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 Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde

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Message Sujet: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 7 Fév 2017 - 0:13






Livre II, Chapitre 2 •La Fortune des Flots
Astrée Aubétoile & Melinda Orlemiel (& Aaron de Sombreval ?)

Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde

Quelle idée absurde !



• Date : 26 novembre 1001
• Météo : Pluvieux, nuageux, et il fait nuit
• Statut du RP : Privé
• Résumé : Astrée est heureuse de pouvoir retrouver l'Académie, et entamer une nouvelle année d'études. Elle craint cependant ce qui peut arriver en Arven, et les nouvelles catastrophes qui pourraient se déclencher. Elle décide d'aller acheter des rubans assortis pour son lapin et pour elle, pour se distraire.
• Recensement :
Code:
• [b]26 novembre 1001 :[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t1745-je-revais-d-un-autre-monde-ou-la-terre-serait-ronde]Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde[/url] - [i]Astrée Aubétoile & Melinda Orlemiel[/i]
Astrée est heureuse de pouvoir retrouver l'Académie, et entamer une nouvelle année d'études. Elle craint cependant ce qui peut arriver en Arven, et les nouvelles catastrophes qui pourraient se déclencher. Elle décide d'aller acheter des rubans assortis pour son lapin et pour elle, pour se distraire.



Dernière édition par Astrée Aubétoile le Mar 27 Juin 2017 - 11:31, édité 2 fois
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 7 Fév 2017 - 1:04

Astrée était heureuse, de revenir à Lorgol, réellement. Elle avait apprécié les vacances forcées en Outrevent, passé de bons moments avec son père, à améliorer la carte du ciel dont elle comptait faire l’œuvre de sa vie, comme la plus précise et détaillée d’Arven qui existe, mais elle était frustrée de ralentir son apprentissage, de ne pas pouvoir apprendre davantage de choses encore. De ne pas pouvoir seconder son professeur, aussi. Si quitter ses parents était plus difficile qu’elle ne l’aurait pensé, alors qu’elle avait passé plusieurs années à l’Académie déjà, cela n’arrêtait en rien sa résolution de vivre comme il convenait de le faire – avec Honneur, et plongée dans ses études.

Elle était quelque peu morose, suite aux événements de la Samhain qui lui avaient été racontés par les plus téméraires, les plus scandaleuses de ses amies, qui ne respectaient pas les morts comme elle le faisait. Elle s’était recueillie pour eux dans la dignité et la sobriété, pour tous les morts de son entourage – ses grands-parents, les frères et sœurs, cousins et cousines qu’elle n’avait pas eu le temps de connaitre, quelques parents moins directs, et des amis de la famille. Elle déplorait la mort de l’Impératrice légitime, condamnait fermement les actes infâmes de celui qui s’était proclamé Empereur. Elle avait beau essayer de se calmer, elle ne parvenait à accepter cela sans se trouver indigné de ce qu’on lui avait relaté. Elle n’était même pas certaine de bien comprendre la façon dont les choses s’étaient déroulées, mais elle refusait pourtant catégoriquement que quelqu’un le lui explique… si ça avait été son duc, elle aurait sûrement été extrêmement attentive, mais elle savait que jamais elle n’aurait cette fierté.

C’est l’âme troublée qu’elle avait donc quitté l’Académie, en cette fin de journée, seule. Elle était incapable de se concentrer sur ses travaux, prendre l’air lui ferait sûrement du bien. Elle passa dans sa chambre, récupérer sa besace, quelques fleurons, et glissant Luna dans son sac, laissant sa petite tête en sortir, gratouillant son animal derrière les oreilles. Il ne l’avait pas quittée, depuis des années qu’elle l’avait, et elle éprouvait une vive affection pour le petit lapin dont la douceur la réconfortait.

« Tu vas voir, je vais te trouver un beau ruban, et je m’achèterai le même… »

Elle parlait à voix haute, et ça ne le dérangeait pas le moins du monde. Peu importe, qu’elle soit entendue, à vrai dire. Elle regardait les boutiques, hésitant quant à celle dans laquelle elle pourrait se rendre.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 7 Fév 2017 - 17:02

L’Académie m’avait refusée. J’aurais pu me révolter. J’aurais pu pleurer et me lamenter sur mon sort. J’aurais pu regretter les sept mois que j’avais passés à patienter dans la ville aux Mille Tours. J’aurais pu imaginer milles stratégies pour tenter de changer ce verdict. J’aurais pu tout tenter, comme je le faisais toujours, pour parvenir à mon objectif. Mais je me sentais lasse et résignée, même si je ne me le serai avoué pour rien au monde. Depuis la Samhain, j’étais épuisée. J’avais du mal à dormir, certes, mais j’avais aussi le sentiment que mon optimisme prétendument à toute épreuve s’était érodé, comme s’il était fatigué de travailler avec acharnement pour maintenir le sourire sur mon visage. Je commençais à douter, à me poser des questions sur ma façon d’être et d’agir, et j’arrivais presque toujours à des conclusions tristes et déprimantes. Depuis environ un mois, j’étais d’humeur morose, et le refus de l’Académie n’avait été qu’un coup de plus à mon beau masque souriant qui, déjà, était fissuré de toutes parts.

J’errais dans les rues de Lorgol, laissant mes pas me porter au hasard des ruelles. La ville aux Mille Tours avait au moins le mérite de me rappeler les moments de joie et d’émerveillement que j’avais vécus à mon arrivée ici. J’avais l’étrange sentiment qu’une éternité s’était écoulée depuis que la Melinda naïve et joyeuse d’autrefois avait quitté sa maison. Tant de choses avaient changé depuis, dans ma vie comme dans le monde, et je me sentais comme un bout de bois balloté par la tempête ; impuissante, je me laissais emporter en essayant autant que possible de rester hors de l’eau. Autrefois, mon problème le plus immédiat était probablement l’ennui. Aujourd’hui, je luttais contre l’idée que j’avais probablement gâché la vie sur laquelle mon frère avait soigneusement veillé, et je doutais de la pertinence de mon choix quand j’avais décidé de rejoindre l’Ordre. Peut-être était-ce parce que mes problèmes actuels étaient susceptibles d’avoir plus d’impact sur ma vie qu’ils en devenaient aussi déprimants, mais aurai-je même voulu les éviter, j’en aurais été incapable : ils s’imposaient à moi et demandaient réponse.

Le ciel était sombre et nuageux, à l’instar de la plupart de mes pensées. J’eus un sourire amer. Je n’aurais peut-être même pas remarqué le temps qu’il faisait s’il n’avait pas été en telle adéquation avec mon humeur. Peut-être était-ce une bonne chose, finalement, d’être déprimée de temps en temps. Ma vision du monde en était radicalement modifiée, et je remarquais des choses qui m’auraient échappées en temps normal. Mon sourire s’adoucit devant ce trait optimiste. Même dans les pires choses – la morosité et la dépression –  je parvenais à déceler le meilleur. Un sourire, bien que tout simple, pouvait avoir comme un effet magique sur mon humeur, et je relevai la tête, me détachant un peu de mes pensées moroses pour profiter de la fin de journée et de l’air vivifiant. Un peu, seulement. Je savais que les idées sombres ne s’éloignaient jamais vraiment.

Sans doute, si j’étais restée à me morfondre sur mon sort, n’aurais-je même pas remarqué cette jeune fille, visage pourtant familier. Ce fut sa voix qui attira tout d’abord mon attention. Je fronçai les sourcils, envahie par l’étrange pressentiment que je reconnaissais cette façon de parler. Je posai alors les yeux sur son visage, et un large sourire étira mes traits. Je ne l’avais peut-être plus vue depuis… deux, trois ans, environ, et je ne la connaissais pas autant qu’une amie proche avec qui j’aurais tout partagé, mais elle restait un membre de ma famille – ma cousine – et nous nous étions parlé plusieurs fois. Je ne m’étais pas attendue à la croiser à Lorgol, mais il était vrai, maintenant que j’y pensais, qu’elle était entrée à l’Académie.

— Astrée !

Je criai son nom sans même me préoccuper de quiconque pourrait se retourner vers nous. Le visage illuminé d’un sourire éclatant, ma mauvaise humeur oubliée, je comblai en quelques enjambées la distance qui me séparait d’elle.

— Je ne m’attendais pas du tout à te croiser ici, m’exclamai-je sans perdre mon sourire. Enfin, je savais que tu suivais un cursus à l’Académie, bien entendu, mais… je n’avais jamais vraiment réfléchi à la possibilité de te croiser à Lorgol.

A vrai dire, je n’avais pas vraiment réfléchi non plus avant de partir pour Lorgol, sans quoi je m’y serais prise de façon un peu plus intelligente. Mais ce n’était pas vraiment dans mon caractère de réfréner mes élans impulsifs et d’y réfléchir longuement avant d’agir.

— C’est formidable, déclarai-je en frappant dans mes mains, ravie au-delà du raisonnable, sans doute, contente d’avoir quelqu’un pour me détourner de mes sombres pensées, et contente de revoir un membre de ma famille. J’espère que tout va bien pour toi, à l’Académie ? L’astronomie te plait toujours autant ?

Je m’aperçus qu’elle n’avait peut-être pas envie de répondre à ce genre de questions au milieu de la rue – si tant est qu’elle ait envie d’y répondre. D’autant plus qu’elle pouvait très bien être pressée. Aussi ajoutai-je, sans lui laisser le temps de répondre :

— J’espère que je ne te dérange pas, d’ailleurs. Tu faisais quelque chose de particulier, avant que je ne t’aborde sauvagement ? Je peux peut-être t’aider ?

Toute occupation, qu’elle soit futile ou absolument essentielle, passionnante ou ennuyeuse à mourir, était bonne à prendre pour éviter de penser aux choses sombres et déprimantes.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyVen 10 Fév 2017 - 17:53

Elle aurait presque eu l’air insouciant, un sourire qui sonnait faux à ses yeux sur le visage, emmitouflée dans une cape épaisse, pour se protéger du froid. Elle essayait de donner le change, et de ne pas laisser libre cours à ces angoisses qui l’assaillaient par moment. Elle n’était pas seule, et tout le monde allait bien dans sa famille. Aurore, son père, sa mère, tous les autres… Si elle avait besoin, elle savait pouvoir leur parler. Mais elle ne voulait pas vraiment admettre la terreur instillée en elle depuis la Samhain, depuis tout le reste. Et si elle se retrouvait, un jour, victime collatérale ? Elle tenait Luna un peu fort, malgré elle, et elle cria en sentant la morsure sur son doigt, sursautant simultanément alors que l’on criait son nom, surprise, bien qu’elle connaisse très bien la voix.

Elle se retourna avec un sourire beaucoup plus sincère, pour voir sa cousine. Elle avait pas voulu être seule, simplement se changer les idées. Et voir un visage connu, surtout aussi bavard que la jeune femme en face d’elle, et qu’elle aimait bien, lui faisait plaisir. Elle n’hésita pas à la serrer dans les bras, alors qu’elle courrait presque pour la rejoindre. Avant de réaliser que c’était bizarre, qu’elle soit pas en Outrevent. Elle ne lui avait pas parlé depuis plusieurs semaines, plusieurs mois peut-être même. Elle était un peu honteuse, de ne pas s’en être souciée.

« Melinda ! Que fais-tu là ? Je ne m’attendais certainement pas à t’y voir non plus. C’est tes parents qui t’envoient ? Tu viens faire des emplettes ? Vendre du miel ? Si oui, j’en veux, il est beaucoup moins bon ici ! »

Elle parlait beaucoup, plus qu’elle n’y aurait cru si on lui avait demandé avant de partir si elle comptait être morose toute la journée. Mais c’était pas n’importe qui, et c’était facile, de lui parler. Même si elle ne comprenait pas pourquoi elle était là. Elle sourit, rit même, en l’entendant dire que c’était formidable. Oui, c’était bien vrai.

« Oui, c’est formidable ! Je suis contente de te voir. Tu restes un peu, j’espère ? J’irai chercher Aurore, elle aussi elle sera contente ! Et tout se passe bien ! Je compte bien continuer encore longtemps, à être là-bas ! Je finirai l’atlas céleste que je fais, tu sais. Il sera le plus beau, le plus précis et le plus grand jamais connu. J’ai du soutien de mes professeurs. Je crois que je peux le faire. »

Elle était surprise que son humeur maussade se soit envolée aussi vite, mais elle s’en fichait. Tout ce qui comptait, c’était de profiter du moment. Et le faire en compagnie de quelqu’un qu’elle appréciait, c’était encore mieux.

« Mais toi, comment tu vas ? »

Elle passa son bras sous celui de Melinda, l’entraînant à sa suite.

« Tu plaisantes ? Tu me quittes plus, et ce soir tu manges avec nous ! Je voulais trouver un joli ruban pour Luna, et moi ! Et tu pourras prendre le même ! Et je prendrais le même à Aurore aussi, comme ça on sera assortis, toutes les trois et Luna ! Tu veux bien m’aider à choisir ? »
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 14 Fév 2017 - 14:38

L’étreinte de ma cousine était sincère et, pour tout dire, me faisait du bien. Je refermai mes bras sur elle, l’espace d’un instant, avant de m’écarter. Revoir Astrée, même dans des circonstances aussi inattendues, me rendait aussi heureuse qu’une fillette devant un délicieux et onctueux pot de miel. Aussi, malgré tous les problèmes qui déchiraient actuellement Arven et malgré mes propres soucis personnels, je ne pus empêcher un large sourire de s’installer sur mon visage comme s’il comptait y passer la soirée. Aussitôt, les mots s’écoulèrent d’eux même pour venir bercer cette joie qui avait éclaté en moi à la vue de ce visage familier.

Je m’aperçus rapidement qu’autant j’aurais pu m’attendre à la présence d’Astrée ici à Lorgol, autant elle pouvait difficilement spéculer sur mes raisons à moi d’être venue jusqu’à la ville aux Mille Tours. En une fraction de seconde, je me remémorai les évènements qui m’avaient amenée ici, et je secouai la tête avec incrédulité, comme chaque fois que j’y réfléchissais. Tant de choses s’étaient produites en si peu de temps, et moi qui avait passé vingt-deux ans de ma vie à vendre du miel et à m’occuper des abeilles, j’avais dû mal à m’habituer à ce nouveau train de vie. Une part de moi ne pouvait pas nier que j’appréciais beaucoup ne pas m’enfoncer dans une ennuyeuse routine, mais une autre tentait avec peine d’accepter que tout ça m’était bien arrivé à moi.

— Beaucoup moins bon ? déclarai-je en fronçant les sourcils. Astrée, il me semble que tes critères sont un peu faussés à ce sujet. Le miel que l’on trouve ici n’est pas beaucoup moins bon, il est… lamentable. Et immangeable.

Il m’avait suffi d’y goûter une fois pour comprendre que ça ne valait pas le miel de chez nous. Et de loin. Habituée comme je l’étais à la qualité du miel outreventois, celui que je trouvais ici m’avait paru sans goût et sans substance, bref, immangeable. Par chance, désormais, je faisais mon propre miel qui, à mes yeux, avait le goût particulièrement agréable de la fierté.

— Mais tu as de la chance, je n’ai pas pu tenir bien longtemps sans miel, et j’ai décidé d’apporter quelques ruches ici à Lorgol pour patienter en attendant les entretiens d’entrée, poursuivis-je avec un large sourire. Je n’ai pas de miel sur moi, mais je t’en offrirai avec plaisir si tu veux, une fois que je serais rentrée à la taverne où j'ai élu domicile.

Je fronçai les sourcils, me demandant soudain si Astrée était au courant que j’étais partie pour l’Académie. Mon départ avait été un véritable coup de tête, et même moi, j’avais été prévenue à la dernière minute.

— Tu es au courant, n’est-ce pas, que j’étais partie cette année pour rentrer à l’Académie ? Eh bien maintenant, en tous cas, tu le sais ! J’attends depuis mai pour passer ces maudits entretiens d’entrée, me plaignis-je en grimaçant faussement, avant de reprendre mon sourire. Mais Lorgol est une ville que je pourrais explorer pendant des mois !

D’ailleurs, maintenant, avais-je encore une raison d’y rester, à Lorgol ? J’y étais venue pour les entretiens d’entrée, je m’étais attachée à la ville aux Mille Tours durant les mois d’attente, j’avais un peu fait de la Taverne de la Rose ma seconde maison, mais à présent, ne me restait-il pas qu’à retourner en Outrevent, auprès de mes parents, pour y reprendre ma routine ? Je pris une profonde inspiration, rejetant ces pensées dans les tréfonds de mon esprit. Inutile de réfléchir trop longtemps au vide profond de mon avenir. Autant me concentrer sur l’instant présent. Sur Astrée, ma cousine, là, à mes côtés. Le sourire revint illuminer mon visage comme si de rien n’était. Sourire qui se transforma en rire lorsque je constatai qu’elle parlait presque autant que moi.

— Je reste autant que tu voudras, promis-je en riant à moitié.

Après tout, je n’avais pas vraiment grand-chose d’autre à faire.

— Je suis contente que tu aies trouvé quelque chose qui te plait, déclarai-je avec sincérité. Et je ne doute pas une seule seconde que tu puisses le faire, Astrée. Tu as toujours été très douée, et tu as toujours aimé les étoiles. On peut tout faire, non, quand on est passionné ?

Ça ressemblait probablement à une question rhétorique, mais il m’arrivait parfois de me la poser à moi, cette question. Est-ce que je pourrai trouver un jour quelque chose qui me plairait vraiment ? Ou étais-je condamnée à me lancer dans tous les projets possibles et inimaginables sans jamais développer de réelle passion ? Et qu’est-ce que ça faisait, au juste, d’aimer quelque chose ? Existait-il une force particulière qui envahissait ceux qui travaillaient pour ce qu’ils aimaient ? Tout un tas de questions stupides, sans doute.

Moins stupides, néanmoins, que celle qu’Astrée me posa. « Toi, comment tu vas ? » Existait-il une question, de par le monde, moins haïssable que celle-là ? Mal, j’allais mal, incroyablement mal. Mais pouvais-je vraiment le dire ? Moi, j’étais la Melinda qui souriait, la Melinda toujours optimiste qui positivait dans toutes les situations possibles et inimaginables, et non la jeune femme écroulée qui ne cessait de se lamenter sur son sort. Par chance, s’il y avait une question que j’avais appris à détourner au cours des années, c’était bien celle-là.

— La réponse est évidente, non ? questionnai-je avec un large sourire. J’ai du miel et des abeilles à proximité, on est en plein milieu de la prestigieuse ville aux Mille Tours et tu es avec moi. La vie n’est-elle pas merveilleuse ?

Je fus presque soulagée lorsqu’Astrée m’entraina à sa suite. La question gênante avait été évitée, et je n’avais pas fait mention de mon frère, aperçu à la Samhain, ou de l’Ordre du Jugement, ou d’un autre sujet gênant du même genre. Parfait. Cette soirée serait parfaite et positive. L’humeur un peu mitigée, je me laissai entrainer par l’enthousiasme de ma cousine. Une soirée passée auprès d’elle au lieu de me morfondre dans ma solitude ? Vendu.

— Tu as toujours été beaucoup plus douée que moi pour choisir ce genre de choses, Astrée, déclarai-je avec un sourire amusé. Mais d’accord, je veux bien t’aider à choisir. Ou du moins, t’accompagner pendant que toi tu choisis. Je porterai même le ruban que tu voudras. Ça te va ?

Je n’étais pas douée pour prendre des décisions vestimentaires. Généralement, je trouvais que c’était une perte de temps, alors qu’on pouvait sortir et s’amuser avec les dangers du vaste monde. Je n’avais rien contre acheter ce ruban pour avoir l’occasion de profiter un peu plus de la présence d’Astrée, mais elle ne me ferait pas choisir ce ruban moi-même. A moins, bien entendu, qu’elle ne voulait que j’en pioche un au hasard ?
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyJeu 16 Fév 2017 - 10:46

Astrée se laissa aller à rire, en entendant Melinda s’insurger sur la qualité du miel vendu à Lorgol. Elle avait raison, bien entendu, mais elle était tellement passionnée, excessive parfois… Cela amusait toujours sa cousine, et l’attendrissait. Elle était consciente de l’excentricité de Melinda, mais elle l’appréciait réellement.

« Je sais que rien n’égalera jamais le miel que vous faites, ça n’arrivera même pas à la hauteur de votre plus petit doigt de pieds, mais quand on a pas le choix… Mais c’est sûr, je préfère le vôtre, et de loin ! Je ne sais pas quand je rentrerais en Outrevent, mais je viendrais vous dévaliser un coffre entier ! J’aurai bien assez de place, dans ma chambre à l’Académie ! »

Elle était quand même un peu contrariée, Melinda, ou en avoir l’air, d’après Astrée, qui planta avec plus ou moins de délicatesse un doigt dans ses côtes. « Allez, souris, je te promets de ne plus jamais, jamais, manger un autre miel que le vôtre ! Mais il faudra m’en amener. » Quoi ? Elle pouvait bien faire ça pour elle, pour qu’Astrée ne commette plus le crime de s’acheter du miel lamentable et immangeable, n’est-ce pas ?

Le sourire sur les lèvres de la fabricante de miel se refléta encore plus grandement sur le visage de l’apprentie astronome, alors qu’elle lui disait avoir amené des ruches. Des ruches, jusqu’à Lorgol ? Mais comment les avait-elle transportées ? Et elle s’acclimatait au climat ? Et elle pouvait vraiment faire du miel ? Elle était surexcitée, à l’idée d’avoir du vrai bon miel – pour peu, elle en aurait applaudi. « Mais c’est parfait ! Tu es parfaite, tu es ma sauveuse ! Mais les abeilles vont bien ? Lorgol leur réussit ? Tu vas en faire pour toujours ? Je pourrais revenir t’en prendre ? » Oui, les entretiens que Melinda devait passer lui sortait de la tête à l’instant. Mais pas pour longtemps. Après tout, elle allait avoir des explications, non ?

« Non, je savais pas ! Tu les as passés ? Tu as aimé Lorgol ? Tu aurais dû nous écrire, Aurore et moi on aurait pu te servir de guides ! Tu as fait quoi, pendant tout ce temps ? Tu vas être avec nous à l’Académie alors ? Ça serait super ! »

Elle ne lui laissait même pas le temps de réagir, mais Melinda était vive, elle se souviendrait de ce que sa cousine lui disait. Astrée le pensait, en tout cas. Et puis, elle était aussi bavarde qu’elle. « Autant que je veux ? Pour toujours ? Tu vas vivre à Lorgol, comme nous, maintenant ? Je pourrais te montrer ma chambre ? Elle est belle, on voit le ciel, et des étoiles filantes, et les deux lunes, et… Enfin, tout plein de choses. Y’a même des chèvres, parfois ! Je suis sûre que tu aurais des champs d’abeille –oui, des champs d’abeille ! -, dans la tienne. Pour de vrai. Elles s’adaptent à toi, tu sais ? »

Non, elle savait pas, Astrée l’aurait su, si elle s’y était déjà établie, non ? Mais c’était pas grave, elle finirait par le voir. Elle la prit dans ses bras, quand elle l’encouragea. « Ca me touche, que tu y crois comme ça. Et oui, on peut tout faire ! » Elle en était sûre, en tout cas. Elle pourrait y arriver, et elle serait l’Astronome la plus connue d’Arven, quand elle serait plus grande. Oui, foi d’Astrée.

Elle hocha la tête, en tout cas, quand Melinda lui dit que tout allait bien, avec des considérations très terre-à-terre… Oui, tout ne pouvait aller que bien, n’est-ce pas ? Même pour elle ? Elle n’en était pas si sûre, mais elle devait faire comme si. Elle devait voir les choses de manière aussi positive que sa cousine. « Parfaite ! » C’est son bras sous le coude, qu’elle entraîna Melinda, ne s’attardant pas sur sa propre humeur.

« Oh allez, je sais que tu as quand même bon goût ! On pourra peut-être en trouver un avec des abeilles ! Je te tresserais les cheveux, et les attacherais avec ! Tu seras trop mignonne ! Je veux ton avis, tu te défileras pas ! »

Et elle était obstinée, quand elle s’y mettait, Astrée. Une bonne obstination d’Outreventoise.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyDim 19 Fév 2017 - 13:16

Qu’on ne me dise plus jamais que je pouvais être bavarde, Astrée était presque encore pire que moi. Mais elle m’amusait, ma cousine, son rire m’amusait, ses manières m’amusaient, et j’appréciais beaucoup parler avec elle. Je ravalai tant bien que mal un sourire moqueur à la voir se défendre tant bien que mal de l’acte ignominieux qu’elle avait commis : manger du miel qui ne venait même pas d’Outrevent ! J’avais peu de valeurs concernant la nourriture et la gastronomie, mais le miel avait quelque chose de sacré à mes yeux, et la piètre défense d’Astrée ne me convainquait pas tout à fait. Néanmoins, elle était ma cousine, et elle était déjà toute pardonnée, même si je pouvais bien la faire attendre un peu plus longtemps avant de le lui dire…

— Mouais, déclarai-je d’un ton dubitatif. Ca a intérêt à être un très grand coffre, alors.

J’aurais pu conserver mon humeur faussement renfrognée si Astrée ne m’avait pas planté un doigt dans les côtes. Je reculai d’un bond devant cette attaque pernicieuse, avec un petit cri de surprise. Néanmoins, l’attaque de ma cousine porta ses fruits, et je me retrouvai à sourire avant même d’avoir consciemment pensé à obéir. Elle voulait jouer à ce petit jeu ? Avant de lui laisser le temps de réagir, je lui passai un bras autour des épaules et lui ébouriffai les cheveux de l’autre main, comme mon frère le faisait si souvent avec moi.

— J’ai hésité brièvement à t’en vouloir pour avoir supporté un miel de piètre qualité sans même m’envoyer une lettre pour t’en plaindre, mais j’ai décidé de te pardonner, cousine, ne t’inquiète pas, déclarai-je en la délivrant, lui tapotant un peu la tête au passage comme pour lui faire comprendre qu’elle était pardonnée. Et je t’en amènerai, promis.

Je révélai alors à Astrée que j’élevais même des abeilles ici à Lorgol, et son enthousiasme fut à la hauteur de mes attentes. Je n’étais pas sûre d’être exactement parfaite mais je pouvais tout à fait concevoir que j’étais sa sauveuse. Mon miel n’était peut-être pas le meilleur – avec toute la concurrence qui faisait rage en Outrevent, je n’étais pas suffisamment orgueilleuse pour le penser – mais il était sans doute bien au-dessus de tout ce qu’on pouvait trouver ici. En tous cas, lui, il était mangeable. Et j’osais même prétendre qu’il était délicieux. Aussi ce fut avec beaucoup de fierté que je répondis aux questions d’Astrée.

— Les abeilles vont bien, c’est moi qui m’en occupe, confirmai-je avec un hochement de tête. Je pense qu’elles préféreraient Outrevent, mais elles s’acclimatent plutôt bien à la Ville aux Mille Tours. Le miel a un goût un peu différent de chez nous, mais il est tout de même excellent, selon moi. Tu devrais goûter, pour t’en faire ton propre avis. Quant à en faire pour toujours…

Je réfléchis un quart de secondes. Je n’avais plus vraiment de raison de rester à Lorgol, mais j’aimais bien la ville aux Mille Tours, et je n’avais pas vraiment le cœur de déplacer mes abeilles maintenant qu’elles s’étaient installées.

— Je suppose du moins que je vais rester un petit temps à Lorgol, et tu seras bien évidemment toujours la bienvenue pour venir me piquer quelques pots. Ou simplement pour me rendre visite. Je loge à la Taverne de la Rose pour l’instant, je ne sais pas si tu connais ? C’est un endroit assez sympathique, je trouve.

Un endroit qui, au fil du temps, était devenu un refuge, un lieu sûr, où rentrer quand tout allait mal. Si Astrée voulait me rendre visite – et elle était toujours la bienvenue – je serais ravie de la voir, à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. De toute façon, ces derniers temps, je ne dormais plus beaucoup, et je préférais de loin occuper mes nuits à discuter avec qui que ce soit qu’à me morfondre sur mes cauchemars. Mais inutile de songer aux cauchemars maintenant, alors que la conversation se déroulait pour l’instant dans la joie et la bonne humeur. Enfin, ça allait peut-être changer, avec le sujet de l’Académie ainsi posé entre nous. Je ne répondis pas immédiatement, et Astrée poursuivit sur sa lancée, si bien qu’elle était déjà en train de parler de la chambre que je pourrais avoir lorsqu’enfin je parvins à dire plus de deux mots.

— Ça doit être merveilleux à voir, mais je n’aurais pas de chambre à l’Académie, murmurai-je avec un hochement de tête. J’ai passé mes entretiens d’entrée ce matin, et je n’ai pas été prise. Mais c’est pas grave, même si c’est dommage que je ne puisse pas me retrouver à l’Académie avec toi. Je suis sûre qu’il y avait plein d’élèves qui s’épanouiront là-bas bien plus que moi. Et puis comme ça, je peux continuer à profiter de Lorgol sans me charger des responsabilités d’une élève de l’Académie.

Je m’efforçais d’être aussi optimiste que possible pour ne pas montrer à Astrée qu’une part de moi était monstrueusement en colère d’avoir échoué, qu’une autre, plongée dans le désespoir, s’interrogeait à propos du vide abyssal de l’avenir qui s’étirait devant moi, et qu’une dernière ne se préoccupait absolument pas de ces entretiens d’entrée et ressassait sans cesse les tristes évènements de la Samhain.

— Et puis, au moins, j’aurais pu visiter la ville aux Mille Tours… et j’adore ! déclarai-je, mon enthousiasme reprenant le dessus. Elle est extraordinaire, parfaite, superbe, étonnante, sublime. Encore maintenant, j’ai l’impression qu’il me reste des centaines d’endroits immanquables à visiter. Quant à vous écrire… pardonne-moi, mais je n’y ai absolument pas pensé. Tout s’est passé si vite, c’était si nouveau, et venir ici était un tel coup de tête – tu me connais, une fois que j’ai une idée en tête, je ne réfléchis pas vraiment avant de la mettre en pratique ! Je n’ai pas réfléchi. Mais maintenant, oui, je penserais à te rendre visite ou à t’écrire. Souvent, d’ailleurs. Parce que je compte vivre à Lorgol pendant un petit temps encore, et il est hors-de-question qu’on vive si près l’une de l’autre sans même se voir.

Lorsqu’Astrée parla de ses projets, je n’hésitai pas une seule seconde à la soutenir. Et, malgré mes doutes, elle ne parut pas douter une seconde de la confiance que j’avais en elle. J’eus un sourire un peu attendri. L’optimisme d’Astrée faisait plaisir à voir. Enthousiaste, souriante, positive, elle était tout ce que je tentais de paraitre, et cela semblait si naturel chez elle… Peut-être était-ce pour ça que je l’appréciais autant : elle réunissait ces qualités que je tentais d’atteindre. De même, quand nous parlâmes de ma vie à Lorgol, elle affirma que la vie était parfaite. Cette certitude était… juste belle à voir. Un peu émue, je me laissai entrainer sans dire un mot de plus à ce propos. Les mots n’étaient pas nécessaires, de toute façon.

La détermination d’Astrée concernant ces maudits rubans, en revanche, était moins belle à voir. De toute évidence, ma cousine tenait absolument à ce que je choisisse avec elle. Je ravalai une grimace. Ce n’était pas que je n’avais pas bon goût, le problème, c’était que je ne faisais absolument pas attention à ce que je portais. L’idée de porter un ruban avec des abeilles, néanmoins, me fit sourire. De toute évidence, Astrée avait des arguments de poids – quoique, l’idée d’être trop mignonne me laissait plutôt indifférente. Ce qui fit finalement pencher la balance fut l’idée qu’Astrée n’en démordrais pas tant que je n’aurais pas accepté. Et comme je ne voulais pas vraiment me disputer avec elle sur un sujet aussi futile, je hochai finalement la tête.

— D’accord, je choisirai avec toi, mais c’est bien parce que je ne peux pas me résoudre à te refuser quelque chose qui semble tellement te tenir à cœur. Quant au ruban que je voudrais…

Je réfléchis une fraction de seconde. Qu’est-ce qui pourrait être de bon goût ?

— J’aime bien le blanc, déclarai-je finalement avec un sourire timide. Mais ce n’est pas nécessaire qu’il y ait des abeilles dessus. Les abeilles, je les préfère de loin quand elles sont réelles.

Oui, c’était un bon début. Avec un peu de chances, je pourrais survivre à ce terrible choix de ruban et m’en dépêtrer sans trop de problèmes. Du moins, je l’espérais. Quelque chose me disait qu’Astrée pouvait bien se montrer… surprenante.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyDim 26 Fév 2017 - 20:27

Astrée sourit encore plus, si c’était possible, en entendant le cri de Melinda alors qu’elle tentait de la chatouiller avec la délicatesse d’un éléphant piégé dans une cage de verre – avant que ça ne se retourne contre elle, et que ses cheveux si bien coiffés se retrouvent dans un état pas possible. L’air renfrogné, elle grommela que c’était injuste qu’elle profite d’être plus grande ou plus forte qu’elle, avant de retrouver une meilleure humeur quand elle sut être pardonnée – ou plutôt quand elle sut qu’elle aurait du vrai bon miel, mais elle allait pas dire à sa cousine qu’elle n’avait jamais vraiment eu peur, quand même. Elle était bien trop adorable pour que Melinda lui en veuille, même pour un crime aussi atroce, elle en était persuadée.

« Je compte sur toi, hein, tu sais que je vais pas m’arrêter de penser à votre miel, maintenant, alors si tu ne m’en amènes pas, je vais être très très malheureuse, et me laisser dépérir de désespoir. »

La petite blonde tournoya sur elle-même, pour se défaire de l’étreinte de sa cousine - en se décoiffant encore un peu plus, et en niant totalement qu’elle l’avait lâchée avant cela ! – et lui tira la langue, avant de la regarder bouche-bée alors qu’elle lui disait qu’elle avait des abeilles ici. Ici, à Lorgol. Pour de vrai ? Des abeilles à Lorgol, pour de vrai !

« Mais où ça ? Et puis tu dors où ? Montre les moi, les abeilles et l’endroit où tu dors et… enfin, tout ! Tout ce que tu as vu ! Et comment tu les as transportées ? Et t’en as beaucoup ? Elles ont piqué personne ? Et je veux gouter, évidemment ! Tu veux pas qu’on prenne le thé chez toi ? Ou chez moi, hein ! »

Si Melinda ne l’arrêtait pas, elle aurait sûrement encore plein de questions. Elle serait intarissable, même. « Tu m’apprendras à en faire, un peu ? » Tout le monde aurait aussitôt compris que c’était une mauvaise idée, qu’Astrée n’aurait jamais la retenue nécessaire à ça, sauf elle. Elle savait être calme et patiente, mais pour observer les constellations. Pas pour ça. Même si elle ne pouvait pas le dire sans essayer.

Elle s’arrêta net, quand elle entendit que Melinda avait pas été prise. Comment ? C’était scandaleux ! Elle était sûre qu’elle en avait le potentiel, et qu’elle aurait été leur meilleure élève, elle. Elle ira demander des explications, dès le lendemain ! C’était tout sauf normal ! Elle cacha sa tristesse derrière son indignation, un peu, et son enthousiasme : « eh ben c’est pas grave ! Tu viendras voir quand même ma chambre, et tu y dormiras avec moi ! Et tu pourras parler magie avec Aurore, et les autres élèves ! Voilà ! » Oui, tout était arrangé. Tout.

« Tu restes quand même, pour faire du bon miel, promis ? Elle savait très bien que le miel n’était qu’un prétexte, et qu’elle était rassurée, surtout, de se dire que sa famille serait proche d’elle, mais elle ne l’admettrait pas. Mais tu pourras encore, longtemps ! On visitera ensemble, on se perdre, on découvrira des lieux qu’on ne connaissait pas ! Et c’est pas grave pour l’écriture, tu es là maintenant, et tu vas tout me dire ! Et si tu te sens toute seule, on pourra demander à papa et maman un de nos lapins, pour te tenir compagnie, quand on viendra pas te voir ! Tu veux ? » Elle l’aurait quand même, de toute façon.

Tout comme Astrée aurait gain de cause pour les rubans. Elle savait comment convaincre Melinda, elle l’espérait en tout cas, et elle poussa un petit cri de victoire, quand elle lui affirma choisir avec elle. Elle savait qu’elle pouvait compter sur sa cousine. Et elle savait, qu’elle avait bon goût : quoi de mieux que le blanc outreventois ? Elle serait splendide, avec son petit ruban. Bon, pour le lapin qu’elle aurait, il en faudrait un pas blanc, sinon ça se verrait pas, sauf s’il était pas blanc lui-même. Il faudrait voir. Mais elles allaient choisir des rubans. Enfin, sauf si elles allaient voir les abeilles.

« Du coup, on va choisir les rubans ? Ou voir les abeilles d’abord ? » Les abeilles, elles pourraient les voir plus tard, la boutique fermerait, elle.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 7 Mar 2017 - 14:12

Elle protesta, Astrée, quand je lui ébouriffai les cheveux, mais son commentaire sur l’injustice de la situation me fit hausser les yeux au ciel. J’étais sa cousine, bien sûr que je pouvais me servir de ma taille et de ma force pour m’en prendre tendrement à elle ! Néanmoins, je savais que dans la même situation, j’aurais grommelé une protestation semblable, aussi choisis-je de ne pas répliquer à ce sujet. Je me contentai de lui dire qu’elle était pardonnée, heureuse de voir que ces simples paroles suffisaient à lui faire retrouver sa bonne humeur naturelle.

Je ne pus retenir un rire moqueur quand Astrée prétendit que si je ne lui amenais pas de miel elle se laisserait dépérir de désespoir. Sincèrement, j’en doutais. Ma cousine avait toujours été souriante et joyeuse par nature, et je doutais que l’absence de miel pouvait miner son caractère, même si manquer de miel était une catastrophe, une situation sans espoir et sans réconfort. Cela dit, je lui avais promis, et je tenais toujours mes promesses. Enfin, presque toujours – grâce à un certain voltigeur qui m’en avait fait oublier une, de promesse.

— Eh, je te l’ai promis, protestai-je en haussant les épaules, un sourire amusé étirant mes lèvres. Est-ce que tu m’as déjà vu briser une de mes promesses, Astrée ? En fait, je pourrais presque me vexer, que tu me fasses si peu confiance. Je te l’amènerai, ce miel. Sinon, je t’autorise à venir me tirer les oreilles.

Astrée était capable de faire plus que me tirer les oreilles si jamais j’oubliais son miel. Mais une telle chose n’arriverait pas. D’abord parce que je lui avais fait une promesse, mais aussi parce qu’elle était ma cousine, un membre de ma famille, et que je tenais à elle. Je la regardai tournoyer sur elle-même et me tirer la langue, portée par cette bonne humeur qui me fit chaud au cœur. Qui ne trouverait pas ça adorable, sincèrement ? Même son flot de questions me plaisait. Elle parlait beaucoup, preuve que je l’avais bien éduquée, cette petite. Je la laissai parler, réfléchissant en même temps aux réponses que je pourrais lui donner, si bien que je répondis d’une traite quand enfin elle me laissa quelques secondes de libre pour pouvoir prendre la parole.

— Elles sont à la Taverne de la Rose, et moi aussi. C’est là que je dors. Je veux bien te montrer, quand tu veux. Maintenant, même, si tu as le temps. Mais pour te montrer tout ce que j’ai vu, il faudra bien plus qu’une soirée ! Je me suis perdue dans la ville aux Mille Tours au moins une bonne centaine de fois, au bas mot.

Doux souvenirs, de ces moments que j’avais passés à tenter de retrouver mon chemin à travers les rues de Lorgol ! J’avais découverts des lieux étranges, nouveaux et tous avaient un côté que j’avais trouvé… sympathique et joli.

— Quant à la façon dont j’ai transporté mes abeilles, tu ne me croiras jamais ! Le duc de Lagrance en personne a mis son mage des portails à ma disposition pour que je puisse faire le voyage entre le rucher ducal d’Outrevent et Lorgol ! poursuivis-je sans m’interrompre. J’ai encore peine à croire qu’il ait répondu à ma demande au lieu de me rire au nez.

Certes, l’histoire était édulcorée de toute la partie terrifiante où nous avions été attaqués par les anges pleureurs mais elle ne contenait aucun mensonge. Et puis elle était bien comme ça, cette histoire. Elle faisait presque de moi un personnage important.

— Enfin, toujours est-il que je les ai ramenées à la Taverne. Freyja – c’est la propriétaire, elle est… spéciale, mais profondément gentille – avait accepté que je les installe là-bas, en échange d’un peu de ma production. J’en ai moins qu’à la maison, c’est vrai, mais j’en ai beaucoup quand même, tu verras. Personne ne s’est encore plaint d’être piqué, mais tu sais, les abeilles tiennent à leur vie, elles ne piquent que si elles se sentent en danger. Il suffit qu’elles soient en sécurité, et elles ne posent aucun problème !

Certes, faire en sorte que les abeilles se sentent en sécurité était un problème un peu plus compliqué, mais je n’étais pas certaine qu’Astrée désire vraiment être aspergée de détails techniques.

— Quant à prendre le thé, je te suis, Astrée, déclarai-je en levant les mains au ciel, lui laissant l’entière responsabilité de la décision. Et pour t’apprendre, pourquoi pas, un jour, où tu auras un peu de libertés. Mais l’Académie doit te prendre beaucoup de temps, non ? Je ne voudrais pas empiéter sur tes études, tu vois ?

Pas une seule seconde il ne me vint à l’esprit qu’Astrée pourrait ne pas avoir la patience nécessaire. Moi-même, quand j’étais gamine, j’avais tendance à être une apicultrice absolument insupportable. Il m’avait fallu apprendre à aimer ces petites bêtes avant de m’en occuper correctement. J’étais certaine qu’avec un peu d’entrainement Astrée pourrait faire du miel presque aussi bon que le mien.

Nous parlâmes de mes examens à l’Académie, et l’enthousiasme d’Astrée se joignit au mien pour rendre tout à fait sincère le sourire sur mon visage. Tout paraissait si facile, si évident, dans la bouche de ma cousine ! Je hochai la tête à toutes ses propositions.

— Ce serait génial, avouai-je avec un enthousiasme que j’espérais semblable au sien. Invite-moi quand tu veux !

J’avouai à Astrée que je comptais rester encore un peu à Lorgol, et bien mal m’en prit ! Elle attendait de moi une promesse que je ne pouvais pas vraiment lui faire. Je ne voulais pas m’attacher à la ville aux Mille Tours de façon aussi définitive. Certes, je n’avais pas encore vraiment décidé ce que je voulais faire maintenant que j’avais échoué aux entretiens d’entrée, mais ce n’était pas une raison pour me laisser enfermer ici par ma cousine, aussi convaincante soit-elle, et aussi belle soit la ville. J’eus un sourire que j’espérais positif et dépourvu des doutes qui rongeaient mon esprit.

— Qui voudrait abandonner cette ville ? me contentai-je de dire, sans pour autant faire de promesses.

J’espérais qu’Astrée se laisserait tromper par cette unique question, et qu’elle ne remarquerait pas que je n’avais rien promis. Rien n’était moins sûr, pourtant. Elle était intelligente, ma cousine, et elle me connaissait bien. D’un autre côté, tout comme moi, elle se laissait souvent emporter par les mots. Peut-être que, distraite, elle passerait à coté de ce détail ?

— Ce serait avec plaisir que je me perdrai dans la ville avec toi, même si comme j’ai visité une assez grande partie de la ville, je pense que ce sera difficile, au moins un peu. Et je ne me sens pas seule, Astrée. Tu sais bien que la solitude ne me fait pas peur, et puis j’ai rencontré plein de gens dans cette ville, et j’ai mes abeilles. D’ailleurs, je ne sais pas m’occuper de grand-monde, à part des abeilles et de moi-même. Si tu m’offrais un lapin, il finirait probablement par fuir, ou par mourir, et je ne voudrais pour rien au monde qu’une telle chose se produise.

Je ne savais pas si mes arguments allaient faire céder Astrée. Ma cousine n’était pas vraiment du genre à céder. Elle était profondément obstinée. D’ailleurs, je ne pus qu’accepter d’aller choisir ce maudit ruban avec elle, optant pour du blanc, songeant que c’est une couleur qui ne pourrait pas être laide. Mais Astrée parut soudain hésitante, et elle me demanda si on allait choisir nos rubans ou voir les abeilles. Je ne pus m’empêcher de rire. Un peu de pragmatisme, chère cousine…

— Allons choisir les rubans. On aura tout le temps d’aller voir mes abeilles dans la soirée, ou même un autre jour. Parce qu’il faut absolument qu’on se revoie encore. On ne peut pas décemment résider si près l’une de l’autre sans se parler souvent !

J’avais encore peine à croire que j’étais à Lorgol depuis six mois et que je n’avais pas croisé une seule fois ma cousine ! C’était inacceptable, et ça allait devoir changer !
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyLun 13 Mar 2017 - 20:58

Elle fronça les sourcils, en l’entendant rire, alors qu’elle lui affirmait qu’elle souffrirait la plus cruelle des absences, sans le miel promis – la preuve, elle en avait acheté du nettement moins bon, simplement pour en avoir ! C’était bien qu’elle ne pouvait vivre sans. Elle s’apprêtait d’ailleurs à le dire, triomphante, pour prouver qu’elle disait bien la vérité – comme toujours -, mais sa cousine la devança, en lui disant qu’elle ne brisait jamais ses promesses.

« Pardon, je sais que tu ne prendrais pas le risque d’offenser Levor, en trahissant ta promesse. Mais je n’oublierai pas ton autorisation, si tu m’oubliais ! J’espère que tu n’es pas trop douillette des oreilles. »

Parce que non seulement, elle les lui tirerait, mais elle jacasserait tellement pour lui prouver que c’était honteux, un scandale même, qu’elle demanderait grâce et l’implorerait d’arrêter, en échange de plus de miel qu’Astrée ne pourrait en manger en toute une vie – ou toute une décennie, peut-être. Un peu comme elle le faisait en ce moment – à croire qu’elle aimait tant le son de sa voix qu’il lui était difficile d’y mettre fin elle-même, pour laisser la parole aux autres, ou même pour reprendre son souffle. Mais Melinda était suffisamment habituée pour ne pas chercher à l’interrompre quand elle partait dans une telle litanie, attendant qu’elle s’arrête d’elle-même.

« Oui, allons-y ! Je veux les voir, et après on ira à la boutique, et on se perdra dans les rues pour découvrir toutes ces merveilles qui t’ont tant marquée. Et on aura le temps, dans les jours, les semaines, à venir, pour tout voir ! Dès que je serai disponible et que toi aussi, alors on se baladera dans les rues ! De toute façon, en astronomie, on ne peut avoir cours qu’à la tombée de la nuit ! J’aurai plein de temps pour toi, même s’il faudra que je dorme un peu ! »

Oui, beaucoup de temps, même si elle passait beaucoup de temps à perfectionner de mémoire sa carte des étoiles. Elle le faisait sur des feuillets autres, pour ne pas risquer de gâcher la carte réelle, qui se devait d’être parfaite, la plus précise possible, et sans aucune tâche ou rature. Mais peu importait, elle n’allait pas embêter Melinda avec ça. Surtout qu’elle venait de lui confier quelque chose de bien plus important…

« Le duc de Lagrance ? Tu connais le duc de Lagrance ? Tu connais d’autres nobles ? C’est un… ami à toi ? Je sais qu’on peut pas dire ça, mais, enfin… Vous vous fréquentez ? Tu ne l’importunes pas, j’espère ? Tu me le présenteras ? Tu crois qu’il acceptera de me recevoir ? Et qu’il pourra me présenter notre duc ? Oh, dis moi que tu le connais assez pour lui demander cette faveur ? »

Elle doutait fortement que ça puisse être possible, mais elle avait déjà les yeux qui brillaient d’espoir, et elle priait en son fort intérieur pour que ça soit vrai et réalisable. Si Melinda fréquentait du beau monde, elle pouvait l’aider, non ? Et ça aiderait Aurore, aussi, parce qu’elle pourrait rencontrer Lionel ! Oh, ce serait tellement parfait ! Elle était presque en train de rêver debout, quand la voix de Melinda la ramena à la réalité.

« J’espère qu’elle prend bien soin de toi, cette propriétaire. Enfin, qu’elle te traite comme il le convient, avec une partenaire – parce que c’est ce que tu es, non ? Tu vends du miel à ses clients ? Tu la fournis pour sa cuisine ? »

Oui, elle devait bien la traiter, comme une égale. Elle espérait que c’était une femme et un endroit respectables, dignes de Melinda, et que les gens qu’elle y voyait n’étaient pas choquants. Elle avait complètement oublié que Lena vivait là, à vrai dire. Alors de là à se souvenir qu’elle appartenait à des pirates… Non, Astrée n’en avait aucun souvenir, peut-être même était-ce son subconscient qui l’avait volontairement effacé de sa mémoire.

« Je suis en spécialisation, c’est intensif, mais différemment de mes premières années. Je dois bien plus travailler par moi-même, même si j’ai des cours réels, bien sûr. Mais si c’est pas maintenant, ça peut être quand j’aurai fini, dans deux ans ? »

Elle était loin, l’humeur morose d’Astrée, toute enthousiasmée qu’elle était, par le fait de revoir sa cousine, et de prévoir bien des choses avec elle. Elle fronça les sourcils, légèrement, en l’entendant demander qui voudrait abandonner Lorgol – comme si elle avait peur de lui promettre, comme elle lui avait promis pour le miel. Elle pouvait pas aller à l’Académie, elle était peut-être juste pas sûre de ce qu’elle pourrait faire. Mais elle était persuadée, elle, qu’elle resterait à ses côtés à Lorgol. Oui, c’était certain. Ce serait parfait, en plus.

« Mais tu t’occupes bien des abeilles, pourtant ! Pourquoi tu pourrais pas t’occuper de Pinpin, si je te l’offrais ? Je suis sûre que tu saurais bien faire, moi. Et puis, je t’aiderai, en plus. Et sinon, tu pourras faire sembler de te perdre, pour me faire plaisir ? Hein, dis ? »

Comment aurait-elle pu le refuser à ces grands yeux qui la dévisageaient, essayant de le faire céder ? « D’accord, allons-y ! Et ensuite on ira chez toi ! Et on a pour obligation de se parler ! »

Prenant la main de Melinda, elle se mit à marcher un peu plus vite, évitant habilement les gens, ou presque, et poussa la porte de la boutique, qui s’avéra bruyante…e t plein de couleurs. « Regarde, y’a tout ce qui faut ! Viens, on va chercher le tien d’abord ! »
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyLun 20 Mar 2017 - 12:59

Astrée s’excusa d’avoir ainsi remis ma parole en doute, mais en fait, je ne lui en voulais pas vraiment. Je savais qu’elle ne doutait pas de moi, pas alors qu’elle me connaissait assez pour savoir l’importance que j’accordais à une parole donnée. Néanmoins, je pouvais comprendre que, devant l’appât du miel, elle oublie des choses aussi élémentaires que le fait que je respectais mes promesses en toutes circonstances. Elle ajouta même que si jamais je l’oubliais, elle pourrait aller jusqu’à me tirer les oreilles – une menace qui ne me paraissait guère effrayante, puisque je comptais le lui apporter, ce miel, simplement dans un acte de fierté, pour qu’elle puisse goûter celui que moi, je produisais toute seule, sans l’aide de mes parents ou d’une tierce personne.

— Inutile de réfléchir à ce qui pourrait m’arriver si je t’oubliais, puisque je ne t’oublierai pas ! déclarai-je avec un sourire assuré, avant qu’une lueur taquine n’apparaisse dans mon regard. Dommage, tu devras abandonner toute idée de me tirer les oreilles un jour – je suis sûre que ça te brise le cœur.

J’étais persuadée qu’Astrée adorerait me tirer les oreilles, juste pour voir l’expression que j’arborerai à ce moment-là. Et puis, bien entendu, elle se vengerait ainsi du fait que je sois son ainée et que je puisse impunément lui ébouriffer les cheveux dès que l’envie m’en prenait. D’ailleurs, tandis qu’elle déversait un flot de questions, mes doigts me démangeaient de l’interrompre aussi sauvagement. Mais je me contins, répondis sagement, et observai avec amusement l’enthousiasme dont elle fit preuve en retour.

— Je m’en voudrais beaucoup de t’empêcher de dormir, alors ne te prive pas de sommeil juste pour me voir ! C’est important, tu sais, que tu sois en forme pour tes études. Et même si tu n’as pas de temps à m’accorder, je me contenterai de t’envoyer des lettres de temps en temps – et du miel, aussi, par la même occasion. Je pourrai toujours te faire visiter Lorgol pendant tes vacances, ou quand tu auras fini tes cours. Enfin, de toute façon tu es assez grande pour prendre tes propres décisions, alors si tu penses que tu as le temps… je serai ravie de me balader avec toi et de te faire découvrir toutes les merveilles de la ville !

J’en serais même plus que ravie. J’avais tendance à m’occuper efficacement de mes abeilles, ce qui m’offrait une quantité de temps libre absolument faramineuse. Or, ces derniers temps, comme je me sentais plutôt démoralisée, je préférai de loin éviter de laisser mes pensées vagabonder trop longtemps – elles risquaient fort de se perdre dans de sombres horizons. La présence d’Astrée me faisait beaucoup de bien, et pour preuve, j’osai même mentionner le duc de Lagrance, si intimement lié à l’épisode traumatisant que j’avais vécu en Outrevent, et ce, sans même sentir la pointe de terreur qui me faisait frissonner à chaque fois que j’y songeais.

— Oh, je ne connais pas le duc de Lagrance si bien que ça, déclarai-je avec un sourire mutin. Je ne suis même pas sûre qu’il se souviendrait de moi, si nous venions à nous recroiser, ce qui m’étonnerait un peu. Mais il est très gentil, et peut-être que si tu lui demandes quelque chose avec ton plus grand sourire, il acceptera de t’écouter. Quant à te présenter notre duc…

Mon sourire s’élargit considérablement, et je me penchai un peu vers ma cousine.

— Tu sais que je lui ai déjà parlé ? déclarai-je avec les yeux brillants.

N’avais-je pas déjà raconté cette histoire à ma cousine ? En tous cas, si je ne l’avais pas fait, il était grand temps que je remédie à ce problème. Certes, ma conversation avec le duc n’avait pas été longue ni particulièrement passionnée, mais je l’avais croisé, je lui avais parlé – il m’avait répondu – et j’avais confirmé l’admiration et la loyauté que j’avais toujours ressenties jusque-là pour mon duc. Et puis, bien entendu, j’avais été terriblement fière qu’il s’arrête pour nous observer vendre notre miel, à moi et à ma famille. D’ailleurs, à propos de miel… il fallait que je finisse cette fameuse histoire à propos des abeilles. Et, encore une fois, j’eus à faire face à la curiosité d’Astrée.

— Je suis bien traitée, confirmai-je avec un hochement de tête affirmatif. En fait, je considère que j’ai même beaucoup de chances, la Taverne est un endroit plutôt sympathique, où on rencontre plein de gens particuliers. Je lui fournis du miel, exactement. J’essaie d’en vendre un peu aussi, mais ça dépend des jours. Il faut que j’en trouve le courage.

Ces derniers temps, d’ailleurs, je n’étais pas vraiment en état de vendre quoi que ce soit, ou de le présenter de façon avantageuse, aussi avais-je décidé de faire une petite pause. Les images de la Samhain tournoyaient toujours dans mon esprit, et je ne parvenais pas, aussi fort que j’essayais, à les chasser complètement. Mais la détermination d’Astrée me remontait le moral. Elle paraissait vraiment pleine de courage pour ses études, quand elle en parlait.

— J’imagine que ça doit être dur. Courage, cousine ! Si tu réussis, d’ici deux ans, je t’emmènerai auprès de mes abeilles pour t’apprendre, promis. Mais jusque-là, tu as tout intérêt à te concentrer sur ton travail ! Je sais que tu adores tes études, et je ne voudrais pas t’en détourner au risque de te faire échouer.

La conversation se poursuivit, jusqu’au moment où Astrée se convainquit qu’il serait judicieux de m’offrir un lapin pour compagnie. Je n’osai pas lui dire que Pinpin était un nom assez ridicule, et me contentai de refuser gentiment son offre. Mais elle était déterminée, ma cousine, et un sombre pressentiment me souffla qu’elle ne lâcherait pas l’affaire avant que j’accepte ce lapin. Pire, si je résistais, elle était capable de m’en accoler deux ou trois de plus, juste parce qu’elle trouverait ça mieux pour moi, ou peut-être pour que les lapins puissent se tenir compagnie les uns aux autres. D’un autre côté, je ne pouvais certainement pas accepter un lapin dans ma vie maintenant. Je ne pouvais même pas imaginer le sort du pauvre animal qui aurait à me subir…

— Les abeilles, c’est fondamentalement différent, marmonnai-je en grimaçant. Elles sont petites, elles sont bourdonnantes, et la plupart du temps, elles se débrouillent très bien toutes seules. Elles ont à peine besoin de moi ! Et puis, je sais comment m’en occuper. Alors que… Pinpin, je serai capable de le casser si je le tenais entre mes mains. En plus, je t’ai déjà dit que tu ne devais pas négliger tes études pour moi. Tu n’auras peut-être pas toujours l’occasion de venir t’occuper d’un lapin chez moi… Non, il vaut mieux que tu le gardes. Prends-en soin pour moi, d’accord ? Et en échange, je peux même faire semblant de me perdre !

C’était convaincant, non ? Mais convaincre Astrée était toujours une tâche ardue, et le résultat se révélait souvent imprévisible, d’après moi. D’ailleurs, j’avais même cédé à l’idée d’aller acheter des rubans avec ma cousine – je n’avais pas vraiment l’habitude de porter des rubans, en fait. Plus encore, je venais de proposer qu’on aille chercher les rubans avant que je lui montrer mes abeilles. Était-ce moi qui me montrais facilement manipulable avec ma cousine, ou était-elle particulièrement convaincante ? Je n’étais pas encore parvenue à le déterminer.

— Ça me va, comme programme, surtout l’obligation de se parler, déclarai-je avec un sourire moqueur, tandis qu’Astrée s’emparait de ma main pour accélérer un peu. A mon avis, ce ne sera pas un devoir très difficile à remplir, du moins pour ma part.

Astrée se faufilait de façon plus ou moins subtile entre les passants. Entrainée par son enthousiasme, je bousculai un passant, auprès duquel je m’excusai vaguement. Mais elle paraissait tellement contente de m’entrainer ainsi à travers les rues de Lorgol que je ne pris même pas la peine de lui dire de faire plus attention. Nous entrâmes dans une petite boutique remplie de rubans. Je pris une profonde inspiration. Bon, à présent se présentait la tâche ardue d’en choisir un, d’autant plus qu’Astrée, loin de m’aider ou de me soutenir dans ce difficile devoir, se contenta de me laisser le champ libre.

— D’accord, laisse-moi réfléchir, marmonnai-je pour gagner du temps.

Est-ce que j’avais vraiment accepté de choisir ce ruban ? J’avais peine à y croire. Désespérément, je cherchai un moyen de contourner la difficulté de la situation.

— Est-ce qu’on a pas dit qu’il faudrait prendre les mêmes, toi, moi, et Aurore ? questionnai-je en fronçant les sourcils, heureuse d’avoir trouvé une échappatoire. Du coup, je ne peux pas choisir la première, il faut forcément qu’on choisisse ensemble, au moins toi et moi. Parce que je ne voudrais pas choisir un ruban qui ne te plait pas, et puis être obligée d’abandonner, le cœur brisé, l’idée qu’on portera toutes les trois ce même ruban. Sauf si tu préfères qu’on ne soit pas assorties, évidemment ?

Si vraiment la situation l’exigeait, je sélectionnerai le ruban le plus immonde du magasin, et le proposerai à Astrée. Si elle préférait que nous ne soyons pas assorties, je prendrai un ruban blanc, tout simple, tout uni, sans fioriture. Et, ainsi, je survivrai à l’épreuve qu’elle venait de m’imposer, et pourrai lui montrer mes abeilles, lui offrir du miel et éventuellement lui proposer de prendre le thé avec moi. Parfait. Je pouvais m'en sortir.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyDim 16 Avr 2017 - 14:40

Elle était rassurée qu’elle lui dise ne pas l’oublier, mais tout de même… oui, elle ne pouvait nier que ça l’aurait amusée, de lui tirer les oreilles. Un jour, peut-être. Même sans raison, juste pour la prendre par surprise. Elle lui tira la langue, sans rien ajouter, n’approuvant ni n’infirmant ce qu’elle lui disait – elle n’était de toute façon pas idiote, et pas dupe. Et puis, ça n’était pas comme si elles ne s’étaient jamais disputées, pour plaisanter, un peu, plus jeunes. Ça ne changerait pas beaucoup.

Elle se recula, en voyant les yeux de Melinda se poser successivement sur ses cheveux puis sur ses propres mains, sachant pertinemment ce qu’elle devait avoir envie de faire. Elle était un peu plus grande, et avait plus de facilité à l’ébouriffer – elle qui prenait tant de soin de sa coiffure ! Elle avait mis presque une demi-heure, ce matin là, à faire une tresse impeccable. Elle lui lança un regarde suspicieux, lui interdisant de toucher à ses cheveux comme ça… si elle comprenait. Avant de se mettre à rire, en l’entendant.

« Mais t’inquiète pas, tu te lèves pas à aux aurores, quand même ! Je peux dormir à la lever du jour, et on peut se voir l’après-midi ! Enfin, si tu n’as rien à faire et que tu as du temps à me donner, je me doute bien que tu dois t’occuper des abeilles comme il faut et que je peux pas te voir tout le temps mais si je peux te voir un peu, c’est déjà bien, et puis ça sera chouette de passer du temps ensemble. On pourra sauter dans des flaques d’eau, comme quand on était petites, quand il pleuvra, et rentrer prendre un bon bain, et se coiffer et, enfin, voilà… »

Elle n’était plus sûre que Melinda appréciait tout ça, mais, enfin… Ça serait sympa, non ? Oui, ça le serait, mais elle finit par totalement oublier tout ce qu’elle avait prévu qu’elles pourraient faire, les deux dernières minutes, quand elle lui dit qu’elle avait vu le duc de Lagrance, et qu’il lui avait parlé. Parlé ! PARLÉ ! Elle criait presque, dans son esprit, à réaliser cela.

« Tu lui as parlé ? Tu as parlé au duc de Lagrance ? Vraiment ? »

Elle parlait avec excitation, n’en revenant pas. Sa cousine, parler à un duc ? Comment était-ce possible ? Elle la regardait subujuguée, avant qu’une graine de doute ne vienne se poser en elle. Elle ne pensait pas Melidna ainsi du tout, elle tenait à cœur de préserver son honneur tout comme elle, mais… Enfin, on disait beaucoup de choses, sur ce duc, et bien des choses scandaleuses qui lui faisaient se boucher les oreilles, car elle ne voulait rien entendre à ce sujet, généralement.

« Je… Tu… Enfin… Il ne t’a pas convaincue de… De faire place à son dragon, si ? Je… Je crois que les gens disent comme ça, mais… Il paraît qu’il est très agréable, mais tu n’aurais pas fait ça ? Pas que je t’en crois capable, mais… »

Elle était rouge, et elle manquait de s’étouffer sous ses propres mots, ayant grande honte de ce qu’elle osait dire. Mais elle ne pouvait pas ignorer le risque que… enfin, que sa cousine se soit déshonorée. Si c’était le cas, les choses ne pouvaient pas rester comme telles. Elle devait, devrait se marier. Vite. Au cas où…

Sauf qu’elle n’avait pas l’air troublée, et qu’elle enchaînait l’air de rien, sur sa vie à la Taverne. Bizarre. Soit elle lui cachait quelque chose, soit Astrée avait peur pour rien. Elle espérait très fort que ce soit la seconde option et que Melinda démentirait toutes ses questions, alors elle hochait la tête, sans rien ajouter. Tant qu’elle était bien, et vertueuse, c’était tout ce qui importait.

« Mais tu me détournerais pas de mes études, je te jure ! Mon tuteur est très sympathique, il prend bien soin de m’apprendre ce que je dois apprendre et de m’aider dans mon projet, je mènerai tout à bout. Et ma carte du ciel, elle me prendra des années, des décennies même, c’est un travail de toute une vie ! »

Elle devait se douter que jamais Astrée n’abandonnerait ou ne se laisserait convaincre de suivre ses études en dilettante, non ? Elle était peut-être un peu fainéante, mais elle était bien trop sérieuse pour ça ! Elle voulait peut-être faire semblant, pour la contrarier. Comme en refusant Pinpin.

« Mais justement, Pinpin est plus grand et plus gros, il te fera savoir, s’il a besoin de quelque chose ! Et tu pourrais pas le casser, c’est pas une petite statuette fragile. Il retombera toujours sur ses pattes, comme les chats. Mais bon, je te le donnerais quand tu auras plus de temps… Je voudrais pas qu’il t’empêche de faire et de vendre ton miel. J’en prendrais bien soin en attendant. »

Oui, il serait quand même à Melinda, un jour. Enfin bon. Astrée haussa les épaules, et sitôt qu’elle eut l’autorisation, elle entraina sa cousine vers la boutique à laquelle elle voulait se rendre. Elle pencha la tête, un instant, en l’écoutant. Oui, elle avait raison. Ça serait beaucoup plus mignon, qu’elles aient le même. Elles seraient toujours ensemble, un peu, comme ça. Surtout maintenant qu’elles étaient séparées – pas loin les unes des autres, finalement, mais séparées.

« Bonne idée ! Tu crois que du gris nous irait à toutes ? Ou du bleu, peut-être ? Mais tu te moques de moi, en disant que tu aurais le cœur brisé ! Je te connais. »

Oui, elle n’était pas dupe.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyMar 30 Mai 2017 - 14:21

Je n’avais aucune envie qu’Astrée néglige ses cours ou son sommeil à cause de moi. D’un autre côté, si elle prétendait que ce n’était pas un problème pour elle, je n’allais certainement pas rater une occasion de me distraire. Elle me paraissait peut-être encore jeune, mais elle était sûrement assez grande pour prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Et puis, sa proposition était tentante ; elle parvint même à m’arracher un sourire amusé. Je nous revoyais, petites, jouer, nous amuser et rire ensemble. Tout était si simple, alors, tout était moins… triste. Et mon frère était encore en vie. Je parvins miraculeusement à conserver mon sourire et hochai la tête avec un enthousiasme un peu feint pour gagner le temps de me calmer, afin qu’aucune trace de mon trouble ne vienne altérer ma voix.

— D’accord, on fera comme tu le veux ! déclarai-je avec entrain. Je t’accorderais tout le temps que tu voudras ! Je trouverais toujours un petit moment quelque part pour m’occuper de mes abeilles, de toute façon, alors n’hésite pas une seule seconde à venir m’offrir ta présence. Ça me ferait plaisir.

J’aurais même pu lui demander de venir le plus souvent de possible – tous les jours peut-être – avec un joli « s’il-te-plait » mais j’avais d’autres moyens plus amusants de m’assurer sa présence. Je pouvais bien évidemment l’appâter avec la promesse d’un bon miel et d’une agréable conversation, mais je pouvais aussi semer quelques mystères, ici et là, comme celui de ma rencontre avec le duc de Lagrance. J’étais bien décidée à ne pas raconter en détails ce qu’il s’était produit dans le rucher ducal – trop effrayant, et trop déplacé dans cette rencontre tissée de sourires et de joies. Sa surprise, en tous cas, valait bien tous les sacrifices.

— Vraiment, affirmai-je en hochant calmement la tête, un sourire empli de fierté étirant mes lèvres – comme si ma rencontre avec le duc de Lagrance avait tenu à mes talents personnels plutôt qu’au hasard.

Pas une seconde, néanmoins, je ne me doutai des hypothèses qui pouvaient bien traverser l’esprit de ma cousine. En fait, de telles idées me paraissaient si saugrenues que lorsqu’elle commença à les énoncer, je restai perplexe, à la regarder s’embarrasser, rougir et buter sur les mots. De quoi parlait-elle ? Le duc de Lagrance n’avait pas de dragon, du moins, pas que je sache, et je ne voyais pas ce que ça avait à faire avec le fait que le duc soit agréable. De même, il me paraissait étrange qu’Astrée en soit aussi perturbée.

— Je ne vois pas…, commençai-je avant de comprendre, dans un éclair de lucidité, et de devenir aussi rouge que ma cousine. Tu ne penses quand même pas que… Non, bien sûr que nous ! On a parlé, juste parlé, je n’ai pas… pas…

Quelle expression avait-elle utilisé ? Fait place à son dragon ? Les mots s’étranglèrent dans ma gorge, et je finis par abandonner l’idée de les prononcer, me contentant de secouer la main devant moi en guise de remplacement.

— Je n’aurais jamais fait une chose pareille, déclarai-je d’un ton ferme. Tu le sais bien, quand même.

La conversation se poursuivit, et à nouveau, Astrée m’assura que je ne la détournerais pas de ses études, en ajoutant, comme une cruelle piqure de rappel, qu’elle avait un projet de vie qu’elle appréciait beaucoup. C’était bien. Je devrais être heureuse. Pour elle. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que j’avais cinq ans de plus qu’elle et que moi, je n’avais toujours rien fait de mon existence. Pire : j’étais probablement en train d’en piétiner les fragments qui restaient. Mon avenir se résumait à quelque chose d’obscur. Elle, elle paraissait voir ce qu’elle allait faire avec une évidence qui m’échappait complètement.

— C’est comme tu le sens, murmurai-je simplement avec un doux sourire.

Mais je le regretterais, vraiment, si par ma faute elle perdait cette capacité si précieuse de savoir avec autant d’évidence et de détermination ce qu’elle comptait faire. De toute façon, il serait étonnant qu’Astrée abandonne. Elle pouvait faire preuve d’une détermination étonnante, parfois, comme par exemple concernant ce lapin dont elle voulait que je m’occupe. Par chance pour moi, je pouvais parfois me montrer aussi obstinée qu’elle, et il était hors-de-question que j’accepte de m’occuper de ce dénommé Pinpin. Les abeilles étaient les seuls animaux que j’acceptais volontiers de prendre sous ma responsabilité. J’étais bien plus attachée à leur doux bourdonnement qu’aux longues oreilles d’un lapin, aussi mignon soit-il.

— Sincèrement, tu pourrais bien être surprise, Astrée. Tu sais que je peux être vraiment distraite, parfois. Je risquerais d’oublier totalement son existence et de le laisser mourir de faim. Vraiment. Mais on n’en parlera quand j’aurais plus de temps, si tu veux. En attendant, tu en prendras soin bien mieux que moi.

J’avais déjà énormément de temps libre que je m’efforçais de remplir, mais c’était un détail qu’Astrée n’était pas forcément obligée de savoir maintenant. Elle en profiterait pour me pousser son lapin dans mes bras et de s’enfuir avant que j’aie eu le temps de protester, me laissant, bon gré mal gré, m’en occuper jusqu’à ce que je puisse la revoir. Je ne pus m’empêcher de sourire, soudain, en m’imaginant mettre son lapin dans une boite et lui envoyer un colis à l’Académie, éventuellement accompagné d’un de ces pots de miel qu’elle m’avait demandés. Peut-être prendrait-elle conscience, alors, que je n’étais pas capable de m’occuper de ces créatures.

Le soulagement d’avoir désamorcé une des idées d’Astrée fut de courte durée : elle en avait une autre à l’esprit. Elle voulait m’obliger à choisir un ruban, ce pour quoi je n’étais tout simplement pas faite. Je préférais encore fermer les yeux, m’avancer dans le magasin, et choisir n’importe quel bout de tissu. Certaines situations méritaient qu’on perde son temps, mais pas les vêtements ou les rubans pour cheveux. Mais Astrée était tellement enthousiaste que je me voyais mal le lui dire de but en blanc. Je ne voudrais pas la blesser.

— Oui, le gris, c’est joli, comme les nuages juste avant un orage, déclarai-je en hochant la tête. Oh, ou du bleu, comme la mer qui s’étend à perte de vue à l’horizon !

J’aimais bien les comparaisons. Elles étaient faciles à faire et pouvaient très aisément donner l’impression que nous étions en train de choisir ensemble, Astrée et moi. Mais elles ne m’obligeaient pourtant pas à donner un avis que je n’avais pas.

— Bon, je n’aurais peut-être pas exactement le cœur brisé, admis-je néanmoins quand Astrée m’en fit la remarque. Mais je pense quand même qu’il serait triste que mon choix te déçoive. Je préfère prendre mes précautions, tu vois. Et puis, ce serait bien, de porter les mêmes rubans. Ce serait un peu comme un lien qu’on partagerait, Aurore, toi, et moi, même si on est loin les unes des autres et qu’on ne se voit pas.

J’aurais aimé partagé un tel lien avec mon frère, quelque chose qui m’unirait à lui par-delà la mort. Mais je n’avais que les doux souvenirs que nous avions partagés, qui s’étaient teintés d’amertume au fil du temps. Il était toujours temps que je fasse pareil avec mes cousines, que je sois liée à elles, en quelque sorte et de façon purement symbolique. Au cas où… au cas où elles en viendraient à rejoindre le Sans-Visage.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyDim 11 Juin 2017 - 20:18

Enfin, elle parvenait à la raison, et elle comprenait qu’elle ignorait pas ses études. Elle deviendrait pas la plus grande cartographe du ciel dans tout Arven, en négligeant cet apprentissage qu’elle aimait tant – surtout qu’elle était pas sûre que son professeur ne la mange pas, si elle cessait de s’investir. C’était que lui et elle, et il était pas commode. Pas commode du tout, surtout pas envers les étudiants qu’il avait acceptés comme assistants. Elle le secondait pour bien des choses, mais il n’en était pas moins exigeant et intransigeant. Après tout, elle s’était engagée à fournir un résultat, à ne pas se tourner les pouces. Bref, ce n’était pas le moment d’y penser, et ça n’intéressait surement pas réellement Melinda, de l’entendre s’épancher sur ses relations avec son mentor et sur tout ce qu’elle pouvait être amenée à apprendre. Non, probablement pas.

« Je viendrais tous les jo… non, tous les deux ou trois jours ! Ou toutes les semaines, si c’est trop ! Et je t’amènerai de jolies cartes des étoiles que j’aurai peintes, pour mettre sur les murs de l’endroit où tu vis. Parce que je parie que tu as que des abeilles ou rien du tout dessus, pas vrai ? Même pas de jolis tableaux… C’est grand, où… »

Elle ne vint pas au bout de sa question, Astrée, complètement oubliée au profit de la rencontre de sa cousine avec un duc. UN. DUC. Un vrai. Elle en était presque jalouse. Non, elle en était totalement jalouse, mais elle était aussi heureuse pour sa cousine, un peu bêtement peut-être. Jusqu’à ce qu’elle imagine le pire. L’impensable. Le scandaleux. Elle croyait pas ça de sa cousine, mais… Enfin, il avait une réputation, et, et… Peut-être qu’il l’aurait forcée. Même si les ducs, ça faisait pas ça, si ? Ou alors il l’aurait… charmée ? Convaincue qu’elle le voulait ? Elle grimaça fermement, avant de pousser un soupir soulagée à la vue des rougeurs sur les joues de Melinda, et à l’entendre dire que non. Ouf. « Je pensais bien que non mais… Enfin, tu sais ce qu’on dit. Peut-être qu’il t’avait retourné la tête. J’ai eu peur, mais je te jure, j’aurai plus jamais peur comme ça. Je sais qu’on parle de toi, que tu es honorable, et que tu risques pas de faire ce genre de choses. Excuse-moi. » Oui, parce que si on avait pensé ça d’elle, Astrée était pas sûre de pardonner. Alors si sa cousine le ferait… Elle lui serait éternellement reconnaissante.

Elle haussa les épaules, quand elle réagit sans vraiment réagir à ses études : bah, peu importait ! Tant qu’Astrée pourrait la voir, elle serait heureuse. C’est pourquoi elle lui proposa de prendre Pinpin, et de l’aider, et tout. Même si elle savait qu’elle la verrait sans ça. Elle pouvait pas ne pas la voir, maintenant qu’elle était dans cette ville aux merveilles ! Non, elle ne pouvait pas, c’était tout. Elle hocha quand même la tête, quand elle refusa – pour le moment – de s’occuper de Pinpin. Elle en tomberait bien plus vite qu’elle ne le pensait amoureuse, quand Astrée lui amènerait ‘juste pour lui montrer’, et elle ne voudrait plus s’en séparer. « Il sera en parfaite forme, quand tu pourras t’en occuper, promis ! » Oui, une promesse. Et pour Astrée, une promesse était sacrée.

Mais il ne servait à rien d’en discuter encore, alors elle tira Melinda par la main pour l’amener dans un magasin de rubans, et en choisir plusieurs. Pour Aurore, pour Melinda, pour elle. Le même, peut-être. Probablement, vu que Melinda le voulait comme ça. « D’accord, d’accord, je choisis ! Eh ben, on en aura un bleu et un gris ! Chacune ! Comme ça, on aura même le choix, si on veut changer, et qu’on soit liées quand même. Et le bleu du ciel, ça va bien avec le gris des nuages. On peut même en prendre un jaune comme le soleil ou comme les étoiles dans le ciel. Oui, voilà, on a qu’à faire ça. »

Elle s’approcha de la vendeuse, pour prendre tout ça, et elle paya le tout, même si elle épuisait toutes ses économies pour ça. Elle avait pris des rubans de très bonne qualité : elle voulait faire plaisir à sa sœur et à sa cousine. Cousine qu’elle poussa à sortir de la boutique, l’inondant de paroles pour l’obliger à l’amener chez elle.

« Je verrais comment c’est, comme ça. Et je te ferai des tresses, avec tes nouveaux rubans. Et je dirai bonjour aux abeilles. Et je te prendrais du miel, aussi. T’es d’accord, dis ? »

Elle attendit qu’elle l’y amène, babillant encore. Beaucoup.
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Message Sujet: Re: Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde   Je rêvais d'un autre monde, où la terre serait ronde EmptyLun 26 Juin 2017 - 22:45

J’avais dit qu’elle pouvait venir quand elle le voulait, et ce n’était pas une plaisanterie, ni même des paroles dont je n’avais pas pesé le poids. Astrée était un membre de ma famille, et elle serait toujours la bienvenue à mes yeux. J’étais capable de reporter tout le reste pour lui accorder quelques instants. Ma famille était de ces choses primordiales, de ces choses devant lesquelles tout le reste passait au second plan. De toute façon, la seule occupation que je devais absolument remplir, c’était de m’occuper de mes abeilles. Mes abeilles étaient un peu comme des membres de ma famille, elles aussi, mais elles pouvaient attendre ; elles seraient toujours là pour que je m’en occupe plus tard. Au contraire, je n’avais pas l’occasion de voir Astrée dès que l’envie m’en prenait.

Je n’avais pas le sentiment que « tous les deux ou trois jours » c’était trop. Récemment, j’avais découvert qu’il était bien plus facile de ne pas penser aux choses déprimantes en parlant à autrui, de tout, de rien, ou d’autre chose – les monologues, eux, avaient cette tendance désagréable à enfoncer dans le désespoir une personne déjà triste. Pour ne rien gâcher, Astrée était une interlocutrice particulièrement agréable, et son enthousiasme me réchauffait le cœur et éloignait mes pensées moroses. Et puis, ses attentions m’attendrissaient – comment ne pas l’être, par exemple, devant ces cartes des étoiles dont elle voulait décorer les murs de ma chambre ? Je ne pus retenir un sourire amusé. Ma cousine se comportait comme si des abeilles, ou même rien du tout, serait une piètre décoration, alors que ça me semblait tout à fait respectable.

— Oh, je découvrirais ces cartes des étoiles avec plaisir. Je dois avouer que mes murs sont un peu vides pour l’instant. Je n’ai pas encore vraiment pris le temps de les décorer, pas même d’abeilles.

Ma cousine me connaissait bien, visiblement. Peut-être un peu trop.

— Mais ne t’inquiète pas, je vais très bien comme ça, ce n’est pas comme si j’admirais souvent les murs de ma chambre. La plupart du temps, je suis dehors, à vagabonder dans les rues de Lorgol, ou bien je m’occupe de mes abeilles, ou je rencontre par hasard mon adorable cousine. Tu vois, je n’ai pas vraiment le temps de me lamenter sur le manque de décorations.

La conversation dériva bientôt sur des sujets bien plus sérieux. Astrée me soupçonnait… de quoi ? D’avoir eu une aventure avec le duc de Lagrance ? Ce n’était pas un sujet de plaisanterie, et mon ton d’habitude léger se durcit. Néanmoins, quand ma cousine me répondit, je me radoucis rapidement. Bien entendu qu’Astrée n’avait pas pensé à mal. Certes, elle aurait pu se dire que je n’étais pas le genre de filles à me laisser facilement retourner la tête, mais je comprenais qu’elle ait pu avoir peur. Il était déjà arrivé, après tout, que certaines filles qu’on n’aurait jamais soupçonné de se montrer déraisonnable fassent de telles erreurs.

— Excuses acceptées, cousine, déclarai-je avec un doux sourire. Je ne vais pas t’en vouloir pour t’être inquiétée pour moi, même si lesdites inquiétudes étaient, en l’occurrence, plutôt infondées.

Et nous n’étions pas encore sortis des sujets sérieux, visiblement, puisqu’Astrée proposa de me confier son lapin. Une proposition que je ne pouvais pas accepter si je voulais m’occuper de façon correcte dudit lapin. J’étais suffisamment distraite pour oublier jusqu’à son existence et le laisser mourir. Ma cousine n’était pas du genre à abandonner facilement, et je m’apprêtais déjà à livrer un rude combat pour que ce lapin mène une vie saine. Néanmoins, Astrée finit par accepter de s’en occuper « jusqu’à ce que j’aie plus de temps pour lui ». Je hochai la tête avec un léger sourire, songeant en mon for intérieur qu’elle n’avait certainement pas abandonné l’idée de me confier ce dénommé Pinipin, et que je risquerais fort de me retrouver avec cet animal dans les bras d’ici peu. D’autant plus que nous avions prévu de nous voir le plus souvent possible.

Je n’eus toutefois pas le temps d’y réfléchir plus longtemps, car un autre défi, et non des moindres, se profilait devant moi. Il fallait que j’évite de choisir ce ruban. Je ne sus trop comment je parvins à me dépêtrer de la situation, mais toujours fût-il qu’Astrée se décida à choisir les rubans. Je savais que son choix serait judicieux. Bleu, gris, et jaune. Bon choix. Bleu comme la tristesse qui parfois m’envahissait, gris comme l’ennui, et jaune comme la joie et l’enthousiasme qui m’animaient, en cet instant, tandis que je choisissais les rubans aux côtés de ma cousine – enfin, tandis que je la laissais choisir, plus exactement.

— Excellente idée ! la soutins-je. Je savais que je pouvais te faire confiance à ce sujet.

Astrée paya tous les rubans. J’hésitai, durant un bref instant, à insister pour régler une partie du montant, mais elle semblait déterminée ma cousine, et je l’avais probablement suffisamment contredite pour aujourd’hui. Et puis, nous allions nous voir plus souvent, dorénavant. Je trouverais bien autre chose à lui payer, pour la remercier. Nous sortîmes donc du magasin, Astrée me noyant sous un flot de paroles pour que je lui montre où je logeais, faisant déjà mille-et-un projets sur ce qu’elle allait faire une fois là-bas. Je ne pus retenir un sourire attendri, émue par son enthousiasme.

— Evidemment que je suis d’accord ! déclarai-je avec un large sourire, qui s’élargit lorsque je vis le long bâillement de ma cousine. Mais peut-être qu’on ne fera pas tout ce soir, je ne voudrais pas te voir tomber de sommeil au milieu d’une phrase. Enfin, je suppose que je peux quand même te montrer où je loge. Viens, je vais t’y conduire.

Avec un sentiment de fierté à peine dissimulé, j’emmenai Astrée à travers les rues de Lorgol, direction la Taverne de la Rose. C’était… étrange de montrer à un membre de ma famille la vie que j’avais construite ici. En quittant Outrevent, c’était comme si, d’une certaine façon, je laissais les miens derrière moi pour faire un bout de ma vie ailleurs. Revoir ma cousine ici, au sein de la ville aux Mille Tours, c’était comme mélanger la Melinda que j’étais avant de partir de chez moi, et celle qui s’était construite au fil des jours depuis que j’étais arrivée ici. C’était me rappeler que ces deux personnes n’en formaient qu’une. Et oui. Ça me réchauffait le cœur. Enormément. Bien plus, en tous cas, qu’un bon gros pot de miel.

Merci, Astrée. Merci pour cette simplicité. Les mots étaient au bout de ma langue, mais je ne les prononçai pas. Sans doute, toutefois, brillaient-ils dans mon regard tandis que je taillais mon chemin au dans les rues de Lorgol, elle à ma suite.
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