Le Savoir.
La Famille.
La Glace.
C’est dans les terres de Valkyrion la froide que je vis le jour, moi, premier enfant, fils et héritier de la couronne de givre. Je grandi sous le regard attentif de mon père et de son armée de précepteurs, moi qui avait dès le départ pour destin de monter sur le trône kyréen. Aimé et entouré, mon éducation se vit pourtant avant tout emprunte du sceau du devoir.
J’aimais mon frère et mes sœurs. Hjalmar, Ljöta et la douce Ljära. Ils étaient mon sang, ma famille. Pourtant je leur enviais parfois la part de liberté qu'ils avaient réussis à garder malgré leurs responsabilités. Qu’ils soient heureux, loin de l’ombre du pouvoir ducal et de son lot de contraintes. Mais ô combien j’aurais aimé pouvoir les rejoindre parfois, moi qui n’existe que pour l’honneur des Evalkyr.
Mais Evalkyr j'étais, et le sang de ma lignée coulait dans mes veines. Je ne sus jamais d’où me vint cette incroyable soif de connaissance, héritage kyréen ou simplement fruit de mon éducation. Probablement les deux. Mais au sein du palais de Svaljärd, je fis rapidement de l’immense bibliothèque ma résidence principale. Dévorant les ouvrages les uns après les autres, je passai nombres de mes jeunes heures à vivre sous la plume des plus grands auteurs de leurs époques et à m’abreuver de ce que le monde a de plus précieux : ses mots.
M’ouvrant à tous les savoirs, mon cœur sourit cependant davantage à l’Histoire d’Arven. Au fil de mes lectures, je sentais en moi vibrer l’écho des batailles anciennes. En parcourant les douces lettres d’encres de mes yeux, je revoyais grandir et s’épanouir la puissance des duchés d’Ibélène. Je vis la grandeur passée de Valkyrion. Je vis Svaljärd à l’apogée de sa gloire.
Agglutinant les connaissances à la manière d’une abeille outreventoise, je m’intéressai, dans une suite logique, à la géographie et à la stratégie. Il me reste — même aujourd’hui encore — beaucoup à apprendre. Mais la beauté du savoir est là : j’ai tout mon temps.
Quand nous apprîmes que Ljära s’était éveillée à la magie de l’Hiver, je fus intrigué. Je ne comprenais pas cette force étrange qui semblait s’épanouir du côté de la frontière faë et j’étais curieux — voir jaloux — de ce que ma jeune sœur allait pouvoir découvrir. Fidèle à son sang, elle exigea de partir pour l’Académie et c’est avec fierté que je la regardai traverser le portail.
Je ne savais guère alors que jamais je ne la reverrais.
La nouvelle de sa mort nous parvint le 13 avril (986). À bientôt 22 ans, je sentis mon cœur s’arrêter de battre pour ne plus jamais reprendre. Le choc me terrassa, et la noirceur de ma colère empli mon âme jusqu’à l’étouffement. À genoux, je me fis alors le serment solennel qu’ils paieraient tous. J’allais détruire ceux qui avaient osé m’enlever ma douce sœur adorée et ils connaîtraient la force glacée de la rage des fils de Valkyrion.
Mais tout était parti d'un accident. Ma sœur, ma chère et tendre sœur, privée de vie par la faute d’un accident de magie. Peu à peu, la curiosité que j'avais pu ressentir pour ce sujet se transforma en haine noire. Cette force m'avait enlevée ma jeune soeur et réduisait mon coeur au supplice. La mort et la magie fusionnèrent dans mon esprit pour ne plus faire qu'un et mon âme se ferma.
La mort de ma soeur plongea ma mère dans un état de mélancolie profonde. Peu à peu, la duchesse de Valkyrion se laissa dépérir et je la soupçonne d'avoir toujours eu pour ambition de rejoindre ma soeur dans la tombe. La mort de ma mère finit par achever la volonté de mon père et mes parents finirent par partir rejoindre les dieux et leur enfant disparue.
Un an et demi passa, et je montai sur le trône ducal. Mon règne était arrivé. Je referai de mon duché le fleuron de la Science, l’égérie du Savoir. Et bientôt reviendra le jour où Valkyrion dominait Ibélène de ses lumières. Nous redeviendrons les guides, nous qui sommes devenus des suiveurs.
L’anniversaire de Ljöta de cette année là fut marqué d’une nouvelle qui soulagea mon cœur. Ils étaient morts. Ces imbéciles prétentieux étaient morts. La justice avait enfin parlé. Savoir à présent que les concernés avaient rejoins leur infortunée victime dans la tombe me donnait un sentiment de satisfaction défiant toute morale.
La rage continuait de me ronger mais je sentis alors une pointe de soulagement.
Enfin, je revivais. De la mort de ma sœur, je gardai deux choses : la plus profonde et douloureuse des tristesses, et une haine, une haine foudroyante et viscérale pour la magie, cette odieuse calamité qui bafoue Arven de ses miasmes. Mais la vie continuait. Ma vie continuait, et à travers elle le bonheur et la force de Valkyrion. La justice avait été rendue, Alder en soit loué. Et à présent il était temps que Valkyrion redevienne ma priorité.
C’est dans le courant du mois qui suivi que je rencontrai Astrid. Jeune et jolie fille de l’un de mes barons, elle ravit mon cœur à l’instant où mes yeux se posèrent sur elle. Elle était ma rédemption. Ma nouvelle chance. Mon amour. Je l’emmenai avec moi, décidé à faire de cette jeune fille aux grands yeux bleus la plus grande et la plus respectée des duchesses de Valkyrion.
La décennie qui suivit fut probablement la plus paisible de ma vie. Les débuts de mon mariage me donnèrent deux magnifiques enfants : Ludwig, le futur duc de Valkyrion, et sa jeune sœur Ljära. La naissance de ma fille devait marquer la fin de mon deuil. Il devait.
Mais dans les années qui suivirent j'en arrivai à penser qu'Astrid me trompais. C’est du moins la seule conclusion logique à laquelle j’arrivai, et elle me désespère encore aujourd'hui. Je ne suis pas aussi froid que les gens le voient. Elle le sait, elle. Elle qui était sensé me redonner goût à la vie. Elle qui a ravi mon cœur et qui le presse aujourd’hui entre ses mains glacées. Le tourment n’a-t-il donc jamais de fin ? J’ai demandé à Hjalmar d’enquêter, mais voudrais-je vraiment connaître la réponse ?
Et les malheurs ne viennent jamais seuls, hélas. La magie. N’ai-je pas fait assez d’effort pour oublier ? Ne me suis-je pas efforcé de me montrer juste et conciliant ? J’en suis arrivé à une simple et implacable conclusion : la magie est la cause de la grande majorité de nos malheurs. Elle m’a déjà trop pris, et le Tournoi des Trois Opales est la preuve que j’attendais. Après les attentats qui ravagèrent le tournois, je pris une décision. J’empêcherai cette puissance impie plonger Valkyrion dans les ténèbres. Que les mages quittent mes terres, tous autant qu’ils sont. Voila la parole du duc. Au moins ma chère soeur a remporté une opale et a prouvé la force de notre duché. Tout n'aura pas été vain.
Et La guerre fut déclarée en ce début d’année 1002. Les faës attaquèrent par surprise. Pas étonnant de la part de mages… Mais Ibélène ne baissera jamais les yeux devant leur arrogance déplacée.
Sept mois passèrent pour m’accorder le privilège d’assister au pire Lughnasadh de toute ma vie. L’impératrice perdit la vie ce jour-là. Sous
mon toit. Dans
ma capitale. Avec l’empereur dans le coma, les temps s’annonçaient durs pour Ibélène. Valkyrion tomba bien bas pour ne pas avoir su protéger ses souverains. Mais l’Ordre du Jugement viendra répondre de ses actes devant le trône kyréen… En attendant, nous réfugiâmes à la capitale le temps de reconstruire le palais ducal.
Et dans une suite salvatrice, la maladie arriva. Elle frappa tous les mages et les consuma de l’intérieur. Ne l’avais-je pas prédit il y a des années, que la magie causerait leur perte ? Valkyrion comprend à présent la présence d’esprit de son duc. Voilà où vous a conduit votre pathétique pouvoir. À présent, nous arrivons... Mais à Ibelin, Astrid, Ljöta et Ludwig tombèrent malades à leur tour. Si cette annonce m’effraya tout d’abord, l’épidémie qui se répandit dans le palais eut l’étrange effet de me soulager. Si Astrid s’était avérée être une mage, je ne sais comment j’aurais réagi. Ma colère est une trop vieille compagne à présent. Je ne sais qui des deux l’aurait emporté.
L’empereur est mort. Vive l’empereur. Le jeune Octave allait monter sur le trône et c’est moi, Hjalden d’Evalkyr, qui allait poser la couronne impériale sur sa tête. Il allait pouvoir compter sur le soutient du duché du Savoir, le jeune empereur. Et sur la force de son duc.
Mort. Encore. Et sous mes yeux. Encore. Octave mourut avant même que je ne puisse lui prêter serment d’allégeance. Et la Chasse vint, dirigée par Sixtine. Octave… Octave revint alors à la vie. Alors qu’il était mort. Je l’ai vu mort devant moi. Et il se tint ensuite debout, me demandant allégeance. La Chasse est magique. C’est bel et bien la magie qui a rendu la vie à l’empereur. Et rien de ce qu’elle touche ne reste pur. J’ai plié le genou, qu’aurais-je pu faire d’autre ? Mais il est temps pour Valkyrion de prendre du recul. Je suis fidèle à l’empereur, mais jamais je ne suivrai un suppôt de la magie. Attendons, et voyons ce qu’il se passe… Dans tous les cas, les ducs de Sombreciel et d'Erebor semblent avoir perdus la tête. Le premier accueil maintenant les mages d'Ibélène et le second a fait sécession. Rien ne semble plus tourner droit dans l'empire.
Et la Chasse ne s'arrêta pas là. Après l'empereur, elle s'empara de mon ami Martial, le jeune duc de Bellifère et de sa femme. Je ferai de mon mieux pour maintenir la stabilité de nos voisins, mais mon pouvoir est limité, une fois mes frontières franchies. Je ne sais ce qu'il adviendra de Bellifère.
Et enfin, à présent qu'Octave a été emmené par la Chasse, l'aura d'un nouvel empereur commence à s'élever. En épousant Sixtine, Guillaume de Brumecor est sur le point de se voir confier l'empire d'Ibélène. Qui sera ce nouveau monarque et que fera-t-il de son pouvoir?Je suis bien déterminé à tirer mon épingle du jeu en tout cas.
L'intrigue 2.3 parle des vies alternées des personnages.
Hjalden s'est éveillé à la magie de l'hiver à l'âge de 12 ans. Heureux de découvrir ce nouveau pan de connaissance, il s'est rendu à l'Académie pour s'y perfectionner. L'arrivée de sa soeur quelques années plus tard lui réchauffa le coeur et il forgea avec elle une relation plus forte que jamais.
Devenu duc, Hjalden s'efforce de concilier la magie et le savoir. Tâche difficile pour un duc d'Ibélène...
Hjalden ne s'est jamais réveillé de cette trame alternée et n'en garde aucun souvenir.