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 Que dansent les biquettes et que bêlent les notes

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Message Sujet: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptySam 15 Juil 2017 - 8:42


Livre II, Chapitre 4 • De Glace et de Sang
Melinda Orlemiel & Eponine Aubenacre

Que dansent les biquettes et que bêlent les notes

Sans biquettes, la vie serait comme un piano désaccordé



• Date : le 8 juillet 1002
• Météo (optionnel) : Doux et ensoleillé.
• Statut du RP : Privé.
• Résumé : Melinda a acheté un piano miniature pour enfant qui ne lui sert absolument à rien. Alors qu’elle cherche Eponine, animée par l’idée de le lui offrir, elle découvre sa protégée entourée de quelques biquettes.
• Recensement :
Code:
• [b]Le 8 juillet 1002:[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t2431-que-dansent-les-biquettes-et-que-belent-les-notes]Que dansent les biquettes et que bêlent les notes[/url] - [i]Melinda Orlemiel & Eponine Aubenacre[/i]
Melinda a acheté un piano miniature pour enfant qui ne lui sert absolument à rien. Alors qu’elle cherche Eponine, animée par l’idée géniale de le lui offrir, elle découvre sa protégée entourée de quelques biquettes.



Dernière édition par Melinda Orlemiel le Jeu 27 Juil 2017 - 13:23, édité 2 fois
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptySam 15 Juil 2017 - 8:44

Tu sais très bien qu’il ne va jamais te servir.

Je secouai la main avec irritation pour chasser cette voix intérieure qui me répétait ce que je savais déjà. J’ignorais quelle folie m’avait traversé l’esprit. Certes, mes pensées étaient souvent traversées de projets fous et d’idées à l’intérêt discutable, mais d’habitude, je n’étais moi-même pas aussi sceptique : c’était plutôt à mes proches de montrer leur perplexité et leur incompréhension. Pourtant, pour une fois, je devais l’avouer, mon acte était plus que discutable. Sans pouvoir retenir un soupir, je passai une main sur le clavier du piano, n’osant pas enfoncer une seule touche. Je n’étais pas faite pour jouer du piano. La musique était à mes yeux un langage étrange et incompréhensible. Beau, certes, mais incompréhensible. Pourtant, on avait essayé de m’apprendre, autrefois, avec patience, douceur et gentillesse. Un sourire mélancolique étira mes lèvres, tandis que mes souvenirs ressurgissaient, en même temps que je caressais les touches blanches.

J’avais un sale côté sentimental, vraiment. Si j’avais acheté ce piano, c’était uniquement parce que mon frère en jouait. Et tout en sachant que jamais il ne me servirait vraiment, je ne pouvais que me rappeler ces instants bénis où il essayait de m’en apprendre. C’était un piano miniature, destiné aux enfants, comme celui-ci, et ça me rappelait dans un coup de cœur que j’avais dépassé l’âge qu’avais mon frère lorsqu’il était mort. Il était mon grand frère, il l’avait toujours été, je ne pouvais pas le voir autrement. Et pourtant, il n’avait jamais atteint l’âge dont je profitais aujourd’hui. Ma main frémit de nouveau sur les touches, hésitant à les presser. L’espace d’un instant, j’eus l’impression que mon frère était derrière moi, à corriger avec douceur la position de mes mains, à me guider pour qu’elles viennent enfoncer les bonnes touches et produire une mélodie agréable à l’oreille.

Tu sais très bien qu’il ne va jamais te servir.

A nouveau, cette vérité résonna dans mon esprit. Je soupirai. Je n’étais plus une enfant, et je n’avais jamais été une musicienne dans l’âme. A part pour ressasser de vieux souvenirs, ce piano miniature ne me servait à rien. Pourtant, quand je l’avais vu, dans cette petite boutique lorgolienne, je n’avais pas pu résister. J’avais été animée d’un besoin irrépressible de me le procurer. Ridicule, évidemment. Celui qui avait appartenu autrefois à mon frère devait toujours être bien à sa place, chez mes parents. En acheter un autre ne le ferait pas revenir. Et pourtant, en me remémorant les superbes mélodies qu’il parvenait à jouer, j’avais presque le sentiment qu’il était de nouveau auprès de moi. Je laissai un de mes doigts presser une touche… et grimaçai, douloureusement dérangée dans mes réminiscences par une note malvenue au sein de la mélodie qui s’était tissée dans mon esprit.

Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire de cette chose ? Je fronçai les sourcils. C’était un instrument pour enfant. Il devait revenir à un enfant, non ? L’idée surgit dans mon esprit, aussi claire et lumineuse que le lever de soleil au matin. Je connaissais une jeune fille qui serait sans doute – peut-être ? ou peut-être pas ? – ravie de recevoir un tel cadeau. Eponine. Je ne pus retenir un large sourire, faisant un pied-de-nez mentale à la voix intérieure qui n’avait cessé de prétendre mon action inutile. S’il peut servir à faire sourire cette fillette, alors il m’aura été suffisamment utile pour que j’y laisse toutes mes économies. Quand je m’attachais à quelqu’un, je ne le faisais pas qu’à moitié. Et indubitablement, je m’étais attachée à la petite, beaucoup plus que je n’aurais pu m’y attendre. Je souris, rien qu’à la pensée de la chercher dans tout Lorgol. Je pensais bien l’avoir vue partir de la Taverne, et je n’étais pas sûre d’avoir assisté à son retour.

Sans plus hésiter, je me jetai dans les rues de Lorgol, bien décidée à ramener Eponine à la Taverne et à lui présenter son superbe cadeau. Je plissai les yeux, réfléchissant où elle avait pu aller. J’avais fait découvrir à la fillette bon nombre de lieux de la ville aux Mille Tours, mais je n’étais certainement pas sa seule guide. Elle avait pu découvrir certains endroits par elle seule, d’autres grâce à des passants charmés par cette enfant. Quand je me jetai dans la rue pour sentir le soleil sur ma peau, je ne pus retenir un léger sourire. Il faisait un temps idéal pour se promener. Et même si mes recherches étaient vaines, je savais que je retrouverais la fillette à la Taverne de la Rose, quand j’y rentrerais au soir. N’ayant rien à perdre, je débutai ma promenade, sourire aux lèvres, profitant du temps sublime et du rythme lent de mes pas.

Il me fallut quelques heures pour trouver la fillette, mais enfin, je repérai sa chevelure rousse. Aussitôt, j’accélérai le pas pour me porter à sa rencontre. Je ne tardai pas, bientôt, à remarquer les biquettes auprès desquelles elle se tenait, et ne put empêcher un sourire amusé d’étirer mes lèvres. C’était comme si Outrevent lui-même tenait à protéger l’enfant. A vrai dire, je le comprenais. Eponine était une petite fille adorable, et je ne disais pas ça juste parce qu’elle était jeune. Je n’avais aucun intérêt particulier pour les enfants – à part, je l’avais constaté, quand ils étaient les miens. Eponine, toutefois, était différente et attachante. En regardant son visage, on avait tout de suite envie de la protéger. J’étais contente de voir que les biquettes pensaient de même.

— Eponine ! l’appelai-je pour attirer son attention sur moi, avant de me porter à sa hauteur. Je te cherchais. Je vois que tu t’es faite de nouvelles amies ? Crois-moi, tu as bien choisi ! Il n’y a rien de mieux en matière d’amis que les animaux. Personnellement, je préfère les abeilles, mais les biquettes sont un choix tout à fait honorable.

Elles étaient mignonnes, en plus. Toutes blanches et pelucheuses. Adorables, comme leur amie aux cheveux roux.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyDim 23 Juil 2017 - 14:51

Ma tête penchée sur un parchemin, la langue un peu tirée sur le côté, je m'applique à jouer de ma plume. Le grattement sur le parchemin est devenu habituel, une petite mélodie maladroite mais agréable à mes oreilles. Aubrée est revenue plus d'une fois me voir pour continuer à m'apprendre et j'ai été obéissante et studieuse. Je me suis appliquée à écrire toute seule et à mémoriser mon alphabet grâce à la comptine que j'ai composé. Pourtant les derniers mois ont eu de quoi être mouvementé. J'ai eu plusieurs personnes qui m'ont raconté avoir vécu une vie différente, dans une autre réalité que la mienne, pendant deux mois. Une chose incroyable et je me suis demandée si moi aussi c'était mon cas. Mais je m'en souviens pas. Ma vie s'est poursuivi naturellement en avril et mai. J'ai fait des rencontres, je me suis promenée, j'ai découvert de plus en plus la ville et je suis retournée plusieurs fois aux abords de l'Académie. J'ai pris mes marques et profité de cette vie que maman m'a offerte. Au final, j'ai été occupée entre la découverte de la ville et l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Je passais du temps avec Lena, on discutait beaucoup et on riait bien. Elle me parlait de l'Académie c'était très bien. Je lui parlais de mon amie Sybille qui était aveugle comme maman. Et de Mélinda que j'ai rencontré et qui m'a fait beaucoup visité la ville.

Et puis il y a eu le mois de juin. Le mois où tante Quittou a été kidnappé. Par oncle Guérin. Tout le monde est parti à sa recherche et j'ai fait supplié tonton Géralt de m'emmener avec lui. Moi aussi je voulais délivrer tante Quittou. J'ai prié, supplié, pleuré, même menacé de ne plus manger jusqu'à leur retour mais tonton Géralt a refusé. Il m'a dit d'être gentille et sage et m'a promis de la délivrer et de la ramener vite. Moi j'ai passé mes journées à guetter le retour de l'Audacia. Même l'écriture et la lecture ou les promenades dans les rues animées de Lorgol n'arrivaient plus à me changer les idées. Puis, au bout d'un temps qui m'a paru interminable, l'Audacia est revenue. Avec tonton Géralt et tante Quittou.
Et maman.
Maman.

Maman était là. Vivante. Elle était... là. Je crois que j'ai encore plus pleuré que quand je suis partie. Maman et tonton Gédéon. Une sorte de stupeur, je n'y croyais pas, mais en même temps si, mais c'était pas possible. Mais tonton Géralt il a ramené maman. Il a sauvé maman et tonton Gédéon. Et tante Quittou. Tonton Géralt c'est un héro. Alors je me suis jetée dans les bras de maman et j'ai beaucoup pleuré. J'ai commencé à lui raconter que j'ai été sage et que j'apprenais à écrire et que j'ai visité Lorgol, monté sur l'Audacia. Je pleurais et je lui racontais ma vie. Puis j'ai pleuré accroché à tonton Géralt en le remerciant d'avoir sauvé maman et de l'avoir ramené. Puis j'ai pleuré la nuit vers Valda pour la remercier aussi. Enfin, j'ai pleuré tout ce que j'ai pas voulu laissé échappé et cette fois, j'ai rien inondé du tout. Après, les jours suivants, c'était comme si rien ne s'est passé. Comme si la période loin de maman n'a pas existé. La tristesse que je ressentais s'est évaporée et a laissé place à une douce euphorie. J'ai pas quitté maman. Elle était avec moi avec tonton Gédéon et personne ne la battra plus jamais. On s'est beaucoup promené dans les rues de Lorgol et j'ai montré à maman que Aubrée m'a appris un peu à lire. Tonton Géralt m'a dit que grand-père est mort. J'avais peur qu'il vienne chercher maman comme il a fait avec tante Quittou alors je suis soulagée. C'est triste qu'il soit mort parce que je sais pas si les gens méritent vraiment de mourir ou non. Mais au moins, maman elle est sauvée comme ça et moi c'est tout ce qui compte.

Puis après j'ai passé l'entretien à l'Académie et c'est tante Quittou qui m'a amené. J'ai été tellement stressée que quand ils m'ont demandé mon nom j'ai dit celui de maman. Mais après ça allait mieux, ils m'ont mis plus à l'aise. Maintenant j'attends le résultat et, en attendant, j'apprends encore plus à écrire et lire pour être prête.
Je pose ma plume d'ailleurs et m'étire longuement. J'ai les yeux fatigués et je décide de faire une pause et de sortir profiter de cette belle journée. Maman se repose dans la chambre et j'aime sortir seule alors je m'éclipse de la Taverne pour ma promenade quotidienne. Alors que je flâne dans les rues, je m'arrête devant une ou deux biquettes trop mignonnes que je caresse immédiatement. Elles me lèchent la main et je ris. Elles sont mignonnes ! Lorsque je reprends ma promenade, je les aperçois qui commence à me suivre et si ça me fait bien rire au début, je me pose tout de même quelques questions lorsqu'elles décident de plus me lâcher et qu'elles sont rejointes par des copines à elle. Je me retrouve bien vite entourée de biquettes qui se poussent autour de moi pour réclamer des caresses. Bon... qu'est-ce qu'il se passe au juste ? Je n'ai pas l'impression de sentir quelque chose de particulier. Mais avec tout ce petit monde, je suis rapidement freinée dans ma progression et je me retrouve sur une petite place, un peu plus grande que les rues, avec les passants qui me regardent avec curiosité. Je rougis. Je sais pas ce qu'il se passe moi ! Je suis pas gardienne de chèvre, c'est elles qui me suivent partout !

Une voix surgit alors derrière moi. Une voix qui crie mon nom. Une voix douce et féminine. Oh Mélinda ! Mélinda est là ! Excitée, j'essaye de courir vers elle pour me ruer dans ses bras mais je me retrouve finalement à enlacer une chèvre aux poils doux et blancs. Oh... Je la contemple d'un air un peu désespéré et rit maladroitement.

-Je sais pas Mélinda. Elles me suivent depuis tout à l'heure, ché plus quoi faire.

Mais aussitôt dit, une des chèvres se rue sur mon amie, jouant de la tête comme pour la chasser. Je pousse une exclamation sidérée. Mais qu'est-ce qu'elle fait elle ?

-Oh non ! Ne fais pas de mal à Mélinda, s'il te plaît ! C'est mon amie.

Malheureusement la biquette ne semble pas partager son opinion et une deuxième rejoint bientôt la première pour chasser mon amie. Oh mais qu'est-ce que je vais faire maintenant ?
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyMar 1 Aoû 2017 - 22:16

Certains indices auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Tout d’abord, la pauvre Eponine avait l’air totalement débordée par les biquettes qui l’entouraient. En règle générale, être entourée de chèvres mignonnes et pelucheuses n’était pas dérangeant, et tout esprit un tant soit peu malin saurait profiter de l’instant à sa juste valeur. Or, je ne parvenais pas à considérer ma petite protégée comme quelqu’un de fermé ou de peu réfléchi. Pourtant, à la façon dont elle s’affala sur une biquette en essayant de me rejoindre, j’aurais pu dire qu’elle n’était pas tout à fait satisfaite de la situation. De même, à la manière dont elle avoua qu’elle ignorait quoi faire, j’aurais dû comprendre qu’elle se sentait bien plus désemparée qu’heureuse de la situation. Mais, que ce soit parce que les biquettes étaient suffisamment adorables pour me faire perdre tout sens de la réflexion ou parce que j’étais trop excitée à l’idée d’offrir à la fillette un superbe piano miniature, je ne pris pas en compte ces indices et m’avançai tout de même pour franchir les rangs de chèvres qui nous séparaient.

Je ne pus retenir un doux sourire. Elles étaient jolies, mignonnes, adorables, sages, et particulièrement douées pour choisir leurs amies. Eponine, je pouvais le leur dire, était une petite fille que tout le monde gagnerait à fréquenter. Je m’apprêtais à caresser une de ces charmantes créatures lorsque, en une fraction de seconde, tout bascula. La petite, l’adorable, l’inoffensive biquette devint un terrible monstre qui semblait avoir envers moi une haine tenace. Je reculai de quelques pas, surprise d’être la cible de tant de violence. Le cri désespéré d’Eponine me parvint, et je lui jetai un coup d’œil. Qu’Idril la protège ! Elle était entourée de ces monstres belliqueux qui se faisaient odieusement passer pour d’innocentes biquettes !

Du regard, je cherchai un moyen de l’aider, mais une deuxième créature se précipita alors sur moi, m’obligeant à battre en retraite avec un cri strident. Peut-être que je pouvais les attirer vers moi, et permettre à Eponine de fuir et de retrouver la sécurité, loin de ces monstres sanguinaires ? Pour l’heure, en tous cas, j’avais déjà suffisamment de difficultés à éloigner les deux biquettes qui me pourchassaient. Je cherchai donc un abri quelconque et finis par grimper sur un muret suffisamment haut pour que mes adversaires ne puissent pas m’atteindre. C’était bien la toute première fois que j’étais chassée par des biquettes – quoique je ne parvenais pas à donner ce nom à mes démoniaques et terrifiants poursuivants.

— Eponine ! appelai-je depuis mon abri rudimentaire, jetant un coup d’œil à la fillette pour m’assurer qu’elle était encore en un seul morceau. Elles ne t’ont fait aucun mal ?

Elle avait l’air, à première vue, de bien se porter, mais peut-être avais-je manqué quelque chose ? Je plissai les yeux, lorsqu’un terrible soupçon me traversa l’esprit. Tout ceci était peut-être un horrible cauchemar, envoyé par Trelor pour se rire de moi, et peut-être Eponine allait-elle devenir aussi violente que ces biquettes, et se jeter sur moi, toutes griffes dehors. Je rejetai toutefois rapidement cette idée. Certes, être attaquée par ces adorables créatures me semblait passablement irréel, mais ce n’était pas pour autant que je devais prêter à tout ce qui m’entourait le statut de rêverie. Tout pouvait très bien être réel. Mais… mais… tout de même… être attaquée par des biquettes… pourquoi Panteraa m’en voulait-elle autant ? Qu’elle reprenne ses petites protégées auprès d'elle, je m’occuperai de la mienne !

D’ailleurs, en parlant de s’occuper d’Eponine, peut-être faudrait-il que je trouve un moyen de la sortir de là. Les biquettes ne lui avaient encore fait aucun mal, mais vu la sauvagerie avec laquelle elles m’avaient attaquées, cela ne saurait tarder – à moins qu’elles ne m’en veuillent à moi, particulièrement, mais pour quelle obscure raison, je n'aurais su le dire. Les attirer me semblait une bonne idée, mais cela tiendrait surtout de la chance : je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je pourrais les amener à moi, et j’ignorais totalement comment se comporter avec des biquettes envahies de sentiments belliqueux. Peut-être serait-il préférable de rester là et… d’attendre que cela passe. Ce ne serait pas si terrible, n’est-ce pas ? Tant qu’elles ne blessaient pas Eponine, je pouvais m’en contenter.

— Si elles se font menaçantes, même un peu, tu hurles, d’accord ?

Je ne les laisserai pas blesser la fillette. J’étais même capable de me jeter sur elle avec… avec… pas grand-chose, en fait. Je n’avais pas vraiment emporté avec moi d’armes-anti-biquettes-enragées, et pour tout dire, je ne parvenais pas à m’imaginer frapper ces petites créatures, quand bien même elles étaient en train de m’attaquer. Toujours était-il qu’il était hors-de-question que je les laisse faire du mal à Eponine. Je n’étais pas certaine d’avoir une réaction appropriée si cela se produisait, mais au moins, j’aurais une réaction. Et avec un peu de chance, j’agirais suffisamment intelligemment pour protéger la fillette – du moins, je pouvais toujours prier Lyncée pour que tel soit le cas. Sachant que pour l’instant j'étais en sécurité et totalement impuissante, et espérant que ma protégée ne risquait rien, je lâchai un profond soupir et lui jetai un regard faussement soupçonneux.

— Rassure-moi, Eponine, tu n’as tout de même pas engagé ces biquettes pour me tenir à distance ? Si tu estimes que je suis trop collante, il suffisait de me le dire, tu sais ?

Un sourire moqueur vint rapidement démentir ces paroles, et je me hâtai bien vite de préciser.

— Je plaisante, évidemment. Bien, puisque je suis coincée ici, je suppose qu’il me reste plus qu’à te dire pourquoi je te cherchais. Vois-tu, Eponine, j’ai un cadeau pour toi.

Un cadeau qui attendrait le bon vouloir de ces douces biquettes pour être découvert. Je n’allais pas me battre contre ces adorables – et violentes – petites créatures alors que ce muret de pierre était très confortable. Je grimaçai à cette pensée, tâchant de trouver une position plus agréable. Bon. Il n’y avait plus qu’à espérer que les chèvres décampent rapidement.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyMer 6 Sep 2017 - 12:09

Je regarde Mélinda avec angoisse, totalement désespérée par cet amas de chèvres dont je ne peux rien faire. Finalement, je pousse un soupir de soulagement lorsque je la vois battre en retraite sur un mur,  bien à l’abri des assauts agressifs de mes « amies ». J'écarte les mains en signe d'impuissance.

-Je sais pas ce qui se passe, crié-je vers elle, un peu affolée. J'en ai caressé une puis elle m'a plus quitté et les autres sont venus aussi et maintenant elles me lâchent plus.

Je termine ma tirade par un petit gémissement d'angoisse. Une des biquettes vient se frotter contre ma taille, levant des yeux d'amour éperdu vers moi.

-Allez, soyez gentille, laissez-moi tranquilles, murmuré-je anxieusement.

Au lieu de quoi, elle se frotte un peu plus contre moi. Décidément, je n'ai pas grand succès avec elles. Tout ce qui m'importe, c'est qu'elles ne blessent pas Mélinda. Pour une obscure raison, elles semblent penser que quiconque m'approche me veut du mal et semblent décider à me protéger. C'est très gentil à elle mais je peux me débrouiller toute seule. Je tente vainement de leur expliquer, de les rassurer, précisant qu'il y a pas de raison de s'inquiéter, que je vais très bien et que personne ne me veut du mal. En plus, j'ajoute que je suis assez forte pour me protéger toute seule et que j'ai vécu des choses pas faciles déjà, donc y a pas de raison que la vie s'acharne encore plus sur moi parce qu'il faut bien que le Destin trouve un juste équilibre à tout. Les biquettes paraissent très intéressées par mes propos mais ne font pas mine de bouger et je me contente de pousser un nouveau soupir désespéré. Il faut me rendre à l'évidence. Je contrôle l'eau, très aléatoirement, mais je ne sais pas parler biquette. C'est bien dommage parce que je ne sais toujours pas comment m'en débarrasser et Valda, déesse des étoiles, ne peut décidément pas me protéger face à une horde de chèvre.

Je suis sur le point de protester aux paroles de Mélinda. Bien sûr que non ce n'est pas un complot ! Mais elle enchaîne en affirmant plaisanter et mes paroles meurent dans ma bouche, laissant place à une petite grimace désolée. Si au départ je me suis extasiée de leur présence, les trouvant adorable, la première impression est bien vite passée, laissant place à une sorte d'impuissance totale. Me voilà ainsi bloquée, gênée dans mes mouvements et obligée de fuir les gens au risque qu'ils se fassent courser et piétiner par des biquettes enragées. Je me retrouve donc à converser avec Mélinda, criant à moitié pour se faire entendre malgré la distance et le bruit empressé de mes compagnes indésirables.

-Un cadeau ? répété-je en rougissant. Ce n'est pas la peine, j'ajoute précipitamment.

Je suis toujours affreusement gênée de voir que les gens m'offrent des choses. Je n'ai pas l'habitude de telle marque d'attention. Déjà le cadeau de Dame Solveig, c'était beaucoup trop pour une petite fille telle que moi qu'elle vient à peine de rencontrer, mais en plus voilà que Mélinda m'offre également quelque chose. Je tripote mes mains, tordant et retordant mes doigts, assez mal à l'aise.

-Il faut pas, bredouillé-je, embarrassée. C'est pas la peine de te déranger, j'ai pas besoin de cadeau, j'ai tout ce qu'il me faut. C'est vraiment trop gentil, en plus j'ai pas grand chose à t'offrir en échange et je peux même pas te remercier correctement...

Plus je parle, et plus je me couvre de honte et de ridicule. Non seulement Mélinda a la bonté de m'offrir un superbe cadeau, mais en plus je ne peux même pas la remercier correctement ou lui offrir quelque chose en échange parce que je suis tout de même très pauvre et que je ne sais pas faire grand chose de mes dix doigts. Si encore j'avais quelques perles, je pourrais lui faire un petit collier, mais je n'ai rien du tout. Puis un collier... quelque cadeau pathétique à offrir. C'est mieux que rien, comme on dit, mais il ne pourrait même pas payer un morceau de pain. Qu'est-ce que je fais faire maintenant ?
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptySam 30 Sep 2017 - 23:08

Les monstres sanguinaires ne semblaient éprouver de la violence qu’à mon égard. De toute évidence, ils n’avaient pas touché Eponine. La fillette avait peut-être un peu peur, mais ce n’était rien de grave. Je trouverais sans doute un moyen de chasser ces créatures aux intentions néfastes pour atteindre ma protégée. Mais, même si je réfléchissais à un plan pour pouvoir nous mettre toutes les deux en sécurité et parler plus confortablement, je ne devais pas affoler la jeune fille. Elle avait l’air suffisamment terrifiée comme ça, autant que je change discrètement de sujet, et que j’attirer son attention ailleurs que sur les bestioles aussi blanches et innocentes que leurs pensées étaient sombres et malveillantes. Eponine ne pouvait rien faire, après tout. Les biquettes avaient l’air d’être aussi résistantes, surprotectrices et indésirables que Serenus envers moi, quand il décidait de me parler aux plus mauvais moments – le côté sympathique en moins. Cela dit, elles ne demanderaient pas la fillette en mariage, elles. A cette idée, je ne pus retenir un sourire amusé.

— Ce n’est pas grave, on peut parler comme ça, déclarai-je devant la tentative infructueuse de la fillette pour éloigner ses poursuivantes. Ça ne me dérange pas.

Certes, la distance n’était pas idéale pour avoir une conversation, et pour être sincère, je n’avais pas trouvé un endroit très confortable où m’installer, mais ce n’étaient que des détails.

— Et puis, c’est juste le temps de trouver une solution ! assurai-je avec un sourire qui se voulait rassurant. Ça ne devrait pas prendre longtemps.

En réalité je n’avais pas la plus petite idée d’où commencer, mais j’étais sûre que ça viendrait. Enfin… je l’espérais, du moins. Mais je ne voulais pas inquiéter Eponine avec ce genre de considérations. Elle avait l’air déjà suffisamment embêtée comme ça par ses encombrantes compagnes. Après une dernière pique concernant le fait que toute cette histoire de biquettes était en fait un complot pour m’éloigner d’elle, je décidai de ne pas m’appesantir sur le sujet – devant lequel elle était probablement tout aussi impuissante que moi – et parler de quelque chose de positif, qui ramènerait le sourire sur son visage. Comme… le cadeau que je voulais lui offrir, par exemple.  

L’idée n’eut pas l’air de lui plaire autant que je l’aurais cru. Pourtant, ce ne fut pas de la déception que je ressentis devant son manque d’enthousiasme, juste de la perplexité. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi embarrassée par mon présent. Je ne lui avais même pas encore dit ce dont il s’agissait ! Si elle apprenait que je voulais lui offrir une maison, j’aurais pu comprendre son embarras – je n’étais pas sûre, cela dit, d’avoir les moyens de me payer une maison ici à Lorgol – mais elle ne savait même pas encore ce que j’allais lui donner. Se mettrait-elle dans cet état si je décidais de lui donner un simple caillou ramassé aux abords d’un chemin ? Certes, mon cadeau était un peu plus précieux que ça, mais elle n’avait aucune raison de le savoir. Un sourire songeur affiché sur mes lèvres, je la regardai tenter de me convaincre qu’il valait mieux que je ne lui offre rien. Je savais déjà que ses arguments n’auraient aucun effet. Bien sûr que j’allais le lui offrir, ce cadeau !

— Je ne connais pas bien ceux qui t’offrent généralement des cadeaux, mais j’ai pour habitude, personnellement, de n’offrir des choses qu’à des gens que j’apprécie. Puisque je les apprécie, leur offrir un cadeau qui, j’espère, leur fera plaisir, ne me dérange absolument pas. A vrai dire, si le cadeau me parait approprié, ça me plait même beaucoup de l’offrir. Ça me plait tellement, en fait, qu’on pourrait même dire que c’est presque un geste égoïste de ma part. Je veux dire… je l’offre presque plus parce que je trouve plaisant l’acte d’offrir que pour qu’autrui puisse profiter de mon cadeau. Et je dis presque, parce qu’un cadeau qui ne ferait pas plaisir à son destinataire ne serait pas vraiment un vrai cadeau.

Je m’agitai, un peu mal à l’aise. Je n’appréciais pas vraiment parler à la fillette d’un sujet aussi sérieux par-delà une telle distance. J’esquissai un léger sourire et cherchai une position plus confortable sur mon abri de fortune.

— Je tiens aussi à préciser que le cadeau n’est, pour moi, pas quelque chose qui demande un quelconque retour. Je ne te l’offre pas pour que tu me rendes quelque chose – ça, ça s’appelle le troc, et c’est, à mes yeux du moins, assez différent. Je te l’offre parce que j’en ai envie, et parce que j’espère que ça a quand même des chances de te plaire. Si tu tiens vraiment à me remercier, crois-moi, un simple sourire me suffira. Et si ça ne te parait pas assez, un petit merci supplémentaire pourra venir l’accompagner. Ça me serait amplement suffisant.

A vrai dire, à présent que je venais de voir la gêne qui s’était emparée d’elle à l’idée de lui offrir un cadeau, la voir accepter serait un remerciement suffisant. Et pour ça, bien entendu, il fallait que je lui laisse l’entière responsabilité de son choix. Je haussai les épaules, comme si le sujet n’avait aucune importance à mes yeux.

— Mais tu sais, un cadeau reste un cadeau. Il est destiné avant tout à te faire plaisir. Si tu penses qu’il ne sera pas approprié, ou si tu n’aimes pas recevoir des cadeaux, tu peux toujours le refuser. Je préférerais, à vrai dire, que tu me dises qu’il ne te plaira pas plutôt que tu l’acceptes à contrecœur. Je ne vais quand même pas te forcer à t’encombrer de choses inutiles.

Je lui lançai un doux sourire, dépourvu de toutes pressions quant à la réponse qu’elle devait donner. Je voulais lui donner le choix. Même si la réponse était un refus, après tout, j’aurais au moins appris une chose : Eponine n’aimait pas les cadeaux. Certaines personnes n’aimaient pas le miel, après tout ; c’était bizarre et incompréhensible à mes yeux, mais c’était possible, et ça ne rendait pas ces gens moins humains ou moins aimables.

— Alors, que choisis-tu ? questionnai-je d’une voix douce.

Je lui lançai un clin d’œil moqueur.

— Etant donné que ces biquettes semblent décidées à rester là pendant encore un petit moment, je crois que tu as pas mal de temps pour y réfléchir.

Autant voir la situation de manière positive, non ?
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyMer 11 Oct 2017 - 23:32

Se parler ainsi à distance n'est pas très pratique mais je ne sais pas comment faire autrement. En plus, leur bêlement couvre parfois les propos de Mélinda, m'obligeant à tendre l'oreille en lisant à moitié sur les lèvres. Mais j'ai pas vraiment le choix. Si je m'approche trop, mes nouvelles « amies » vont vouloir faire du mal à Mélinda et j'ai pas très envie de ça. Peut-être qu'on peut du coup prendre le temps de trouver une solution à ce problème. Un lieu où s'échapper peut-être ? Mon regard dérive sur les alentours, quêtant l'endroit où je pourrais m'enfermer avec Mélinda. Rien de bien spécial à l'horizon en dehors des chèvres, des chèvres et encore des chèvres.

Puis soudain c'est l'embarras total. J'ai absolument pas pensé à ça ! Si ça se trouve, je la vexe en refusant un cadeau que j'ose pas accepter parce que j'ai l'impression de déranger les gens ! Mais en fait, c'est elle qui va se sentir triste et vexée et peut-être qu'elle pensera que je l'aime pas ! Mes yeux s'écarquillent d'horreur à cette pensée et je rougis encore plus. J'ai presque envie de pleurer. Mais quelle idiote je fais. Je suis là à me sentir toute gênée de recevoir un cadeau sans me douter une seule seconde qu'elle est ravie de me le faire et que je risque de la rendre malheureuse en refusant ! Faut-il que je sois aussi... égoïste ? Je suis égoïste en réalité ! Je pense qu'à mes propres sentiments dans cette affaire, sans me préoccuper de ceux de Mélinda. C'est un révélation incroyable, qui me laisse totalement éberluée. Et en plus, qui je suis pour oser penser que son cadeau n'est pas digne de moi ! C'est plutôt moi qui ne suis pas digne d'une telle marque de respect. Alors je n'hésite plus. Je vais accepter son cadeau parce que je suis très heureuse que Mélinda pense à moi comme ça et que je n'ai pas envie qu'elle pense que je la considère indigne de m'en offrir. Et puis je pourrais toujours trouver quelque chose de bien à lui offrir un échange, un jour. C'est vrai que j'ai pas beaucoup offert de cadeaux dans ma vie parce que j'ai pas grand chose. Mais le peu que j'ai fait m'a rendu très heureuse et je peux comprendre le plaisir qu'elle ressent à les offrir. Oh, après je pense aussi que mes cadeaux sont bien de piètres présents par rapport à l'amour que je leur porte.

-Je... je vais accepter ton cadeau Mélinda, dis-je tout embarrassée. Ça me fait très plaisir, je suis très gênée moi tu sais j'ai pas l'habitude...

Le reste de ma phrase meurt misérablement. Je sais pas trop comment me justifier et j'ai juste l'impression de patauger. Même une huître façonne de plus belles choses que moi. J'en ai vu des perles... parfois elles sont tellement belles qu'on a envie de les garder. Mais ensuite je me rappelle que si grand-père tombait dessus, il risquait de nous frapper alors j'oubliais de suite l'idée.
Une chèvre vient se frotter contre ma main, levant un regard éperdu vers moi. Je lui gratte la tête et c'est presque comme si elle ronronne. Moi j'ai jamais eu d'animaux et peut-être qu'une biquette me plairait mais là, elles sont beaucoup trop nombreuses ! Une seule oui, un troupeau non. Et puis maintenant que j'ai toutes ces chèvres autour de moi, je suis pas sûre d'en vouloir une. En plus, qu'est-ce que je vais en faire ? Je peux pas l'amener à l'Académie. Je tente tout de même de faire quelques pas, espérant que les chèvres m'abandonnent. Rien à faire. Elles me suivent, me collent, refusent de me lâcher.

-C'est vraiment très gentil, vraiment, balbutié-je, gênée. Je suis très honorée tu sais.

Bon c'est un peu mieux là. La voix est peut-être pas plus assurée que tout à l'heure, mais au moins j'ai pu finir ma phrase. Il y a du progrès. Enfin, j'ai dû un peu crier pour couvrir le charivari des chèvres. J'ai pas l'habitude de hausser la voix, en général on trouve que je parle plutôt doucement. Bon je suis petite hein, donc j'ai une petite voix déjà. Et puis je suis aussi un peu timide et réservée. Lena est plus assurée, lorsqu'elle parle, on l'entend. Moi y a des fois où on remarque pas forcément que je suis là. C'est comme ça. Mais ça m'ennuie pas. Et même aujourd'hui, je trouve ça dommage que les biquettes ne le remarquent pas aussi.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyJeu 2 Nov 2017 - 15:13

J’esquissai un doux sourire devant l’adorable gêne d’Eponine. Quand elle était arrivée à Lorgol, j’avais vu en elle comme un reflet de l’enfant que j’avais été – une petite mage de l’Hiver, qui allait réussir ce que moi je n’avais pas fait : son entrée à l’Académie. Mais elle était bien différente de moi, la petite Eponine. Timide, effacée, hésitante quant à la manière dont elle devait se comporter. J’étais plutôt une fonceuse, toujours prête à exprimer mes pensées à haute voix, sans même réfléchir à l’effet qu’elles pouvaient avoir. Néanmoins, il y avait chez la fillette quelque chose d’incroyablement touchant, dans la manière, sans doute, dont elle apprenait le monde. J’avais envie de l’aider, à apprendre ce monde qui n’était déjà plus si nouveau pour elle. Je n’essayais pas, par mes remarques, de la tourner en bourrique, mais simplement de lui ouvrir les yeux sur des perspectives auxquelles elle me paraissait aveugle, non pour qu’elle les adopte, mais pour qu’elle puisse au moins avoir le choix.

Avoir le choix… Cela m’avait toujours paru être une évidence. Dans ma vie, j’avais toujours agi comme si les conséquences de mes choix n’étaient d’aucune importance, comme si quoi qu’il arrive, ce ne serait pas vraiment de ma faute. Sans doute était-ce pour cette même raison que je m’étais toujours sentie libre de prendre la décision qui me convenait le mieux, et souvent sans y réfléchir à deux fois. Eponine, au contraire, se comportait comme si une grave catastrophe risquait de se déclencher si elle se comportait mal ou disait quelque chose de déplacé. Peut-être avait-elle raison, en un sens. Mais je voulais lui faire comprendre qu’elle n’avait pas besoin de se comporter ainsi avec moi. Et qu’on ne me prétende pas que cette enfant était juste naturellement timide ! Aucun gamin de son âge n’aurait eu besoin d’être convaincu pour accepter un cadeau, et une bonne partie aurait probablement demandé des précisions sur la nature exacte dudit cadeau.

Eponine… Elle était là, à se débattre avec des pensées dont j’ignorais tout du contenu exact. La présence desdites pensées – ou plutôt la lutte qui devait les opposer – était en tous cas clairement visible et audible dans l’embarras de la fillette. Je ne pus m’empêcher de sourire, partagée entre amusement et tristesse. Elle acceptait mon cadeau. Elle l’acceptait, comme si, après un long débat intérieur, elle choisissait de recevoir le cadeau sans pour autant se laisser envahir par la joie simple de se voir offrir quelque chose. C’était de ma part un geste sans arrière-pensée ; elle agissait comme si je venais de lui confier la terrible responsabilité de sauver le monde. Si j’avais été à sa portée – Panteraa soit maudit, si elles n’étaient pas aussi adorables, j’aurais déjà trouvé une torche à lancer à ces biquettes pour les réduire en cendres ! – je lui aurais probablement ébouriffé les cheveux, juste pour alléger l’atmosphère et lui faire comprendre que ce n’était rien de grave, que c’était juste un simple cadeau, et que puisqu’elle n’avait pas l’habitude, c’était à moi de lui apprendre combien un cadeau de ma part n’avait rien d’effrayant ou d’impressionnant, et qu’il signifiait juste que j’avais envie de lui donner quelque chose pour faire naitre un sourire sur ses lèvres ou, au moins, parce qu’elle en aurait un meilleur usage que moi.

Non, mes cadeaux n’étaient pas censés être gentils. Pas plus qu’ils ne devaient être un « honneur », comme s’il s’agissait d’une récompense pour s’être attiré mon auguste amitié. Mais comment pouvais-je expliquer à cette enfant un concept que moi-même j’avais du mal à définir tant il me semblait simple ? Un cadeau était juste… un cadeau. Libre, gratuit, geste d’un cœur pour signifier à un autre son amitié. Bien entendu, parmi la noblesse, il y avait probablement des conventions quelconques attachées aux présents, mais ce n’était certainement pas le cas ici. Je n’avais pas voulu charger Eponine du fardeau de ma propre envie de lui faire plaisir. Je grimaçai, mal assurée. Peut-être ne savais-je juste pas m’y prendre avec cette enfant en particulier. Et si mon cadeau ne lui plaisait pas, ou qu’elle le prenait avec autant de réluctance…

— Pardon, m’excusai-je par-dessus le tohu-bohu des chèvres, leur lançant un regard incendiaire au passage.

Ces saletés rendaient impossible toute conversation sérieuse avec Eponine. C'était un sujet qui ne méritait pas d’être crié par-dessus un troupeau de petites créatures blanches et adorables. Si j’en avais eu la force, j’aurais peut-être essayé de me frayer un passage par la force, de prendre Eponine sur mes épaules et de la conduire à un abri proche. Mais je n’étais probablement pas capable de frapper une biquette – d’abord parce qu’elles étaient adorables, ensuite… parce qu’elles étaient vraiment trop mignonnes et qu’il fallait être d’une cruauté inhumaine pour les blesser – et j’étais certaine que je n’avais pas la force nécessaire pour soulever Eponine très haut au-dessus du sol, même si elle n’était ni bien grosse ni bien grande.

— Je suis désolée, je ne voulais pas t’offrir un cadeau qu’il te serait pénible d’accepter. Je croyais vraiment que ça allait te plaire, mais ça a l’air de beaucoup t’embarrasser. J’avoue que j’ai du mal à comprendre, mais après tout, on a tous vécu des choses différentes qui nous poussent à avoir une autre compréhension du monde. Alors… ce n’est pas grave. J’attendrais que tu sois prête, pour t’offrir ce cadeau. Peut-être aussi que je ne te l’offrirai jamais.

Je lui lançai un sourire amical, espérant qu’elle puisse voir, malgré la distance et l’agitation, que l’idée ne me fâchait absolument pas.

— Ça me va, tu sais. On a le droit aussi, de ne pas apprécier les cadeaux. Ce n’est pas à moi de t’obliger à les aimer – en fait, personne ne peut te forcer à une chose pareille.

Je haussai les épaules comme si le sujet était sans importance. Ce serait dommage de laisser s’empoussiérer le piano miniature que j’avais acheté, mais après tout, si la situation ne se prêtait pas à un tel cadeau, eh bien, qu’il en soit ainsi. Je ramenai mes bras contre ma poitrine, un sourire songeur sur les lèvres.

— Moi, c’est mon grand frère qui m’a appris ce qu’étaient les cadeaux. Il ne m’offrait jamais grand-chose d’exceptionnel – parfois un caillou, parfois un brin d’herbe ou une fleur, parfois un bout de bois – mais quoi qu’il me donne, ça devenait l’objet le plus précieux du monde, parce que ça venait de lui. J’ai appris qu’un cadeau n’était pas forcément quelque chose de grand, de beau ou de cher, mais quelque chose dans lequel on a mis tout son cœur.

Je poursuivis, doucement emportée par le fil doux-amer de souvenirs que je n’avais plus déterrés depuis longtemps.

— Il n’avait pas besoin d’occasions particulières ou de remerciements quelconques. Et quand j’ai commencé à lui offrir des cadeaux, moi aussi, j’ai compris. Il y a quelque chose… de tellement simple dans le geste d’offrir quelque chose à quelqu’un. Tu sais, c’est un geste gratuit, tout droit venu du cœur, et qui ne demande rien d’autre qu’une intention de celui qui offre vers celui qui reçoit. C’est cette simplicité qui fait la force du cadeau, j’imagine. Tant de choses dans la vie sont déjà si compliquées. Ce serait dommage qu’on fasse en sorte que le cadeau le devienne aussi, je trouve. Ce serait nier le message qu’il est censé véhiculer.

Je secouai la tête pour me dépêtrer de mes souvenirs et offrir à Eponine un large sourire.

— Alors si l’idée que je t’offre un cadeau t’embarrasse, tu peux juste me le dire. Le cadeau se contentera de t’attendre jusqu’à ce que tu sois à l’aise avec l’idée de le recevoir. N’hésite pas à me prévenir si ça arrive, d’ailleurs ! Et si tu ne veux pas du tout de mon cadeau, ce n’est pas grave non plus, comme je te l’ai déjà dit.

Je jetai un coup d’œil blasé aux chèvres qui nous séparaient. Un poteau, peut-être. Je pouvais essayer d’en planter un quelque part, loin d’Eponine, pour voir si elles tentaient de tourner autour. En ce moment, elles étaient gênantes et m’empêchaient de tendre la main à la fillette comme pour lui proposer un pacte. Je me contentai donc des mots, parfois si pauvres sans les gestes qui auraient dû les accompagner, mais non moins enthousiastes :

— On est d’accord ?
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyMer 6 Déc 2017 - 23:43

Ma bouche s'ouvre et se ferme au fur et à mesure que Mélinda parle. J'ai l'esprit qui s'embrouille et je sais même pas quoi dire. Je sais pas... en fait j'ai envie de dire non. Puis d'un côté je suis soulagée. Puis je rougis aussi, beaucoup, parce que je suis sûre que je l'ai vexé. Oh la la... si je l'ai vexé j'en suis sûre ! Je devrais accepter le cadeau et rien dire mais j'ai pas pu m'empêcher d'être gênée et maintenant j'ai vexé Mélinda ! Quelle idée.
Elle me raconte que c'est son frère et je l'écoute, fascinée, émue et tremblante. Autour de moi, les chèvres continuent de se presser, de bêler et de réclamer des caresses. C'est un peu dur de se concentrer mais je fais des efforts pour ne pas perdre une miette de ce que me dit Mélinda. C'est beau, c'est intéressant et c'est émouvant. J'ai comme l'impression de la connaît un peu plus et je suis encore plus gênée d'avoir refuser son cadeau. Je bredouille plus encore, un peu perdue. J'arrive pas à trouver mes mots, je ferme la bouche, la ré-ouvre et je me perds dans ce que je veux dire, émettant des sons indistincts. Je suis juste gênée. Mais, petit à petit, j'arrive à trouver les mots. J'ai jamais vraiment dit ça à quelqu'un. Je crois que j'ai jamais vraiment réfléchi à ça en fait.

-Mmm... moi tu sais, ben... j'ai jamais eu de cadeaux avant. Enfin c'est pas vraiment vrai, hein. Tonton Géralt il m'amène souvent des petits cadeaux mais c'est pas pareil.

Tonton il m'amenait des cadeaux quand il revenait nous voir mais c'était surtout des douceurs, des bons petits gâteaux que je partageais avec maman. On a pas beaucoup de sous mais j'ai toujours été heureuse de ce que tonton m'offrait. Ça voulait dire qu'il pensait à moi, même si on était pas ensemble. Les cadeaux j'en avais pas mais j'étais heureuse sans j'en ai jamais voulu.

-C'est ici qu'on a commencé à m'en offrir et j'ai pas l'habitude. Avoir des choses pour moi... ou que les gens fassent attention. Puis... enfin j'ai pas l'habitude moi.

Je rougis furieusement, un peu perdue dans ce que j'ai à dire. J'ai l'impression de pas réussir à dire ce que je ressens. Le bêlement des biquettes me perturbe un peu beaucoup. Je me plains pas. J'ai jamais manqué de rien, j'étais tout de même heureuse. J'étais avec maman.

-Moi je sais pas comment on fait pour accepter les cadeaux, avoué-je finalement, misérablement.

Bon ça y est, je l'ai dit. La tête baissée, les joues rouges, le cœur battant à tout rompre. Tellement que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Les chèvres semblent penser que quelque chose cloche et se rapprochent de moi, cherchant plus encore des marques d'affection. J'ai une bouffée de tendresse envers elle, malgré le calvaire qu'elles me font vivre depuis un moment. J'ose à peine regarder Mélinda. En fait j'ai honte mais je sais pas pourquoi. Ça semble tellement évident pour tout le monde cette histoire de cadeaux. Mais pour moi... en plus j'ai jamais eu de vrais amis à qui en faire. Personne ne voulait traîner avec moi. Mais je comprends, personne ne voulait être mêlé à mon grand-père. Mais ici 'est tellement différent. Faut que je prenne le rythme, que je m'habitue... même la place des femmes est différente. En Bellifère on a pas le droit de penser vraiment. On doit obéir aux hommes. C'est ce que grand-père disait. Alors qu'ici... ici les femmes elles sont pas pareilles. Elles font des choses pour elles et ce sont elles qui le décident. C'est comme les cadeaux. J'ai pas l'habitude. Je sais pas comment ça fait. Et j'ai encore dû mal à prendre des décisions parce que j'ai pas été élevée ainsi c'est tout. Et j'ai l'impression que c'est mal parce que du coup les autres doivent penser que c'est bizarre et que je suis pas normale. Encore. Comme avant. Surtout alors que je suis entourée de biquettes. Au moins c'est plus bavard et affectueux que les huîtres.
Après je veux pas qu'on pense que je me plains. C'est juste comme ça. Y a pas de plaintes, c'est juste ainsi que j'ai vécu.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyLun 1 Jan 2018 - 13:17

Elle hésita, la fillette, comme si les mots la fuyaient. Sans doute dans d’autres circonstances aurais-je jeté quelques paroles bien choisies dans ce beau et grand espace de silence. Mais mon interlocutrice n’était pas n’importe qui : c’était une petite fille timide, qui méritait que je lui laisse un peu de temps pour réfléchir. Je n’avais pas envisagé une seule seconde qu’il puisse lui être difficile d’accepter un cadeau, parce que c’était quelque chose de tellement naturel dans ma famille, et parce que je n’avais pas réfléchi plus loin que le bout de mon nez, comme… souvent, à vrai dire, quand je prenais une décision. Mais la fillette devait avoir vécu une vie bien différente de la mienne, et il était hors de question que je la brusque en quoi que ce soit, même par inadvertance.

Enfin, elle s’expliqua, et je l’écoutai, tendant l’oreille pour l’entendre malgré les chèvres, perchée tout au bord du muret sur lequel j’avais trouvé refuge, au risque d’en tomber. Ses paroles n’étaient pas vraiment tristes, mais elles étaient, au moins, touchantes. Elle n’avait pas l’habitude que « les gens fassent attention » ? Qu’est-ce que cela signifiait, au juste ? Cela concernait-il simplement les cadeaux ? Ou était-ce une remarque beaucoup plus générale ? Je sentis mon cœur se serrer, à l’idée que peut-être cela signifiait que les gens, quand elle était encore en Bellifère, ne faisaient tout simplement pas attention à elle. J’avais l’habitude, souvent, d’attirer l’attention. Je parlais toute seule, sans retenir mes mots, et parfois d’une voix forte. Je n’étais qu’une femme du peuple, et pourtant, je ne me sentais pas insignifiante. Peut-être que la manière dont Eponine se comportait n’était qu’un reflet de la manière dont les autres la voyaient ? Était-ce parce que les autres ne faisaient pas attention à elle qu’elle était devenue aussi timide, comme si elle ne voulait pas attirer cette attention que personne ne lui donnait ?

Je secouai la tête, refusant de m’enfoncer dans ces hypothèses farfelues. De toute façon, c’était la vie d’Eponine, pas la mienne. Quand bien même ce serait le cas, je comptais bien changer cela, si la fillette me le permettait. C’était une enfant adorable et intelligente, qui méritait toute l’attention qu’on pouvait bien lui offrir. Je me contentai d’un doux sourire devant ses joues rougies par l’embarras. Elle me faisait l’immense honneur de se confier à moi ; la moindre des choses était que je l’écoute attentivement, sans moqueries, et sans jugements. Ce n’était, à vrai dire, guère difficile. Je la trouvais adorablement touchante à parler ainsi de ses sentiments, avec autant de facilité. Moi-même, alors que je parlais en toute franchise de tout et de n’importe quoi, j’avais du mal à dire quoi que ce soit. Elle, elle m’avouait, courageusement, comme ça, qu’elle ne savait pas comment recevoir de cadeaux. Elle était digne d’admiration, cette enfant. Le savait-elle seulement ?

— C’est difficile à expliquer, avouai-je avec une moue hésitante.

C’était probablement la réponse la plus honnête que je pouvais lui fournir. Comment recevoir des cadeaux ? Ça dépendait de tellement de facteurs… Je ne savais même pas par où commencer.

— Il n’y a pas de protocole pour recevoir des cadeaux, tu sais. Ce n’est pas une méthode précise qu’il faudrait respecter, au risque de se faire taper sur les doigts. Oh, il y a parfois quelques conventions dans certaines circonstances, mais elles varient tellement d’une situation à l’autre qu’il est probablement plus facile de les piétiner allègrement. C’est toi qui reçois le cadeau, après tout. C’est à toi de décider de tes propres règles.

Ce n’était certes pas la plus respectueuse des méthodes, mais qui se souciait d’être respectueux ? Je jetai un coup d’œil à la fillette, qui n’avait pas cessé de s’excuser de ce qu’elle disait et faisait, comme si elle se pensait trop maladroite pour bien agir. Peut-être qu’Eponine apprécierait recevoir un conseil qui lui permette de recevoir un cadeau sans heurter la sensibilité de ceux qui, éventuellement, se montreraient trop sensibles pour accepter de voir leurs attentes réduites en cendres. Normalement, on n’offrait pas de cadeaux pour avoir quelque chose en retour – que ce soit des remerciements, un simple sourire, ou encore un autre cadeau. Mais après tout, certaines personnes avaient une vision des choses un peu différente.

— Bon, si tu veux éviter de vexer celui qui t’offre le cadeau, je suppose qu’accepter ledit cadeau est déjà un premier pas. Eventuellement remercier ton bienfaiteur pour sa générosité. C’est souvent ce qu’on fait quand on ne se connait pas encore bien et que le cadeau est juste un geste de politesse. C’est une méthode où tu ne risques absolument rien.

Je haussai les épaules.

— Personnellement, je trouve que cette méthode manque un peu de cœur. Si je t’offre un cadeau, c’est pour qu’il te plaise, pas pour recevoir tes remerciements. Je préfère encore que tu me dises qu’il ne te convient pas, je ne serais pas vexée.

Je lui adressai un large sourire.

— En fait, ça dépend un peu de comment tu le ressens. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui s’apprend autrement que par l’habitude. Et c’est normal, de ne pas savoir comment accepter les cadeaux. Certaines personnes rendent ça tellement compliqué !

Je levai les yeux au ciel, pour bien faire comprendre à quel point je trouvais ça ridicule. Le cadeau était quelque chose de si simple quand on évitait d’alourdir ce simple geste par des conventions insensées.

— En tous cas, avec moi, tu peux dire ce genre de choses. Tu peux me dire que tu n’aimes pas les cadeaux, et je ne t’en offrirai plus ; tu peux me dire si tu n’aimes pas un cadeau que je te fait ; et tu n’es même pas obligée de me remercier pour les cadeaux que je t’offre. Tant que ça te fait plaisir, ça me va !

C’était simple, non ? Je me tournai vers Eponine, me demandant si elle avait compris tout ce que j’avais dit. Pour moi, une telle chose était évidente, mais j’avais vécu dedans depuis que j’étais petite. Cette enfant… Tout ça était nouveau pour elle, et sans doute pas facile à appréhender.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyDim 14 Jan 2018 - 15:00

Je l'écoute avec attention, buvant ses paroles, oubliant presque le troupeau de biquettes qui continue de se presser autour de moi. C'est vrai que je dois beaucoup trop réfléchir. Quand moi j'offre un cadeau, même si c'est tout petit, je n'attends rien en retour. J'aime juste offrir et voir que ça fait plaisir. Je n'ai aucune autre pensée. Alors pourquoi je peux pas me dire que les autres pensent pareil ? Si moi je pense ainsi, les autres doivent faire de même, non ? Mélinda, en tout cas, agit de la même façon.

Je suis sur le point de rajouter quelque chose mais je suis rapidement interrompue par un mouvement chez les petites chèvres qui m'accompagnent. Un homme tente de se frayer un chemin et me dévisage, l'air très mécontent. Autour de lui, les chèvres bêlent, le pressent et tentent de lui mordiller la main. Sous ce regard, je blêmis. Et si elles lui font mal ?

-Petite, c'est à toi tout ça ? Tu vois pas que t'gênes ?

Les chèvres envahissent toute la place. Je ne sais pas tellement quoi faire et je rosis légèrement, écartant les bras en signe d'impuissance.

-Non, non... dis-je d'une petite voix. Je sais pas, elles me suivent. C'est pas les miennes, je suis désolée mais...

Mais l'explication ne semble pas vraiment convenir et, loin de le détendre, il paraît encore plus en colère.

-T'crois qu'c'est une bonne explication ça ? C'est pas l'endroit où faire joujou avec des chèvres ! J'veux passer, y a ma charrette, j'essaye de travailler moi !

-Oui monsieur, je suis désolée, lances-tu penaude, baissant la tête.

-Ça me fait une belle jambe que tu t'excuses ! Rappelles-tes chèvres !

Je n'ose pas le regarder, trop frustrée par ma propre impuissance. Je ne sais pas quoi faire avec ces chèvres, elles ne m'écoutent pas, n'en font qu'à leurs têtes et veulent juste se faire caresser en poursuivant ceux qui m'approchent trop. Mais je comprends le monsieur. Il cherche à travailler et je lui bloque le passage. Si je n'étais pas là, il passerait.

-Tu dors gamine ?! Faut s'réveiller là ! J'pas qu'ça à faire !

Mais je fais quoi ? J'amorce un geste pour reculer. Il faudrait que je parte... je lance un regard d'excuse à Mélinda. Je veux pas non plus la laisser planter là, ce n'est pas poli. Je suis dans une impasse. Et ces chèvres qui ne m'écoutent toujours pas !
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyJeu 1 Fév 2018 - 11:15

J’aimais bien, parler comme ça, à Eponine. Lui expliquer ce que j’avais vécu, et ce que je pensais de la vie. Lui apprendre ce qu’elle n’avait jamais eu l’occasion, dans sa vie, de comprendre par elle-même. C’était à la fois doux et paisible. Des moments comme ça, on aimerait qu’ils durent toute une vie.

Mais comme toujours dans ce genre de circonstances, le moment prit fin. Un hurluberlu armé d’une charrette se fraya tant bien que mal un chemin parmi les chèvres, interpellant Eponine sans le moindre respect, ni la moindre considération pour son jeune âge. Trop effarée par son comportement pour réagir immédiatement, je restai immobile pendant quelques instants, bouche bée. Comment pouvait-il prétendre que cette enfant gênait ? Les chèvres qui s’amassaient autour d’elle étaient certes bien encombrantes, mais elles n’étaient même pas les siennes. Le coupable serait plutôt celui qui avait laissé ces animaux sans surveillance. Accuser ainsi une enfant de façon aussi brutale et gratuite me paraissait totalement irresponsable.

La pauvre Eponine n’en menait d’ailleurs pas bien large, et l’inconnu, sans se laisser démonter par sa détresse, continua à la réprimander impitoyablement. La petite recula, impuissante devant les foudres de cet adulte qui n’écoutait même pas ce qu’elle avait à dire pour se défendre. Je foudroyai le nouvel arrivant du regard, bien décidée à lui faire comprendre à quel point son comportement était inacceptable. Aurait-il réprimandé n’importe quel enfant dans les mêmes circonstances, je n’y aurais probablement même pas prêté attention. Mais Eponine n’était pas n’importe qui, et il était hors-de-question que je laisse qui que ce soit lui parler de cette façon juste devant moi. Je quittai mon abri, m’avançant au milieu des biquettes sans me préoccuper qu’elles puissent me faire du mal.

— Ca y est, c’est fini ? questionnai-je, toute ma fureur concentrée dans cette unique phrase. Vous avez suffisamment étalé votre incompétence sur une enfant qui n’a rien à se reprocher ? Si c’est le cas, tant mieux, parce que je ne vous laisserai pas poursuivre une seconde de plus ! Si non, je vais vous arrêtez tout de suite, avant que vous ne vous ridiculisiez encore plus.

Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais je ne lui laissai pas le temps de poursuivre. Etre bavarde et avoir l’habitude de noyer son interlocuteur d’une cascade de mots avait parfois ses avantages.

— Vous travaillez pour gagner votre vie ? Très bien, c’est tout à votre honneur. Mais rien ne vous dit que nous ne partagions pas une conversation toute aussi importante concernant la vie. Je ne pense pas qu’il soit possible que nous nous mettions d’accord sur ce qui est le plus important : notre conversation ou votre travail. Par conséquent, je ne vois pas en quoi nous devrions bouger plus que vous. Nous vous dérangeons, vous nous dérangez, et nous sommes dans une impasse, parce qu’aucun d’entre nous n’est prêt à laisser l’autre tranquille tant qu’il n’aura pas eu ce qu’il attend.

Je croisai les bras sur la poitrine et relevai le menton pour me donner l’air plus grande. J’étais peut-être petite – une tête de moins que cet homme, environ – mais je ne me laisserais pas marcher sur les pieds, et je devais bien le lui faire comprendre. Je n’avais jamais laissée cette caractéristique physique influencer sur ma capacité à faire entendre mon point de vue, et ce n’était pas aujourd’hui que ça allait commencer.

— Et puis, il me semble que vous êtes payé pour amener cette charrette je ne sais où. Vous êtes censé vous démenez pour qu’elle arrive à bon port, j’imagine. Je suis sûre que vous avez déjà rencontré bien des obstacles au cours de votre carrière – ou du moins, que vous vous êtes montré suffisamment prévoyant pour savoir qu’un jour où l’autre, vous rencontreriez un obstacle sur votre route. Tellement de choses peuvent obstruer un chemin que ce serait totalement irresponsable de compter dessus à toute heure du jour ou de la nuit. Ne me faites pas croire que vous ne connaissez pas un autre itinéraire vers votre destination, un itinéraire qui ne demande pas de passer par ici. En vérité, vous êtes juste trop paresseux, ou trop incompétent, pour aller le chercher vous-même, cet autre itinéraire, et vous préférez réprimander une enfant – qui, comme elle l’a dit, n’est même pas responsable de cet encombrement – pour qu’elle vous débarrasse de ce qui vous gêne.

Je secouai la tête, incrédule.

— Vous croyez que nous on a que ça à faire, d’éloigner des chèvres qui ne nous appartiennent pas pour vous permettre de poursuivre votre travail dans les conditions qui vous sont optimales ? Le monde ne tourne pas autour de vous, vous savez. Si passer par ici vous dérange, vous n’avez qu’à aller ailleurs.

Bien, j’avais fait entendre mon point de vue. Inutile de discutailler plus longtemps avec cet imbécile. Dans ce genre de débats, il était rare que l’un des participants abandonne sa position. J’avais fait entendre ce que je voulais faire entendre – avec un peu de chance, cet inconnu comprendrait. Je me tournai vers Eponine et lui lançai un large sourire.

— Viens Eponine, on s’en va. Il commence à y avoir trop de bruit, par ici.

Ce n’était pas exactement un abandon. Juste la reconnaissance du fait qu’un accord allait être particulièrement difficile à trouver, et que j’avais bien d’autres choses à faire dans ma journée. Je devais encore offrir son cadeau à Eponine, par exemple – si elle le voulait bien, et si les chèvres me laissaient faire, cette fois. Je jetai un coup d’œil prudent aux créatures si faussement mignonnes. Devant l’urgence de la situation, j’avais préféré les ignorer, et elles ne m’avaient pas fait grand mal. Mais que se passerait-il si elles se décidaient à m’attaquer à nouveau ? Mais j’avais protégé Eponine, tout comme elles le faisaient. Peut-être qu’elles devraient se montrer reconnaissantes ? Je secouai la tête en souriant. A quoi bon essayer de comprendre le comportement de chèvres ? C’était déjà assez difficile de comprendre le mien, parfois…
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyJeu 8 Fév 2018 - 23:25

Je croule, je me sens tomber sous le regard dur et inflexible de l'homme. Je suis prête à partir mais je sais même pas où aller. Mais je n'ai pas le temps de prendre une décision que déjà Mélinda intervient dans la conversation. Mon cœur s'emballe. J'ai pas envie qu'elle ait des ennuis à cause de moi mais cela ne semble pas la déranger pour autant, bien au contraire. Les mots coulent tout seul de sa bouche et je la contemple, stupéfaite. Elle paraît plutôt agacée contre l'homme et ses mots me font réfléchir. Comme d'habitude, mon premier réflexe c'est de me dire que je suis responsable. Mais les arguments de Mélinda sont cohérents et remettent tout en doute. Après tout, elle n'a pas tord non plus mais j'ai tellement pas l'habitude de voir les choses sous cet angle que j'ai toujours l'impression d'être la première responsable. Mais c'est sûrement parce que j'ai onze ans, contrairement à Mélinda, et que je n'ai pas pour habitude de remettre en cause les propos des adultes. Je pousse presque un gémissement effrayé quand je la vois descendre pour s'approcher des chèvres et me faire signe de la suivre. Par réflexe, je serre le poil d'une des biquettes qui m'accompagne, priant pour qu'elle ne se rue pas sur mon amie pour la chasser. Et même sur le monsieur. Après tout, je veux faire de mal à personne.

Je suis docilement Mélinda, essayant tout de même de garder un peu de distance entre elle et moi, de peur de voir les chèvres devenir encore plus méchante. Je n'ose pas regarder le monsieur au passage et je rentre la tête dans les épaules, terrifiée à l'idée de subir sa mauvaise humeur mais il ne dit rien. Les chèvres ne font rien non plus et je continue donc de suivre Mélinda. Mais les biquettes ne semblent pas prêtes à me lâcher pour autant. Elles ont l'air un peu plus calme et quelques-unes trottinent à côté de Mélinda sans vouloir lui manger la main. Peut-être qu'elles se sont calmées ? Ou peut-être estiment-elles qu'elle marche suffisamment loin de moi ? Qu'elles ont commencé à s'habituer à sa présence ? Je pense que je le saurai jamais. Nous poursuivons notre route pendant quelques minutes avant de nous arrêter de nouveau sur une autre petite place. Beaucoup de passants nous regardent avec curiosité. Je rougis un peu. Un silence s'installe.

-Merci,
dis-je, reconnaissante.

J'attends un peu avant d'ajouter d'une voix un peu maladroite, presque intimidée.

-Alors euh... ce cadeau ?

Je rougis encore un peu plus et mon cœur accélère soudainement. Pourtant je sens une vague d'excitation m'envahir. Je reste stupéfaite en constatant que j'ai envie de recevoir son cadeau et qu'il me tarde de le découvrir. Je reste tout de même gênée par son geste mais j'ai tout de même envie d'en savoir plus. Qu'a-t-elle bien pu m'offrir ?
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyMer 28 Fév 2018 - 14:48

J’étais… furieuse. Si furieuse, à vrai dire, que si j’étais restée à argumenter avec cet homme, j’aurais pu en venir à l’injurier grossièrement, ou à le frapper. Encore maintenant, alors que je m’éloignais de l’importun, accompagnée d’Eponine et de ses petites protectrices bêlantes, il suffisait que je repense à la manière dont il nous avait abordées pour que mes poings se crispent de rage. Je comprenais, bien sûr, son point de vue. Rationnellement, je savais qu’il était en plein travail, et qu’il n’avait pas envie d’être ralenti par quelque contretemps que ce soit, et qu’il ne savait pas non plus comment se débarrasser des encombrantes chèvres, et qu’il avait cru voir en Eponine une cible idéale pour passer sa frustration, parce qu’elle n’était qu’une gamine.

Je pris une profonde inspiration pour résister à la tentation de fracasser mon poing dans le mur le plus proche. Je savais que ça n’aurait servi qu’à me blesser la main, et que ça n’aurait pas eu beaucoup d’effet sur ma colère. Comment pouvait-on croire une seule seconde qu’un enfant était une cible idéale pour passer ses frustrations ? Était-ce parce qu’il était incapable de se défendre et de se montrer menaçant ? Les hommes avaient-ils si peu de courage que cela ? N’avaient-ils donc aucune fierté ? Je n’étais pas bien grande, et pas très forte avec ça, mais quand je me confrontais à autrui, je n’hésitais pas à attaquer plus fort que moi, sortant mes mots les plus acérés et mes répliques les plus vives pour compenser ma faiblesse physique. Eponine, elle, n’avait rien de tout ça. Elle était encore si jeune, tâtonnant pour se faire à la vie. Elle ne méritait pas qu’on s’attaque à elle comme ça, et cet homme aurait dû s’en rendre compte.

Je revis Eponine, essayant de s’exprimer, de se défendre, de répondre, au moins, à l’agression dont elle était la victime, avant de laisser l’agressivité de l’homme submerger ses tentatives. Je me mordis la lèvre inférieure, l’air mauvais. Peut-être que j’aurais vraiment dû le frapper, cet homme. Il ne méritait pas moins. Je savais qu’Eponine ne pourrait jamais apprendre à se défendre qu’en se forgeant un caractère dans les situations contraignantes, mais je ne pouvais m’empêcher de penser que l’inconnu, égoïstement et de façon très peu courtoise, y avait été un peu fort avec elle. Il aurait au moins pu prendre la peine d’écouter ses excuses maladroitement bredouillées – même si, à mes yeux, la fillette n’avait rien à se faire pardonner.

Toute perdue dans mes réflexions et dans mes tentatives pour réfréner ma fureur, je ne m’aperçus pas du silence qui s’était installé entre Eponine et moi. Avec le bêlement des chèvres, le bruit de nos pas sur les pavés et le cliquetis des sabots, notre troupe un peu insolite faisait suffisamment de bruit pour que l’absence de paroles ne soit pas gênante à mes yeux, pas alors que j’étais à ce point perdue dans mes pensées. Nous nous arrêtâmes un peu plus loin, sans que je reprenne la conversation. Je jetai un coup d’œil prudent aux chèvres, remarquant enfin que leurs intentions belliqueuses semblaient s’être apaisées, pour l’instant. Les remerciements d’Eponine me surprirent, et me firent comprendre que le silence durait depuis longtemps déjà. Je secouai la tête en souriant.

— Oh, merci à toi, rétorquai-je avec malice. J’avais besoin d’exercer un peu mes compétences oratoires. C’est chouette de m’en avoir donné l’occasion !

J’avais parlé comme si la fillette l’avait fait exprès. Je voulais insinuer qu’elle aurait eu la force de se défendre seule – cela, j’en étais persuadée – et que mon intervention l’avait simplement empêchée d’agir. Avec un peu plus d’assurance, Eponine pourrait sans doute tenir tête à n’importe qui, si elle le voulait. J’avais toute confiance en ses capacités, et je voulais le lui montrer.

D’une voix timide, un peu maladroite, la fillette demanda alors après son cadeau. Je ne pus m’empêcher de sourire, me rappelant de quoi tout cela était parti. Les restes de ma colère qui avaient résistés aux remerciements d’Eponine fondirent comme neige au soleil devant mon enthousiasme. J’avais hâte, vraiment, de voir sa réaction quand je lui offrirai ce cadeau. Je me demandai ce qu’elle allait en penser. Si elle allait aimer. Si elle allait sourire. Si elle allait trouver que c’était beaucoup trop. Si elle allait estimer que c’était inutile. Je trépignais presque d’impatience. A se demander comment j’aurais réagi, si elle avait préféré ne rien me demander.

— Je l’ai laissé à la Taverne de la Rose, c’était un peu encombrant à transporter quand je te cherchais dans les rues de Lorgol. On peut aller le chercher maintenant, si tu veux. Je crois qu’il vaut mieux que je te le montre. Ce ne serait pas aussi amusant, si je te disais sur-le-champ ce dont il s’agissait.

J’emmenai donc Eponine vers la Taverne, remerciant mes nombreuses errances dans les rues de Lorgol de m’avoir donné un sens de l’orientation plus ou moins fiable. Tout le long du chemin, je continuai à babiller.

— J’espère que tu aimeras. Je ne sais pas si c’est le genre de choses susceptible de te plaire, mais j’imagine qu’on verra bien ! Au moins, si tu n’aimes pas, ça me donnera l’occasion d’en apprendre un peu plus sur toi !

Je laissai mon sourire se teinter de mélancolie, tandis que de vieux souvenirs remontaient à ma mémoire.

— Mon frère en avait un presque pareil, et il aimait beaucoup jouer avec. Il disait que ça lui permettait d’exprimer des choses que les mots ne suffisaient pas à dire.

Je n’avais jamais vraiment compris. A mes yeux, les mots pouvaient tout dire. Mais ce n’était pas de moi dont il s’agissait ici ; c’était d’Eponine. Peut-être que la fillette trouverait-elle un certain sens derrière cette idée. Je lui lançai un doux sourire.

— J’ai remarqué que tu n’étais pas toujours très à l’aise avec les mots. C’est vrai que parfois c’est difficile, de savoir comment exprimer précisément quelque chose que l’on ressent confusément. Peut-être que ce sera plus facile pour toi, avec mon cadeau, d’extérioriser ce que tu ressens, si tu as besoin de le faire. Enfin… c’est ce que j’ai pensé. C’est peut-être un peu stupide.

Enfin, nous arrivâmes à la Taverne de la Rose. Je demandai à Eponine d’attendre que j’aille lui chercher son cadeau, et revint avec le piano miniature que j’avais acheté le matin même, en souvenir de mon frère. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, soudain incertain. Est-ce que ça allait lui plaire ? Allait-elle seulement être sincère avec moi à ce sujet ?

— Voilà, déclarai-je en lui tendant le cadeau, souriant jusqu’aux oreilles.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyJeu 8 Mar 2018 - 0:44

Je ne comprends pas très bien ce que Mélinda veut dire mais j'ai plutôt l'impression qu'elle est satisfaite de toute cette histoire. Je lui adresse donc un petit sourire timide, ne sachant si elle est dit la vérité ou si elle cherche à me rassurer. En tout cas, ce qui est sûre, c'est qu'elle a l'air absolument ravie à l'idée de me montrer son présent et me presse d'aller à la Taverne. Je ne peux que sourire, largement et très sincèrement cette fois, parce que c'est plutôt contagieux. Et je la suis donc, avec une certaine excitation, buvant ses paroles pour essayer de deviner ce que c'est. Je me surprends même à songer ainsi. Quelques minutes plus tôt, je me sentais surtout très gênée à l'idée qu'elle m'offre un cadeau mais maintenant, je sens une certaine excitation. Une impatience fébrile. Je suis dévorée par la curiosité et impatiente de découvrir ce que c'est. Et je crois que je commence à comprendre ce que Mélinda veut dire lorsqu'elle me parlait des cadeaux. Et, chose incroyable, au fur et à mesure qu'on avance, les biquettes commencent à rebrousser chemin ou s'arrêtent ailleurs. J'ose pas en parler à Mélinda, de peur de rêver trop en avance mais lorsque nous atteignons finalement la Taverne, il n'y en a plus une seule et je ne peux m'empêcher de pousser un soupir de soulagement. Je sais pas vraiment ce qu'il s'est passé et je sais encore moins pourquoi elles ont décidé d'un coup de me laisser tomber mais je suis heureuse qu'elles l'aient fait. Un poids semble se retirer aussitôt de mes épaules et je retrouve l'air enjoué que j'ai habituellement, riant aux paroles de Mélinda, m'extasiant à voix haute de ce qu'elle me promet. Moi je suis sûre que son cadeau me plaira, peu importe ce que c'est et je l'attends donc dans la salle principale, à une de mes tables favorites. Mélinda va m'offrir un cadeau et les biquettes sont bien loin de moi, il y a de quoi retrouver le moral. Bien sûr, j'adore les chèvres mais pas à ce point là et je suis pas sûre d'oser m'en approcher pour les mois à venir. J'ai eu mon quota. Enfin... le monsieur semble bien loin de tout ça maintenant.

Mélinda finit par redescendre avec son cadeau et je le couve avec un réel ébahissement. Un... piano. C'est un petit piano. Mais un piano. Je le prends avec précaution, admirant chacune de ses lignes, les propos de Mélinda prenant alors tout leur sens. Elle m'a si bien cerné. Et je me sens tellement touchée qu'un tel présent réveille en elle des souvenirs. Émue au-delà des mots, je le tiens comme si c'est la chose la plus précieuse que j'ai. Et je crois bien qu'elle l'ait. Je n'ai jamais rien possédé de tel et je crois que je me serais mise à pleurer si je ne m'étais pas faite la promesse que les larmes ne mouilleraient plus mes yeux. J'ai la gorge nouée et je peine à trouver mes mots justement. Des mots assez forts pour la remercier.

-Je... euh... merci, soufflé-je dans un murmure à peine distinct.

Ma voix tremble sur la fin et j'avale ma salive. J'ai la gorge tellement sèche. Je ne sais pas jouer de piano. Mais je vais bien trouver quelqu'un qui m'apprendra. Je ne peux pas laisser Mélinda m'offrir un piano et ne pas savoir y jouer.

-C'est... c'est magnifique. Ça... ça me fait très plaisir.

Je la regarde avec toute la gratitude que je peux. Je suis sincère. Sincèrement heureuse. Sincèrement touchée. Et il me tarde de savoir jouer un petit quelque chose et lui montrer. Je pense que ce sera une bonne façon de la remercier.
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Message Sujet: Re: Que dansent les biquettes et que bêlent les notes   Que dansent les biquettes et que bêlent les notes EmptyVen 6 Avr 2018 - 14:05

J’étais tellement excitée à l’idée d’offrir son cadeau à Eponine que je ne remarquai même pas que les biquettes s’éloignaient. Je m’étais pourtant promis de les surveiller du coin de l’œil, de peur qu’elles ne se mettent de nouveau à m’agresser. Toutefois, devant leur inaction, j’avais fini par complètement les oublier. J’essayais de décrire du mieux possible le cadeau que j’allais offrir à la fillette, sans pour autant lui dévoiler totalement ce dont il s’agissait. Elle comprendrait quand elle verrait le piano miniature – une petite merveille d’artisanat, sans doute. Lorsque je lui présentai le cadeau, j’attendis en silence, incertaine, qu’elle me dise si elle l’appréciait ou pas. J’étais prête à le reprendre, si elle me disait que ça ne lui convenait pas. Je ne savais pas ce que je pourrais bien en faire, mais je ne voulais pas l’encombrer de choses qu’elle considérerait comme inutiles.

Quand elle finit par me remercier, mon sourire s’élargit considérablement. Ce n’était qu’un simple petit mot, un peu maladroit, mais à mes yeux, il valait tout l’or du monde. La voix de ma protégée, tremblante, laissait entrevoir que mon cadeau lui avait fait grand effet. C’était amplement suffisant à mes yeux. Dans son regard, je pouvais lire toute l’ampleur de sa gratitude, et même si je n’en avais pas besoin, c’était extrêmement touchant. Je lui lançai un large sourire, pour lui faire comprendre sans un mot que c’était un plaisir de lui offrir ce présent. Je n’avais que rarement l’occasion de faire un geste pareil. Avant d’arriver à Lorgol, j’avais pour habitude de ne pas m’attacher à autrui, et un cadeau offert à un parfait inconnu n’avait pas vraiment la même valeur. Sans doute était-il impossible, toutefois, de ne pas s’attacher à Eponine. Elle était tellement… émouvante.

— Je suis vraiment contente que ça te plaise. On n’est jamais sûr, avec les instruments de musique. C’est joli à entendre, une fois qu’on sait en jouer, mais jusque-là…

Je me rappelai les quelques moments où mon frère avait essayé de m’apprendre. Devant mon absence totale de concentration – et mon manque de talent – il avait abandonné assez vite cette idée, mais non pas sans quelques moments de torture auditive.

— Disons qu’il faut plus de patience que je n’en ai jamais eu à disposition, me contentai-je de dire en haussant les épaules.

J’eus une grimace de dépit.

— J’aurais aimé pouvoir t’apprendre à jouer quelques notes, mais je crois que je suis incapable de me rappeler un enchainement correct. Pour tout dire, je crois que je suis tellement peu douée avec ces… choses… que je serais même incapable de te montrer comment on joue mal. Il se pourrait presque que je joue bien par inadvertance.

Je secouai la tête en soupirant, comme si je ne parvenais pas à croire ma propre incompétence. En réalité, je n’étais tout simplement pas assez disciplinée pour apprendre à jouer d’un instrument de musique. Mes pensées aimaient trop voleter un peu partout pour se concentrer uniquement sur les notes. Un rien parvenait à me distraire, surtout si le « rien » en question recelait la moindre trace d’un défi en perspective… Mais Eponine n’était pas comme moi. Elle était plus sage, plus appliquée, et plus intelligente sans doute. Avec un peu de temps et d’entrainement, elle pouvait probablement faire des merveilles. Et si ce n’était pas le cas, elle pouvait toujours utiliser le piano pour casser les oreilles de ses voisins. C’était une manière de faire.

— Je suis certaine que tu sauras faire mieux que moi, en tous cas ! assurai-je avec un large sourire, mêlé de confiance et de fierté. Ce n’est pas très difficile, cela dit. Mais bref, je crois que tu as ces qualités indispensables pour jouer de la musique correctement – qualités que je n’aurais jamais. En fait, je pourrais presque être jalouse, si je n’étais pas aussi occupée à me dire combien c’est formidable.

Je ne pus retenir un léger rire en m’entendant parler. Peut-être que l’excitation de voir le cadeau plaire à ma protégée m’emportait un peu loin.

— Et à m’entendre parler on dirait que tu es devenue la plus grande pianiste d’Arven ! Ce n’est pas exactement ce que je voulais dire.

Je lui lançai un doux sourire.

— Je voulais juste dire que tu es quelqu’un de formidable, Eponine. Tu es courageuse, adorable et intelligente. Et ce cadeau, tu le mérites amplement, quoi que tu en penses.

Avant qu’elle ait pu répondre quoi que ce soit, je lui fis un clin d’œil.

— Et avant que tu aies pu protester pour me contredire, ou rougir d’embarras, je vais m’éclipser et te laisser profiter de ton nouveau cadeau !

La journée était déjà bien avancée, et je n’allais tout de même pas accaparer Eponine plus longtemps. Sans doute avait-elle bien d’autres admirateurs à contenter – comme ces petites chèvres, qui avaient fini, elles aussi, par la quitter. De plus, je savais que la petite n’accepterait pas aussi facilement un compliment brut, jeté comme ça juste devant elle. Elle ne saurait sans doute pas comment y réagir, tout comme elle ne savait pas accepter de cadeau. Or, j’avais déjà bien bousculé ses sentiments aujourd’hui, en lui offrant ce piano miniature. Ce n’était encore qu’une enfant. Elle ne devait pas avoir l’habitude qu’on s’intéresse comme ça à elle. C’était triste, mais ça n’en restait pas moins vrai.  Il valait mieux y aller par petites touches. Je fis un geste de la main en direction d’Eponine, pour lui dire au revoir, et sortit de la Taverne de la Rose d’un pas guilleret, avant qu’elle ait pu me retenir. J’étais contente que ça lui ait plu. Je n’avais besoin de rien de plus.
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