Félicien de Lovtra

Je me nomme Félicien de Lovtra, fils de Philaé et Ivar d'Adelsten. Je suis ce qu’on pourrait appeler le fruit d’une union peu commune. Depuis bien avant ma naissance, en effet, l’entente entre les deux duchés que sont Valkyrion et Cibella est des plus froides et les mages sont interdits depuis un an en Valkyrion. Ce n’était pas encore le cas, mais l’idée d’une histoire romantique entre un mage et un Kyréen était fortement désapprouvée. Cependant, mes géniteurs ont préféré choisir la voie dangereuse et instable de l’amour, n’en ayant que faire des interdictions. C’est pourquoi ils se sont mariés secrètement, un soir d’été, et m’ont conçu dans ma région natale, Valkyrion.
Neuf mois plus tard en une froide matinée d’hiver, je pointai le bout de mon nez, causant dit-on, la mort de ma mère.

L’aube de ma vie n’était donc pas vraiment chaleureuse. Et ce qui s’en suivait non plus. Mon père, dévasté par la perte de sa bien-aimée, se laissait lentement sombrer dans les méandres de l’alcool, s’enfermant petit à petit dans une solitude noire, noyé dans la mélancolie. Les deux tourtereaux s'étaient rencontrés à Lorgol, alors que ma mère étudiait encore à l'Académie, mon père s'y était rendu pour des raisons que j'ignore. Ce fût l'amour fou. Son chagrin était donc plus qu'immense, et il n’éprouvait envers moi pas une once d’amour, sans doute parce que la rousseur de mes cheveux, et mon prénom aux sonorités Cibellanes lui rappelaient trop ma défunte mère. Ma chevelure flamboyante tranchait avec le vide froid dans lequel je vivais. Durant cette dure période, Fenrir notre fidèle intendant s'occupait avec dévouement du domaine.

Fort heureusement pour moi, notre gouvernante Izal m'éleva et nos précepteurs m'inculquèrent toutes les notions que je devais connaître pour, plus tard, hériter et reprendre dignement le titre de baron d'Adelsten. En effet, mon père, malgré sa tendance à s'enivrer à l'alcool fort à la tombée de la nuit, possédait son domaine dont il s'occupait avec la plus grande fierté.

Cependant, son alcoolisme prononcé lui fit perdre son domaine et son titre de baron sans que je puisse le succéder.

Sa mort fût malgré tout très douloureuse. Bien que n'ayant pas partagé beaucoup de moments joyeux avec mon père, il était ma dernière famille, et l'ultime moment passé en sa compagnie fut à son chevet, le voyant agoniser, le teint jaune, un médecin lui administrant du lait de pavot afin d'atténuer sa douleur. Mon parrain, Gustav, décida de me prendre sous son aile, et m'adopta. C'est pourquoi je porte depuis, son nom.

Petit, peut-être âgé de 4 ou 5 ans, j'aimais jouer dans la neige glaciale qui saupoudrait notre jardin. Je m'amusais à imiter papa, bâtissant des observatoires glaciaux, et à les décorer. Je rentrais évidemment trempé jusqu'aux os, transi de froid, les joues et le nez rouge reniflant, néanmoins heureux d'avoir accompli mes missions d'enfant. Selon les dires d'Izal, j'appréciais également admirer les deux lunes, ainsi que les nombreuses constellations brodées dans le ciel. C'est d'ailleurs toujours le cas. Lorsque Gustav venait nous rendre visite -souvent pour parler affaires avec mon père, j'avais pour habitude de l'assaillir de questions concernant les étoiles et l'infinité du vide.

Mon parrain Gustav de Lovtra, second frère du Baron d'un petit domaine en Valkyrion et grand homme de sciences, était âgé d’environ 45 ans. Il vivait reclus dans une maison de pierres kyréenne non loin d'Adelsten. Humble et juste, il m'a pris sous son aile alors que je n'avais que 12 printemps.

Il m'offrit de l'amour, chose que je n'avais jusqu'ici que très peu connue, ainsi que des savoirs sur la manière de s'occuper d'un domaine et tout ce qui va avec. Il m'a ouvert au savoir, étant un savant maîtrisant l'astronomie.

Mon père aurait d'ailleurs sans doutes préféré que je devienne célèbre dans le duché pour redorer notre famille en devenant architect, mais seules mes bâtisses de neige m'intéressaient réellement dans ce métier. L'astronomie m'attirait bien plus, de par ses mystères et son infinité.

A l'âge de 15 ans, je suis donc parti vers Lorgol, en quête de connaissances. Depuis toujours passionné par les étoiles, j'ai choisi d'étudier notre monde par le ciel. La fameuse Académie m'a ouvert ses bras, passant comme n'importe quel gens du peuple par un entretien des plus angoissants.

Après avoir passé trois ans en compagnie de Gustav, il n'était que formalité. Ma motivation et curiosité envers les astres étaient débordantes, et le juré l'avait bien remarqué. J'étais donc admis à l'académie, et quittais pour la toute première fois Valkyrion et ma terre d'accueil Lovtra. Ses paysages clames allaient me manquer, évidemment, mais la perspective de découvrir une autre partie d'Arven avait un côté très excitant.

Le voyage fut long, très long et périlleux, ce qui me changea bien de ma petite routine habituelle. J'ai vu des paysages que je n'avais encore jusque la même jamais imaginé.
Lorgol n'était pas en reste. La ville Haute était simplement stupéfiante. Les tours majestueuses semblaient toucher les nuages, et elles étaient somptueusement décorées. Dépassant habituellement une bonne partie de la foule, je me sentais pour la première fois minuscule face à la grandeur de l'architecture, qui est bien différente de celle du Valkyrion. En levant la tête, la ville aux mille tours était immense, mais lorsqu'on laisse notre regard tomber, les ruelles grouillent de monde, et il devient difficile d'apercevoir les pavés parfaitement taillés. Cela changeait de Lovtra, et même d'Adelsten! J'ai croisé nombre de savants, de mages, de drôles de dames très belles accompagnant des ducs et marquis.

L'Académie était tout aussi somptueuse que la ville. De l'extérieur, une immense bâtisse de pierres se détachant fièrement du reste de Lorgol. L'intérieur n'en était pas moins époustouflant. Une quantité innombrable de pièces meublait l'Académie. Il m'est d'ailleurs arrivé, une fois, de tomber sur l'une d'entre elles n'ayant pas été ouverte depuis si longtemps que lorsque j'ai poussé la lourde porte de bois, des volutes d'épaisse poussière blanche recouvraient l'air de la pièce. Je m'y sentais bien, à l'Académie. Sa grandeur permettait d'éviter d'être noyé dans la foule habituelle à Lorgol, et j'appréciais me réfugier dans la bibliothèque, où je pouvais étancher ma soif de connaissances.


Durant mes trois années et demies, de nombreuses choses se sont déroulées en Arven. Des choses effrayantes comme réjouissantes.

Un évènement m'a terriblement marqué. En effet, La  guerre entre Ibelène et Faërie, alors que la situation tentait d'être maîtrisée, a éclaté pour une dispute enfantine. Cette guerre est mauvaise, car l'entente entre les mages et les savants est primordiale. Complémentaires, il serait plus sage d'en signer la fin. Destruction et chao s'emparent d'Arven tuant vies et paysages.

Le retour des mages de sang était un épisode glaçant. Je n'ai rien contre la magie des saisons que je trouve très intéressante de par son fonctionnement. Cependant, la magie du sang est dangereuse. Tout comme les savoirs du temps. Je trouve cela dangereux, de pouvoir maîtriser la mort et la vie, et de suspendre le temps à sa convenance. Selon le détenteur de ces savoirs et magies, qui sait ce qui pourrait arriver? Les mages de sang à l'Académie me font plus que frissonner.

Un soir de Juillet 1002 fût très important pour moi. J'avais voyagé longtemps vers Svaljärd pour Lughnasadh, la fête du Savoir que je n'aurais manqué pour rien au monde. Depuis toujours je m'y rendais, et passais beaucoup de temps à discuter avec les étudiants de l'académie de leurs projets célestes. Aujourd'hui, c'était mon tour. Remettre les pieds en Valkyrion était un plaisir, et le froid qui y régnait me collait un sourire figé aux lèvres. L'ambiance était festive, des animations couraient les rues, des rires et des boissons alcoolisées aussi. On sentait malgré tout une inquiétude forte due à la guerre et aux nombreux Voltigeurs qui surveillaient la capitale.

L'inquiétude laissa vite place à la peur, lorsqu'un vol fut annoncé au palais, puis un incendie dévastateur, et surtout, le meurtre de notre impératrice: Catarine d'Ibélène. par les forces de l'Ordre du Jugement. Des sentinelles faites d'acier, des machines à tuer déambulaient dans la ville, et la foule en panique fuyaient la capitale.  C'est ce que je fis aussi, brisé et enragé. S'en prendre à la fête de Lughnasadh, à notre Empereur et son épouse étaient les pires des atteintes qui puissent être faites au Valkyrion et à Ibélène. J'étais touché comme si on m'avait personnellement agressé, et mon humeur fut noire pendant bien des jours. J'avais le temps de broyer du noir, car le retour -à pied, fût interminable.

Surtout que la chasse était de retour, et avait déjà touché l'Académie. Dans l'aile Est, nous étions tous réunis avec les anciens, lorsque le lustre au dessus de nos têtes se brisa, suivi une lamentation stridente. La Chasse était de retour. Et avait déjà fait des ravages sur son passage, puisque (entre autres), un professeur avait périt, et bien d'autres allaient subir le même sort. La fin de la rose était également annonciatrice d'un futur chaotique.

La mort de l'Empereur qui suivit fût également tragique. Le jeune Octave d'Ibélène allait régner, et j'étais persuadé que cela allait être une rude épreuve pour lui, qui semblait si innocent et perdu. Un air créatif émanait de sa personne, et j'avais peine à croire qu'il ferait des miracles avec Ibélène. Le couronnement était une étape importante que j'ai dû manquer, faute à l'Académie. Mon parrain ma relaté par lettre la cérémonie, son frère y ayant assisté. Il a vu notre nouvel empereur, aussi inquiet que moi à juste raison, car il eut à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'il était déjà raide mort sous une multitude d'yeux ébahis. Une mare de sang se répandait sur le marbre, et des cris de panique retentissaient.

C'était effrayant. Mais ce qui suivit le fût encore plus.

Octave d'Ibélène, mort puis ressuscité. Cela aurait pu être une histoire du peuple, des calomnies ou des hérésies. Mais non, c'était bien réel. Un mort vivant veillait sur Ibélène, et notre inquiétude aussi.

Il me tardait de retrouver Lovtra aux côtés de Gustav, afin de penser un peu à autre chose.

Pour l'heure, la fin de mes études est primordiale pour un retour en Valkyrion.

L'intrigue 2.3 Dans cette autre vie dont Félicien a de vagues souvenirs, le jeune rouquin avait des aptitudes magiques, et sa maman n'était pas morte. Mage de l'hiver, il n'était cependant pas l'héritier d'Adeslten ayant un frère ainé. Il avait vécu bien entouré, peut être même trop, et avait commencé à mal tourner. il s'est réveillé le 12 mai, s'est rendu à Lorgol et a décidé de se souvenir de cette vie.