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 Joue-moi un petit air

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Message Sujet: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptyMar 19 Juin 2018 - 11:01


Livre III, Chapitre 4 • La Légion des Oubliés
Elliott Ross & Melinda Orlemiel

Joue-moi un petit air

C’est probablement la seule manière de me faire taire



• Date : le 5 février 1003
• Météo (optionnel) : Il fait glacial, mais le ciel est dégagé.
• Statut du RP : Privé.
• Résumé : Melinda est bien décidée à remercier Elliott pour son extraordinaire musique. Elle lui offrirait bien un verre. Ou un repas. Ou ce qu’il veut. Même ce qu’il ne veut pas, tant qu’à faire. Elle est heureuse, de toute façon ! Et tout le monde doit bien être aussi heureux qu’elle, n’est-ce pas ?
• Recensement :
Code:
• [b]5 février 1003 :[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t3872-joue-moi-un-petit-air]Joue-moi un petit air[/url] - [i]Elliott Ross & Melinda Orlemiel[/i]
Melinda est bien décidée à remercier Elliott pour son extraordinaire musique. Elle lui offrirait bien un verre. Ou un repas. Ou ce qu’il veut. Même ce qu’il ne veut pas, tant qu’à faire. Elle est heureuse, de toute façon ! Et tout le monde doit bien être aussi heureux qu’elle, n’est-ce pas ?

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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptyMar 19 Juin 2018 - 11:09

Contrairement à ce que j’aurais pu deviner, l’hiver m’avait fait beaucoup de bien.

Mes abeilles me demandaient moins de travail en cette période glaciale, et j’avais cru que l’ennui me rongerait plus sûrement que le pire des poisons. Je m’étais apprêtée à agresser des inconnus dans la rue pour leur parler et me distraire quelques instants. Pourtant, je n’en avais eu aucun besoin. La saison froide touchait déjà presque à sa fin – même si les températures laissaient présager le contraire – et j’avais réussi le double exploit de trouver de quoi me distraire et de retrouver le sourire. La morosité qui s’était abattue sur moi à la suite de l’épidémie avait fini par se calmer, me laissant renouer avec la Melinda souriante et enthousiaste que j’avais toujours connu – la part de moi que j’aimais profondément.

Une grande partie de ma bonne humeur tenait à mes promenades matinales. J’avais renoué avec cette habitude particulièrement bien indiquée de me perdre dans les rues de Lorgol. J’avais beau avoir exploré une bonne partie de la ville, à l’heure qu’il était, je parvenais toujours à me retrouver dans des endroits que – j’en aurais mis ma main au feu – je n’avais jamais vus. Quel que soit le temps, je m’étais jetée dehors, souriante, affrontant les éléments sans jamais me laisser décourager. Je n’étais pas malade. Je n’étais pas faible. Je n’étais pas impuissante. Et je voulais me le prouver. Bizarrement, cette technique particulièrement étrange avait fonctionné. Ma morosité avait éclaté, laissant place à un tout nouvel enthousiasme, tout beau, tout à moi.

Le rêve étrange que j’avais fait voilà quelques jours avait déchiré les dernières brumes de doute et de tristesse qui m’envahissaient encore. Ce n’était sans doute qu’un rêve idiot, à peine digne d’être noté, mais certains éléments me hantaient encore. J’avais tué une femme dans ce rêve. J’avais été tuée, par traitrise. Mais, surtout, j’avais défendu l’idée que j’étais méritante. Et même si je ne l’étais pas encore, je pouvais apprendre. Or, comment pouvais-je espérer apprendre, enfermée dans une taverne, à me morfondre ? Non, si je voulais apprendre, je devais le faire dehors, en m’ouvrant au monde, en le laissant jouer avec moi, me ravir et me blesser.

J’étais redevenue moi. Pleinement. Et c’était bien.

Ce matin-là, quand je poussai la porte de la Taverne de la Rose, au retour de ma promenade matinale, un large sourire étirait mes lèvres. J’étais sublimement, incroyablement et merveilleusement heureuse. Parce que depuis plusieurs mois, ma vie était simple, et que cette simplicité me suffisait. La première chose que je remarquai en entrant fut le musicien assis à une des tables. Je l’avais déjà aperçu plusieurs fois. Selon toute vraisemblance, il était avec l’Audacia. C’était un pirate, et j’aurais probablement dû remettre en question sa manière de vivre, mais puisqu’il était sur le bateau d’Eric, ce devait être un bon pirate. Je me rappelais comment l’homme, d’une patience infinie, avait accepté de m’apprendre à danser, ce jour-là, au Festival des Flots. Tout qui vivait avec lui sur la vivenef devait forcément être gentil, et serviable, et sympathique.

Je m’avançai d’un pas décidé vers l’homme. Sans le savoir, il avait en grande partie participé à mon bonheur actuel. Il m’était arrivé souvent d’entendre le son doux et lancinant du violon résonner aux alentours, et je m’étais enveloppée de la musique comme on s’enveloppe dans une chaude couverture. La musique me fascinait. Elle me rappelait mon frère – mais pas à la manière d’un couteau en pleine poitrine, non, plutôt à la façon d’une bonne cuillérée de miel, avec douceur et tendresse. Je n’y avais jamais rien compris, mais ça n’avait pas d’importance. La mélodie ne s’en glissait pas moins jusqu’aux tréfonds de mon être, et elle pouvait avoir des effets assez impressionnants, pour une chose immatérielle. Sans même en être conscient, l’inconnu m’avait réconfortée. Et pour cela, je me devais de le remercier.

— Bonjour ! déclarai-je en m’arrêtant à quelques pas du musicien. C’est une belle journée, n’est-ce pas ?

C’était juste une question rhétorique. Le large sourire qui étirait mes lèvres hurlait à qui voulait l’entendre que, pour moi, c’était effectivement une bonne journée, et que rien ni personne ne pourrait m’enlever cette idée de la tête. Enfin… sauf s’il se passait quelque chose de vraiment terrible. Mais ce n’était pas comme si le Destin allait nous envoyer un quelconque malheur chaque fois que nous faisions mine de profiter de la vie !

— Je m’appelle Melinda Orlemiel ! me présentai-je sans attendre sa réaction. Je vis ici. Je sais qu’on ne se connait pas vraiment, mais je vous ai vus plusieurs fois, déjà, et je tenais à vous dire que votre musique est extraordinaire. Vous êtes vraiment impressionnant. Et c’est chouette de vous écouter. Merci beaucoup pour toutes les fois où vous avez joué quand j’étais à portée d’oreille. Vous ne le faisiez sans doute pas exprès mais… ça m’a apporté beaucoup. Merci.

J’étais de bonne humeur, et quand j’étais dans cet état, j’avais tendance à parler beaucoup. C’était un trait que j’avais presque oublié. Mais plus les mots s’écoulaient de ma bouche, plus mon enthousiasme et ma joie de vivre allaient croissant. Je n’attendis même pas que l’autre m’ait répondu avant de poursuivre.

— Cela faisait longtemps que je n’avais plus écouté vraiment quelqu’un jouer d’un instrument. D’habitude, l'idée d'écouter de la musique me fait un peu peur. J’ai quelques mauvais souvenirs en lien avec elle. Enfin, ce ne sont pas à proprement parler des mauvais souvenirs, mais disons qu’ils sont liés à des choses que j’aimerais bien oublier. Alors souvent, j’essaye de me tenir éloignée de ça. Mais j’aime bien, en fait, la musique. Je veux dire, elle me fait du bien. Je trouve ça absolument fascinant. Et très impressionnant. Je ne sais pas comment vous parvenez à rendre ce genre de sons jolis à entendre. Je suis sûre que si vous décidiez de me confier cet instrument, les oreilles de toutes les personnes présentes ici ne tarderaient pas à saigner.

Je gloussai, un sourire jusqu’aux yeux. Depuis combien de temps n’avais-je plus tenu un monologue comme celui-là ? De toutes les preuves que j’étais rétablie, celle-là m’était la plus chère. Les mots m’avaient retrouvée. Ils me chérissaient à nouveau. Ils étaient là pour moi. C’était bien. C’était merveilleux.

— Bref, je voulais dire que vous étiez vraiment impressionnant. Et encore merci, d’ailleurs. Vous ne pouvez probablement pas comprendre le service que vous m’avez rendu ! C’est comme si j’avais été perdue dans le noir pendant des mois, et que votre musique m’avait aidé à retrouver la lumière. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous, n’hésitez pas à demander. Si je le peux, ce sera avec plaisir que je vous rendrai service.

J’écartai les mains, cherchant des hypothèses au fur et à mesure que je continuais à parler.

— Par exemple, je pourrais vous offrir à manger ? Si vous avez faim bien sûr ! A moins que vous ne préfériez que je vous offre un verre ? Ah, sinon, j’ai le cadeau idéal !

Fière comme un paon, je redressai les épaules pour essayer de me faire un peu plus grande.

— Je suis apicultrice, vous savez. Je pourrais peut-être vous offrir un pot de miel ! C’est du miel d’abeilles élevées par une véritable outreventoise ! Ce n’est pas exactement comme le miel de chez moi, parce qu’on ne trouve pas du tout les mêmes fleurs, par ici. Mais pour un miel qui n’est pas produit dans mon duché, c’est assez respectable, je trouve.

Je m’aperçus alors que j’avais noyé mon pauvre interlocuteur sous une pluie de mots, et je grimaçai, consciente que pour quelqu’un qui ne me connaissait pas, m’écouter parler ne devait pas forcément être très divertissant. Je le pris sur le ton de la plaisanterie, et je haussai nonchalamment les épaules.

— N’ayez pas peur d’accepter une de ces propositions sous prétexte que je parle trop ! Il m’arrive, de me taire, aussi, parfois. C’est rare, et notable, mais ça m’arrive. Vraiment. C’est juste que ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi heureuse, alors j’ai envie de parler beaucoup, à tout le monde, et de n’importe quoi !

Je repris mon souffle comme pour continuer à parler, avant de m’apercevoir que j’étais censée me taire, pour prouver que oui, j’étais capable de garder le silence. J’étouffai une toux gênée, en jetant un coup d’œil sur le côté. Je me mordillai la lèvre pour éviter d’autres paroles intempestives de surgir brutalement pour prouver que non, je ne savais pas vraiment me taire. Enfin, je pris le temps de m’inquiéter de ce que l’homme pouvait bien penser. Je venais de lui déballer une longue tirade sans vraiment lui laisser le temps de répondre – ni même de dire qu’il ne voulait pas m’entendre parler. J’esquissai une moue embarrassée, me demandant comment il allait bien vouloir réagir. Je voulais le remercier sincèrement, pas l’affliger de ma présence !
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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptySam 23 Juin 2018 - 18:11

"- Et un verre d'hydromel pour le musicien ! Vous désirez aut'chose ?

- Non merci belle demoiselle, ça ira !"

La serveuse, visiblement flattée, fit un sourire avant de s'éloigner. Elle avait du travail, et n'avait pas le temps de discuter avec un pirate violoniste. Tant mieux, ça arrangeait Elliott. Il se sentait merveilleusement bien, mais ne tenait pas tellement à discuter avec une femme qui avait une verrue au dessus de la lèvre. Le pirate avala une gorgée d'hydromel fort bienvenue. L'alcool réchauffa autant sa gorge que son coeur refroidit par cet hiver qui était décidément bien trop long. Il aimait bien l'hivernage, mais que dans ses débuts. A présent, il n'avait qu'une hâte, repartir parcourir le vaste océan à bord de l'Audacia. Le matin, il allait au port, et regardait longuement la mer. Elle l'appelait, lui demandait de venir découvrir tous ses mystères. Elliott aurait bien répondu, s'il ne faisait pas aussi froid. Il était bien mieux dans cette Taverne, même si, à la longue, être enfermé lui courait sur le haricot. Heureusement qu'il y avait son violon, et de vieux amis. Il avait fini par devenir un habitué de la Taverne de la Rose. Tout pirate qui se respecte y avait sa place. Elliott, lui, avait même appris à se faire apprécier, grâce à ses talents de musicien.

Armé de son violon, le pirate laissa échapper quelques notes avant de se lancer dans une vive mélodie qui ne tarda pas à se faire accompagner par le son des mains qui tapaient entre elles. Certains commençaient à chanter, d'autre à se trémousser sur leur chaise. Rien de tel pour mettre de l'ambiance dans un lieu comme celui-ci. La Taverne de la Rose était vraiment exceptionnelle. Tout le monde se connaissait, l'ambiance y était unique. Aucune autre taverne n'arrivait à la cheville de celle-ci. Elliott poussa un cri enthousiaste et termina en beauté, ce qui fut récompensé par des applaudissements. Elliott s'inclina et se rassit, profitant d'une nouvelle gorgée d'hydromel. Il posa son violon sur la table, caressa le bois verni et fini par étendre ses jambes sous la table. Oui, il était bien, là. Il ferma les yeux un moment, savourant la chaleur de l'alcool qui descendait lentement jusqu'à son estomac. Quand il les rouvrit, ce fut pour apercevoir le visage d'une jeune fille, plutôt jolie, mais qu'il ne trouvait pas à son gout. Il la connaissait de vue. Elle habitait la Taverne depuis un long moment. Elliott s'était toujours demandé ce qu'elle faisait là. Attendait-elle quelqu'un ? Cherchait-elle du travail ?

Et elle prit la parole. Une avalanche de mot qui ne manqua pas de faire sourire le pirate. Elle le salua, et lui parla de cette belle journée. Elliott hocha la tête, sans perdre son sourire qui était sincère. Cette jeune fille promettait d'être fort divertissante. Elliott l'invita donc à s'asseoir à sa table sans l'ombre d'une hésitation, et lui commanda même un verre. Elle se présenta comme étant Melinda Orlemiel, et lui dit qu’elle vivait ici et que, même s’ils ne se connaissaient pas vraiment, elle l’avait vu plusieurs fois. Elle tenait à lui dire que sa musique était vraiment extraordinaire et qu’elle aimait l’écouter jouer. Elle le remercia, car cela lui avait beaucoup apporté. Elliott inclina la tête, fort flatté et lui répondit :

« - Dans ce cas, Melinda Orlemiel, je me ferais un plaisir de jouer à nouveau pour vous. Je m’appelle Elliott Rossignol, ou simplement Ross, comme il vous plaira. »

Elle était visiblement de bonne humeur, et se lança dans un long monologue qui ne gêna pas le pirate. Bien au contraire, s’il aimait chanter, il aimait aussi écouter. C’est en écoutant les gens qu’on parvenait à gagner leur confiance. Elle lui dit que cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas écouté quelqu’un jouer, car cela lui faisait peur d’habitude. Elle avait quelques souvenirs qu’elle aimerait bien oublier, et, du coup, elle essayait de s’en éloigner. Mais, finalement, elle aimait bien cela. Sans l’interrompre, la serveuse apporta la chope et la posa devant Melinda. Ross lui glissa une pièce dans la main et sourit, sans pour autant lâcher des yeux la jeune femme qui parlait devant lui. Elle lui avoua que sa musique lui faisait du bien, même si elle ne savait pas comment il faisait pour parvenir à produire de tels sons avec un violon. Elle lui dit même que, si elle essayait, les oreilles de toutes les personnes présentes allaient se mettre à saigner. Elliott laissa échapper un rire jovial et répondit :

« - Le violon est un animal particulièrement difficile à dresser. La seule solution, des années de travail et beaucoup de patience. Et, surtout, des oreilles assez résistantes pour ne pas saigner dès la première fausse note ! »

Elle gloussa, le sourire jusqu’aux oreilles. Elliott était heureux de voir les gens sourire comme ça, grâce à sa musique. Elle lui dit qu’il lui avait rendu un grand service, car elle avait été perdue dans le noir pendant des mois, et que sa musique l’avait aidé à retrouver la lumière. Elle lui dit également que, si elle pouvait faire quoique ce soit pour lui, il suffisait de demander. Elle lui proposa de lui offrir à manger, ou à boire. Puis elle lui parla d’un soi-disant « cadeau idéal ». Elle lui dit qu’elle était apicultrice, et qu’elle pourrait lui offrir un pot de miel, et que, pour un miel qui n’était pas produit en Outrevent, elle trouvait qu’il était assez respectable. Elliott sourit. La jeune femme se rendit compte qu’elle l’avait noyé sous une avalanche de mots. Et, quand elle lui dit qu’il ne devait pas avoir peur d’accepter une proposition sous le prétexte qu’elle parlait trop, il rit de bon cœur. Il lui dit alors :

« - Vous savez, le simple fait de voir les gens heureux grâce à ma musique me comble beaucoup. Mais j’avoue que le miel me tente bien. La nuit, rien de tel qu’une infusion avec du miel pour se réchauffer, surtout quand on est de quart sur le pont. Et, rassurez-vous, je ne suis pas comme ces nobles kyréens aigris et congelés qui préfèrent le silence au son des bonnes conversations. Avec moi, vous pouvez parler autant que vous voulez ! »

Il se tut, le temps de boire une gorgée, et reprit :

« - Vous connaissez quelqu’un qui joue également de la musique ? »


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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptyMar 3 Juil 2018 - 17:58

L’homme, sans se laisser troubler par mon flot de mots, m’invita à m’asseoir et commanda un verre pour moi. Si j’avais su qu’il suffisait de parler beaucoup et de complimenter un peu pour qu’on m’oppose tant de sympathie, j’aurais utilisé cette technique plus souvent ! Imperturbable, sans cesser de babiller, je m’installai à sa table, heureuse, en mon for intérieur, de recevoir si bon accueil. L’inconnu parvint à se présenter tandis que je reprenais mon souffle, et je hochai la tête à la mention de son nom. Presque immédiatement, je le classai dans la catégorie « amis ». Il avait même accepté de jouer pour moi à nouveau ! Si mon sourire avait pu s’élargir encore, il l’aurait sans doute fait. Mais le visage humain a malheureusement certaines limites, au-delà desquelles même sourire devient douloureux.

— Et je serais honorée de vous entendre jouer pour moi. C’était vraiment un plaisir de vous écouter, glissai-je en haussant les épaules.

Je poursuivis en parlant de la vision ambigüe que j’avais de la musique. Comme à peu près tout ce qui était lié de près ou de loin à mon frère, la musique faisait partie de ces choses que je parvenais à aimer et à détester en même temps. Sans doute le talent d’Elliott avait-il eu raison de toute amertume que je pouvais ressentir à entendre une belle mélodie. Il fallait dire que mon talent dans le domaine laissait à désirer. La serveuse profita de ce moment pour apporter à boire, et je bus une gorgée, tandis qu’Elliott disait combien il était difficile d’apprendre le violon. Oh, j’avais des oreilles suffisamment résistantes : elles parvenaient à endurer même jusqu’à mes plus longs babillages. Mais je n’étais pas très patiente, et consacrer des années de travail à quelque chose d’aussi peu palpitant ne me paraissait pas être une perspective très plaisante. Et puis, quand j’étais jeune, je prenais surtout du plaisir à passer du temps avec mon frère, plutôt qu’à apprendre ce qu’il essayait de gentiment de m’enseigner dans le domaine musical.

— Eh bien félicitations pour votre patience, votre courage et vos oreilles d’acier, déclarai-je avec un clin d’œil. Moi-même, je n’ai jamais eu tant de persévérance. Pourtant, quand je me consacre sérieusement à quelque chose, je peux vous assurer que je réussis toujours. Il faut croire que la musique n’est pas parvenue à emporter mon adhésion.

Enfin, jouer de la musique ne me comblait pas vraiment. L’entendre, c’était une autre histoire. J’étais d’ailleurs persuadée que ce dénommé Elliott et son violon avaient joué une grande part dans mon bonheur actuel, et je me devais de les récompenser en conséquence. J’étais prête à lui offrir beaucoup – un repas, un verre, même un pot de miel ! Je pouvais même faire un effort pour essayer de diminuer un peu mon rythme de paroles. A entendre son rire, toutefois, mon flot de paroles n’avait pas dû le déranger tant que ça. J’en fus soulagée. C’aurait été dommage que l’homme que je voulais remercier s’agace de recevoir une reconnaissance aussi débordante. Même s’il m’assura que rendre les gens heureux était pour lui une récompense suffisante, je me promis que j’allais lui offrir ce pot de miel. Sa musique m’avait indubitablement réchauffé le cœur pendant de longues soirées d’hiver. Si je pouvais lui rendre la pareille, ce serait avec grand plaisir. Je laissai échapper un léger rire lorsqu’il mentionna ces « nobles kyréens aigris et congelés ».

— Vous pourriez me vexer, vous savez, déclarai-je avec un sourire moqueur. Ma fille est à moitié kyréenne. Et à moitié noble. Mais ne vous inquiétez pas. Je vais quand même veiller à vous offrir ce pot de miel.

Que je lui aie donné naissance dans une autre réalité ne m’empêchait pas de penser à elle au présent. Ciara faisait partie de ma vie, et même si je n’avais aucune possibilité de la voir grandir, je ne pouvais m’empêcher de la considérer comme mon enfant. Elle n’était pas encore en âge de pouvoir faire la différence entre le silence et une bonne conversation, mais je ne voulais pas qu’on puisse la considérer comme « aigrie et congelée ». La définition, en revanche, pourrait presque convenir pour son père. Avant de découvrir combien Raygnar pouvait se montrer doux et aimant, j’aurais même accepté cette définition sans y réfléchir à deux fois. Maintenant, en revanche, je n’étais pas loin de penser que c’était une triste exagération.

Elliott me demanda alors si je connaissais quelqu’un qui jouait de la musique, et mon sourire s’altéra légèrement. Je pris le temps de boire une ou deux gorgées, pour ne pas répondre sous le coup de l’émotion. J’étais de bonne humeur, certes, mais au point de parler de mon frère sans rancœur et sans amertume ? Je n’étais pas certaine d’en être capable. Pourtant, cet homme était parvenu à améliorer considérablement mon humeur durant les derniers mois et je lui devais bien une réponse honnête – une réponse vraiment honnête, franche et ouverte, pas une réponse tordue de sorte que je n’y livre que la vérité, tout en cachant ce que je ne voulais pas voir révéler.

— Je connaissais, avouai-je en hochant la tête, un léger sourire toujours affiché sur mes lèvres, quoique teinté d’une douce mélancolie. Mon frère jouait pour moi, autrefois. Il a essayé de m’apprendre, mais il a vite compris que ce n’était pas une bonne idée. Je n’étais pas une élève très appliquée. Alors je me contentais de l’écouter. Je trouvais fascinant qu’il puisse exprimer en quelques notes ce que même les plus longs discours ne parviennent pas à expliquer. A bien y réfléchir, c’était peut-être les seuls moments de mon enfance où j’étais vraiment calme. Je n’ourdissais pas ma prochaine bêtise, et je ne faisais pas de bêtises.

Je marquai un temps de silence.

— Vous croyez que c’est pour ça qu’il jouait si souvent pour moi ? Pour éviter que je ne fasse trop de bêtises ? demandai-je sur le ton de la plaisanterie, désireuse d’alléger un peu l’atmosphère.

Parler de mon frère était toujours un terrain risqué. Je ne voulais pas gâcher une conversation si prometteuse avec des pensées aussi sombres. Je lançai un léger sourire à mon interlocuteur, bien décidée à conserver ma bonne humeur.

— Mais dites-moi, Elliott, avez-vous des frères et sœurs ?

Juste... changer de sujet. Avoir une conversation normale, avec un presqu'inconnu. Une conversation douce, simple, facile. Mentionner mon frère sans sombrer dans la fureur et la peine. Je pouvais le faire. J'en étais capable. Ce n'était qu'une question de volonté. N'est-ce pas ?
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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptySam 7 Juil 2018 - 22:21

La jeune femme souriait, visiblement heureuse de pouvoir parler sans être interrompue. Elliott, à l’aise et satisfait, l’écoutait parler. Elle était honorée de l’entendre jouer pour elle. C’était très flatteur. Elle se conduisait un peu comme ces nobles amateurs de musiques, qui s’extasiaient devant son talent. Elle n’était pourtant qu’une simple gueuse, comme lui. Elliott se contenta de sourire, et elle le félicita ensuite pour sa patience et ses oreilles d’acier. Elle lui fit même un petit clin d’œil pour accompagner ses paroles. Décidément, il faisait de l’effet l’Elliott, chez n’importe quelle femme. Le pirate n’avait plus assez de doigts pour compter les femmes qui, soit lui faisaient un clin d’œil, soit passaient la langue sur leurs lèvres en le regardant intensément. Il espérait juste que celle-ci ne se mette pas à le courtiser. Il était certes satisfait, heureux, détendu, mais il ne se sentait pas de repousser les avances d’une demoiselle. Il avait eu sa dose de jolies filles pour le moment.

Melinda lui dit ensuite qu’elle n’avait jamais eu autant de patience pour s’atteler à une tâche aussi longue que l’apprentissage d’un instrument de musique. Pourtant quand elle y mettait son sérieux, elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait, mais la musique n’avait jamais réussi à emporter son adhésion, comme elle le disait. Elliott sourit et haussa les épaules. La musique était comme un être vivant. Capricieuse, impétueuse, elle désignait ses serviteurs selon son bon vouloir. Elle avait ses petits préférés, ceux qui, comme ils le disaient, étaient dotés de « l’oreille absolue », d’autres parvenaient à jouer de plusieurs instruments, et les derniers, comme Elliott, n’avaient qu’un seul instrument comme compagnon, mais ils les maniaient comme des dieux. Ceux qui n’avaient pas été touchés par la grâce de la musique se contentaient d’écouter, et d’apprécier. Le pirate leva la tête et lui dit, sincère :

« - Vous n’êtes peut être pas musicienne, mais vous êtes très importante pour eux. Le public est toute la vie de celui qui maitrise l’instrument. »

Pour la rassurer, il lui dit qu’elle pouvait parler autant qu’elle le voulait, car il n’était pas un kyréen. Ces kyréens…. Tous des glaçons. Incapable de sourire, d’applaudir, de rire. Non, ils restaient impassible. Une fois, Elliott avait percuté, sans le vouloir, un noble kyréen. Un espèce de vieux schnock, avec un œil crevé, deux doigts amputés, et boiteux en plus. L’homme l’avait regardé de travers et n’avait même pas répondu quand Elliott s’était excusé. Une vraie tête de con. Il revint vers la jeune femme quand celle-ci lui dit, avec un sourire moqueur, que sa fille était à la fois kyréenne et noble, mais qu’elle ne se vexerait pas, et qu’elle lui offrirait le pot de miel. Elliott sourit et lui dit :

« - J’ai hâte d’y gouter. Je suis sur que ce miel saura réchauffer les froides nuits en mer. Et je suis certain que votre fille aura plus hérité de vous que de ce noble. J’en ai croisé un une fois,  et j’ai eu l’impression de rencontrer un véritable glaçon ! »

Ils poursuivirent, et il demanda à Melinda si elle connaissait quelqu’un qui jouait de la musique. Elle perdit, l’espace d’un instant, son sourire si enthousiaste. Il comprit qu’il avait évoqué, sans le vouloir, un sujet qui fâche. Le pirate baissa les yeux et rougit. Il espérait juste n’avoir pas troublé la bonne ambiance qui s’était installée entre eux. Mais elle continua à sourire, et lui parla de son frère. Son frère jouait pour elle, et avait même essayé de lui apprendre. Elle trouvait fascinant que son frère parvienne à exprimer avec quelques simples notes ce que tout un discours aurait pu expliquer. Elle lui avoua que c’était dans ces moments là qu’elle était vraiment calme, quand son frère jouait pour elle.Elliott imagina sans peine la scène. Une petite Melinda, assise devant son frère qui jouait pour elle, bouche bée, incapable de parler. Il sourit et finit par dire :

« - Un homme selon mon cœur. » Quand elle lui demanda si c’était pour la calmer qu’il jouait souvent, il répondit : « - Je ne crois pas Melinda. Je pense qu’il jouait pour vous uniquement parce qu’il aimait vous voir sourire, parce qu’il voulait vous rendre heureuse. »

Elle lui demanda ensuite, sans perdre une once de sa bonne humeur, s’il avait des frères et sœurs. Elliott fit un grand sourire et répondit :

« - J’ai des deux. Nous sommes une famille assez nombreuse. Mes parents sont musiciens, vous comprenez donc pourquoi j’ai repris le flambeau. »Il but une gorgée de son verre et demanda, changeant totalement de sujet : « - Qui sait, peut-être que votre fille jouera pour vous. »
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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptyLun 16 Juil 2018 - 16:41

Elliott m’assura que j’étais très importante pour les musiciens, et je souris, amusée par cette idée. Je n’avais jamais vraiment songé à ce qu’ils pouvaient penser, ceux que je voyais jouer d’un instrument. D’abord parce que j’étais beaucoup trop absorbée par la musique elle-même et par toutes les émotions qu’elle pouvait susciter en moi pour prêter attention à autrui, et ensuite, parce qu’en règle générale, je ne m’intéressais que peu aux sentiments des autres. J’avais déjà bien assez à faire avec les miens. Est-ce que ça avait été aussi important pour mon frère, que je le regarde avec admiration, bouche bée, les yeux brillants d’étoiles, quand il se laissait aller à jouer pour moi ? Mon sourire se teinta de douceur à cette idée. Quant au fait que le public représentait toute la vie du musicien, je trouvais ça… un peu triste. C’était fluctuant un public, et ça dépendait de tellement d’éléments qui n’avaient pas toujours un rapport avec le musicien lui-même et la qualité de ses prestations. Je choisis toutefois de le prendre sur le ton de la plaisanterie, et esquissai un sourire moqueur.

— Est-ce que vous essayez de me dire que je suis toute votre vie ? questionnai-je en haussant un sourcil sceptique. C’est peut-être censé être très flatteur, mais je ne suis pas sûre d’apprécier, vous savez. Je suis déjà bien occupée à être toute ma vie, je n’ai pas besoin de plus de responsabilités.

Mais, je devais l’avouer, c’était agréable de parler avec le musicien. J’espérais d’ailleurs que mon caractère loquace ne l’irritait pas. Mais non, apparemment, il semblait n’y voir aucun problème. C’était bien : portée par l’enthousiasme qui était le mien actuellement, je n’étais sans doute pas capable de juguler le flot de paroles qui sortait de ma bouche. Je parvins même à plaisanter au sujet de ma propre fille sans m’assombrir en songeant à ce qu’elle avait pu devenir, après mon départ ! A vrai dire, voir Elliott critiquer les kyréens m’avait instinctivement donné envie de la défendre – elle, et dans une moindre mesure son père, qui s’était comporté envers moi de manière tout à fait honorable. Je lui offrirais tout de même mon pot de miel, parce que c’était un cadeau pour service rendu, mais je ne pouvais pas le laisser dire du mal des gens que j’aimais – ou que j’avais aimé, dans une autre vie.

— Ce ne sont pas exactement de glaçons, fis-je remarquer en haussant les épaules. Il faut juste apprendre à les connaitre. Je suis certaine qu’ils cachent autant de choses derrière leur visage qu’il ne s’en cache sous la glace. En tous cas, vous ne devriez pas les juger aussi facilement.

Elliott ne tarda pas à me demander si je connaissais un musicien, et aussitôt, je sentis une vague de tristesse s’abattre sur moi. Je parvins à l’adoucir, en la nourrissant de souvenirs aussi doux que du miel. Le musicien, en ajoutant que mon frère était « un homme selon son cœur », parvint même à me faire sincèrement sourire, me dépêtrant des marais de désespoir qui environnaient toujours la mort de mon frère. Je souris, émue, en repensant à ces longues soirées qu’il passait à jouer pour moi. Avait-il vraiment fait tout ça pour me rendre heureuse ? Peut-être. A bien y réfléchir, mon frère aurait fait énormément de choses pour me faire sourire. C’était peut-être pour cela que je l’avais aimé à ce point. Et c’était sans doute pour cette raison que je lui en voulais autant de m’avoir laissée toute seule. N’aurait-il pas pu rester ? N’aurait-il pas pu, au moins, se faire moins aimer, pour que sa perte soit moins lourde ? Peut-être que sa mort aurait été moins douloureuse, alors, mais peut-être que j’aurais eu moins de doux souvenirs à me remémorer.

Envers et contre tout, je parvins à conserver ma bonne humeur. Il fallait juste changer de sujet. Je m’interrogeai donc sur la famille d’Elliott, et il m’avoua qu’il avait deux frères et sœurs. Ses parents étaient musiciens, et je me demandai brièvement s’il considérait ses mélodies au même titre que je considérais mes abeilles : cela lui avait été transmis par sa famille, et il s’y consacrait sans doute depuis qu’il était très jeune. Cela le consolait-il quand il en jouait ? Parlait-il à son instrument comme je parlais à mes abeilles ? Si tel était le cas, j’avais été bien inspirée de l’aborder en parlant de sa musique. Commencer une conversation en parlant de la passion d’un homme, c’était le meilleur moyen de poser une relation sur des bonnes bases. Si je m’aventurais dans des sujets sûrs, Elliott, en revanche – et probablement sans le savoir – mettait les pieds en plein dans le plat, et pour la troisième fois en quelques minutes de conversation : il parla de ma fille, de comment elle pourrait jouer de la musique pour moi. D'abord une plaisanterie sur les kyréens, ensuite une question sur mon frère, et maintenant ça ! Encore un peu et je pourrais croire qu’il s’était renseigné sur moi et qu’il le faisait exprès.

— Ça m’étonnerait que ma fille puisse un jour jouer pour moi, murmurai-je d’un ton teinté de tristesse, sans toutefois perdre mon sourire. Elle vit… très loin d’ici. Je ne crois pas que ce soit une grosse exagération de dire qu’elle grandit dans un autre monde. Je doute qu’il me soit possible de la revoir un jour. Je n’ai même aucun moyen de prendre de ses nouvelles, de savoir si elle grandit bien, si elle est heureuse, ou même si elle est en bonne santé.

Je haussai les épaules. Ce n’était pas comme si je pouvais faire quoi que ce soit pour changer ça.

— Enfin, je l’ai laissée entre de bonnes mains, au moins !

Entre mes propres mains, pour ainsi dire, et celles d’un kyréen qui, bien qu’insupportables par moment, avait eu l’air de m’aimer, quand il était encore le Raygnar de l’autre réalité. Je ne savais pas trop comment l’autre Melinda réagirait, mais j’étais certaine que lui, il ferait un bon père. Et si l'autre aimait ma fille autant que moi, alors Ciara aurait deux parents aimants et attachés à leurs responsabilités envers elle. Elle serait probablement heureuse.

— Même si je ne cesse de me répéter qu’elle sera heureuse, je ne parviens pas à m’empêcher de m’inquiéter un peu pour elle. Je ne sais même pas si elle vit encore, vous voyez.

Après tout, cette autre réalité n’avait peut-être pas continué après que nous en soyons sortis. Je n’avais aucun moyen de le savoir. Dans ce cas, ce serait comme si Ciara n’avait jamais vraiment existé. Je sentis mon cœur se serrer dans ma poitrine, refusant catégoriquement de penser à ça. Tant qu’elle vivrait dans ma mémoire, je ne pourrais pas la considérer comme totalement inexistante. Jamais.

— Mais si un jour, par miracle, j’ai l’occasion de l’écouter, et qu’elle a appris à jouer d’un instrument, je n’ai aucun doute que ce sera merveilleux.

Je souris à l’intention d’Elliott, sans parvenir à chasser la profonde tristesse qui s’était glissée dans mon cœur à l’idée que je ne verrais probablement plus jamais ma fille. Avec un enthousiasme un peu forcé, je poursuivis :

— Qui sait, je lui parlerais peut-être de vous ? « Comment le musicien de la Taverne de la Rose est parvenu à guérir un cœur blessé ». Je suis sûre que ça peut faire une très jolie histoire.

Je grimaçai, tandis qu’une lueur de malice se glissait dans mon regard.

— Dommage que je ne sache pas raconter les histoires. Elles ont toujours tendance à être beaucoup trop longues, avec moi. Surtout pour une petite kyréenne, j'imagine.
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Message Sujet: Re: Joue-moi un petit air   Joue-moi un petit air EmptyLun 6 Aoû 2018 - 18:31

La musique était toute la vie d’Elliott. Enfin, il exagérait peut-être un peu. Il était né et avait grandi avec la musique. Mais il y avait aussi la piraterie, les amis, la boisson et les femmes. La musique était en quelque sorte la source de vie et de jouvence du pirate, ce qui l’aidait à supporter les quarts de nuit, à affronter les combats et à en sortir vivant. Cela l’aidait à accepter le fait qu’il tuait, qu’il pillait, sans que sa conscience ne soit affectée. Le pirate sourit. Que serait-il sans la musique ? Une personne parfaitement banale, qui travaillerait toute la journée, qui rentrerait le soir et embrasserait sa femme avec un petit « qu’est ce qu’on mange ce soir ? ». Elliott doutait même que, sans la musique, il soit devenu pirate. Rhéa, le jour de leur rencontre, avait une telle mélodie dans le regard qu’Elliott y avait succombé sur les champs.

La jeune femme trouva très amusant qu’Elliott lui dise que le public était toute la vie du musicien, elle lui dit qu’elle était flattée, mais qu’elle n’aimerait pas supporter cette responsabilité supplémentaire, Elliott laissa échapper un rire sincère et lui répondit :

« - Ne vous inquiétez pas. Ce que vous appelez responsabilité se résume uniquement à écouter. Et soyez assurée que le musicien se contente bien assez de cela. »

Il était assez content d’avoir cette conversation avec cette jeune femme qu’il ne connaissait que de vue. Il aimait pouvoir parler de tout, de rien, du temps qu’il fait, et de la vie des gens, avec des personnes qu’il ne connaissait pas. Cette jeune femme semblait plutôt ravie de pouvoir s’exprimer librement, et ne se gênait pas pour monopoliser la conversation. Sa langue preste était agréable à entendre. Et Elliott était très satisfait de pouvoir se contenter de ses quelques réponses, sans avoir à faire des efforts pour meubler la conversation.
Ils en vinrent à évoquer les kyréens, qu’Elliott trouvait bien trop ennuyeux et bien trop antipathiques à son goût.

La jeune femme, curieusement, défendit le noble qui lui aurait fait un enfant. Après, elle avait le droit d’être amoureuse. Il imagina, l’espace d’un instant, cette jeune femme dans les bras de l’homme qu’il avait croisé récemment. Il faillit éclater de rire tellement l’image était grotesque. Melinda, elle, lui conseilla de ne pas les juger trop facilement, car, comme la neige, ils pouvaient dissimuler bien des choses. Elliott pencha la tête sur le côté, surpris, puis abdiqua. Elle n’avait peut-être pas tort. Les kyréens n’étaient peut-être pas tous comme ce vieux hibou aigri qu’il avait croisé. Il haussa les épaules et lui dit avec un petit rire :

« - Vous avez raison, j’ai tendance à juger un peu trop vite. Les préjugés sont tellement nombreux et tellement faciles à prendre...J’en parlerais à ce vieux borgne et boiteux la prochaine fois que je croiserais sa route. »

Ils en vinrent à évoquer le frère de Melinda qui, comme Elliott, était musicien. La jeune femme s’assombrit, l’espace d’un instant, mais parvint à conserver sa bonne humeur. Elliott comprit que le frère en question n’était plus de ce monde, et allait s’excuser quand la jeune femme se mit à parler de lui, et du fait qu’il jouait beaucoup pour elle. Elle sourit quand Elliott lui dit que son frère était « un homme selon son cœur ». Elle était émue, et Elliott la comprenait bien. Pour la rassurer, le pirat lui dit que, si son frère jouait pour elle, ce n’était pas pour calmer le flot incessant de mots qui se déversaient de ses lèvres, mais plutôt pour la voir sourire. Il était assez fier de lui. Il avait su trouver les mots pour ne pas la blesser. Du moins, pour l’instant, car il évoqua un autre sujet qui, sans qu’il le veuille, était tout aussi délicat pour la jeune femme.

Ils évoquèrent sa fille, et il lui dit qu’un jour, elle jouerait surement pour elle. La jeune femme, d’une voix teintée de tristesse, lui avoua qu’elle était loin d’ici, comme si elle grandissait dans un autre monde, et qu’elle ne pourrait surement jamais la revoir. Elle n’avait même aucun moyen de prendre de ses nouvelles. Elliott baissa la tête, désolé. Sans prendre de détours, il posa la main sur la sienne et lui souffla :

« - Je suis désolé Melinda. Je ne voulais pas vous blesser ou vous rendre triste… »

Elle finit par hausser les épaules et par lui dire qu’elle était entre de bonnes mains, même si elle s’inquiétait un peu pour elle, car elle ne savait même pas comment elle vivait. Elliott, pensif, ferma les yeux et lui dit, sur un ton doux :

« - Je suis déjà allé en Valkyrion. Je pense pouvoir vous aider à alléger votre cœur. J’imagine une petite fille, avec vos grands et beaux yeux, chevauchant un de ces petits poneys à poils longs que les kyréens ont l’habitude d’élever. Elle rit aux éclats, et applaudit, car un de ses amis vient de trébucher dans la neige. Le soir venu, elle mange des marrons chauds, devant un bon feu de cheminée. Son père lui contera les légendes et les histoires de Valkyrion avant d’aller la border dans son grand lit chaud. Elle est heureuse car, le lendemain, elle verra le tailleur qui lui confectionnera de nouvelles robes, puis elle ira prendre ses leçons auprès de son précepteur. Elle a hâte car, quand elle saura écrire, elle pourra vous envoyer des lettres avec, à l’intérieur, une plume de cette chouette des neiges qui s’est posée devant sa fenêtre… »

Il rouvrit les yeux, et sourit. Il pouvait encore parler longtemps à ce sujet, mais il préféra laisser Melinda reprendre la parole, qui lui dit qu’elle était persuadée que sa fille jouerait sans doute très bien d’un instrument. Elliott sourit et hocha la tête. Il était loin de se rendre compte que la fille de Melinda venait en vérité d’une autre réalité. Réalité dont il ne se souvenait absolument pas. Melinda lui dit qu’elle lui parlera peut-être de lui, comme étant le musicien qui parvenait à guérir un cœur blessé, et que cela ferait une très jolie histoire. Flatté, Elliott rougit. Elle avoua, avec une lueur de malice dans le regard, qu’elle ne savait pas conter des histoires, car elles avaient tendance à être beaucoup trop longues, surtout pour une petite kyréenne. Elliott laissa échapper un petit rire et lui répondit :

« - Croyez-moi, je suis flatté. Mais, un conseil, si vous voulez raccourcir l’histoire, ne lui parlez pas de mes bouclettes. »

Il passa une main dans ses boucles lustrées pour appuyer son propos puis il fut pris d’une idée. Peut être que cette Melinda sera moins maladroite que Liry, cette autre jeune femme qu’il avait rencontré. Elle avait manqué de faire tomber son violon par terre, quelle infamie. Elliott attrapa l’étui de son violon, sorti son instrument et, après l’avoir délicatement posé sur la table, il lui dit :

« - Vous voulez essayer ? N’ayez crainte, je serais là pour vous aider. »
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