Histoire
« C'est un fils. »Les hurlements de douleur de la parturiente ont enfin cessé de résonner, troublant la quiétude nocturne de cette nuit d'été, remplacés par les vagissements d'un nouveau-né innocent qui ignore encore que la vie peut s'avérer dure et cruelle. Sa mère en revanche, le sait alors qu'elle récupère l'enfant dans ses bras. Des larmes coulent sur ses joues. Des larmes qui mêlaient joie et tristesse. Joie d'avoir donné la vie, de s'être montrée plus forte que les coups. Et tristesse de condamner la chair de sa chair à ce cauchemar qu'elle vivait depuis des années. Depuis que ses parents lui avaient choisi son époux. Ou plutôt qu'il avait jeté son dévolu sur elle et avait demandé sa main à ses parents. S'ils avaient été d'abord réticents à la donner à un chasseur, il avait fait ce qu'il fallait pour les convaincre. Il était très bon dans ce domaine et gagnait suffisamment bien sa vie pour que l'argent soit un moyen d'obtenir cette jolie Lagrane qu'il désirait tant. Il était pourtant réputé pour être un homme brutal. Un solitaire bourru, mais terriblement efficace. Elle avait craint de s'unir à lui, elle avait pleuré, imploré... Même s'il était bel homme, il y avait quelque chose en lui qui l'avait effrayée dés le début. Mais rien n'y avait fait. Et elle avait eu raison de le craindre. Dés qu'elle osait émettre un avis contraire, défier son autorité, il lui rappelait de façon brutale qui était le maître en ces lieux. Elle avait du apprendre à tenir sa langue, à adopter une attitude soumise, à honorer ses devoirs d'épouse, même quand elle avait l'impression d'être souillée... A faire semblant d'apprécier cela et à pleurer en silence au creux de la nuit. Tout cela pour quelques fleurons.
Attendre un enfant avait suscité chez la jeune femme de nombreux sentiments contraires qu'une future mère n'aurait pas du ressentir. Elle avait peur pour lui. Peur de ce que serait sa vie dans cet environnement instable. Elle le protégerait, autant qu'elle le pourrait mais... Comment ? Elle était si faible. Si aliénée à son bourreau. Ses lèvres se déposent sur le crâne de l'enfant, alors que la sage femme lui prodigue quelques conseils rassurants. Elle n'est pas sans ignorer le calvaire de cette jeune mère... Certaines marques sur son corps ne peuvent laisser place au doute. Il va falloir trouver un parrain ou une marraine, afin de s'occuper de cet enfant si ses parents étaient amenés à disparaître... Et même pour veiller sur lui quand cela serait trop insupportable à la maison. Le choix doit être judicieux. Une personne de confiance...
En attendant, la jeune mère peut profiter de son enfant encore quelques instants. Tout le monde fêtera cette naissance... Beaucoup plaindront en secret cette petite vie innocente incapable de se défendre face à un père abusif, mais personne n'y fera rien... La porte s'ouvre alors avec fracas alors que des pas lourds retentissent sur le sol. Malgré elle, l'épouse tremble et serre son fils plus fort contre elle. Quant à la sage femme, elle murmure une prière à Osir, afin qu'il veille sur le petit Thomas et l'épargne dans cette vie qui l'attend.
Mais ses prières ne seront pas entendues.
Le petit garçon a beau se boucher les oreilles et fermer les yeux, tenter de se fondre dans le mur contre lequel il est recroquevillé, il ne parvient pas à oublier la dispute qui se déroule dans la pièce d'à côté. Depuis qu'il est né, son quotidien est rythmé par les disputes et les pleurs. Il a appris à trembler en entendant le pas de son père. Incroyable comme il peut être silencieux et patient lors de ses traques, faisant de lui l'un des meilleurs chasseurs de Cibella, aussi reconnu que redouté... Reconnu pour la qualité de ses chasses. Redouté pour son caractère ombrageux et emporté. Et quand il franchit le seuil de la maison, l'enfant est capable de savoir au rythme et la puissance de son pas dans quelle humeur il se trouve... Sans doute que c'est là une faculté que sa mère lui a transmise bien inconsciemment, pauvre petite souris effrayée et pourtant si forte pour défendre son fils, prête à prendre les coups à sa place, détournant ainsi l'attention sur elle pour l'épargner... mais pour combien de temps ?
Les cris résonnent, à peine étouffés par les murs trop fins. La maison dans laquelle ils vivent est loin d'être luxueuse, mais n'est pas non plus une pauvre masure. Ils ne sont pas aisés, mais ne manquent de rien. Sinon d'amour et de considération. La forêt s'étend à perte de vue alors que le foyer est quelque peu éloigné de la ville. Une habitation en marge pour une famille qui semble oubliée de tous. Aucun regard ne se porte sur eux. Il y a bien des murmures quand ils se retrouvent sur la place du marché, de la pitié, mais personne ne fera rien pour eux. Chacun ses affaires.
Après les hurlements et les bruits sourds, le silence. Assourdissant. De mauvaise augure. La porte claque. Thomas n'a même plus la force de pleurer alors qu'il sombre dans le sommeil, les joues encore baignées de larmes, épuisé déjà. Si jeune. Il ne sait pas encore que le baiser de sa mère il y a trois heures était le dernier. Que demain, quand il se réveillera dans le coin de cette chambre, il n'y aura pas de doux visage pour le rassurer. Que désormais, il n'y a plus personne pour le protéger et détourner le regard de son père.
« Arrête de bouger Tom. »L'enfant de 8 ans pince les lèvres, mais se force à rester tranquille alors qu'Elise, sa marraine, applique un linge humide sur sa lèvre enflée. Il aura un hématome sur la pommette demain, c'est inévitable.
« Alors, pourquoi t'es-tu battu ? »Pour une fois, ce n'est pas la faute de son père s'il est amoché. Elle n'ignore rien de ce qu'il se trame au sein de cette maison, mais ne peut rien y faire. Elle a perdu son amie il y a déjà 5 ans... Disparue sans laisser de traces, un beau jour. Le chasseur dit qu'elle est partie, qu'elle était infidèle, une vraie traînée. Il n'a eu de cesse de salir sa mémoire, de la faire passer pour ce qu'elle n'était pas... Elle n'a jamais aimé son époux, trop terrorisée. Élise est blessée de cet abandon de la part de son amie, tout en en comprenant les raisons et en lui souhaitant bonne chance dans sa nouvelle vie. Depuis ce jour, elle essaie d'adoucir le quotidien du jeune garçon, d'éviter qu'il ne haïsse sa mère et ne soit façonné sur le même moule que son père.
Et pourtant...
À le voir les lèvres pincés et le regard dur, elle craint de ne pas être assez forte pour lui éviter cela. Thomas n'a jamais été un enfant extraverti. Il est silencieux, observateur, discret. Il parle peu et semble totalement refermé sur lui-même, avec une colère sourde qui se lit dans ses iris sombres. Il se raidit quand elle essaie de le câliner, comme s'il craignait tout contact physique. Il a un petit quelque chose de sauvage qui l'effraie un peu. Quand il est né, elle a été honorée d'être choisie pour veiller sur lui. Elle l'a recommandé à Amir, tout naturellement. Mais on dirait qu'aucun dieu ne s'intéresse à lui. Pourtant, il suit les traces de son père, qui lui apprend ce qu'il sait avec rigueur et dureté. L'enfant n'a d'autre choix que d'apprendre vite et bien ou recevoir une taloche pour sa bêtise. Il est intelligent, sans aucun conteste. Et volontaire. Cela se voit dans son regard et à sa façon de relever le menton. Mais si c'est pour devenir un homme aussi sombre et brutal que son père... La jeune femme essaie de contrebalancer ce pouvoir patriarcal, apprenant à Tom à lire et écrire, lui donnant quelques bases solides pour avancer dans la vie.
« Tom, je te parle. »Il lui oppose un silence buté, malgré la douceur de sa voix.
« Ils ont dit que ma mère était une traînée et qu'elle n'avait été que trop heureuse d'abandonner un gamin comme moi. »Et il s'était battu pour défendre son honneur et sa mère, malgré les paroles perfides de son père pour le retourner contre elle. Peut-être que tout n'était pas perdu finalement. Qu’Élise avait encore assez d'influence pour éviter qu'il ne se retrouve totalement sous la coupe de cet homme odieux.
« Je vois. »Les enfants pouvaient être si cruels.
« Elle t'aimait tu sais ? »Il ne répond rien. Élise l'attire doucement à elle et si elle le sent résister légèrement, il finit par se laisser faire. Elle repousse les cheveux noirs trop longs de son front et le lui embrasse doucement, avant de commencer à lui parler de sa mère, de la jeune fille qu'elle était, pleine de vie, de rêves... Brisée. Sans se montrer trop véhémente envers le père de Thomas, elle essaie pourtant de l'inciter à se méfier de lui, de son influence. À devenir un homme bien...
Il n'en peut plus. Courir. Fuir. Se cacher. Le fuir. Lui. Pour ne pas commettre l'irréparable. La colère est bien trop mauvaise conseillère. Il refuse d'y céder. Il refuse de devenir Lui. Cela fait 14 ans qu'il vit sous son joug. 14 longues années à subir brimades et coups, humiliations et disputes. L'adolescent a grandi dans la crainte, a appris à être silencieux et discret, afin d'attirer le moins possible l'attention de ce père acariâtre et irascible. Il ignore d'où vient cette tendance à la violence, ce besoin viscéral de contrôler son entourage. Et il s'en moque. Il n'a aucune affection pour son père. Il apprend auprès de lui. Aucune autre perspective d'avenir pour lui que de prendre la succession de son père. Il est plutôt doué d'ailleurs. À 14 ans, il a déjà tué des bêtes et vendu chair et peaux sur les marchés. Il est un interlocuteur moins désagréable. Moins colérique. Taciturne, mais calme.
Pourtant, depuis quelques mois, une nouvelle voie s'ouvre à lui. Celle de la liberté. Thomas sait qu'il a du potentiel magique... Le feu réagit à ses émotions, il l'a constaté en début d'année... Des flammes presque éteintes qui ont soudainement bondi alors qu'il faisait bien trop froid. D'abord circonspect, le jeune homme s'est amusé à tester sa théorie... Dans la forêt, son refuge depuis plusieurs années maintenant. Et après de nombreux essais peu concluants, il a quand même réussi à vérifier que c'était bien de son fait. Dés lors, l'idée de rejoindre l'Académie ne l'a pas quitté. Les dieux ne se sont peut-être pas totalement détournés de lui finalement... En secret, il a caressé l'idée de partir de Cibella. Pourtant, il sait qu'il se doit d'affronter son père. Il ne s'était pas trompé. Ce soir, la dispute a été violente alors qu'il refuse de laisser partir son fils si prometteur. Et comme d'habitude, au lieu d'en parler calmement, il s'est énervé, a imposé, et Thomas s'est rebellé. Les deux hommes se sont battus, l'adolescent n'étant plus un enfant terrifié. Il n'a pas la force de son père, mais il a la magie. Le feu qui s'est allumé brutalement dans l'âtre en plein mois de mai en a attesté, tellement violent qu'il a léché le sol, forçant le père à l'éteindre, alors que Thomas a pris la fuite pour ne pas être tenté de commettre l'irréparable, de devenir un meurtrier sous le coup de la colère. Déjà, il regrette de s'être laissé emporter, d'avoir eu envie de le tuer, de s'en débarrasser pour enfin vivre sa vie, se venger, venger sa mère autrefois si malheureuse...
C'est hors d'haleine qu'il se laisse tomber sur le sol. Cette forêt, il la connaît plutôt bien. Mais la nuit est tombée... Et il ne sait que trop bien quels dangers rôdent. Quels prédateurs pourraient l'attaquer. Il a été idiot de s'enfuir sans réfléchir. Désarmé, hormis un petit couteau qui ne le quitte jamais. Pas de quoi lutter contre des loups ou un ours... Pourtant... Le danger de la forêt lui semble bien moins important que celui qui l'attend à la maison. Ce n'est même pas de son père dont il a peur, mais de lui, de ses propres réactions. De ses fantasmes les plus inavouables concernant cet homme qui lui fait vivre un enfer depuis 14 ans et qui veut encore contrôler sa vie maintenant. Il ne tiendra pas. Résolu, il allume un feu, un élément qui lui semble... rassurant, quelque part. Familier. Mais dont il connaît le potentiel destructeur. Capable de sauver du froid, d'éloigner les bêtes sauvages... Comme de tout emporter dans un brasier.
Cette nuit là, il ne dormira pas. Il la passera à réfléchir, à tourner et retourner la situation dans sa tête, à peser le pour et le contre.
Et quand l'aube pointe à l'horizon, éclairant d'ocre la clairière où il a passé la nuit, sa décision est prise.
« Eh bien... J'ai réussi. »Le jeune homme laisse tomber son maigre bagage et s'allonge sur le lit. Il n'a pas été facile de venir ici. Il a du quitter tout ce qu'il connaissait. Dans la crainte que son père ne le retrouve et ne le ramène de force. Il a fui. Il a profité de son absence et a déguerpi. Un départ préparé depuis quelques semaines. Seule Élise était dans la confidence. Elle l'a encouragé à partir, à tenter sa chance, même si peu de jeunes parviennent à entrer à l'académie et encore moins à en sortir diplômés. Il le sait, elle n'a pas eu besoin de l'avertir. De toutes façons, il doit vivre sa vie, tout simplement.
Il a débarqué mi mai à Lorgol, se renseignant pour savoir comment intégrer ce lieu prestigieux. Il a du se faire violence pour parler ainsi aux inconnus, ne se sentant pas du tout à sa place ici. La sociabilité n'est pas sa qualité première. On l'a orienté vers la guilde des mages dans un premier temps où il a été décidé qu'il pouvait se présenter aux entretiens. Ensuite, il a fallu attendre. Non sans une angoisse d'échec douloureusement familière. Il a toujours vécu dans l'idée qu'il ne faisait jamais rien de bien. Son père s'est amusé à le rabaisser durant des années, malgré les encouragements d’Élise. Il a passé son entretien, pensant que cela avait été une catastrophe. Il manipule la magie d’Été. Il leur a raconté les quelques manifestations qui ont eu lieu, ce qu'il a pu faire avec le feu, sans trop approfondir certains aspects de sa vie et ses sentiments parfois... violents. Et contre toute attente, il avait été admis. Une nouvelle vie commençait au sein de ces murs. Loin de ce père autoritaire et violent. Désormais, c'était à lui de prouver qu'il n'était pas un bon à rien, c'était lui qui avait les clés en mains pour que tout se passe bien ici. Une pression énorme, mais qui faisait naître un sentiment d'excitation bienvenu. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait... vivant. Il était l'acteur de sa vie, plus un spectateur passif.
Cette fille va finir par le rendre fou avec son babillage. Elle lui donne l'impression d'être un ouragan qui ravage tout sur son passage. Cassiopée est vive, pleine de vie, douce, sociable, mais avec un caractère bien trempé et une volonté de fer. Et elle est une élève douée. Leur duo est des plus improbable, mais le destin semble aimer jouer des tours. Les premiers mois de Thomas au sein de l'académie ont été difficiles. Le travail pour répondre aux attentes des professeurs l'a étourdi et a bien failli le submerger. Plus habitué aux longues heures de chasse en pleine nature qu'à celles assises sur un banc d'école, ses méthodes d'apprentissage étaient brouillonnes et il a bien cru devoir arrêter. Bosseur acharné pourtant pour y parvenir, mais mal organisé. Il ne s'est lié à personne, n'adresse pas la parole aux autres élèves, et se montre juste poli avec les professeurs. Son tempérament solitaire le handicape sûrement dans son intégration et dans ses études. Pourtant, une petite blonde maladroite a décidé qu'il en valait sûrement la peine. Il aura suffi qu'elle lui tombe dessus, littéralement, pour vouloir percer son mystère.
Et il l'a laissée entrer. De guerre lasse, mais aussi parce qu'il est assez intelligent pour ne pas scier la branche sur laquelle il est assis en refusant l'aide de quelqu'un de mieux organisé. Et plus brillant également, sans aucun doute. Pourtant, leur partenariat est plutôt difficile, tant leurs caractères sont contraires. Cassiopée est un moulin à paroles enthousiaste. Mais également un professeur patient et qui sait expliquer les choses... Quand elle ne se perd pas en cours de route. Thomas, s'il est attentif et assidu a des difficultés à ne pas s'isoler dés qu'il se sent envahi par la chaleureuse jeune fille. Il se fait souvent violence mais a parfois des besoins de solitude. Dans sa chambre, qui commence à ressembler à sa forêt si familière, il parvient à trouver la sérénité qui lui fait souvent défaut.
Un petit doigt pointu dans les côtes le sort de ses pensées alors qu'il proteste en grimaçant.
« Aïe. »« Tom, tu m'écoutes ? »« Euh. Non. »La jeune fille soupire de façon ostensible.
« Enfin j'ai commencé et tu m'as perdu. Tu parles trop. »Et lui pas assez, il le sait, elle n'a même pas besoin d'ouvrir la bouche. Pourtant, elle ne lui fait jamais de reproches et ne cherche pas à le changer, ce qui est appréciable et fait qu'il... aime sa compagnie. Pas seulement parce qu'il en tire un bénéfice alors qu'elle l'aide, mais parce qu'il l'aime bien elle. Même si parfois, elle lui donne le tournis, même si des fois, il lui coudrait bien les lèvres...
« On va arrêter pour ce soir. »« Non, encore un peu, promis, je serais attentif. »Elle lui lance un regard dubitatif et il esquisse un petit sourire en coin, bien trop rare chez lui et qu'il ne réserve qu'à elle.
Assis au sol dans sa chambre, le jeune homme de 17 ans ne peut s'empêcher de grattouiller les oreilles de l'imposant Lynx couché à ses côtés. Un ronronnement satisfait lui parvient, lui arrachant un sourire. Depuis presque 3 ans qu'il a intégré l'Académie, il se sent enfin à sa place. Sa chambre reflète son passé, ce qu'il aime, alors que la nature y a repris ses droits. Même s'il déteste son père, il adore chasser, parcourir les bois et cela lui manque encore souvent. Au point de se rendre dans les environs boisés de Lorgol quand il a du temps libre. C'est là qu'il y a fait une étrange rencontre qui avait pourtant bouleversé sa vie.
Il s'était rendu dans les bois, seul, évoluant en silence et y retrouvant une sérénité familière. La nuit était tombée sans que cela ne l'inquiète outre mesure. Un feulement l'avait tiré de ses songes et aussitôt, il s'était rapproché du feu, la main sur le manche de son couteau. Dans la nuit, il pavait pu distinguer le reflet luisant de deux yeux félins. Un lynx... Il n'en avait que très peu vu au cours de ses chasses avec son père ou même seul. Le félin était de nature solitaire et discrète... Et il était incongru de le voir ici, se rapprocher du feu. Pourtant, la main tenant le couteau s'était abaissée alors que l'animal s'était rapproché en silence, avec une grâce qu'il avait admiré. Il était... fasciné. Et surtout, il ne ressentait aucune peur. Le félin non plus alors qu'il s'était assis en face de lui et que son esprit le touchait... Ce fut une voix féminine qui résonna dans sa tête. Sous le choc, il en tomba à genoux alors que l'animal se rapprochait encore et frottait son énorme tête contre lui. Ce qui semblait naturel au lynx est beaucoup plus incroyable pour lui... Pourtant, il avait caressé timidement la fourrure soyeuse, avant d'entourer le cou de l'animal et de se sentir apaisé comme cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Si l'animal ne se posait aucune question, s'il ne se rendait pas compte qu'il venait de renoncer à la vie sauvage pour devenir quelque chose de plus intelligent, Thomas savait qu'il avait trouvé son Familier en cette femelle protectrice et solitaire.
Et aujourd'hui, après deux mois à ses côtés, Thomas se sent coupable d'avoir arraché ainsi cet animal sauvage à sa vie. Cette ville, cette Académie ne sont pas faites pour un lynx. Mais il sait aussi que ce n'est en rien sa faute et que jamais le Familier ne lui reprochera quoique ce soit. Elle est heureuse dans ses pas, tout simplement.
« La noire ou la bleue ? »« THOMAS ! »Le jeune homme de 18 ans se raidit en entendant cette voix bien trop familière. Intérieurement, tout son être se glace d'effroi alors que le petit garçon d'autrefois se recroqueville pour se faire oublier. Pourtant, il n'est plus un enfant terrifié et, inconsciemment, il se place entre la délicate jeune fille blonde à ses côtés et l'homme qui vient de le retrouver. Sereine à ses pieds se met à feuler, trop consciente des tourments que cet homme aux allures d'ours a déjà infligé au jeune mage. Le regard de Thomas se pose sur son père. Cela fait un peu plus de deux ans qu'il ne l'a pas vu, qu'il s'est enfui sans dire un mot pour venir à Lorgol et intégrer l'académie. Il s'y est senti bien dès le départ. Un peu à part des autres de par son propre fait, mais... protégé. Comme il ne se souvient pas l'avoir été. Une protection illusoire qui lui fait l'effet d'une gifle en se retrouvant face à cet homme qu'il n'a jamais pu se résoudre à appeler père. Mais on ne le laissera pas partir. Pour une fois, il n'est pas seul. Les mages sauront le retrouver... Cette fois, cet homme ne gagnera pas, il pourra bien tempêter, hurler ou frapper, le jeune homme restera ici. Pourtant, instinctivement, il s'est soudainement refermé comme une huitre et son corps s'est tendu, prêt à encaisser les coups comme il l'a toujours fait. Et les remontrances.
« Espèce de sale petit ingrat ! Je pensais que tu reviendrais quand tu en aurais assez de tes bêtises, mais non ! Obligé de venir te chercher pour rentrer à la maison. »« Je ne rentre pas. »Il y a une tension dans sa voix qui est palpable, mais aussi une résolution farouche alors qu'il s'oppose enfin à son père. Il regrette que Cassiopée soit là, qu'elle puisse assister à cela. Il ne lui a jamais parlé de son passé, de ce qu'il a pu fuir.
« Qu'est-ce que tu fous depuis deux ans, espèce de bon à rien ? »« J'ai intégré l'Académie. »Le rire qui s'échappe des lèvres de son père le fait frissonner de rage. C'est un rire incrédule et moqueur. Pour lui, il est inconcevable que son fils puisse suivre une autre voie que celle qu'il lui a tracé. Il n'en a pas les capacités.
« Allez, ça suffit les conneries, tu rentres. »« Non. »Et ce simple refus suffit à faire sortir son père de ses gonds. Il n'avait pas changé. Son fils était sa propriété. Comme tout ce qu'il avait possédé, il considérait qu'il pouvait le modeler à sa guise. Le briser. Il attrape le bras de Thomas, le serrant violemment.
« Laissez-le. »Thomas est surpris d'entendre la voix de Cassiopée. Discrète jusque là, cette manifestation de violence l'a sortie de sa réserve. Prenant de court les deux hommes.
« Te mêle pas de ça gamine. »« Lâche-moi, je ne rentre pas, ma place est ici ! »« Oh si tu vas rentrer ! J'en n'ai rien à foutre que tu restes ici pour cette petite traînée ou... »Il n'a pas le temps de finir que Thomas s'est jeté sur lui. Il peut tout endurer. Mais pas que cet homme ose souiller Cassiopée ainsi. Prenant son père par surprise, il les fait rouler tous les deux à terre et les coups pleuvent. Qu'importe, il a l'habitude d'encaisser. Son père en revanche... Même si Thomas est moins grand et moins massif, il est plus jeune et rapide. Et dans une rage noire. Un voile rouge s'est emparé de son esprit alors qu'il frappe encore et encore, malgré les appels mentaux de Sereine. C'est finalement Cassiopée qui le fait s'arrêter après l'avoir invectivé puis s'être emparée de son bras, manquant de prendre un coup elle aussi. Mais il s'est arrêté juste à temps. Elle n'est même pas choquée par son extrême violence. Il ne lit pas le dégoût ou le mépris dans ses yeux clairs, mais l'inquiétude. Pour lui. Pour les conséquences s'il tue de colère son père. Brutalement, il redevient lucide. Qu'est-ce qu'il a failli faire ? Il crache sur l'homme à terre.
« Je ne suis pas comme toi. »Il ne peut pas devenir comme lui, frapper ainsi les plus faibles pour imposer sa force illusoire. Pourtant, en cet instant, il lui ressemble trop pour ne pas en être malade.
« Rentre et oublie-moi. Je ne reviendrai pas. Et je te jure que si tu m'importunes encore, cette fois, elle ne sera pas là pour m'arrêter. »Il lui a fait trop de mal. Il se relève, furieux, et quitte la place où les badauds se son attroupés, ne jetant plus un regard à cet homme du passé. Ni à Cassie qui le suit sans dire un mot jusqu'à ce qu'il se laisse glisser contre un mur dans une ruelle moins fréquentée. Doucement, la jeune femme s'accroupit devant lui et s'empare de sa main droite douloureuse...
« Je crois que c'est cassé. »Un rire sans joie s'échappe des lèvres de Thomas.
« Ah ? Et bien, je n'ai pas hérité de la solidité de ses poings. À moins que frapper un enfant cause moins de dégâts que frapper un homme. »Son regard se détourne. Il n'en dira pas davantage à ce sujet. Cassiopée est intelligente, elle comprendra. C'est sa main sur sa joue qui lui fait croiser son regard. Sereine s'est allongée contre lui, sa tête sur sa cuisse en signe de soutien.
« Non, tu n'es pas comme lui. »« Je l'aurais tué sans toi. »« Mais tu ne l'as pas fait. Tu as une conscience toi. »« Oui, et c'est toi. »Cassiopée sourit. L'incident est clos. Elle a grandi dans une famille aimante et unie. Elle ne comprend pas cette haine entre le père et le fils. Mais cela l'aide sans doute à comprendre ce garçon taciturne et renfermé, secret. Et à vouloir l'aider à tous prix.
« On a réussi Tom ! »La jeune fille ne peut contenir son enthousiasme et saute au cou de son ami, folle de joie. Oui, ils ont réussi. Après des années d'études acharnées, de nuits blanches pour lui, ils ont réussi. Ils sont allés au bout de leur cursus. Cela n'a pas été sans peine, bien entendu, mais le jeune homme s'autorise à ressentir un puissant sentiment de fierté malgré tout. S'il y a quelques années, il était impensable que la jeune femme le câline comme ça sans qu'il ne se renfrogne, aujourd'hui, il l’accueille, la serre contre lui et sourit même légèrement, amusé de son enthousiasme. Et attendri. Cassiopée n'a pas fait que l'aider à aller jusqu'au bout en lui apprenant une certaine méthode de travail, mais elle l'a aussi ouvert un peu aux autres. Il demeure quelqu'un qui se lie difficilement, mais il parle désormais aux autres sans forcément y être totalement obligé et a perdu un peu de sa sévérité et de son austérité. Il demeure sur la réserve et la défensive avec les étrangers, mais davantage sociable.
« On dirait bien, même si ça ne faisait aucun doute pour toi. »En effet, si une élève devait être diplômée, c'était bien elle. Et il avait une confiance aveugle en elle.
« Mais pour toi non plus ! Tu m'as donné du fil à retordre, mais j'étais certaine que tu réussirais. »Il hausse une épaule, avant de doucement lui baiser le front.
« Eh bien, merci de m'avoir supporté. »Et c'est peu dire. Il avait réussi la première étape. Quand il était entré à l'académie, il avait pour objectif de terminer ses études. Et... rien de spécial. Mais en vivant à Lorgol ces dernières années, il lui était apparu une fascination pour les Chevaucheurs. Et une... vocation ? Un nouveau défi. Encore une fois, ce n'est pas le chemin le plus aisé mais... pourquoi pas ? Il a acquis davantage de confiance en lui au contact de Cassiopée, mais aussi aux compliments et encouragements des professeurs. Si son amie vise la spécialisation, lui il vise la caserne de Flamme. Il a de fortes chances d'être rejeté, si aucun dragon ne le choisit, mais il ne perd rien à essayer, n'est-ce pas ?
« Allez, pour fêter ça, je vais nous préparer un petit truc dont tu me diras des nouvelles ! »Les fameuses pâtisseries de Cassiopée, souvent délicieuses, parfois... étranges. Thomas est son testeur préféré. Et c'est souvent pour son plus grand plaisir. Un côté gourmand qu'il s'est découvert au contact de la jeune femme.
« Par Rya, si tu me prends par les sentiments... »Cassiopée laisse échapper un rire clair, prenant la main du jeune homme avec naturel pour émerveiller ses papilles.
Il pensait avoir vaincu ses angoisses stupides. Il s'est trompé. Le sentiment qui lui nous l'estomac alors qu'il se présente devant les dragons lui rappelle celle qui l'a étreint quand il a passé son entretien pour entrer à l'académie. Inconsciemment, sa main serre l'anse de la sacoche offerte récemment par Cassiopée, comme pour se porter chance. Il n'a pas fermé l’œil de la nuit, malgré la chaleur de son Familier contre lui et ses paroles rassurantes dans son esprit. C'est tendu qu'il se retrouve là, priant tous les dieux pour qu'un l'entende et lui donne une nouvelle chance. La dernière faveur. Les secondes semblent des minutes et les minutes des heures, pourtant, une dragonne grenat le repère et le choisit... Pour son opiniâtreté, son esprit combatif, son courage. Avec lui, elle fera de grandes choses, elle en est certaine. Derrière la réserve du jeune homme de 21 ans, elle sent le feu qui coule dans ses veines, son impétuosité qu'il retient en l’assimilant trop à de la colère.
C'est ensemble qu'ils vont apprendre à devenir un duo redoutable et redouté et la dragonne trépigne déjà d'impatience.
« Thomas ! »Le jeune homme soupire quand la voix grave résonne. Il sent la frustration d’Étincelle. La dragonne est impulsive et sans peur. Un peu trop. Et elle sait titiller cette facette toujours soigneusement étouffée de son chevaucheur. Par certains côtés, elle lui rappelle Cassiopée. Il y a des similitudes entre elles, dans leurs caractères, dans leur enthousiasme. C'était amusant de constater qu'il était lié à trois femelles. C'était plus facile qu'avec les hommes. Inconsciemment, quand une voix sèche masculine résonne, le petit garçon en Thomas se tend, en prévision de coups qui ne viennent naturellement pas. Il a appris depuis qu'il est à Lorgol que l'apprentissage ne passe pas par la violence physique. Que les professeurs ne sont pas là pour lui inculquer leur savoir à coups de poings. Mais il n'y peut rien, c'est solidement ancré en lui, même si la raison le rattrape aussi vite. Il se pose alors avec Étincelle, prêt à écouter le sermon. Il n'est pas de nature indisciplinée pourtant, même s'il a des difficultés avec l'autorité masculine. Cela fait déjà trois ans qu'il est un cadet, qu'il apprend des disciplines aussi diverses que passionnantes. C'est davantage physique que ce qu'il a appris à l'académie et lui est donc plus aisé. L'escalade, la vitesse et la survie, notamment. Ce qu'il a appris autrefois avec son père lui servent aujourd'hui... Qui l'eut cru ? Sa condition physique est excellente et si certaines disciplines sont ardues, il s’entraîne comme un acharné, incapable d'admettre le moindre échec.
« Qu'est-ce que j'ai dit, cadet ? Quand je donne un ordre, tu obéis. Vous obéissez. La discipline est primordiale ! Vous devez apprendre à travailler en équipe. »C'est bien là le problème. Thomas ne sait pas travailler en équipe et c'est là un problème de taille qui pourrait bien le faire chasser d'ici. Or, il n'a pas envie de tout abandonner à cause de cet individualisme, né davantage du besoin de se protéger des autres que d'un vulgaire égoïsme.
« Je sais. »« Alors applique-le. »L'appliquer. Plus facile à dire qu'à faire... Il n'a pas fini de ruminer sur la façon de procéder et de s'inscrire dans un tout dont il a toujours été exclu. Mais qu'importe, ce soir, il ira voir Cassiopée. La jolie blonde le connaît comme personne et il sait pouvoir trouver une oreille attentive et des conseils avisés auprès d'elle. Ainsi que quelques petites sucreries réconfortantes. Quand il doute, elle est là. Quand il est fier, elle est là... Cassiopée suit son chemin, mais jamais il ne se sépare de celui de Thomas. Amis à la vie à la mort.
« Je suis affecté au vol de Lagrance. »Il a réussi. Il est Chevaucheur. Et il doit se rendre à Lagrance. Il vient de l'annoncer à Cassiopée, qui est restée à la Volte le temps qu'il termine. Ils ont été éloignés physiquement, mais la jeune fille n'a jamais vraiment quitté ses pensées de par son pouvoir. Un pouvoir qui le met mal à l'aise... Pourtant, s'il y a bien une personne en qui il a confiance, c'est elle, incontestablement.
« Vraiment ? »« Oui. »Il est naturel qu'il vienne le lui annoncer. C'est un tournant dans sa vie. Et... à vrai dire, il a une idée derrière la tête, mais a-t-il le droit de lui demander cela quand elle a établi sa vie ici ? Il a l'impression que la vie de la jeune femme tourne autour de la sienne. C'est sans doute présomptueux de penser qu'il a une telle importance pour elle mais... Ce sentiment persiste. L'empêche-t-il d'avancer ? De devenir la mage accomplie qu'elle se doit d'être ? Pourtant, il se décide :
« Tu veux venir avec moi ? »Demande égoïste, mais naturelle. Il ne conçoit pas de partir sans elle. De la rayer de sa vie. Elle y a pris trop de place. Il ne se rend compte qu'il est suspendu à ses lèvres que quand elle accepte avec enthousiasme. Le rire l'emporte alors, en écho de celui de Cassiopée. Le soulagement lui coupe les jambes. Pour lui, elle va quitter les siens. Il a l'impression qu'elle le suivrait au bout du monde. Il ferait de même s'il n'avait ses obligations. Lagrance est une aubaine. Il y connaît déjà des Chevaucheurs. Il a encore des efforts à fournir pour s'intégrer, mais il est en bonne voie, se montrant moins individualiste, bien que toujours enclin à s'approcher du danger.
C'est étrange de revenir ici, après une dizaine d'années. Rien n'a changé. Mais les gens ont vieilli. Et lui, il est devenu un homme. Il lui reste une chose à faire avant d'embrasser sa nouvelle vie. Son père a eu raison des années plus tôt en le traitant d'ingrat. Il l'a été. Pas envers son géniteur à qui il ne doit rien, mais envers une femme qui a toujours pris soin de lui, qui a su le réconforter et lui donner confiance en lui. Qui a cru en lui. Il lui reste une affaire en suspens et la boucle sera bouclée. Étincelle s'est posée avec grâce sur une plaine alentours et il a fait le reste du chemin à pied. Il ne pensait pas ressentir une certaine nostalgie en foulant les rues de cette ville. Il n'y a que très peu de bons souvenirs et pourtant... Il reconnaît des visages familiers, ceux-là même qui murmuraient sur son passage quand il était enfant, qui le plaignaient, mais ne faisaient rien. À cause d'eux, Thomas a des difficultés à rester passif face à une injustice, malgré son caractère. Il ne sait que trop ce qu'une main secourable peut apporter. Il aurait aimé qu'on lui tende cette main.
Une personne l'a fait.
Et c'est devant sa porte qu'il se retrouve. Un coup de tête affectueux de Sereine dans ses jambes le pousse enfin à frapper à la porte. Et c'est le beau visage d’Élise qui lui ouvre. D'abord circonspecte, son visage s'illumine soudain en le reconnaissant. Une décennie...
« Thomas... »Sa voix tremble. Alors il la rejoint en deux enjambées et la prend dans ses bras. Elle lui semble plus petite que dans son souvenir. A moins qu'il ne soit juste plus grand. Oui, c'est sans doute cela. Et il n'a pas été très affectueux avec elle jusque là. Ce geste la fige, avant qu'elle ne rit et sanglote en même temps contre lui, avant de s'écarter pour prendre son visage entre les mains.
« Oh bon sang, Tom, tu as les yeux de ta mère. Entre, raconte-moi tout, je veux tout savoir, on a du temps à rattraper ! »Elle aurait pu lui en vouloir de ce long silence. Mais ce n'était pas son genre d'être rancunière. Il ressent une bouffée d'amour soudaine pour cette femme qui a été un pilier dans sa vie, une amarre pour l'empêcher de dériver. Il lui doit beaucoup. Autant qu'à Cassiopée. Alors il se lance dans le récit de ces dix dernières années. Et elle écoute, fascinée, mais aussi fière de lui, comme l'aurait été sa mère. Et quand il conclut par son affectation à Lagrance, elle soulève avec un petit sourire :
« Il faudra que tu me la présentes. »« Qui ? »« Cassiopée bien sûr. »« Oh que non. »« Et pourquoi ? »« Parce que tu vas lui dire quel gamin j'étais et j'ai horreur d'être gêné. »Élise éclate de rire, avant ébouriffer les cheveux sombres de son filleul. Oh si elle veut rencontrer cette jeune fille. Elle devine qu'il est attaché à elle. Bien davantage qu'il ne le pense. Et qu'il est devenu un homme bien grâce à elle. Parce que le Thomas qui est parti à l'aube de ses 15 ans avec son maigre bagage, ses espoirs et sa colère a disparu désormais. C'est un jeune homme assuré et non plus un animal blessé qui se tient devant elle.
« Je te promets que je te présenterai sous ton meilleur jour, je ne voudrais pas interférer dans votre relation. »« C'est une amie, Élise. »« Oui, je sais. Et qui va venir avec toi, quitter ce qu'elle connaît pour l'inconnu à tes côtés. C'est une amie précieuse, ne la perds pas. »Il hoche la tête, sentant quelque chose le titiller, mais refusant de l'analyser.
« Je suis désolé de ce long silence. Je sais tout ce que je te dois. Tu as été... es... comme une mère pour moi, j'espère que tu le sais. »Elle ne se serait jamais attendue à entendre cette confession de la part du jeune homme et c'est avec émotion qu'elle la reçoit, serrant sa main, avant de chasser ses larmes d'émotion.
« Et si tu me montrais ton dragon ? »« Alors, comment s'est passée la première journée ? »La nuit est tombée tandis que Thomas invite Cassie à s'asseoir à ses côtés. Pour lui, la voie était toute tracée. Il se retrouve dans l'escadron de Tristan d'Amar. Cassiopée vit chez lui, gère son domaine en quelques sortes. Ce qui n'a pas enthousiasmé Thomas qui ressent une pointe de jalousie malvenue concernant la relation entre Tristan et Cassie. C'était d'autant plus gênant qu'il apprécie son capitaine de vol. Et il a trouvé une partenaire en Maëlys, qui a un peu le même état d'esprit que lui. Ensemble, ils peuvent se montrer ingérables. La jeune femme est arrivée quelques semaines après lui et il l'a accueilli avec une certaine joie. Elle n'a pas fait partie des élèves populaires à la caserne. Cela tombe bien, lui non plus. Il se fiche bien de ce que les autres peuvent penser de lui. Ou d'elle. Son avis, il se le forge seul. Et il apprécie l'intrépide jeune femme, si mal acceptée de par ses origines. Il s'épanouit dans cette nouvelle vie. Et il y a traîné Cassiopée égoïstement, sans vraiment se demander ce qu'elle, elle désirait, ce qu'elle avait quitté pour lui.
Mais Cassiopée a réussi à entrer au service du Duc de Lagrance, rien que ça. Elle aussi trouve sa voie. Et il est fier d'elle. Elle mérite ce qui lui arrive, mérite d'être heureuse et épanouie, reconnue pour sa valeur. Et un sourire lui échappe quand elle s'anime et part dans un de ses habituels bavardages qu'il n'écoute pas toujours. Il décroche parfois, mais la regarde avec tendresse et admiration, fasciné par les reflets du feu dans ses cheveux, par la façon dont son visage si expressif s'anime quand elle parle. Elle est une vivante incarnation de la joie et de la vie, tout simplement.
« Quoi ? »Elle s'arrête alors qu'il la fixe en souriant.
« Rien. J'aime quand tu es enthousiaste. »Il aime tout en elle en fait, même ce qui l'agaçait autrefois. Cassiopée est une femme superbe et formidable. Qu'il ne souhaite partager avec personne.
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Pendant le livre I : Thomas a assisté à l'Ordalie de Diamant, a vu cet homme sorti de nulle part réclamer le trône, le contester à la trop discrète et effacée Chimène. Malgré tout, Thomas a décidé de rester fidèle à l'impératrice, au contraire de Maelys, sa camarade Chevaucheuse. Malgré sa prise de position qui lui a valu l'ire des autres Chevaucheurs, Thomas est resté proche d'elle, sans la juger. Il l'a félicité pour sa nomination au Tournoi des Trois opales, mais n'y a pas assisté. Parallèlement, lors de jeux anodins, Thomas et Cassiopée se sont rapprochés, formant désormais un couple, même si le Chevaucheur a encore des difficultés avec ce concept. Il a enquêté au Festival d'Arc-en-Fleurs et a été enlevé à Lorgol avec d'autres inconnus, se pliant aux jeux sadiques d'un illuminé. Au Festival de Samhain, à Sombreciel, il a été drogué, désinhibé, puis a décidé de s'engager dans le tunnel découvert par une maladresse de Maëlys. Propulsé 1000 ans en arrière avec Cassiopée et les autres, il a assommé un éclaireur qui était en fait le prince héritier de Faërie, jouer les éclaireurs et attendu les autres derrière les lignes faës. La rencontre du groupe avec Stellaire leur a ouvert une voie jusqu'au temple et permis de revenir dans leur époque où ils ont assisté à un massacre. Il a brûlé la moitié des feuillets à sa disposition, afin d'empêcher l'Ordre de s'emparer du Sablier. Puis, il a combattu les garde avec les autres et ils ont été sauvés par les pièces de la Rose. Lors de ce festival, il a également pu voir le fantôme de sa mère et a compris que son père l'avait assassiné... A la caserne, sa décision de brûler les feuillets lui a valu l'admiration d'une part du groupe, mais aussi les représailles des membres de l'Ordre qui lui pourrissent la vie. Et de façon très personnelle, il doit aller venger sa mère. La mutation de Cassiopée auprès du Duc d'Outrevent suite au sauvetage qu'elle a effectué avec Serenus pèse sur Thomas, même si elle fait les allers retours par portail.
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Pendant le livre II : Après avoir appris que son père avait tué sa mère, Thomas est retourné en Lagrance pour avoir des explications et a manqué d'assassiner son père de colère. Cassiopée l'en a empêchée et il a finalement décidé de le livrer à la loi et de tirer une croix sur son passé. Il a présenté Cassiopée à Elise, sa mère de substitution, officialisant ainsi davantage leur relation. En mars, il a été appelé à assurer la sécurité à Ansemer pour un festival. Voilà qui l'éloignait quelque peu de la guerre qui faisait rage et lui permettait de profiter un peu. Mission de routine qui a viré au cauchemar quand des pirates ont attaqué afin de voler la vieille relique. Relique qui a disparu dans la nature, alors que des civils ont été blessés et tués lors de l'attaque... Encore un échec pour les Chevaucheurs qui ont du faire sans leurs dragons, rappelés pour leur sécurité.
La libération des magies scellées a révélé des Mages de Sang, de plus en plus nombreux. Même parmi ses proches alors que son propre Capitaine en est devenu un, ce qui n'a de cesse de le laisser perplexe et méfiant désormais, bien que toujours loyal.
En avril, la trame du temps a été altérée et Thomas s'est vu devenir un assassin, frère de Cassiopée. Un aperçu de l'homme qu'il aurait pu devenir si il n'avait pas fait les bonnes rencontres et les bons choix et qui continue de le hanter.
C'est en août que les événements de l'année ont été les plus terribles pour le Chevaucheur. Une mystérieuse épidémie a frappé Faërie et après une nuit avec Cassie, il a accompagné le convoi jusqu'à Roc-Epine, afin d'y trouver un remède. Il est tombé malade naturellement, perdant son lien avec sa dragonne, puis avec son Familier, sa magie devenant source de danger pour lui. Atteint par la fièvre, seul, abattu, il a perdu la tête, perdu toute dignité, voulant seulement revoir Cassiopée, fou d'angoisse pour elle qu'il devinait dans le même état et craignant de ne jamais la revoir. De cette période, il garde une opinion très négative sur lui-même, encore une fois, alimentant ses doutes sur l'homme qu'il est. Il a guéri, grâce aux expériences faites sur son Capitaine de Vol, et l'a raccompagné jusqu'à Amar en convalescence, se voyant ainsi octroyé quelques jours de permission qui lui ont permis de demander Cassiopée en mariage.
La libération de la Chasse Sauvage, la disparition de la Rose, la trêve suite à la mort d'Augustus sont autant de sources d'inquiétudes qui viennent assombrir le quotidien du jeune homme qui craint sans cesse que son bonheur fragile vole en éclats. Il compte bien profiter de ces quelques mois de répit...
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TRAME ALTERNÉE (Intrigue 2.3 La Roue Brisée)
- Spoiler:
Frère aîné de Cassiopée dont il protège la vertu et contrôle très étroitement les fréquentations, il est assassin de la Lame à la Confrérie où il a été recruté après avoir assassiné leur père. Il est actuellement Adepte de la Lame, même s’il préfère utiliser ses poings quand il s’agit d’exécuter quelqu’un. Il est connu dans les ruelles comme le Boucher des Pavés. (Oui, Antonin, nous aussi il nous fait peur.)
→ Thomas a été amant avec Aubrée Martel lors de cette trame. Il s'est réveillé dans la réalité alternée le 26 mai, découvrant avec horreur que Cassiopée était sa sœur dans cette réalité et qu'il était un assassin réputé et brutal... Ce qu'il aurait pu devenir s'il n'avait pas choisi de s'enfuir et de devenir Chevaucheur. Il est hanté par cette identité dont il ne se souvient pas et qu'il n'a pu qu'imaginer d'après les dires, alors qu'il était confus et ne savait pas ce qu'il faisait ici. Ce double de lui qui est un rappel constant du chemin qu'il aurait pu emprunter... De ce qu'il a été capable de faire.
→ Oublier
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Pendant le livre III : Le sommeil est synonyme de danger depuis la libération de la Chasse Sauvage. L'Accord et libéré. Un nouvel Empereur est couronné en Ibélène, cérémonie troublée par l'intervention de la Chasse alors que des rumeurs de morts et de résurrections parviennent jusqu'au Chevaucheur. Durant les festivités d’Été à Cibella, des momies et même un dragon momifié viennent semer le trouble depuis Erebor. Les mages du Sang sont impliqués, entretenant la méfiance et la haine. Pourtant, pour permettre à Cassiopée de réaliser son rêve d'être mère, malgré une possible stérilité, Thomas serait prêt à faire appel à cette magie encore honnie. La magie de l'Accord suscite tout autant de méfiance et de répulsion suite au mariage catastrophe du Duc d'Ansemer, prouvant la manipulation possible par cette magie. En fin d'année, un jeu funèbre a lieu au sein de l'Académie, provoquant le courroux des dieux qui se détournent des mortels, ce qui plonge Thomas dans une profonde affliction et remise en question.
Chronologie
12 juillet 974 : Naissance de Thomas
6 septembre 977 : Ultime dispute entre sa mère et son père. C'est la dernière fois qu'il la voit. Son père lui raconte qu'elle les a abandonné et n'aura de cesse de la salir aux yeux de son fils.
Mai 988 : Encore une dispute violente avec son père. Son enfance est émaillée de disputes et de coups. Cela fait quelques mois que sa magie d’Été se manifeste. Il prend la décision d'aller à Lorgol pour entrer à l'Académie. Et il est accepté.
Juin 991 : Thomas découvre son familier dans les forêt autour de Lorgol, un lynx femelle.
995 : Thomas sort diplômé de l'académie après sept longues années d'étude et décide de devenir Chevaucheur. Il est choisi par Étincelle, une dragonne grenat et intègre la caserne.
3 octobre 1000 : Thomas est enfin chevaucheur et est muté en Lagrance, sous le houlette de Tristan d'Amar. Il demande à Cassiopée de quitter la Volte pour venir avec lui, ce qu'elle accepte.
8 septembre 1001 : Premier baiser entre Cassiopée et Thomas, à l'initiative de la jeune femme. Les sentiments refoulés du jeune homme pour Cassie lui explosent au visage et il ne sait comment gérer.
31 octobre 1001 : Lors de Samhain, les morts apparaissent aux vivants et Thomas apprend par le fantôme de sa mère qu'elle ne l'a pas abandonnée mais a été assassinée par son époux.
Eté 1002 : la guerre est déclarée entre Ibélène et Faerie et Thomas est envoyé de longs mois au front.
Aout et septembre 1002 : Thomas est touché comme tous les mages par l'épidémie mystérieuse qui s'attaque à la magie. Parti avec un convoi, il se retrouve loin de Cassiopée et craint de mourir loin d'elle. Privé de son familier, de son dragon, de sa magie et de celle qu'il aime, il sombre, avant d'être sauvé par le remède in extremis. Cela lui laissera de profondes séquelles sur sa confiance en lui et ses capacités. Mais cela le pousse aussi à demander la main de Cassiopée.
27 novembre 1002 : libération de la Chasse Sauvage.
31 décembre 1002 : il apprend le départ de Maelys pour Ansemer, rejoignant ainsi celui qu'elle aime. Il le prend comme un abandon de la part de sa meilleure amie, avant de comprendre et de lui dire ce qu'il a sur le cœur, lui faisant promettre de se voir souvent.
31 janvier - 1er février 1003 : libération d'une ancienne magie : l'Accord
29 octobre - 3 novembre 1003 : suite à d'obscurs évènements au sein de l'Académie, les dieux détournent le regard des mortels. Une situation catastrophique pour le Chevaucheur qui en éprouve les conséquences au quotidien. De façon plus personnelle, sans Maari, il craint que le désir d'enfant de Cassiopée ne se réalise jamais.