liberté, liberté chérie (svanja)

Svanja n’a pas le vertige. Jamais. Elle épouse le vent et l’altitude avec une aisance qui frôle la folie. Mais ce n’est de l’arrogance, cette confiance qu’elle a en elle, ce n’est pas une prétention quelconque ou même de la sottise. C’est de l’instinct et de l’habitude. Grimper lui procure un sentiment de liberté que rien d’autre n’a réussi à égaler jusqu’ici. Elle aime sentir ses muscles tendus par l’effort, son souffle qu’elle doit matriser, les prises qu’elle doit saisir, et se hisser un peu plus haut à chaque fois. Et ce qu’elle aime, par-dessus tout, c’est sentir la caresse du vent lorsqu’elle atteint un sommet, regarder la vie qui se déroule sous ses pieds, contempler la ville. Et le sentiment de liberté qui la prend toute entière, qui monte de ses entrailles à sa trachée. Alors, parfois, elle rit, sans raison. Juste par plaisir. Elle ne connait pas le vertige, mais l’annonce que Tyr vient de lui faire la cloue sur place, sans qu’elle ne puisse trouver des mots pour lui répondre ou une réaction appropriée. Elle se sent vidée de toute émotion, de toute sensation. Et pour la première fois de sa vie, elle éprouve le vertige. C’est pas la peur du vide, pourtant, pas de ce vide-là, du moins. La jeune femme fixe Tyr, hébétée. C’est si brutal, si douloureux et si excitant dans le même temps. Elle regagne enfin totalement sa liberté, délivrée du serment qui la liait à Tyr durant cinq années. Lentement, il répète. « On va descendre. Et une fois en bas, nos chemins se sépareront. Et quand nous nous recroisons, ce sera comme pairs. Car tu n’es plus mon apprentie, à partir de ce jour. Prends ton temps, tu donnes, j’attends ton signal. »

Alors elle inspire une bouffée d’air fraiche, ferme les yeux. Il lui semble que ces cinq années sont passées trop vite. Elle pourrait raconter avec exactitude ce qu’elle a vécu et appris. Les disputes qui les ont opposés, nombreuses, violentes et formatrices. Puis la réconciliation, toujours heureuse, toujours bienvenue. Le pardon qu’il fallait accorder, puis la confiance qui s’est peu à peu tissée. Tyr n’est pas un père pour elle, elle en a déjà un. Elle lui a raconté, un soir, sa mort tragique et son chagrin. Les quelques mois, qu’elle a passé chez sa tante jusqu’à ce qu’elle décide de partir. Ses trois années de voyages à travers Ibélène, ce qu’elle a découvert. Tyr l’écoutait sans rien dire, quand elle partageait ses pensées et ses réflexions de ce qu’elle avait tiré de cette errance. Parfois, il la questionnait, attentif et curieux, et lui racontait, lui aussi, Lagrance. De son enfance à Valkyrion et des traditionnelles veillées au coin du feu, elle sait raconter, Svanja, elle sait parler et passionner. Et elle en a partagé, des histoires de son duché. Quand le sommeil ne venait ni pour l’un ni pour l’autre, quand il fallait soigner les plaies de l’esprit ou en apaiser les tourments. Elle n’a jamais posé de questions sur les démons qui rongent Tyr, mais elle les a devinés.

Elle se souvient de ses premiers larcins, timides. Puis des quelques mois qu’elle passait avec les petites bandes locales qui ne manquaient jamais de la repérer et qui l’intégraient jusqu’à ce qu’elle parte un jour, sans rien dire. Elle se souvient de chacun des noms et chacun des visages des personnes qu’elle a côtoyée, alors que jeune enfant, elle traversait Ibélène, comblant sa curiosité.
Les souvenirs vivent et meurent au fur et à mesure qu’elle les passe en revue, et ce faisant, elle s’apaise. Svanja le sait, ce n’est pas une fin, ce n’est qu’un début. Elle pourrait décider de rouvrir les yeux et de descendre, mais elle continue son introspection minutieuse.

C’est à Tyr qu’elle doit d’être perchée ce jour en haut de la plus haute tour de Lorgol, Tyr qui l’observait depuis son arrivée dans la Ville aux Milles Tours, et qui un soir, l’a approchée pour lui parler de la cours de Miracles et l’y introduire. Pour devenir son maitre alors qu’elle brillait en escaladant la Tour des Voleurs. Tyr, qu’elle a haït et aimé. Il n’est pas un père, ni un ami. Il a une place plus particulière, encore. Un fin sourire décore enfin le visage de la jeune femme. Ce n’est pas une fin non. Si elle est son égale, il gardera à tout jamais cette place. Alors, enfin, le poids qui s’était logé dans sa poitrine disparaît et elle rouvre les yeux. Il est là, attentif et quand leurs regards se croisent, il hoche la tête et garde le silence. Et, deux ombres dévalent discrètement le mur pour se fondre dans la nuit.

Que penses-tu des compétences de la toute nouvelle impératrice de Faërie, la jeune Chimène ? La trouves-tu légitime, penses-tu qu'elle va réussir sa période de probation ?
• La politique ne l'a jamais intéressée. Elle ne se pose pas de question sur le règne d'un empire dans lequel elle n'a jamais mis un pied. Son allégeance ne va ni en Chimène, ni en Augustus.

Envisages-tu de prendre part au conflit si une guerre entre Ibélène et Faërie devait se déclarer ? Quel parti prendrais-tu, et pourquoi ? Comment participerais-tu à la lutte ?
• De la même manière qu'elle ne se sent pas concernée par la politique et la régence de ces deux empires, si un conflit éclate, elle estime qu'elle n'a pas à y prendre part. Si le Fils des ombres leur demande de prendre position, alors peut-être l'envisagera-t-elle.

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• C'est ici chez elle, et ce depuis presque dix années bientôt. Fraichement débarquée à Lorgol, elle a été séduite par les rues sinueuses, l'ambiance y régnant, et les hautes tours pleines de promesses. Svanja s'y déplace en toute confiance, ses yeux et ses oreilles à l'affut de n'importe quel objet ou informations utiles.