En cette fin d'après midi, l'air se rafraichissait sur le chemin de pierres qu'empruntait une jeune blonde. Elle portait une tenue assez sobre, dans les tons bleu-gris, composée d'une tunique longue tombant sur ses chevilles et maintenue à la taille par une ceinture souple. Ses tresses plaquées sur son crâne s'achevaient en une sommaire queue de cheval et cette réflexion voilant son regard n'attirait guère la sympathie.
En même temps, Zélie ne cherchait pas la rencontre aujourd'hui. Au contraire, la demoiselle aspirait à une certaine sérénité que l'effervescence des derniers jours ne lui permettaient pas de trouver dans sa chambrée. Tout le monde n'avait que cette nouvelle à la bouche depuis assez longtemps déjà : "Les vivenefs sont au port !". Oui, c'était bon, elle avait compris, elle avait même été les voir et Onyx lui avait narré à sa façon leur superbe arrivée à Lorgol.
Lasse, la blonde soupira et porta son regard sur l'Académie que l'on apercevait d'ici. Le calme et la magie des lieux lui manquaient parfois. Elle avait beau savoir que beaucoup d'habitants d'Ibélène sortaient peu de leurs zones de confort, que la situation était exceptionnelle et qu'un énorme enjeu se jouait là, Zélie était blasée de ce remue-ménage et toute excitation à ce sujet lui faisait lever les yeux au ciel.
Aucune réjouissance n'accompagnait l'arrivée de ces navires, au contraire, et cette gravité étouffée par les uns tendait l'atmosphère d'une manière par trop désagréable pour la cielsombroise. Enfin, cela ne devrait plus durer très longtemps maintenant et elle pourrait bientôt reprendre le cours normal de sa formation. Car, oui, en vue des préparatifs de l'expédition exceptionnelle, quelques modules avaient été mis en hiatus. Cela ne la mettait pas en colère, loin de là. Contrairement à d'autres bœufs, elle était suffisamment intelligente pour comprendre le pourquoi du comment et faire preuve de discernement. Non, ce n'était qu'un fâcheux contretemps pour elle, mais rien d'insurmontable.
Toute à ses pensées, elle frissonna. Le soleil trompeur de cet après midi lui avait fait oublier de prendre une mante et la pierre soutenant ses pas renforçait cette sensation de froid. En même temps, cela devait bien faire quatre ans qu'elle n'avait pu avoir son après midi de cette manière... Zélie se demandait alors si le spectacle presque oublié de cette ville à deux vies ne valait pas quelques mécontentements comme cette frustration ou ce frisson léger lui secouant l'épaule.
Elle se pencha et, comme l'alieniste surveillant son patient, elle observa d'un œil excité le crépuscule réveiller une nouvelle part de cette ville adorée.