Je n'm'enfuis pas, je vole

L’heure sera bientôt venu de faire ses adieux à Euphoria, au Vol de Sombreciel, et Mayeul est assez mitigé, en vérité. Il est ravi de cette opportunité, de cette promotion, et sans doute que s’éloigner un peu de Sombreciel ne lui fera pas de mal. Mathilde lui manque, plus que tout, et peut-être que revenir dans le duché de leur enfance n’était pas une brillante idée. Il doute, Mayeul, plus qu’il ne le pense. Le soutien et les conseils de Nuage sont des plus précieux, mais cela ne l’empêche pas de douter pour autant. En plus, son ailier l’a lâchement abandonné pour l’après-midi, sous prétexte de la naissance de son neveu.

Les bagages de Mayeul sont prêts, il faut dire qu’il n’a pas grand chose à empaqueter. Il a l’habitude de voyager léger, le Voltigeur, et ses quelques possessions tiennent dans une seule malle, à peine. Ciel bleu. Nuages. Euphoria. Mayeul n’a pas besoin de précisions supplémentaires, il connaît bien le griffon, et ce dernier le connaît tout autant. Mayeul a besoin de se changer les idées, et quelle meilleure façon de le faire qu’un entraînement avec Nuage ? Le Voltigeur s’équipe donc, bouclant son harnais, laissant traîner avec un brin de nostalgie ses doigts sur le blason de Sombreciel qui le décore. Plus pour longtemps. Neige. Flocon. Forêt. Amas de couvertures. Perplexité. Mayeul ne peut s’empêcher de rire aux éclats devant l’incompréhension de son griffon. Évidemment, Nuage ressent beaucoup moins le froid que le pauvre humain qui cascade sur son dos !

C’est donc de bonne humeur que Mayeul se rend jusqu’au nid de son griffon, et celle-ci ne se délite pas quand il tombe sur Jacinthe. Il la connaît, la jeune cielsombroise, il l’a côtoyé à l’Académie, avant de la retrouver à Val-Griffon. Il aime sa bonne humeur, quand elle n’est pas trop occupé à lui reprocher quelque chose. Mais aujourd’hui, il ne désire pas discuter, mais voler. Peut-être qu’elle et Saphir pourront se joindre à Nuage et lui. Il a déjà voltigé avec elle, de toute façon, ce ne sera pas la première fois. A Val-griffon, il l’a prise sous son aile, lui montrant les astuces du coin, et même si cette amitié s’est étirée au fil des années, les vieux réflexes ne doivent pas totalement avoir disparus.

« Une séance d’entraînement est prévue pour dans quelques heures, mais Nuage a envie de se dégourdir les ailes. Si ça vous intéresse, vous êtes bienvenus. » Lance Mayeul à la jeune femme, resserrant avec habileté une boucle de son propre harnais. « Quand je serais Major, je ne prévoirais des entraînements qu’en milieu d’après-midi, pour avoir le temps de paresser jusqu’à l'heure du déjeuner ! » Plaisante-t-il avec bonne humeur. Il blague, évidemment : il la prends au sérieux, cette promotion, malgré son caractère un peu spécial, et le rôle probable qu’y a joué le duc de Sombreflamme. Il le sait de toute façon Mayeul : il n’a pas le droit de faire une erreur, s’il ne veut pas faire une croix sur sa carrière de Voltigeur.

J'étais avec Saphir, tranquillement posée, quand je vois Mayeul débarquer. Mayeul, une drôle d'amitié, d'abord sous mon aile à l'Académie, les rôles se sont inversés à Val-Griffon. Je l'apprécie beaucoup et par dessus tout lui reprocher des choses. Surtout celles que je n'ai pas apprécié pour lui faire comprendre. Mais je l'aime bien quand même.

Il me lance une proposition alléchante. Je le regarde sans répondre avant de jeter un œil à mon compagnon. Ciel. Brise. Je souris avant de me lever pour prendre les affaires pour Saphir.

Avec une proposition pareille comment Saphir aurait pu refuser ?

Offusqué. Je ris à l'air effarouché de mon griffon quand je dis cette phrase. Il le sait aussi bien que moi que je n'aurai pas refusé. Pas après avoir appris que mon ami part. Réconfort. Hum... je passe une fine caresse sur le flan de Saphir avant d'attraper une couverture.

Très bonne idée ! Une bonne sieste après manger ne ferait pas de mal ! Garde cette idée en tête et je louerai ton nom !

Je vérifie toutes les attaches et surtout le harnais. Impatience. Vent. Etoile. Camarade. Bientôt. Je sourit de l'empressement de Saphir à s'envoler auprès de Nuage. Je pense, et il le sait aussi, qu'on ne pourra pas le faire avant longtemps.

Alors, on y va ou je dis à Saphir de te manger.

Perplexe. J'éclate de rire face à Saphir, qui se demande pourquoi il mangerait Mayeul.

HRP:

Évidemment, Jacinthe ne tergiverse pas longtemps avant accepter, prétextant que son griffon ne pouvait refuser pareille proposition. Seulement Saphir ? Mayeul lui adresse un sourire moqueur avant d’approcher sa main du bec de Saphir, attendant l’approbation du griffon pour lui grattouiller les plumes. La jeune femme s’occupe d’équiper son griffon, et Mayeul adresse une dernière caresse à Saphir avant de regarder sa collègue. « Très bien, tu loueras mon nom. Rappelles-toi en, moi je ne l’oublierais pas. J’imagine bien quelque chose comme Ô Mayeul, objet de tous les désirs, que tes idées sont brillantes. Ou quelque chose dans ce goût là, je te laisse choisir. » Plaisante le cielsombrois avec légèreté, avant de se tourner vers son propre griffon.

Avec application, Mayeul lisse quelques plumes du flanc de Nuage, taquinant le harnais de son compagnon de vol. « Je pense qu’après le grade de Major, je vais solliciter celui de Capitaine. Puis Maréchal, et je révolutionnerais nos horaires d’entraînement. Tard dans l’après-midi, et uniquement là. Un bon programme, non ? Et j’instaurerais de nouvelles tenues de vol, aussi. » Rêve tout haut le Voltigeur, l’air aussi espiègle qu’un enfant qui dit une bêtise et le sait pertinemment. Nuage s’agite, mais le Voltigeur prend son temps, vérifiant son matériel avant de se tourner vers Jacinthe. « Bouh, je suis terrifié. » Combien de fois ne l’a-t-il pas utilisé, lui aussi, cette menace ? Sur des enfants, sur des Familiers...

Tristesse ? Non non. Le bec du griffon vient effleurer la joue de son Voltigeur, avant de saisir doucement une mèche de cheveux et de la lisser avec délicatesse. Un geste de réconfort, que Mayeul sait apprécier à sa juste valeur. Le Voltigeur soupire, s’efforçant de chasser les idées noires et ses souvenirs de l’arène de Hacheclair avant de grimper avec souplesse sur son griffon, prêt à décoller. Impatience. Nuage. Saphir. Ailes qui battent en rythme. « Terrain d’entraînement ? Ou plus loin ? » Lance Mayeul, comptant sur Nuage pour relayer son idée à Saphir si la Voltigeuse n’a pas entendu ce qu’il vient de dire. Jacinthe n’est pas son ailière, mais ce ne sera pas la première fois qu’ils volent ensemble, tous les deux. Comme au bon vieux temps de la Caserne de Serre.

Mayeul étire ses muscles, laissant Nuage gagner les cieux à force de puissants coups d’ailes. Les problèmes sont restés sur la terre ferme et bientôt, pour le Voltigeur, il n’existe plus que la douce sensation du vent et de la liberté qu’offre le ciel bleu. Sans même vérifier la bonne attache du harnais de Vol, Il s’accroupit sur le dos de Nuage, écartant largement les bras sans se soucier du vent qui cherche à le déstabiliser et à la jeter dans le vide. Il ne glissera pas. S’il glisse, Nuage le rattrapera. Il n’en a jamais douté. Un coup d’œil en arrière, pour s’assurer que Saphir et Jacinthe suivent, et Mayeul leur fait de grands signes de la main pour les inviter à accélérer la cadence.