Victor

▬ 991 à 995
Victor Griset naît deuxième enfant d’une famille de roturiers, au coeur de la Ville Basse. Son père est Assassin de la Lame, sa mère une Voltigeuse lorgoise que les blessures condamnent à la terre ferme. Les parents d’Anne-Laure, soeur de quatre ans son aînée, et de Victor sont aimants et éduqués, de par leurs professions respectives, mais peu nantis. Leur maigre logis est au-dessus d’une scierie qui, on le jurerait, fonctionne jour et nuit.

Placé sous la tutelle de Valda par une mère qui rêve de voir son enfant reprendre sa carrière, Victor montre plutôt, depuis sa petite enfance, un grand intérêt pour les corps. Pour les cadavres, surtout, qui ne manquent jamais de pulluler dans les ruelles de la Ville Basse. Là où certains enfants se risquent à chaparder pommes et tartes chaudes sur les étals des marchands, lui ramène des mains tranchées au domicile familial, afin de les étudier en secret. Le manège est vite découvert par sa soeur, dont le nez moins embourbé que le sien par la sciure de bois reconnaît l’effluve de la chair faisandée. Son père éclaire depuis volontiers chaque questionnement de l’enfant sur les mystères du corps humain.

▬ 995 à 1001
L’hiver 995 est particulièrement froid. Victor tousse et tousse encore, jusqu’à cracher du sang. Sa respiration siffle et chaque effort l’oppresse. Le médecin de la Caserne de Serre, mandaté par une mère inquiète, confirme que l’affliction touche ses poumons et qu’il ne peut rien y faire, si ce n’est éviter de courir dans tous les sens. Ce qui, pour un enfant de la Ville Basse, est un véritable drame. Pour lui, qui en sait tant sur les corps, mais surtout sur la mort, une frustration nouvelle… et un intérêt inédit pour les vivants et leurs maladies.

Anne-Laure montre autant d’intérêt pour les lettres que lui n’en a aucun. Il préfère courir les rues avec une bande de filous qui fait du Quadrilatère Forestier leur royaume. De la scierie à l’ébéniste, du peintre sur bois au charpentier, ils sont les rois les ruelles. Victor est l’homme de main du groupe, futé méfiant qui se laisse rarement surprendre et dont la rapidité est l’arme, autant que son habileté à viser les points faibles de ses adversaires. La petite teigne sait surtout qu’il est question d’agir avant que le groupe doive courir, en auquel cas, il serait cuit.

Son père le place comme apprenti chez un boucher à l’été 1000, loin du bois scié qui lui bloque le souffle. Il y transporte des pièces de viande plus lourdes que lui et vide des seaux remplis de retailles organiques, mais la proximité avec la chair ne le dégoûte pas. Il observe avec attention chaque geste du boucher, chaque coupe, chaque instrument. Si celui-ci s’imagine déjà que le petit a la profession dans le sang, il est pourtant bien loin de la réalité.

En septembre 1001, les exploits de Marianne d’Orsang, Voltigeuse médecin portant les couleurs de Bellifère lors du Tournoi des Trois Opales, font forte impression chez Victor. Dès lors, il décide de devenir médecin. Puis, pourquoi pas Voltigeur ensuite ? L’idée enthousiasme sa mère, qui redouble alors d’ardeur pour que son fils apprenne enfin à lire et à écrire. Cette fois, avec succès.

▬ 1002 à 1003
Victor entre pour la première fois à l’Académie lors de son entretien d’entrée. Ils sont peu à tenter leur chance si jeune et même au milieu des petits, l’enfant a une allure inhabituelle. Frêle et le regard sournois, la vie dans la Ville Basse n’a pas préparé Victor à la grandeur de l’Académie. Ni à la confiance, autre que celle qu’il porte en lui-même.

L’entretien se déroule à merveille. Le petit a des connaissances surprenantes et un bel appétit pour l’apprentissage. Les savants se méfient volontiers de l’attrait inattendu de Victor pour la mort, mais ils prêtent cet intérêt au côté impressionnable de la jeunesse. Il est accepté en Médecine et fait sa rentrée à l’automne 1002. Le Griset se fait farouche tout d’abord, puis curieux d’explorer ce nouveau terrain de jeu et d’y imposer sa marque. La terreur du Quadrilatère Forestier se lie d’amitié avec un Cielsombrois turbulent et l’élit comme un nouveau chef à suivre et imiter, au grand dam des élèves et professeurs.

Anne-Laure devient Apprentie au sein de la Confrérie Noire et marche dans les traces de leur père. Aussi sournoise que son frère cadet, elle est l’élue du Hasard, au début de l’an 1003, et s’éprend vainement de son Écoutant. Un fait qui attisera quelques tensions entre elle et leur père, tensions ignorées par Victor tout au long de l’été qu’il passe à leurs côtés, tant il a une seule hâte : retourner à l’Académie.