Pour l'amour d'une sœur

Palais de Vivedune
5 novembre 1001


Ma chère sœur,

J'espère de tout cœur que tu vas bien. J'ai appris ce qu'il s'est passé en Sombreciel et je sais que tu t'y trouvais. J'angoisse à chaque instant d'imaginer qu'ils aient pu te faire du mal ou que quelque chose te soit arrivé. Je redoute le moment où l'on viendra m'annoncer que tu es blessée ou pire encore. Je prie Joseï de te ramener à moi, en vie, que la vue de ton visage apaise enfin mes craintes. J'entends parler d'attaques contre les casernes de nos Voltigeurs et encore une fois, ce n'est que de la peur qui m'étreint en songeant que tu fais partie de nos fiers combattants du ciel.

J'ai moi-même eu bien des frayeurs en Outrevent, mais je te rassure, je vais bien. Nous sommes rentrés sains et saufs à Vivedune et je repars dans quelques jours pour Lorgol. C'est à l'Académie que tu devras adresser ta réponse, ma soeur, car j'y serai à nouveau et j'espère trouver la force et le courage de me concentrer sur mes cours alors que les fondations d'Arven tremblent. Te l'a-t-on dit, Reja ? L'impératrice Chimène est morte et Gustave de la Rive a pris sa place. J'aimerais pouvoir t'en parler plus en détails, mais je préférerais en discuter de vive voix. Et ma priorité est de m'assurer que tu te portes bien.

Réponds-moi dès que possible, cette incertitude m'est insupportable.


Ta sœur qui t'aime,

Alméïde

L'Académie de Magie et du Savoir, Lorgol
13 novembre 1001


Reja,

Je suis si heureuse d'avoir de tes nouvelles. Remercie Sirocco pour moi, c'est une très jolie plume, mais je suis au regret de devoir le décevoir. Je ne suis ni enceinte, ni fiancée, ma soeur, alors apaise cette colère qui est tienne. Tout est parti d'un malentendu et je n'ai pu mettre un frein à cette rumeur qui s'est répandue bien trop vite à mon goût. Mais si ça devait arriver un jour, tu serais la première au courant, sois en sûre. Je serais bien trop heureuse de t'annoncer l'arrivée d'un neveu ou d'une nièce et Sirocco sera bien entendu invité à le voir également.

Malgré tout, je peux te le dire à toi, mais le duc de Sombreciel m'a bel et bien fait sa demande. Ne dégaine pas encore ton sabre, ma chère soeur, car je n'ai pas encore accepté. Tout cela semble si précipité et j'ai peur de perdre à jamais la confiance de mon frère si cela devait arriver un jour. J'ai pourtant des sentiments sincères pour cet homme et je compte lui donner une seconde chance, mais est-ce naïf de ma part ? Que penses-tu de tout cela Reja ? Ton avis et tes conseils me sont précieux. Laisse un instant de côté tes ressentiments à l'égard de notre duché voisin et rassure-moi, dis-moi que je n'ai pas encore complètement perdu la tête en offrant ma confiance à Castiel.

Mais je parle bien trop de moi. Raconte-moi plutôt comment tu vas et ce qu'il se passe dans ta vie. Comment se passe la chasse aux bandits ? As-tu rencontré quelqu'un, toi aussi ?

Embrasse l'Ébène pour moi et prends soin de toi.


Avec tout mon amour,

Alméïde

L'Académie de Magie et du Savoir, Lorgol
16 novembre 1001

Chère Reja,

Félicitations à Sirocco dans ce cas. Puisqu'il désire voir mes enfants le jour où j'en aurai, j'insiste pour voir les siens également. Ce doit être si mignon un bébé griffon, je n'en ai jamais vu, et toi ?

Je ne sais que te répondre sur Castiel. À vrai dire, je n'ai aucune idée sur la façon dont ça a pu se produire, je me demande moi-même chaque jour pourquoi le Destin se joue ainsi de moi, de nous. Je crains à chaque instant de faire une erreur, et pourtant je ne peux me résoudre à y mettre un terme. Oh, Reja, je me sens parfois si ridicule et si vulnérable à me languir ainsi de sa présence. Sais-tu que même son premier conseiller a demandé à me voir ? Qu'il me suggère d'attendre encore, de ne pas me précipiter ? Ce sont des mots sages, mais je doute d'en avoir la force. J'en rêve même la nuit. Le crois-tu ? Je me fais l'effet d'une adolescente en fleur, c'est risible.

Ne sois pas trop dure envers Anthim. Il a toujours été généreux avec moi et j'ai toujours été libre de mes choix. Je doute qu'il se mette soudainement à me dicter ma conduite, malgré sa haine pour tout ce qui touche à Sombreciel.

En parlant de Sombreciel, je ne pense pas qu'en occire l'un de ses représentants t'avancera à quoi que ce soit. Je connais peu Mayeul mais il me semble être un homme bien et ce n'est pas de sa faute si nous avons été mis en danger. Les membres de l'Ordre du Jugement sont les seuls à blâmer dans cette histoire. Concernant ton problème actuel, je te conseillerais bien de l'ignorer, mais je ne crois pas que la technique fonctionne avec les Cielsombrois ; crois-moi, j'ai essayé. Mais comment puis-je être de bon conseil quand je n'arrive pas à démêler mes propres problèmes ? Veux-tu que je lui en touche un mot ? Peut-être m'écoutera-t-il.

En attendant, porte-toi bien ma soeur.

Avec toute mon affection,

Alméïde.