Histoire
On a tort de penser que les souvenirs d’enfants ne sont que vagues sensations profondément ancrées dans l’esprit. On n’oublie jamais rien totalement. Enfant, on se rappelle de tellement. De scènes floues, colorées. D’odeurs douces qui, sans le savoir, amèneront dans le futur une nostalgie toute particulière. On se rappelle d’avoir été heureux, surtout. D’avoir eu des parents qui nous aimaient, un frère, une sœur. Deux sœurs. Une.
Enfant, on se rappelle de bien plus qu’en étant adulte. On se rappelle des premiers pas faits sur le sol de la demeure, dont les murs à l’époque semblaient donner l’impression d’être si hauts ! On se rappelle des premiers mots. Des prénoms balbutiés, qui, des années après, sur les lèvres semblent tellement familiers.
Meldred se souvient, lui. De tout ça, pour toujours, il se souvient. Des bribes fugaces mais tellement puissantes, portées par des sensations de bambin, des paroles qui l’ont marquées, il se souvient.
Bien sûr, il n’a pas de réelle mémoire précise : les lieux restent flous, vus déformés par les yeux d’un enfant. Les voix restent un peu distordues, fantasmées par les années. Les sensations restent, parce qu’elles durent toujours le plus longtemps, mais finissent par perdre de leur intensité. Mais il se souvient. Et c’est le plus important.
Il sait d’où il vient, même si le nom ne fait pas sens.
Les gens font plus de sens. Sa famille, pilier central de son esprit, fait plus de sens.
Il se souvient de son père et de sa mère, complémentaires, de leurs bras qui le supportent, de leurs voix qui l’appellent, qui le nomment. Il se souvient de la chaleur, de la confiance, de l’impression de sûreté et de protection dans son coeur.
Il se rappelle de son frère, le plus grand, penché sur lui, qui lui sourit. Il se rappelle d’avoir voulu le suivre, d’avoir ri, d’avoir dit son nom parmi ses premiers mots. Il se rappelle de ses sœurs, qui étaient si semblables, au point que leurs souvenirs dans sa mémoire se mêlent. Il les a suivies, de ses petits pas hésitants, dès qu’il a su marcher. Plus jeunes, presque de son âge il lui semble.
Les détails fuient les esprits d’enfant. Seules les émotions restent. L’amour. La joie. Le bonheur.
La peur.
Meldred a eu peur. Peur des vagues qui montent, montent et frappent le bateau avec force. Peur des craquements sinistres autour de lui. Peur du vent qui forcit, qui le pousse. Meldred a eu peur, une peur si puissante et profonde qu’elle a gravé en lui chaque détail, chaque poussière d’un naufrage désastreux.
Il y a eu la vague. La dernière. Celle qui a fini de tout briser, qui a emporté l’enfant en pleurs et terrorisé, loin des siens.
Il y a eu la vague, qui a jeté le petit à l’eau, sans qu’il ne sache nager, qui a rempli d’eau sa bouche et son nez, qui l’a ballotté loin du navire sombrant. Qui dans ses derniers instants de conscience, alors qu’il tendait encore les bras vers sa famille et vers la silhouette entrain de sombrer du vaisseau, lui a porté une planche arrachée de cette carcasse.
L’enfant qui ne sait pas nager sait au moins survivre. Alors dans l’océan peu clément, il s’accroche à ce qu’il peut, paniqué. Il s’accroche, et son esprit si petit imagine que bientôt il retrouvera sa mère, ses sœurs, son père et son frère. Bientôt.
Juste avant que les eaux ne l’emportent loin. Loin des côtes de Sombreciel, où il est né. Loin de la famille qui pensera perdre l’enfant. Loin de Meldred de Séverac, présumé mort.
En plein milieu de l’océan encore agité, il n’est qu’un corps. Et s’il se souvient de son prénom, c’est tout ce qu’il garde. Accroché à sa planche, à peine conscient, Meldred n’a pas la moindre idée de s’il est vivant.
Il a juste peur.
Il est sauvé des flots, il se sent, vaguement, quitter l’océan, retrouver quelque chose de ferme sous son corps qui n’est pas un bout de planche. Il ne voit rien, mais il entend des bribes de mots, des voix. Il sent vaguement qu’on le secoue, qu’on tente de le réveiller, mais il n’ouvre pas les yeux.
Terrifiants premiers instants.
Il alterne entre la conscience vague et un sommeil exténué, dépourvu de rêves mais parsemé de cauchemars pendant quelques jours. Ce n’est qu’un enfant, encore, qui n’a pas passé ses trois ans : son corps a été poussé à bout. Mais il s’en sort. Petit à petit, il revient à la vie, Meldred. Respirer fait mal, mais il y arrive.
Il ouvre les yeux, et il est là. Dans une pièce qui n’a rien à voir avec chez lui, entourés d’inconnus – beaucoup, il ne sait pas compter. Et parmi eux, aucun visage qu’il ne peut reconnaître.
Alors il a peur. Il commence à paniquer, encore plus lorsqu’une vague frappe le navire. Encore plus quand un homme aux cheveux clairs s’approche. L’enfant pleure, encore faible, sur sa couchette. Et il les appelle, tous, il appelle toute sa famille, il appelle ses parents, son frère, ses sœurs.
Il ne veut pas être seul.
Les inconnus se révèlent être de gentils inconnus. Le bateau est un gentil bateau. Meldred appelle toujours ses parents, la nuit, et il tremble toujours quand le temps se fait moins clément, mais il prend confiance en la vivenef. Et il n’est jamais laissé seul. Il y en a toujours au moins un, pour rester avec lui, les premiers temps. Pour le rassurer, pour lui parler. Il y a toujours quelqu’un. Et il y a souvent de la musique. Quand il prend peur que ses parents n’aient pas survécu et qu’il se rapproche du grand brun aux yeux si clair, il y a de la musique qui résonne. Quand il s’éveille, la nuit, le coeur serré et qu’il appelle dans le noir Mélusine ou Melsant, il y a toujours un membre de l’équipage pour venir le rassurer et jouer un air discret.
Il devient l’enfant de la Symphonie, alors que celle-ci vogue vers l’Archipel.
Mais il ne veut pas oublier.
Il a peur de l’abandon. Peur de se retrouver tout seul. Peur qu’une autre tempête brise cet autre navire, brise Harmonie, et éparpille au vent l’équipage qu’il a commencé à aimer.
Les premiers mois sont durs. Les gens autour, dans l’Archipel, sont agréables et pleins de bonnes intentions envers le petit naufragé. Mais c’est surtout sur la Symphonie que Meldred commence vraiment à grandir. Il passe des heures à y courir, à y s’y réfugier, toujours sous l’oeil de l’un ou l’autre des membres de son équipage.
Et quand vient la nuit, et qu’il est l’heure de dormir, pour se protéger des mauvais rêves, il va dire bonne nuit à Harmonie en dernier. Toujours.
Quand la Symphonie repart, il repart avec elle. Il suit les Accordés sur l’océan, sur le pont de ce navire qui lui a sauvé la vie. Il grandit avec eux, parce qu’aussi accueillants et agréables que soient les personnes qu’il a rencontré sur l’Archipel, c’est à la Symphonie qu’il doit la vie. C’est Harmonie en qui il place la plus grande confiance, et c’est vers elle que son petit coeur d’enfant ayant perdu toute sa famille tourne son amour filial.
Les souvenirs de sa petite enfance ne partent pas. Les cauchemars, eux, s’atténuent, mais les souvenirs de sa famille, sa véritable famille, s’ancrent toujours un peu plus dans son coeur. C’est grâce à la magie qui les entoure, tous, cette magie qui flotte dans l’air, sur le pont de la Symphonie. Cette magie qui l’imprègne, ce navire, et qui l’a forcé il y a de cela mille ans à l’exil.
C’est grâce à l’Accord que Meldred garde avec lui les souvenirs de celui qu’il a été. Et, d’un optimisme enfantin qui ne le quittera jamais, il se dit que s’il les garde, précieusement, un jour ça lui permettra de les retrouver.
Ainsi il grandit, l’enfant perdu, entre un équipage exilé et l’Archipel, sur les vagues qu’il apprend à ne plus craindre et bercé par la musique les tumultes de ses nuits s’apaisent. Il faut bien tout un bateau pour élever un enfant, surtout quand celui-ci veut bien tout apprendre… Mais, dans cette frénésie impatiente, souvent en oublie l’essentiel. Ce n’est pas qu’apprendre à être utile sur le navire, c’est également faire en sorte de lui enseigner tout ce qu’il aurait dû apprendre, là-bas, sur le continent.
Meldred est encore petit, mais il n’est pas stupide. De Taliésin, il apprend tout. Il apprend la lecture. Il apprend à parler, dans des tournures autrement plus compliquées que ce qu’enfant il pouvait prononcer.
Il apprend. Même s’il veut tout savoir, d’un coup, il s’applique, pourtant. Au fond de lui, Meldred veut les rendre fiers, tous : Taliésin et son regard triste, comme si sa famille à lui aussi avait disparu dans les flots ; Maël, rieur, franc, qui lui parle avec nostalgie de son chez-lui, là-bas, d’avant, du théâtre où il a eu la chance de jouer deux fois et demie – et il ne dit rien de plus, et Meldred n’a pas demandé pourquoi la dernière fois, il n’a pas terminé de jouer. Tous.
Il veut tous les rendre fiers. Et surtout Harmonie.
Il apprend à écrire, aussi, parce qu’il sait que sa mémoire est faillible : ils le lui ont expliqué, les mages, que son esprit a besoin de s’entraîner pour que la magie qui y a fixé ses souvenirs flous de bambin ne se détériore pas. Il apprend à écrire pour que Meldred de Séverac ne disparaisse pas totalement. Que sa famille, sa véritable famille pour laquelle il a encore une tendresse qui ne s’éteindra jamais, ne s’efface pas. Il n’a plus d’eux qu’un collier, léger, avec son nom gravé. Le blason représenté a été la première chose qu’il a tenté de dessiner. Mais les dessins n’ont plus suffi.
Alors, depuis qu’il sait écrire, il s’épanche sur les pages d’un petit carnet. Les premiers mots, ceux dont l’encre s’effacera le plus, ce sont une liste de prénoms. Leurs prénoms.
Chaque Accordé a son instrument de prédilection : beaucoup se sont tournés vers les cordes ou les vents ; mais parmi les sons teintés de magie, d’une beauté indescriptible, quelquefois, on peut entendre un tambour résonner lentement, battement de coeur de la Symphonie. Ils sont peu, les Accordés des percussions, dans ce groupe disparate ! Et c’est vers eux que le jeune enfant va naturellement tourner son attention. L’enfant de l’équipage est singulièrement attiré par la sonorité que l’on peut en tirer. Tambourin, os… Il teste. Avec l’accord de son entourage, il s’essaye un peu à tout – et force est de constater qu’à grandir avec eux, à passer d’instrument en instrument, à tester, il apprend bien vite. Ca lui plaît, la musique, et il a pour elle une forme de facilité presque déconcertante.
Il a douze ans lorsqu’enfin il apprend tout. C’est lors d’une des leçons de Taliésin où, appliqué, ils travaillent sur une géographie bien précise de ce continent dont ils ne peuvent s’approcher. Il a grandi, l’enfant, en dix ans. Dans son regard, lors de l’étude, il y a une forme de sérieux grave qui ne disparaît jamais totalement ; dans ses gestes mesurés, on sent cependant son impatience à vouloir tout faire pour se dépasser.
Il a douze ans lorsqu’il confronte son tuteur, son ami, son frère, à la question. Parce qu’il veut savoir, et que jusque là, personne n’a voulu lui en parler en vérité. Pourquoi sa seconde famille, pourquoi eux, ont été bannis. Pourquoi ils sont condamnés à voguer loin des leurs.
Il a douze ans, Meldred, lorsqu’il apprend que sa famille d’accueil est punie parce qu’on les pense dangereux. Il ne sait pas grand-chose du monde, des autres mages, des autres dangers, mais il sait. Il sait qu’ils ne feraient pas de mal, il sait qu’ils vivent tous pour leur musique, pour Harmonie, pas pour faire le mal.
Au fond de lui, l’enfant qui a perdu sa famille comprend qu’ils sont tous, un peu, comme lui. Qu’ils ont l’Accord, qu’ils ont les autres, qu’ils ont Harmonie. Qu’une tempête les a aussi éloignés de leur foyer.
Lorsque viennent ses quatorze ans, et son adolescence, à peine à un mois après son anniversaire, il est là, à jouer avec les autres, un peu plus maladroitement peut-être. Il aime le battement sourd du tambour, il aime les notes, comme le tambourinement d’un coeur qui accompagne la mélodie, toujours présent sans être sur le devant de la scène. La soirée est douce, Harmonie elle-même écoute, la musique doit être belle.
Et puis ça vient, comme ça.
Dans son esprit, à chaque coup. Quelque chose qui l’appelle, quand il joue, et c’est naturel, c’est ce qu’il est. Ca se fait tout seul. Il n’a pas peur. Il accepte, entièrement, l’Accord, de faire partie de cette seconde famille. S’ils ne sont pas liés par le sang, ils le seront par la magie maudite et bannie qui court dans leur être.
Quand le morceau s’achève, il a le sourire aux lèvres, et des larmes au coin des yeux. D’un regard, qu’il pose sur chaque homme et chaque femme présents, il fait passer le message.
L’Accord est une magie puissante, la seule qu’il connaisse. Mais elle requiert qu’un Accordé ouvre l’esprit du novice.
Meldred ne sait pas, exactement, comment ou pourquoi. Lequel de ses compagnons lui a permis de devenir l’un des leurs. Peut-être tous. Peut-être même Harmonie, qui sait ?
Mais il n’a jamais été aussi heureux.
Rapidement, il est pris en charge et choyé par tous les mages à bord : ça sera à qui l’aidera le mieux à maîtriser le potentiel magique qui s’est éveillé. Et ça le fait rire, et ça réchauffe son coeur.
Il les aime. Tous.
Il choisira un bodhran, comme vecteur de sa magie, le laissant devenir l’un de ses instruments de prédilection.
Les années passent, sur la Symphonie. Combien, Meldred en perd le compte : la magie qui entoure le vaisseau et garde son équipage en vie y est sans doute pour quelque chose. Il devient un membre à part entière de l’équipage de la vivenef. Il y a grandi, et il valse indifféremment d’un bout à l’autre de celle-ci, habitué à prêter son aide et ses talents là où ils sont requis. Il devient un marin correct - comment ne pas l'être ? - mais ce n'est rien comparé à la manière dont il use de l'Accord. Il travaille dur, pour cela, et les résultats sont plus que gratifiants : sans pour autant pouvoir égaler des êtres qui perfectionnent leur magie depuis un millénaire, il se révèle être un Accordé talentueux, d'autant plus qu'ils sont bien peu à pouvoir lui enseigner la manière dont les percussions peuvent s'allier à sa magie.
Parallèlement à ça, son éducation se poursuit. Pour que les choses ne soient pas oubliées. Que les menaces qu’ils ont connues, le massacre auquel ils ont survécu, leur connaissance de l’histoire – si ancienne que peu en auront entendu parler –, que tout ça perdure.
Mais à cela s’ajoute également des cours de manière, de longues discussions philosophiques, des échanges sur la grammaire, sur l’histoire, sur tout et rien.
Jamais, cependant, il n’oublie. Le carnet dans sa sacoche continue de se remplir, à chaque fois qu'un Accordé lui propose une incursion dans sa mémoire. Certains souvenirs sont douloureux : il revoit ses parents lui être arrachés par la vague qui l’a ravi, il voit ses petits bras se tendre vainement. Et il l’écrit.
D’autres sont plus joyeux : la vague sensation du sol sous ses mains et ses genoux, devant de grands escaliers où il tente de se hisser. La démarche chancelante d’un petit, à la suite de ses sœurs, dans des éclats de rire.
Il l’écrit. Il l’écrit pour l’espoir qu’un jour il les retrouve, tous.
Il n’a pas voulu effacer les souvenirs du naufrage pour cette même raison, malgré tout le mal qu’ils lui font. Parce qu’ils sont liés aux Séverac, aussi douloureux soient-ils.
C’est encore plus douloureux de songer que, désormais, lui aussi est interdit de s’approcher du continent.
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Pendant le livre I : En mer. Rien de particulier.
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Pendant le livre II : En mer.
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TRAME ALTERNÉE (Intrigue 2.3 La Roue Brisée)
Dans la trame alternée, Meldred ne s'éveille pas. Né dans une famille noble cielsombroise, il part pour l'Académie jeune et effectue avec brio des études de psychologie, où il s'est spécialisé dans les traumatismes. Depuis, il a décidé d'enseigner à l'Académie dans ce domaine, après quelques années à exercer. Il en est à sa seconde année d'enseignement.
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Pendant le livre III :
Il faudra attendre longtemps avant que le plus étrange des évènements ne se manifeste, une nuit de janvier. Plus précisément, la nuit entre janvier et février. Brutalement, dans son sommeil, il sent quelque chose changer, et le voilà avec tout l’équipage sur le pont inférieur de la Symphonie. Dehors résonnent des aboiements, son incongru. Juste devant lui, Taliésin – mentor, ami – qui tente d’expliquer des choses à un groupuscule disparate.
Il est dans un rêve. Le rêve de sa mère adoptive, le rêve d’Harmonie – la paisible vivenef a du s’épuiser pour réussir ce tour de force. Il ne comprend pas tout. Il voit un orgue, également – un orgue magnifique. Et son coeur vibre, et son coeur bondit même ! Quand il entend ce que le blond dit.
Libérer l’Accord.
Oui.
Que ça se fasse. Il prie, intérieurement, il prie si fort.
Une vague, violente, heurte la Symphonie.
Meldred ne s’y attend pas. Il est si près du trou.
Il glisse.
Tombe à l’eau.
Elle emplit ses poumons, et il bat des bras, tente de remonter de l’océan en furie. Il va se réveiller. L’eau devient de plus en plus noire. Symphonie s’éloigne. Il va se réveiller. Il va se réveiller.
Tout est noir.
Il n’arrive plus à respirer.
C’est une pulsation qui le ramène à la vie, un bref instant avant qu’il ne se réveille en hurlant. Une pulsation sourde, qui fait bouillir son sang et chanter son coeur, qui résonne dans son esprit.
Il n’est pas le seul à se réveiller dans cet état. Autour de lui, il peut voir les autres Accordés dans le même état, réveillés subitement. Certains s’étirent, d’autres plient les doigts. Beaucoup semblent perdus.
Tous, comme lui, semblent avoir senti la vibration. Tous, comme lui, cherchent du regard Taliésin – sans vraiment y croire. Sans vraiment savoir. Mais dans leurs coeurs, comme dans celui de Meldred, il y a un espoir vivant, flamboyant. Brûlant.
Et quand le jour se lève, et qu’autour d’eux, ce n’est plus l’océan mais un port inconnu, ce sont des vivats qui s’élèvent.
On pleure, sur la Symphonie, ce jour-là. On pleure de joie, on célèbre un retour que personne n’a anticipé. Et qu’importe que l’endroit ne soit pas connu ! De toute manière, tout ceux que les membres de l’équipage de la vivenef connaissait sont morts. Alors peu importe.
Ce matin du 1er février 1003, lorsque l’aube touche les eaux du port de Lorgol, les Accordés célèbrent leur retour en Arven.
Meldred a peur.
Il a peur que s’il s’éloigne d’Harmonie, il la perde, elle aussi. Que la Symphonie reparte sans lui, maintenant qu’ils sont libres.
Aujourd’hui, il ne mettra pas le pied à terre.
Ce n’est qu’un mois plus tard, début mars, qu’il osera accompagner certains sur la terre ferme. En un mois, leur parler a changé. Ils emploient des tournures que lui-même trouve inconfortables à prononcer, et les sons quelquefois ont du mal à rouler dans sa bouche. A moitié caché derrière l’imposante stature de Maël, son ami cibellan, il découvre Lorgol.
Lorgol… Des centaines de rues. Autant de canaux. Une ville immense, pleine de ramifications, qui serre le coeur du trentenaire et lui fait peur.
Il pourrait si aisément se perdre.
Le 28 mars, en pleine nuit, l’Accordé est réveillé par des aboiements et un bruit de chute… Et une cornemuse, qui résonne dans la nuit. Il est le premier sur ses pieds, à se précipiter à l’extérieur. Il n’a pas la moindre idée de ce qu’il se passe, mais il devine, aisément. Il devine que l’homme qui a terminé de jouer vient d’accepter l’Accord, et qu’il doit être, passablement, effrayé. Comment ne pas l’être ? En mille ans, ils ont été les deux seuls nouveaux Accordés. Alors Meldred se dit qu’il aura plus de chance, s’il va lui parler. Qu’il est capable de mieux lui expliquer, sans doute – et Taliésin ne s’y oppose pas.
Les beaux jours reviennent. Avec eux, le trentenaire s’enhardit : il s’éloigne de la Symphonie, part explorer quelque peu Lorgol. Il se rend en Outrevent, aussi, voir comment se porte le premier des nouveaux Accordés. Et il aime ça, découvrir ce monde dont il n’a connu que jusqu’alors dans les récits nostalgiques de ceux qui l’ont élevé. Il a peur, à chaque fois qu’il s’éloigne un peu trop ! Mais il faut oser, quelquefois.
En août, par un concours de circonstances cocasses, il parvient à rassembler assez de courage pour se présenter à Mélusine - et lui annoncer qu’il est en vie.
Fin septembre 1003, il est des Accordés envoyés pour récupérer Vanessa l’Atone et ses complices - dont l’ex de Meldred - lors du mariage ducal. La catastrophe, qui jette un mauvais éclairage sur les Accordés, le blesse fortement.
Chronologie
27/07/971
Naissance
06/03/974
Naufrage du navire sur lequel il était avec sa famille. Meldred est présumé mort et récupéré par la Symphonie.
30/08/985
Eveil à l’Accord.
12/04/987
Montre une nette préférence pour le bodhran, qu'il gardera comme instrument principal en tant que vecteur de sa magie.
01/02/1003
Libération de l’Accord. Arrivée sur le continent.
03/03/1003
Premiers pas dans Lorgol.
28/03/1003
Accueil sur la Symphonie de gens poursuivis par la Chasse.
29/09/1003
Retrouve Mélusine
30/09/1003
Mariage de Bartholomé d'Ansemer ; s'y incruste pour tenter de sauver le marié et de ramener l'Accordée. Double fiasco.