d’un autre, que ce soit celle de mon enfant ou celle du noble kyréen.

— Mais je suppose que je n’ai pas le choix, ajoutai-je en me dirigeant vers la sortie avec plus de détermination. Jusqu’à ce que tout rentre dans l’ordre, il faudra bien que j’assume celle que je suis censée être dans cette vie, je suppose.

Nous sortîmes par la porte ouverte, laissant le feu ravager la pièce derrière nous. Quelqu’un ne devrait plus tarder à voir ce qu’il se passait. D’ici là je pouvais déjà échapper à l’étreinte de Raygnar. Une fois que nous fûmes un peu éloignés de l’incendie, je repoussai le noble kyréen, sans le remercier de m’avoir sortie de la pièce en feu. C’était de sa faute, après tout, si nous nous étions retrouvés dans cette situation. J’étais trop fatiguée, trop lasse, pour me mettre en colère en bonne et due forme contre lui. Néanmoins, mon regard se fit dur, et ma voix implacable.

— En tous cas, Raygnar d’Ysgramor, vous allez devoir régler certaines choses avec votre fils avant que je ne puisse envisager de vous épouser. Il est hors-de-question que votre enfant tente de faire le moindre mal au mien. Et je ne voudrais pas être obligée de le tuer pour protéger ma petite abeille.

Je posai les mains sur mon ventre, dans un geste protecteur, sans quitter Raygnar du regard.

— Je sais que vous n’être pas un bon père. N’aggravez pas votre cas en laissant vos enfants s’entretuer, et allez arranger la situation. Même si je doute que votre fils vous écoute beaucoup, cela dit. L’autorité que vous avez encore sur lui semble… plutôt faible. Je suppose que c’est l’inconvénient de régner pendant trop longtemps d’une main de fer sur ses enfants. Une fois que vous leur lâchez la bride, ils ne savent pas prendre les bonnes décisions.

Ma voix se fit glaciale, et un sourire sans joie se perdit sur mes lèvres.

— Si vous tenez à votre fils, vous avez intérêt à vous montrer convaincant. Parce que s’il met encore en danger la vie de mon enfant, ou qu’il tente seulement de le blesser… je jure que je le tuerai.

Et je tenais toujours mes promesses.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyVen 28 Avr 2017 - 22:01

Je réussis à nous trainer tous les deux vers la sortie. Malgré le poids supplémentaire qu'elle avait à supporter, je pus nous tirer des flammes, et elle ne fit rien pour m'en empêcher.

J'entendis à peine ma propre voix qui lui murmurait des paroles rassurantes, tant les battements de mon propre cœur m'emplissaient l'esprit. Mon œil blessé pleurait ne cessait de verser des larmes tandis que l’autre luttait pour arriver à y voir quelque chose parmi toute cette fumée. La chaleur, les flammes qui dévoraient murs, livres et meubles, nous étions dans un véritable enfer. Alors que j’essayais de garder mon calme, Melinda semblait plus que résignée. Elle me murmura, entre deux quintes de toux, qu’elle n’était plus une enfant, qu’elle savait que tout ne pouvait pas bien se passer, car elle n’était pas dans la bonne vie.

Je restais silencieux, préférant garder mon souffle pour respirer et pour nous sauver de cette fournaise. Contrairement à ce que j’aurais pu croire, Melinda se laissa entrainer, mieux encore, elle marchait avec plus de détermination. Elle avait enfin retrouvé un tant soit peu de courage et avait compris qu’il y avait la vie de notre enfant qui était aussi en jeu. La fumée pouvait être très néfaste aussi bien pour elle que pour lui, il était donc primordial que nous sortions au plus vite. Je levais la tête et croisais son regard quand elle ajuta qu’elle n’avait pas le choix, qu’il faudrait bien qu’elle assume celle qu’elle était censée être avant de « retrouver la mémoire ». Je fis une moue. Epouser une personne qui manquait de conviction, et qui plus est, ne ressentait plus rien pour moi risquait d’être difficile. Certes ma première épouse et moi n’étions pas amoureux le jour de notre union, il a fallu un peu plus de temps pour que cela vienne, mais elle avait une grande volonté. Elle faisait tout pour que notre couple puise sa force dans l’amour et non dans la raison. Epouser Melinda pour le bien de notre enfant, je m’en sentais capable, mais vivre le restant de ma vie avec une femme qui s’était résignée ne me plaisait pas tellement.
Je gardais le silence et nous entraina vers la porte ouverte. Une fois que nous fumes loin du brasier, elle me repoussa, sans un remerciement, sans un regard. Je serrais les poings et baissais la tête. Je ne savais plus quoi faire. Moi qui croyait pouvoir tout surmonter, même sa folie, par amour pour elle, j’en était à présent plus si sûr. En avais-je vraiment envie ? Je pouvais toujours renoncer, veiller à ce qu’elle et son enfant ne soient pas dans le besoin. Je croyais que notre amour était réciproque, et elle m’avait montré que j’étais bien naïf. Si c’était là la vraie Melinda, celle qui avait toujours existé et qui, à présent, remplacerait celle que j’ai connu, je préférais revenir sur ma décision. Elle me haïssait. Cela se voyait. Les premières choses qu’elle avait dites à mon sujet était que je tyrannisais mes enfants, et que ce qu’elle voyait était une vision d’horreur.

Mes lèvres se mirent à trembler, mais je refusais de céder au désespoir. Je levais mes yeux encore larmoyants à cause de la fumée vers elle et écoutais ses froides paroles sur le fait que je devais régler certaines choses avec mon fils. Car il était hors de question qu’il fasse du mal à son bébé, elle ne voudrait pas être obligée de le tuer. Je tressaillis face à ces mots. Tuer Rudolf… En serait-elle capable ? Je fronçais les sourcils quand elle posa les mains sur son ventre. Elle ajouta sur le même ton que j’étais un mauvais père, que mon autorité était bien faible sur lui car j’avais régné trop longtemps avec une poigne de fer sur sa vie, et que, maintenant, il était incapable de prendre les bonnes décisions. Quand elle me dit qu’elle n’hésiterait pas à tuer mon fils s’il s’en prenait à nouveau à son enfant, et que je devais me montrer convaincant si je tenais à sa vie, je sus que jamais je ne pourrais l’épouser. Une famille se lançant mutuellement des menaces de mort ne pouvait exister, car elle serait bien vite réduite à néant. Notre amour, idyllique à ses débuts, n’avait à présent plus aucun sens, plus aucune raison d’exister. C’était bien lâche de ma part, mais je préférais la lâcheté plutôt que de voir mon fils et Melinda baigner dans un bain de sang après s’être mutuellement entretués. Même si j’arrivais à faire entendre raison à Rudolf, je ne pourrais jamais oublier la menace de mort qui plane au-dessus de sa tête.

Mes jambes se mirent à trembler à leur tour et je dus me retenir au mur pour ne pas défaillir. Ma respiration se fit plus haletante, comme si je devais lutter pour trouver mon souffle. Je levais les yeux vers elle et prononçais ces paroles qui me firent affreusement mal, tout comme mon œil blessé qui m’irritait :

« - Alors la solution est toute trouvée. Tu vas partir, loin de moi. Même si Rudolf finit par accepter ton enfant, et même s’il apprend à l’aimer, je ne pourrais vivre avec une femme qui n’hésiterait pas à tuer mes propres rejetons pour le bien être du sien. Je ne pourrais pas vivre avec une femme qui se résigne à épouser un homme qu’elle n’aime pas. »

Mon cœur se déchira en deux, entre mon amour perdu et pour mes enfants. Je gardais cependant la même expression et poursuivis :

« - Je veillerais à ce que toi et ton enfant ne manquez de rien. Tu te trouveras un meilleur mari et un meilleur père que moi pour l’élever. Tu vas dire que je suis un lâche. Et bien oui, je le suis. » J’essuyais mes yeux avec ma main et repris : « Ta vie ne sera une constante vision d’horreur, et la mienne ne sera pas une constante crainte de voir mon fils et ma femme s’entretuer ! »

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMer 3 Mai 2017 - 9:17

Mes paroles frappèrent Raygnar comme autant de poignards acérés. Je le vis tressaillir, frémir, trembler, mais je poursuivis impitoyablement dans ma lancée. Non, je n’éprouvais aucune pitié pour cet homme qui m’avait sans doute aimée – qui avait apprécié, du moins, la Melinda de cette réalité. Si vraiment j’étais condamnée à rester dans cette vie pour prendre soin d’un enfant qui n’était pas tout à fait le mien, autant que je m’assure avant tout de sa sécurité, et non du bien-être d’un père hypothétique. Avait-il seulement conscience que s’il n’y avait pas eu d’incendie pour éloigner son fils, et si je m’étais montrée un peu moins combative, la petite abeille que je portais aurait pu mourir ? Peu importait, face à un tel risque, son petit confort personnel, ou même la vie de son ainé. Ce fut donc sans un serrement de cœur que j’opposai mon regard impitoyable à ses yeux larmoyants.

Lorsqu’il commença à parler, je sentis la fureur monter en moi, même si je n’en laissai rien paraitre. Ainsi, il estimait que je devrais m’éloigner de lui. Comment pouvait-il se permettre de me chasser de l’Académie où, dans cette vie, j’étais parvenue à entrer ? Croyait-il que j’allais condamner un avenir que j’avais enfin l’occasion d’explorer simplement parce qu’il ne parvenait pas à museler les envies violentes de son fils ? Certes, je me débrouillerais sans doute bien mieux en tant qu’apicultrice que comme élève à l’Académie, mais ce n’était pas à lui de faire ce genre de choix concernant mon propre futur, et je comptais bien le lui faire comprendre.

La suite de ses propos ne fut pas pour m’apaiser. Il pensait que je voulais tuer Rudolf pour le « bien-être » de mon enfant ? Je ne pus retenir une exclamation outrée. Si je menaçais ses enfants, c’était pour la survie du mien, pas pour son confort ou sa satisfaction personnelle ! Croyait-il que je pouvais supporter d’épouser un homme dont les enfants du premier lit tâchaient de tuer ceux du second – les miens ? Je comprenais, bien évidemment, qu’il ne puisse plus accepter l’idée de m’épouser : après tout, je n’avais aucun souvenir de notre histoire commune, ce mariage ne me plaisait visiblement pas, et j’étais tout à fait prête à éliminer son ainé s’il se montrait de nouveau violent envers ma petite abeille. Ce que je n’appréciais pas, c’était sa façon de procéder. Comme si je faisais un caprice et qu’il était forcé de réagir en conséquence.

Bien évidemment, il se parait de nobles intentions, m’assurant qu’il allait pourvoir à mes besoins et à ceux de ma petite abeille. Ce dont ce petit avait besoin, c’était d’un père, pas d’un lâche qui, à distance, se donnait bonne conscience avec quelque compensation que ce soit. D’un autre côté, Raygnar avait visiblement beaucoup trop d’enfants desquels s’occuper pour pouvoir prendre convenablement soin du nôtre – d’ailleurs, je doutais qu’il prenne convenablement soin de ses autres enfants, mais c’était un autre sujet. De toute façon sans doute valait-il mieux que ce soit lui qui prenne cette décision. Ainsi, il m’enlèverait toute culpabilité concernant notre séparation. Peut-être avait-il raison d’ailleurs. Même si cette idée m’effrayait un peu, je pourrais sans doute me trouver un autre époux. Pour le bien de mon enfant.

— Vous appelez ça une solution ? questionnai-je en haussant un sourcil sceptique, un sourire moqueur affiché sur les lèvres. Comme vous l’avez vous-même fait remarquer, j’aurais plutôt tendance à appeler ça une fuite. Vous effacez vos problèmes en espérant que vous n’aurez même pas à réaliser trop de sacrifices pour qu’ils disparaissent de votre vie, et vous tâchez de vous donner bonne conscience en promettant une compensation.

J’aurais pu, si je n’avais pas été aussi furieuse et aussi fatiguée, tenter d’argumenter pour convaincre Raygnar de m’épouser quand même – j’étais persuadée que j’aurais même pu le convaincre. Pour le bien de ma petite abeille, et pour qu’elle ne naisse pas dans la honte, j’étais prête à un tel sacrifice et un tel gâchis de mes compétences verbales. Néanmoins, je n’étais pas d’humeur à me servir d’arguments raisonnables. Là, à l’instant, j’avais plutôt envie d’attaquer le noble kyréen que de le couvrir de mots. A moins qu’il n’ait un coussin sur lui, bien entendu, auquel cas je lui prendrais ledit coussin pour dormir, quelque part, au détour d’un couloir. A vrai dire, je serais bien partie, mais je n’avais pas la moindre idée d’où je dormais. J’accusais peut-être Raygnar de tous mes maux, mais il était pour l’instant mon seul espoir de m’y retrouver dans cette vie – piètre espoir, je l’accordais volontiers.

— Sachez, Raygnar, que je ne suis pas le genre de personne que vous pouvez effacer d’un claquement de doigt. Je poursuis un cursus à l’Académie, et vous y êtes professeur, si j’ai bien compris la situation. Pour que je sois loin de vous, il faudrait que l’un d’entre nous abandonne sa carrière, et croyez-moi, il est hors-de-question que ce soit moi.

Cela dit, puisque j’avais perdu les souvenirs des cours que j’avais déjà eu, j’avais peu de chance de réussir mon cursus. Encombrée d’un enfant et de cette maudite amnésie, j’allais sans doute me retrouver à la rue. Je n’aurais plus, alors, qu’à reprendre une activité d’apicultrice… quelque part. Où et comment, je l’ignorais, mais j’allais le faire. A moins, bien entendu, que je ne me mette en quête d’un époux qui ne serait pas contre l’idée d’épouser une femme déshonorable, et qui serait capable d’élever un enfant qui n’était pas le sien. L’idée qu’il aurait été plus simple d’épouser Raygnar ne me traversa même pas l’esprit. En vérité, même si je n’étais pas prête de me l’avouer, l’idée qu’il ait lui-même mit fin à cette union me soulageait. Il avait raison sur un point : je n’aurais pas à subir un mariage qui me ferait horreur. Mais ça ne m’empêcherait certainement pas de protester sur sa façon de faire peu délicate.

— De toute façon, vous êtes celui qui a le plus à perdre de notre proximité, déclarai-je avec un sourire victorieux, quoique dépourvu de joie. Personnellement, je n’ai aucun souvenir de notre relation, mais vous, chaque fois que vous me verrez dans les couloirs ou en cours, tout va probablement vous revenir à l’esprit. A moins que vous ne perdiez la mémoire, vous aussi. Ça arrive, parfois, avec le grand âge.

Mon sourire s’élargit, pour devenir carnassier.

— Et puis, après tout, si votre fils pense que notre relation est toujours d’actualité parce que nous sommes tous deux à l’Académie, vous y risquez beaucoup plus que moi. S’il tente de m’attaquer, vous finirez immanquablement par perdre un de vos enfants. Par conséquent, je pense que c’est plutôt à vous de partir, quitte à abandonner votre poste à l’Académie.

C’était méchant de ma part, sans doute, d’ainsi le pousser à partir. En vérité, je voulais surtout qu’il prenne conscience de ce qu’il me demandait d’abandonner. Si j’avais vraiment été acceptée à l’Académie et si je m’y étais sentie bien, je n’aurais pas pu me résoudre à partir. Qu’il songe à tout ce à quoi il devrait renoncer si, brutalement, c’était à son tour de tout quitter pour faire sa vie ailleurs ! Cela dit, en tant que noble, il devait avoir dans la vie certaines facilités que je n’avais pas. Je ne pouvais même pas retourner auprès de ma famille, moi, pas en portant en mon sein un enfant hors mariage. Lui, en revanche, pouvait sans doute rentrer dans son domaine – Ysgramor – et y mener une paisible retraite.

— Par contre, je tiens à souligner que ma vie à vos côtés n’aurait pas été une constante vision d’horreur, ajoutai-je, mon sourire se faisant soudain moqueur. J’aurais toujours pu fermer les yeux, vous savez.

J’aurais pu partir, en cet instant, tourner les talons et tâcher de trouver mon chemin au sein de l’Académie. Néanmoins, je n’avais pas la force de me perdre dans les couloirs, ni celle de demander mon chemin, à Raygnar ou à qui que ce soit d’autre. Alors je restai là, suivant sagement le noble kyréen, attendant de voir ce qu’il allait faire.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyJeu 4 Mai 2017 - 22:08

Je me sentais affreusement mal. Mais c’était ce qui me semblait le mieux à faire. Pour moi autant que pour Melinda et son enfant. Prononcer chaque mot me faisait l’effet d’un coup de poignard dans le cœur, mais je me forçais à parler jusqu’au bout. Plus je parlais, plus l’expression de Melinda s’assombrissait. Je me donnais bonne conscience en lui promettant de tout faire pour qu’elle et son enfant ne manquent de rien. Mais cela ne la calma pas pour autant. Son regard… Tellement noir… J’avalais ma salive et conclus en lui disant que sa vie ne sera pas une constante vision d’horreur, comme elle l’avait dit précédemment. Je passais la main dans mes cheveux et essuyais mes yeux. Je ne voyais pas en quoi je serais une constante vision d’horreur. Mon épouse ne s’était jamais plainte. Au contraire, elle m’avait tout de suite aimé et avait tout fait pour que cet amour soit réciproque. Malgré mes obligations, malgré mon caractère qui était loin d’être facile, elle avait réussi.

Je me tus et plongeais mon regard larmoyant dans le sien. Elle leva un sourcil et me demanda si c’est ce que j’appelais une solution. Pour elle comme pour moi c’était une fuite. En quelques phrases, elle me traita de lâche comme je venais moi-même de le faire quelques secondes avant. Je serrais les dents et soutenais son regard. Je voyais dans ses gestes, dans sa manière de se tenir, qu’elle était épuisée. La longue journée, notre discussion, sa prise de conscience ainsi que l’arrivée de mon fils et l’incendie avaient réduit nos réserves d’énergie à néant. J’entendis des pas précipités venir vers nous, mais je les ignorais. Je n’avais d’yeux que pour Melinda, qui poursuivit en me disant qu’elle ne comptait pas partir comme ça. Elle était élève à l’Académie et devait poursuivre ses études. Elle estimait que, si quelqu’un devait partir, cela devait être moi. Il en était hors de question. Je restais silencieux et me tourna vers un homme qui voulait s’assurer que j’allais bien. Je le rassurais d’une voix lasse et fatiguée et lui conseilla d’aller aider les autres à éteindre le feu. L’homme me demanda une dernière fois si j’étais vraiment sûr d’aller bien, l’air inquiet. Le regard que je lui rendis suffit à le faire partir. J’étais peut être blessé, brulé quelque part, à moitié intoxiqué par les flammes, mais je n’avais qu’une envie : en finir avec cette histoire.
Melinda, inflexible et indifférente à toute cette agitation, me dit que j’étais celui qui avait le plus à perdre, car, si nous restions tous les deux, je serais le seul qui serait torturé par mes souvenirs. A moins que je perde la mémoire, ce qui arrivait avec le grand âge. Je fronçais les sourcils et répondis sur un ton froid :

« - Parce que tu crois que je suis du genre à me laisser hanter par les souvenirs ? Certes nous avons passé des bons moments, certes oui, un enfant va naitre. Mais toute chose à une fin. » Je me tus pour laisser passer un groupe d’hommes et reprit : " Et je suis loin d’être sénile Melinda. Ne t’amuse pas à user de mon âge pour me blesser. Cela ne marchera pas. »

Elle me poussait à partir, en se montrant aussi vexante que possible. Elle voulait toucher mon amour propre. Mais cela n’allait pas être une tâche facile. Même si mon cœur était déjà profondément meurtri par notre dernière discussion, je l’avais forcé à maintenir ses faibles murailles en lui disant que la Melinda que j’avais connu avait cessé d’exister. Son sourire s’élargit, tandis que mon visage restait de marbre. Je forçais mes jambes épuisées à résister, et mon corps à se redresser. Je passais les mains sur mes habits et levais la tête. Elle me dit que si mon fils pensait que notre relation persistait, j’étais celui qui risquait le plus car Melinda n’hésitera pas à le tuer s’il venait à faire du mal à son enfant. Je relevais légèrement la lèvre supérieure. Elle se permettait de me menacer, dans le seul but de me briser. Je soufflais par le nez et tendis le bras en lui disant :

« - Viens. Ne restons pas là. »

Elle me suivit dans les longs couloirs de l’Académie. Tout en marchant, je lui dis sur un ton qui se voulait le plus neutre possible :

« - Mon fils ne sera pas un problème. Aucun de mes enfants ne le sera. J’espère que ce sera la même chose pour toi. Car, si tu les provoques avec cette attitude, c’est évident qu’ils risquent de mal accepter notre relation. »

Même si celle-ci venait de s’éteindre comme on souffle une bougie. Je réfléchis soudain à notre destination. Pas ma chambre. Trop risqué car trop proche de l’incendie. Je pris donc la direction de celle de Melinda, qui, je le savais, n’était pas trop loin de la mienne. Une fois à destination, j’entrais et ouvrit immédiatement la fenêtre. J’avais besoin d’air et le vent frais qui caressa mon visage me fit un bien fou. Je soupirais de soulagement et me tournais vers Melinda qui me dit qu’elle pouvait très bien éviter les visions d’horreur en fermant les yeux. Bien. Je lui souhaitais une bonne vie à l’aveuglette alors. Je penchais la tête et décidais de poser la question qui me brulait les lèvres depuis un moment :

« - Qu’est-ce que tu me trouvais Melinda ? Qu’étais-je pour toi ? Non. Je vais reformuler ma question. A ton avis, qu’est ce qui, chez moi, aurait pu plaire à l’ancienne Melinda ? Je veux comprendre pourquoi elle est venue vers moi, et pourquoi maintenant, tu me déteste à ce point. »

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptySam 6 Mai 2017 - 2:01


Livre II, Chapitre 3 • La Roue Brisée
#6 ♦️ Melinda & Raygnar

Le Destin intervient

Une rupture mouvementée ? J'arrive. :superman:




La rupture semble consommée – Melinda a décidé, Raygnar ne peut que s’y plier. Ils s’avancent dans les couloirs de l’Académie, la femme déterminée à tout cesser, et l’homme désolé de voir la compagne aimée le quitter. Mais voilà, le Destin n’en a pas terminé avec les amours contrariées : d’un claquement de doigts, il provoque simultanément deux événements.

En l’espace d’un battement de cœur, voilà que le voile de la mémoire se déchire pour Raygnar, qui redevient celui qu’il était et perd tout souvenir de ce qui s’est passé jusqu'ici… et voilà qu’une contraction parcourt l’abdomen rebondi de Melinda, sûrement provoquée par toute cette agitation…

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMar 9 Mai 2017 - 12:28

Le ton de Raygnar était glacial lorsqu’il répondit à ma provocation. Non, peut-être qu’il n’était pas du genre à se laisser hanter par des souvenirs. Peut-être même – et cette idée me fit frissonner – que je n’étais pas la première élève sur qui il jetait son dévolu, et qu’il y en aurait d’autres après moi. Oh, je n’en étais pas jalouse, j’étais juste un peu vexée d’apprendre que la Melinda de cette réalité avait été suffisamment crédule pour se faire manipuler par un tel homme. D’un autre côté, il avait été sur le point de m’épouser, avant que tout ne bascule. Je lui jetai un regard suspicieux. Et si tout était de sa faute ? S’il m’avait fait perdre tous mes souvenirs pour éviter un scandale ? S’il avait poussé son fils à intervenir pour que je décide de m’en aller ? Quand il me poussa à le suivre, j’hésitai, une fraction de seconde. Allait-il m’emmener quelque part où il pourrait se débarrasser de moi en toute tranquillité, afin que plus jamais je ne reparaisse devant lui ?

Je n’avais pas le choix, pourtant. Je n’avais pas envie d’expliquer à quelqu’un d’autre que j’avais perdu tout souvenir de l’Académie et que j’étais totalement perdue dans les couloirs. Raygnar était peut-être en train d’élaborer de sombres projets pour moi dans son esprit, mais il était mon seul point de repère dans ce monde, et je ne me sentais pas capable de partir impulsivement. Je le suivis donc en silence, l’observant du coin de l’œil, en me demandant ce qu’il allait tenter de faire. Il se contenta de parler de ses enfants, prétendant qu’ils ne seraient pas un problème… sauf si mon comportement les y poussait. Je me crispai. Était-ce une menace ?

— Je croyais qu’il n’y avait plus de « notre relation », soulignai-je avec un léger sourire qui dissimulait plutôt bien ma méfiance, mais qui n’adoucissait en rien ma voix sèche. Et ne me réprimandez pas comme une enfant désobéissante. Je ne suis pas votre fille, et je sais me tenir. Je n’irai pas me dandiner devant vos enfants en discourant sur une relation que je n’ai même pas vécue.

Raygnar nous conduisit à une petite chambre – la mienne ? la sienne ? une pièce anonyme où il pourrait se débarrasser de moi sans craindre les conséquences ? – et se précipita aussitôt auprès de la fenêtre pour l’ouvrir en grand et prendre une profonde bouffée d’air frais. Les jambes et le dos douloureux, je me précipitai presque aussitôt sur une chaise pour m’y écrouler. Je laissai échappai un commentaire sur l’horreur de la situation tandis que le noble kyréen se retournait vers moi. Sa question me prit au dépourvu. Je n’y avais pas vraiment pensé. Qu’aurais-je pu apprécier chez lui ? Je plissai les yeux, songeuse, réfléchissant durant quelques longues secondes.

— Vous avez le sens du devoir, murmurai-je finalement. Vous n’êtes pas du genre à abandonner vos responsabilités. Et puis vous avez le sens du mot, et je pense que j’apprécierais de débattre avec vous plus en profondeur. Enfin… sous votre voix glacée et votre apparence peu engageante, je pense que vous êtes quelqu’un de plutôt tendre.

Je pouvais me rappeler de la façon dont il m’avait parlé de sa sœur, et de la manière dont il avait pris soin de moi quand je lui avais annoncé que je n’avais aucun souvenir de notre relation passée. Oui, Raygnar était quelqu’un de doux, quand on apprenait à le connaitre. Mais il avait un nombre incalculable de défauts à côté de ça, comme sa façon de détruire les rêves pourtant si précieux de ses enfants, par exemple.

— Je suppose que c’est tout ça que j’aurais pu voir en vous, dans une autre vie. Mais moi, je vous ai surtout connu insupportable et…

Ma voix s’étrangla dans ma gorge, tandis qu’une douleur particulière me parcourait l’abdomen. Le souffle coupé, je me pliai en deux dans un gémissement de surprise et de douleur.

— Raygnar ! l’appelai-je presque aussitôt, ignorant l’inimité qui était censée désormais nous séparer. Aidez-moi ! Notre enfant… je… c’est… il y a un problème !

Était-il en train de mourir ? Etais-je en train d’accoucher ? Je ne m’y connaissais pas vraiment en la matière. Je n’y avais jamais vraiment réfléchi et je ne m’étais jamais intéressée au problème. Les questions se pressaient dans ma tête, environnées de peur et de douleur. Je jetai un coup d’œil éperdu à Raygnar. C’était de sa faute si cet enfant existait. Qu’il fasse donc quelque chose !

— Raygnar, je ne veux… je ne veux pas…

La panique m’empêchait de trouver mes mots. Je me sentais perdue, désemparée, impuissante.

— Je ne veux pas que notre enfant meure, fais quelque chose !

J’en avais oublié jusqu’au vouvoiement, inquiète et pressée de savoir ce qu’il se passait exactement. Je me sentais incapable de réagir, et je me doutais que Raygnar n’en mènerait probablement pas plus large, mais il était la seule personne présente dans la pièce, et le seul allié auquel je pouvais me raccrocher. Si du moins, c'était bel et bien un allié. S'il voulait mettre fin à notre relation, éliminer cet enfant était une étape essentielle pour annihiler toute trace de ce qu'il s'était passé entre nous. Il suffisait qu'il m'ait empoisonnée, en versant quelque chose dans ma tasse de thé, par exemple... Mais je n'avais pas d'autre choix que de lui accorder ma confiance, pour l'instant. Il était la seule personne, pour l'instant, capable de m'aider.

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Message Sujet: Re: Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée   Les liaisons dangereuses ♦ [Intrigue 2.3] La Roue Brisée EmptyMer 10 Mai 2017 - 22:03

Je voulais savoir. Qu’est-ce que l’ancienne Melinda pouvait apprécier chez moi pour apprécier ma compagnie ? Et pourquoi celle-ci ne pouvait-elle pas me voir en peinture ? Je la regardais s’asseoir dans un fauteuil et m’appuyais contre le mur, respectant ainsi la distance qu’elle avait placé entre nous. Elle venait de me dire, juste avant, qu’elle était assez intelligente pour savoir se tenir, et qu’elle n’irait pas se vanter d’une relation qu’elle n’avait pas vécue devant mes enfants. Qu’elle sache tenir sa langue, j’en doutait. Mais bon, je pouvais peut-être lui faire confiance vu que notre relation venait de se briser et qu’elle se disait incapable de mentir.
Je la regardais plisser les yeux, réfléchissant à ce qu’elle pourrait me dire, puis elle prit la parole.
Elle me dit que j’avais le sens du devoir, et celui du mot aussi et que, sous mon apparence « peu engageante » et sous ma voix froide, je pouvais être quelqu’un de tendre. Comment ça peu engageante ? Certes, mon apparence était particulière, combien de fois les gens baissaient les yeux quand ils croisaient le regard vide de mon œil blessé, mais de là à dire qu’elle était peu engageante. Je la savais sincère, mais cela ne l’avait jamais dérangé lors de nos rendez-vous nocturnes.

La suite, je ne l’entendis qu’à peine. J’eus l’impression d’avoir été balayé par un coup de vent invisible. Je clignais des yeux, et regardais autour de moi. Mais, quel était cet endroit ? J’allais à la fenêtre et observa la cour de l’Académie. J’étais dans l’Académie ! Dans une chambre qui plus est. Mais pourquoi ? Je n’étais plus un élève, et encore moins un professeur, je n’avais rien à faire ici.
J’allais me diriger vers la sortie quand je croisais le regard de cette jeune femme, dont le visage m’était familier. Mais oui, c’était cette… Comment s’appelait-elle déjà ? Mélodie ? Mélina ? Mel.. Melinda oui c’est ça. Je me souvenais d’elle car elle m’avait quasiment réduit au silence devant l’Académie, et qu’elle faisait partie de notre petit groupe lors de notre intrusion dans le Musée des Savoirs Perdus, en Erebor. J’eus une pensée pour le défunt vase qu’elle avait brisé, et pour ses moqueries envers moi, et cela renforça mon envie de la planter là, sans même lui adresser un mot.

Mais c’était malpoli. Surtout qu’elle était en train de me parler. Elle me disait qu’elle m’avait surtout connu insupportable et… Et elle se plia en deux, le souffle coupé par la douleur. C’est alors que je remarquais son ventre rebondi. Melinda ? Enceinte ? Et bien, félicitation au jeune papa dans ce cas. Il allait bientôt savoir ce que c’était d’élever un enfant. La voir geindre sous l’effet de la douleur me ramena dans la réalité. Elle avait besoin d’aide. Je m’éloignais vers la porte pour aller réclamer des secours quand elle m’appela. Par mon prénom qui plus est. Mais pour qui se prenait elle ? Pour elle, ça serait et resterait Sire. Pas plus. Mais je n’eus pas le temps de la réprimander, car ce qu’elle me dit ensuite me cloua sur place. Notre… Notre enfant ? Comment ça notre enfant ? Je n’avais jamais eu de relation avec elle ! Nous n’avions jamais conçu d’enfants ensemble ! Alder soit loué, j’avais encore toute ma tête ! Je n’allais pas m’amuser à m’amouracher d’une femme de l’âge de ma fille ! Surtout pour la mettre enceinte après. Je fronçais les sourcils et lui dit :

« - Je ne sais pas à quoi vous jouez. Mais ça ne marchera pas avec moi. J’ai peut-être presque cinquante ans, je suis très loin d’être sénile. Me faire croire que vous êtes tombée enceinte par ma faute ne sert à rien. »

Elle me lança un regard paniqué, la main sur son ventre. Elle ne savait pas quoi faire et craignait autant pour sa vie que pour celle de son enfant. Je lâchais un soupir. L’heure des explications viendrait plus tard. Je m’avançais vers elle et pris son bras. Je le passais autour de mes épaules. Elle me dit, sur un ton horrifié, qu’elle ne voulait pas que notre enfant meure, et que je devais faire quelque chose. Je la soulevais, me disant qu’elle était peut-être incapable de marcher à cause de la douleur, et l’allongeais sur le lit. J’avais passé outre le fait qu’elle m’avait tutoyé, et qu’elle recommençait à parler de cet enfant comme étant le nôtre, elle était complètement perdue et n’avait pas conscience de ses paroles. Je l’installais confortablement. J’allais chercher le broc d’eau, qui, heureusement, était rempli. Je le posais à proximité, me dirigeais vers la porte et hurla pour qu’on vienne nous aider. Puis je retournais vers Melinda et mouillait son front avec un linge imbibé d’eau. Je pensais alors à mon épouse, qui était aussi paniqué qu’elle à la naissance de Rolf. Elle avait été entourée par d’excellentes sages-femmes et des médecins compétents. Et, à l’Académie, il y en avait beaucoup. Melinda était entre de bonnes mains, si les secours arrivaient bien sûr. Je me penchais vers elle et lui dis :

« - Calmez-vous et respirez. La nervosité ne vous sera d’aucune aide. Mon épouse était aussi confuse que vous à l’arrivée de notre premier enfant. Ca va bien se passer

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