L'échappée belle

Vous approchez toujours plus, mais vous n'en restez pas moins absolument concentrés sur votre tâche. Deux des Cavaliers s'écartent, emportant dans leur sillon une partie des Chasseurs. Mort se rapproche de Conquête et tu imites sa légère déviation sans broncher, instinctivement. Vous les attaquerez de à l'arrière et de front. Ils n'ont aucune chance ; vous êtes déjà tous prêts à dégainer vos armes à la première opportunité.

Elle se présente plus vite que tu ne le penses en la personne d'un homme, qui déboule d'une ruelle et qui n'a même pas le temps de lever les yeux jusqu'à toi : ton arme fend l'air et le voilà qui s'écroule tandis que tu continues ton chemin sans sourciller. Tu essuies l'arme sur ta cuisse et te voilà de nouveau concentré sur votre proie.

Vous redoublez d'efforts alors qu'ils sont là, devant, non loin, forcés à se diriger vers le port. Ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Tu sais soudain qu'il ne faut pas. Que l'homme blond, là, peut vous empêcher d'atteindre votre but et tu le refuses. Vous le refusez. C'est hors de question. Comme tous les autres, tu te places sur ton cheval de façon à ce qu'il aille toujours plus vite.

Spoiler:

Il court sans s'arrêter, il court à en perdre son souffle. Il n'a plus l'habitude de courir, pas depuis qu'il a quitté l'enfance où il passait son temps à gambader sur les plaines de Rivepierre. C'est loin tout ça, trop loin. Il sent la Chasse qui s'approche, il sent l'angoisse qui le prend à la gorge. Et il ne peut guère se retourner pour vérifier, il le sait !

C'est une voix de femme qui le fait soudain sursauter. Elle crie quelque chose et il s'exécute, relevant un pan de sa cape pour se protéger le visage. Courir ainsi est malaisé, il sent ses poumons qui protestent, sa foulée qui se fait plus hésitante. Il retient la jeune femme contre lui et bifurque brusquement quand il entend le son des sabots trop proches de lui. Quelque chose le frôle. Quelque chose le touche, même. Il sent la brûlure, quelque part à hauteur d'épaule. Mais il ne s'arrête pas pour en constater les dégâts. Il remarque juste la vivenef et il suit l'Îliens qui fonce dans sa direction.

À bout de souffle, il s'arrête un instant devant le navire, espérant de tout coeur que l'homme appuyé au bastingage acceptera de les aider. Il ne semble pas le moins du monde perturbé par leur arrivée d'ailleurs, pas plus que par les aboiements des chiens et le martèlement des sabots sur les pavés. « À une condition – que cet homme qui vous accompagne, ce porteur de notes, accepte les conséquences. Le droit d’asile dépendra de ses choix. Il ne vous sera accordé que s’il se donne à nous. » Teagan lève les yeux, complètement désarçonné. « Qu-quoi ? » Sa voix s'étrangle et ses pensées se tournent immédiatement vers ses enfants, vers sa famille. Se donner à eux ? Que veut-il dire ? Qu'attend-il de lui ? Il ne peut pas abandonner les siens.

Mais la Chasse Sauvage arrive, et il ne pourra pas non plus les rejoindre s'il se fait tuer. Pourquoi a-t-il voulu aider cette femme déjà ? Un regard sur elle, sur son regard fixé dans le vide, et sa conviction se fait plus ferme. Il relève les yeux. « J'accepte. Aidez-nous, je vous en prie. » Une dernière prière, adressée à l'homme, à Sibra, à tous les dieux du panthéon. Aidez-nous.

Spoiler:

Une idée compte. Une seule et unique. Ta proie. La mission. Tu as guidé tes Cavaliers et les chasseurs vers cette destination unique et tu sens la victoire s'approcher tandis que tu vois l'impasse vers laquelle vous les conduisez. Bientôt, elle va rejoindre vos rangs et demain une nouvelle proie s'imposera à toi. Ainsi va la vie. Ainsi la mission perdure.

Et pourtant. Pourtant au moment où la victoire semble vous tendre les bras, tu perçois la silhouette d'une vivenef amarrée au port et une idée germe alors dans ton esprit. Une idée commune, perçue par toute la Chasse. Une idée dont tu es bien incapable de déterminer l'origine mais dont tu es certaine de sa véracité. Ils ne doivent pas rejoindre la vivenef. Ils ne doivent pas rejoindre Symphonie. La victoire se rétracte alors qu'ils se dirigent vers elle, dans un élan désespéré de vivre. Tu as l'impression de redoubler de vitesse alors qu'ils sont ainsi, sur le pont, à quémander une aide qu'il ne faut pas qu'ils quémandent. Vite. Il faut faire vite. Encore plus vite ou il sera trop tard. Ou la Chasse risque d'avoir quelques complications. Droite et digne sur ton destrier d'un noir de nuit, tu n'es pas touchée par la détresse du petit groupe. Seule ta mission compte et Symphonie ne doit pas rentrer dans l'équation. Ils ne sont pas encore à bord. Encore quelques pas et bientôt une autre âme viendra rejoindre tes rangs.

Alors il faut faire vite. Encore plus vite.

Spoiler:

Elle entend les mots de Rackham, s'accroche au bras de l'inconnu et court. Trébuche, avance, sans se préoccuper du reste, tentant de ne pas entendre les bruits derrière elle.
Elle ignore où ils sont, où ils vont, mais ne se pose plus de question.
Sans un mot, elle suit le mouvement, se doutant bien que si elle s'arrête, ils sont fichus. Tous.

De ce qu'elle comprend et entend, ils vont aller sur un bateau. Déjà que quand elle se prépare à monter sur un bateau sans stress, ça ne se passe super bien, voilà que maintenant ils veulent réitérer l'expérience dans une situation délicate. Elle ne dit, mais espère que ça se passera bien.

L'asile est demandé.
L'inconnu tenant son bras doit accepter de se joindre à l'équipage par la suite - de ce qu'elle semble comprendre. Pourquoi diable accepte-t-il ? Pas le temps de montrer qu'elle n'est pas d'accord avec cette décision - pourquoi faut-il toujours qu'elle complique tout ? - que voilà qu'il accepte. Que s'est-il passé par sa faute ? Elle n'en sait rien, mais préfère ne pas empirer la situation. Le silence est parfois maître mot.

Le silence fait suite à l'accord de l'inconnu. Pendant quelques secondes elle ne sait pas quoi dire, puis finalement reprend la parole. "Montons alors, vite !" Parce qu'ils ne peuvent plus attendre longtemps. "Pouvez-vous m'aider ?" Demande-t-elle, alors que sa main libre se tend vers l'avant, cherchant un cordage, quelque chose auquel s'accrocher pour monter sur le bateau.

Spoiler:

Le temps est en branle, tout autour de lui, alors qu’aux côtés de Famine il chevauche fièrement. Façon de parler. Il n’y a que l’attente, l’excitation calme de la Chasse à la poursuite de la proie, que l’espérance mitigée de l’instant qui va forcément arriver. Jamais celle-ci ne faillit, jamais le condamné n’échappe à la folie meurtrière – et terriblement juste à leurs yeux ! Du moins lui semble-t-il – que l’Innocente lâche sur lui.

Accompagné de Guerre et de ses Chasseurs, le Cavalier de celui qui a été duc guide ce petit groupe à l’opposé de Mort et Conquête. Ils ne pourront pas s’échapper. Ils. Car ils sont plusieurs, ce soir, à tenter de s’interposer ! Ils sont plusieurs à vouloir défendre leur proie, à tenter d’arrêter, de vouloir stopper l’inévitable. Ils sont plusieurs, et peu importe leur nombre. La Chasse tuera.
Son but sera atteint. Quoi qu’il advienne. Son but qui l’attire, l’attire sur les quais, aux côtés de ceux qui choisissent de suivre la Chasse, chaque nuit, jusqu’à la fin, et la silhouette d’une vivenef se dessine. Au fond de leur esprit – sont-ils encore seulement plusieurs ? –, il croit reconnaître ces formes. Et la réponse, soufflée à tous.

Il ne faut pas qu’ils y montent. Il ne faut pas qu’un seul y accède. A la suite des autres, le pas pressant, lames dénudées et prêtes à frapper – tout pour les empêcher – ils les entourent, masse de damnés volontaires pour toujours aux côtés de l’Innocente et des Cavaliers.
Peut-être est-ce déjà trop tard. Mais personne ne peut leur échapper. Personne. Et surtout pas leur cible, presque proche. L'attraper avant qu'elle ne grimpe.
Il n'y a qu'elle qui compte. Mais il est trop loin, encore, pour qu'elle se trouve à portée de sa propre lame.

Spoiler:

Ils courent, à en perdre haleine. Les chiens et les chasseurs retardés par l’élémentaire de glace, c’est une chance pour Rackham et la jeune femme de courir le plus loin possible et de rejoindre les autres. La magie vibre encore au travers de l’îlien, et heureusement qu’il est entrainé à créer plusieurs de ces créatures, car son énergie pourrait bien vite se vider. Main dans celle de la brune, ils finissent par arriver au niveau des autres coureurs et il est bien heureux, le capitaine des Chevaucheurs, de voir que son frère n’a pas perdu son temps pour les guider. La voix de la cielsombroise résonne, leur intime un ordre et presque machinalement, poussé par l’instinct il obéit, même si courir sans son souffle est complexe. Mais le poison lancé par la femme fait effet et retarde un peu plus les mâtins à leur poursuite. Pour combien de temps, il l’ignore, mais c’est aussi une occasion à ne pas rater.

Lorsque le bruit du bois d’un ponton remplace celui des pavés du port, c’est inquiet que l’îlien relève les yeux vers la seule Vivenef à quai. Mais à quoi pense Red en allant sur le pont d’un navire ? Ce n’était pas comme si le bateau allait partir en l’instant, si tant est que l’eau était une faiblesse à la Chasse ! Il allait presque gronder que c’était une erreur et qu’ils s’étaient foutus dans un piège, mais en même temps, il ne leur restait pas beaucoup de choix… d’un côté ou de l’autre, le port était cerné par la Chasse.

« Vite, vite ! »

Grogne-t-il alors que ça discute devant pour avoir droit d’asile sur le navire… Cet homme blond demande compensation. Soit, c’est sans doute un peu égoïste mais ce n’était pas comme s’ils avaient le choix. Visiblement, il avait le pouvoir de les protéger de la Chasse (même si cela intriguait l’îlien…). Derrière, il entendait toujours plus les Cavaliers et les Chasseurs se rapprocher, et par tous les dieux, il mettait toute sa volonté à ne pas se retourner pour les regarder.

Spoiler:

L’homme à l’accent le plus prononcé vous mène, sans même hésiter, jusqu’à la vivenef à quai. Une étrange impression te prend, à la vue de l’homme blond appuyé au bastingage, portant sur ses traits élégants et nobles une expression indéchiffrable. Tu ne saurais décrire le frisson qui court sur ta nuque, qui glace ton intérieur, mais il n’a rien de naturel. Tu n’es pourtant pas inquiète. Seulement… tout ceci est fort étrange.

À la demande de protection faite, l’autre réplique de la façon la plus étrange possible. Déstabilisante. Ton regard se fixe sur la nuque du grand Outreventois, et la sévérité se fait maîtresse dans tes prunelles sombres. Refusera-t-il ? Ou se montrera-t-il de l’honneur dont son duché se réclame ? Le sacrifice à consentir est inconnu, et cet homme a probablement des amis, une famille, vers lesquels ses pensées probablement se tournent, mais… contre la mort certaine qui accompagne les sabots fantômatiques des chasseurs, a-t-il un réel choix ? « J'accepte. Aidez-nous, je vous en prie. » Un soupir… soulagé, crois-tu. Tu ne sais pas vraiment. « Montons alors, vite ! Pouvez-vous m'aider ? » Ta main vient prendre le bras de l’aveugle, afin de la guider. Ta voix grave et calme comme un repère, pour la femme : « Je suis là, avec vous. » Vous êtes là, tous autant que vous êtes. Étrange équipée, aux cœurs pourtant grands et honnêtes. « Je ne suis jamais allée sur un navire. » La confidence a passé tes lèvres sans que tu réfléchisses, sans que tu saches pourquoi ces mots sont ceux venus à ton esprit. Tu entames prudemment la montée de la planche, l’aveugle accrochée à ton bras, et tu te forces à ne pas poser les yeux sur la Chasse Sauvage qui vous talonne pratiquement. Les hurlements de mâtins se sont étranglés, dans le nuage nocif qui a rétréci leur trachée et a embourbé leurs poumons, mais Ceux qui chevauchent, eux, sont toujours aussi dangereux. Cette vivenef sera-t-elle bien votre salut ?

Spoiler:

Ils acceptent. Levor soit loué, ils acceptent de les laisser monter à bord ! Teagan ne se fait pas prier, il grimpe sur le navire à la suite de la jeune femme, aidée par d'autres personnes présentes sur la vivenef. Et arrivé sur le pont, il n'attend qu'une chose, qu'ils se mettent au travail pour faire quitter le port à tout le monde. Mais ils ne bougent pas. À vrai dire, ils semblent même afficher un air presque serein face au danger qui les guette et l'Outreventois ne comprend pas.

Prenant son courage à deux mains, il avance vers l'homme aux cheveux blonds et ouvre la bouche pour lui demander ce qu'il se passe, quand celui-ci s'adresse directement à lui. « Tu as ton instrument avec toi. Prends-le et joue. » Teagan reste interdit, un instant. Intérieurement, il sent encore l'angoisse de la fuite qui l'anime et il est complètement abasourdi par le calme de l'homme. « Vous avez perdu la tête ? Il faut partir tout de suite, la Chasse Sauvage arrive ! » « Elle est déjà là et elle ne vous atteindra pas, ici. » Il montre du doigt quelque chose, en direction du port et, par réflexe, Teagan suit le mouvement des yeux.

Elle est là, oui. La Chasse Sauvage. Ses Cavaliers, ses chasseurs, les mâtins qui parcourent le port de long en large en grognant, en aboyant. Et l'Innocent, qui semble les fixer derrière son voile. Teagan est plus désarçonné encore. Il détourne immédiatement les yeux, même s'il sait que c'est trop tard. Il les a vus, il est condamné ! « Elle ne nous atteint pas, ici. » répète l'homme d'un ton patient. « Maintenant, joue, et vois ce que tu peux faire. » Il est troublé, mais il ne cherche plus à comprendre. Il ne sait par quel miracle ils sont encore en vie et cet homme semble savoir de quoi il parle, alors Teagan pose son sac sur le sol et en retire sa cornemuse, qu'il espère pas trop abîmée par leur course folle. Il se met en position et jette un dernier regard à cet étrange personnage avant de jouer.

Durant un instant, il ne se passe rien, il souffle dans son instrument comme il en a l'habitude, une mélodie familière et maîtrisée qui parvient à calmer un peu la panique qui fait encore marteler son coeur. Pourtant, il sent un changement, quelque part à l'orée de son esprit, comme un souffle qui le guide dans la bonne direction, une main qui prend la sienne et l'entraîne pour ne pas se perdre dans les méandres d'une force bien trop grande pour lui. À ses côtés, il entend, comme dans un murmure. « Concentre-toi sur l'un d'eux. » Et c'est ce qu'il fait. Il ne sait ce qui le pousse à porter son regard sur ce chasseur-là, mais il le fait et les notes s'envolent, tandis que devant ses yeux, il n'y a plus que cet être aux côtés d'un Cavalier à la monture pâle – pâle comme la Mort.

Spoiler:

Vous arrivez trop tard : ils sont déjà montés à bord, mais il s'en est fallu de peu pour que vous ne les attrapiez. Tu aurais été simple mortel, tu aurais ressenti une colère et une frustration sans nom à cette idée. En l'occurrence, tu patientes simplement avec les autres votre moment, là où vous êtes, coincés sur le quai.

Soudain, une mélodie retentit. Elle te parvient de plus en plus clairement. D'abord, elle ne t'inspire rien ; tu restes impassible. Tu trouves vite la source du bruit ; un homme qui souffle dans une cornemuse. Vos regards se croisent vaguement, tant le désintérêt est maître en toi.

Jusqu'à ce qu'il ne soit plus, remplacé par une multitude d'émotions aussi vives, puissantes, douloureuses et dévastatrices les unes que les autres. La vie revient en toi, mais tu es désorienté. Ta monture s'ébroue violemment ; tu tombes durement à terre, ton corps, seulement couvert de bas, protestant contre l'agression. L'air te manque une seconde, deux, avant que tu ne réalises.

Tu n'es plus Chasseur.

La Chasse le ressent d'un coup. Un membre leur a été arraché par l'Accord et l'agitation s'élève. Toi ? Toi tu te redresses maladroitement en évitant de les regarder. Quelque chose te souffle de déguerpir au plus vite ; tu l'écoutes. Tu profites de la confusion générale pour les contourner et t'éloigner tant que tu le peux. Tu titubes jusqu'à trouver un certain équilibre. Tu entends les grognements, les hennissements, et tu pries tous les dieux pour atteindre la Symphonie.

Tu cours le plus vite possible ; la planche n'est pas si loin, mais encore faut-il l'atteindre. Tu comprends que de l'aide te parvient de la vivenef, même si tu ne sais pas comment, pourquoi. Tu te concentres sur ta survie qui tient du miracle.
Soudain, des griffes entaillent ta peau, dans ton dos ; tu roules au sol sous le choc, mais de l'aide, encore, te sauve la mise. Aucune pause, tu te relèves aussitôt – la force du désespoir sûrement. La douleur attendra.
Tu refuses de retourner là-bas.

Finalement, tu atteins la planche. Un premier pied dessus. L'autre. Tu manques de trébucher ; tu te retiens et termines le chemin en t'aidant des mains.

Puis, enfin, tu t'écroules sur le pont, haletant. Tu es sauf.

Spoiler:

Qu’importent leurs airs circonspects ou qui lui renvoient ce qu’ils prennent pour de la folie, Red savait pertinemment ce qu’il faisait, où il allait. Il était sûr de son instinct, et rien ne le ferait dévier de sa route. Ils n’ont pas protesté, de toute façon, pas même son frère. Ils n’ont plus le choix, de toute façon. Soit ils montent, soit ils meurent. Et Red avait bien trop à vivre pour mourir. Au point qu’il s’apprête à frapper l’homme qui émet des conditions à leur survie, qui les empêche de monter, malgré le sacrilège que ce serait de s’en prendre à l’équipage de la Vivenef. Il est secoué de frisson à l’idée de l’agresser ainsi, de bafouer l’hospitalité donnée par Harmonie à ces gens à son bord, mais malgré la peur qu’il en avait enfant, malgré tout ce qui se dit sur elle, il ne peut croire qu’elle les laissera à la merci d’une telle menace.

Alors il attend, quelques secondes, qui lui semblent longues, bien trop longues, alors qu’il est à deux doigts de frapper l’homme au visage bien trop soigné pour n’être rien d’autre qu’un imbécile du continent. Jusqu’à ce qu’il souffle son approbation, quand l’inconnu qu’il a désigné accepte sa demande, et qu’il libère le passage, où l’Îlien se rue. Il est sauf, n’est-ce pas ? Comme tous ceux qui se bousculent à sa suite. Comme Rackham, et sa belle-sœur. Elle fait partie de la famille de Red aussi, maintenant. Que les autres aient pu laisser la vie là-bas ne lui posait aucun problème, mais eux… Il était soulagé, qu’ils soient sauvés, indifférent à la Chasse Sauvage, qui les attend de sabots et de pattes fermes, arpentant le port le long de la Vivenef.

Instinctivement, il serre Rackham et Quintille dans ses bras. « C’fini. La f’mille est s’vée. C’fini. » Il fronce les sourcils, pourtant, en entendant résonner la musique, ayant totalement ignoré l’inconnu qu’il s’était retenu de frapper, et l’homme qui s’était retrouvé dans le groupe. Il n’en avait pour ainsi dire rien à faire, mais était-ce réellement le moment de jouer ? Il lâcha son frère et leur nouvelle sœur, les interrogeant du regard. « V’savez c’qui lui prend ? » Rackham vivait parmi les gens du continent, et Quintille en venait… C’était peut-être moins bizarre pour eux.

Il n’eut pas le temps, pourtant, d’entendre leur réponse. Pas quand il vit cette silhouette qui lui semblait bien familière, monter sur le pont, après une course désespérée. Géralt. Est-ce réellement lui ? Il se montrait toujours bourru avec l’homme, mais il avait vaincu sa défiance, avait fini par l’apprécier – réellement. Et le voir comme cela… Qu’avait-il vécu ? Et pourquoi, comment, se retrouvait-il là ? Il ne comprenait pas, le pirate. Juste qu’il avait besoin d’aide, que Géralt était en bien mauvais état. Le soulevant, sans se soucier de ses blessures, il l’éloigna de l’eau. « Vot’ soigneur ! Où il est ? L’a b’soin d’soins t’d’suite ! » S’il tenait pas Géralt, il aurait sûrement empoigné celui qui se comportait en Seigneur et Maître, celui qu’il supposait n’être qu’un capitaine arrogant et pas digne de la Symphonie, par le col, pour le forcer à se presser.

Spoiler:

Tout se passe très vite. Très vite. Ils finissent par l'aider, que ce soit la douce Hermine, lui confiant qu'elle venait - pour la première fois - sur un bateau, ou les autres l'aidant à monter sur une Vivenef. "C'est assez étrange la première fois." Confie en retour Quintille. "Mais je pense que pour vous, ça sera plus facile que ça ne l'a été pour moi." Après tout, l'une avait la vision que l'autre n'avait pas.
Elle aurait bien voulu discuter plus longtemps, lui faire part de son expérience, de ce ressenti étrange d'être sur une Vivenef, mais elle n'avait pas le temps.
Ils montèrent, se mirent en sécurité.
Meldred vint alors les prendre dans ses bras, elle et Rackham. Sourire discret sur le visage, elle lui rend timidement son étreinte. Démonstrative qu'avec sa famille - de sang - elle a toujours du mal à s'ouvrir aux autres. Douloureux souvenirs du passé.
Rapidement, une mélopée s'élève. Etrange. "Qu'est-ce donc ?" Qu'elle demande Quintille, bien étonnée à entendre quelqu'un jouer dans cette situation. "Aucune idée.." Répond-t-elle à Meldred. Certes elle est du continent, mais elle ne comprend pas plus les moeurs de ses habitants que qui que ce soit.

Sa vision ne peut lui apprendre que son frère, Géralt, a été ramené, sauvé de la Chasse Sauvage. Elle entend plutôt les bruits de surprise, ainsi que la parole de Meldred qui demande de l'aide. "Que se passe-t-il ?" Inquiète, elle ne sait pas si quelqu'un a été blessé, ou si quoique ce soit d'autre s'est passé et est bien loin de s'imaginer que Géralt est de nouveau lui-même.

Ah ben enfin, ils ont le droit de monter sur la Vivenef ! Ce n’était pas comme si la Chasse Sauvage était à leurs trousses, après tout… Tant pis pour le gars qui avait été choisi par le blond pour rejoindre leur équipage (ou peut-être pas), ce n’était pas comme si c’était un mal. Enfin il ne le savait pas vraiment, Rackham, la seule chose qui lui importait c’était d’être en sécurité, lui, Quintille et évidemment Red. Il n’est pas le seul à être soulagé d’être en sécurité – toute relative – et accueille l’étreinte de son frère sans la moindre gêne, rendant celle-ci avec force. Etaient-ils définitivement tous sauvé – surtout Quintille – il n’en avait pas la moindre idée mais visiblement, la Chasse Sauvage n’avait pas envie de faire un pas de plus.

Puis finalementn une musique se joue, surprenant tout le monde. Il n’en sait pas plus que les autres, Rackham, et observant le roux jouer de son instrument, il hausse les épaules, incertain, quand Red demande ce qu’il fait. « J’sais pas non plus… » Mais de toute évidence, cela avait effet sur les chasseurs de la Chasse, et l’un d’eux, non point un étranger pour l’îlien, semble s’échapper du groupe maudit.

« C’est Géralt ! » Qu’il répond à Quintille, qui ne voyait pas que son frère était de retour, après de longs mois de disparition. Prestement, il s’approche du pirate tombé durement sur le pont, acquiesçant quand Red interpelle le blond pour que quelqu’un vienne en aide à Géralt. La blessure dans son dos était profonde, et Rackham connaissait bien la douleur que pouvait infliger les griffes des mâtins de la Chasse. « C’va aller Géralt, on est là, on t’laisse pas. » Pas question, sinon Quittou aller en souffrir, comme elle avait affreusement souffert de le savoir disparu. Déployant doucement sa magie glacée, ses doigts effleurant la blessure, il tenta de calmer la douleur, même s’il n’était pas guérisseur. Fallait espérer qu’il y en ait un sur le navire.

Spoiler:

C'est embêtant. Tu ressens une certaine exaspération voyant ta proie échapper à ta vigilance. Tu regardes avec attention ta cible atterrir saine et sauve sur Symphonie sous vos yeux impuissants. Voilà un problème de taille. Cette vivenef ne t'inspire que du danger. Quelque chose qui ne signifie rien de bon pour vous et tu ne peux te permettre de lancer ta meute dessus. Tu le ressens au plus profond de ton être, et toute la Chasse le sait également. Puis, alors que tu envisages d'abandonner pour cette nuit, une mélodie s'échappe de Symphonie. Une mélodie qui te paraîtrait sûrement agréable si tu étais encore capable de ressentir quelques sensations. Mais elle ne t'inspire qu'une profonde indifférence. Pas que... pas que parce que tu sens quelque chose d'encore plus dangereux émaner de cet homme qui en joue. Mais tu n'as pas le temps de battre en retraite. Déjà l'un des vôtres vous quittent. Déjà l'un des vôtres n'est plus qu'une proie parmi d'autre. Et si tu peux plus rien pour celle sur la vivenef, peut-être peux-tu faire quelque chose pour celui-ci. Alors, tu te lances d'un commun accord sur les traces du déserteur qui a profité de votre confusion pour prendre de l'avance. Déjà ta meute le poursuit et l'un d'entre eux parvient même à l'atteindre. Mais animée par une force qui dépasse l'entendement, lui aussi parvient à vous échapper. De justesse, certes, mais tout de même. Le mécontentement te gagne. Une certaine frustration. Mais il est trop tard aussi pour lui. Demain vous aurez sûrement plus de chance. Du moins, tu l'espères. Mais pour cette nuit, il est trop tard.
Vous avez failli.

Spoiler:

Il se sent étrangement... vidé. Le chasseur est libéré, bien à l'abri à bord de la vivenef, et Teagan se sent confus face aux événements qui se sont déroulés. Il fixe la Chasse Sauvage, intrigué, troublé. Il sait qu'il est celui qui a délivré l'homme de ses chaînes, même s'il ne comprend pas encore réellement comment il a pu le faire. Hébété, il se tourne vers celui qui semble être le capitaine de ce navire, tandis que plus loin, le médecin de bord s'occupe déjà du blessé.

« Que s'est-il passé ? »

L'homme sourit, avec ce qui semble être une pointe de malice.

« L'Accord change les perceptions, il agit sur l'esprit. Viens avec moi, je peux t'expliquer.
- Et... et la Chasse Sauvage ?
- Ils partiront à l'aube, tu n'as pas à t'en inquiéter. »

Teagan acquiesce et suit l'homme à l'intérieur du navire, jetant un regard à ses compagnons d'infortune, sans pour autant leur faire un signe ou leur adresser la parole. Il ne saurait que dire, de toute manière. Les autres sont pris en charge par le reste de l'équipage, mis à l'abri, soignée, invités à se reposer. L'homme se présente à l'Outreventois sous le nom de Taliésin et ses paroles le laissent perplexe, songeur. L'Accord a été éveillé en lui, il s'est frayé un chemin, il vibre désormais dans ses veines. Est-il seulement prêt à apprendre, à le maîtriser ?

La conversation s'étend, et Teagan dort peu cette nuit. À l'aube, il est sur le pont pour voir la Chasse Sauvage s'en aller et disparaître, comme Taliésin l'avait promis. Le soulagement l'étreint, tout comme la joie d'être encore vivant. Tout est fini. Il pourra retrouver ses enfants.

RP TERMINÉ

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