Et d'une,
La journée s'achève et les lunes jumelles montent au ciel. Elles sont fières, elles sont belles, mais surtout, elles sont deux. Lui, Richard, est à présent seul. La solitude qu'il appréciait tant de ses semblables, semble soudain l'étouffer à mesure que les heures passent. Il fait froid de jour, il fait froid de nuit, l'homme peine à suivre les courbes du voile de l'horizon du matin au soir. Il résiste pourtant, l'ancien Maréchal, il lui a promis comme il s'est promis à lui-même.
Ne pas succomber, toujours progresser, semble murmurer le vent à ses oreilles.
Continuer, ne pas s'arrêter, semble lui susurrer encore l'emprunte d'Adamante dans son esprit. La faiblesse du corps tend à joindre celle de l'esprit suite à cette perte, mais n'en demeure qu'un homme prêt à tout pour tenir sa parole. Il a dit, il fera.
Et d'une,
La semaine s'achève lourdement et les ailes, le ciel et l'air lui manquent cruellement. Il regarde fièrement les Voltigeurs, Richard, il complimente l'ensemble et critique doucement ce qui s'éloigne de sa trajectoire. Les femmes n'échappent pas à ses remarques, tandis qu'il patiente pour avoir une audience. L'un s'en va, l'autre règne, il en allait tant pour lui et Grégoire que pour Octave et Sixtine. Et Sixtine ne resterait pas seule longtemps.
Moins d'un mois s'achève. Vingt-un août. La douleur reste, elle persiste et le saigne, mais malgré tout et avant tout, gloire à Ibélène. Plus d'écho à ses sentiments, plus d'images à ses questions, c'était une habitude qu'il lui fallait prendre. Et vite. Sa nomination au rang de Conseiller impérial lui paru tant mérité que troublante. Il n'avait plus rien, Richard, plus de force, plus de serres, plus de titre, juste l’expérience. L'expérience et une loyauté sans failles. Loyauté qu'il comptait bien nourrir jusqu'au bout. Peut-être mourrait-il pour elle, comme avait semblé mourir Adamante pour lui.
Et de deux,
Les mois coulent, l'ambiance est à roucouler au palais. Certains lui font la cour, à la belle Sixtine, mais Richard à déjà son favori en tête. Le meilleur choix possible ; Guillaume de Brumecor Le meilleur pour l'empire qu'il a juré servir autrefois et à juré servir encore aujourd'hui. Un Bélliferien ambitieux, à quelques rencontres d'esprits similaires au sien. Un brave. Un homme, un vrai.
Et de plusieurs,
Le temps poursuit sa course folle sous ses quelques conseils généreux et droits. Droit ou froid ? Les deux semblent lui convenir tant Richard se montre raide, lointain et pourtant sans douter de la portée de ses mots. Ils sont à la hauteur de son personnage, à la hauteur de ce qu'il était et de ce qu'il est encore au présent. Intransigeant homme né dans le duché de la guerre. Guillaume se dessine, Guillaume s'impose... comme il l'avait prévu. Comme il l'avait susurré. Enfin quelqu'un capable d'endosser le rôle d'empereur, de prendre la place d'Augustus d'Ibélène, de soutenir Sixtine d'Ibélène, d'être plus qu'une ombre molle et faible sur le trône.
Le mariage approche.
Le mariage vient.
Le mariage est aujourd'hui.
***
« Oui, moi aussi, j'ai hâte, » marmonna le Conseiller à lui-même. La présence d'Adamante n'était plus, pourtant Richard avait toujours l'impression qu'elle persistait quelque part. Un sentiment perdu, un sentiment fantôme, un sentiment qui ne s'était jamais volatilisé malgré les mois passés. Une habitude tenace. Un trou béant qu'il avait du mal à combler, mais qui le maintenait en vie à sa façon.
Il avait hâte que le mariage se fasse, ce n'était qu'une question de temps alors qu'il guettait les nuages lourds d'eau qui prenaient place au-dessus de la capitale. Mauvais présage ou bon, pensa t'-il avant de hausser les épaules. Il n'avait jamais prêté l'ouïe à ceux qui prédisaient, encore moins à l'interprétation de diverses scènes. Et ce n'était pas prêt de changer. Foutaises que pouvaient être toutes ces prédictions. À charge de conseiller la défense, notamment sur l’événement, Richard comptait bien voir le mariage se faire sans tracas. Guerriers et Voltigeurs avaient tous reçu des ordres pour que ce jour soit LE jour de la résurrection d'Ibélène.
Emmitouflé dans un manteau de cuir et toison, l'homme déambulait entre les murs du palais, le regard ravageur et attentif aux moindres détails. Le port droit, la mine sévère, les cheveux plus propres que dans les souvenirs de beaucoup, Richard portait bien son nouveau titre sans pourtant s'adonner à quelques goûts de luxes que ce soit. Jamais. Ou tout du moins, jamais plus qu'avant. D'un sourire pincé qui évoquait davantage l'image d'un cul glacé que celle d'un doux baiser, l'homme saluait les quelques convives invités qu'il croisait. Quelques mots échangés et polis d'une langue soudoyée par la servitude et la fervence.
« Comte de Séverac, et premier conseiller ducal de Sombreciel, le pauvre,
quel plaisir de vous voir ici, non pas que j'imaginais un évènement de si grande ampleur sans vous, » cela aurait pu être un horrible plaisir s'il n'appréciait pas l'homme. Il le respectait assez pour tout dire. Ce n'était, après tout, nullement sa faute si la plupart de ses enfants filaient le mauvais coton. Toute la faute revenait à la femme... ou à son absence. Sa présence, celle de Maximilien de Séverac, soulignait-elle celle de ses avortons ? Surtout celle de son voleur de fils, le bouclier Melbren ? Richard serait heureux de pouvoir compter sur ses talents à prendre les carreaux si quelque chose tournait mal.
« Comment se porte Sombreciel ? » Les mages avaient-ils commencé à mettre le duché à feu et à sang ? Surtout à feu et en passant par le duc et ses épouses ? Comme si une seule femme n'était pas assez...