Kriemhilde

J’ai une vie de famille assez banale. Même si mon père et ma mère ont eu huit enfants avant moi. Oui je sais, c’est un sacré exploit, même par chez nous! Surtout avec une mère Skjaldmö, qui a continué à se montrer à la hauteur de la tâche, même avec neuf grossesses. Elle a juste du se calmer un peu: faut dire que quand on a un ventre presque aussi gros qu’un yack, on peut pas vraiment continuer à s’entraîner! Mais ça l’a pas empêchée de superviser les entraînements des plus jeunes! Pas un seul instant. Et croyez-moi sur parole: elle leur en faisait voir de toutes les couleurs! Les mauvaises diront qu’elle reportait sa souffrance sur les recrues… et ils auraient raison, d’après mon père. Son anecdote préférée? Je crois que trouver quelqu’un de notre entourage qui l’a pas entendue, c’est bien impossible.

Enfin bon. J’ai huit frères et sœurs, mais des fois, j’ai l’impression d’en avoir quinze. Au bas mot. Même si je suis pas la plus silencieuse de nous tous; j’ai quand même le mérite de savoir quand je dois me taire ou quand je dois dire leur quatre vérités aux gens. C’est depuis que je suis toute petite, si vous vous demandez! Je veux dire que quand maman commençait à voir tout rouge ou quand j’avais l’impression que papa allait nous jeter ses outils de sculpture dessus; on se taisait tous. Même si papa l’aurait jamais fait, hein. C’est pas la question. D’ailleurs ils étaient plutôt placides en général, mais on était drôlement insupportables parfois. Faut bien le reconnaître.

Mon aîné, le plus âgé hein, parce que c’est tous mes aînés, a suivi la vocation de papa. Et la deuxième aînée a failli faire pareil, sauf qu’au final, elle sculptait des maquettes de bâtiments. Elle est architecte maintenant. En même temps, elle a dix ans de plus que moi, et je crois qu’elle aurait voulu faire sa vie à l’Académie. Elle a quand même fait trois cursus différents, complets, avant de faire de l’architecture. Oui, c’est complètement fou. Tout le monde dit que c’est le petit miracle de la famille, qu’elle était tellement douée que même l’Académie voulait pas se séparer d’elle. Un peu plus, et ils allaient dire qu’elle était digne d’être une Princesse? Pire, une Impératrice? Pfff. Comment vous voulez que je passe après ça, moi? Heureusement, je suis presque unique dans la famille! On a plein de sculpteurs, mais les Skjaldmös… Beh on en a pas beaucoup! Et moi j’en suis une. Rien que moi. Bon, et puis maman, mais c’est grâce à elle que je le suis, aussi! Mes frères auraient pas pu, c’est sûr. Quoi que: avec une perruque, certains auraient fait illusion. Mais c’est pas le propos. J’aime ma famille, et j’ai eu une enfance banale, donc. Avec les entrainements de Skjaldmös, bien sûr.

Et maintenant je suis à l’Académie! Même que j’y ai fait un an complet. Je vous raconte pas l’horreur de mon premier jour… En fait si, je vais vous la raconter: je suis tombée! Bêtement tombée! Du grand escalier du hall d’entrée! Parce qu’on m’a mise au défi de glisser de la rambarde, jusqu’en bas. Sauf que, vous le gardez pour vous, vous me le promettez?, j’ai le vertige. Et j’ai cru voir ma vie défiler; et me quitter. Et donc en plus d’être tombée, je me suis cassée une dent. J’étais mortifiée; et je me sentais tellement honteuse. J’ai caché mes dents pendant plusieurs semaines, on m’a même surnommée l’acariâtre, et la muette. Jusqu’à ce que mon frère dentiste arrange ça. Comment, je ne sais pas, je n’ai jamais rien compris à son métier. Mais je sais qu’il est le meilleur.

Oh, je ne vous ai pas dit ce que je faisais à l’Académie! Je suis un cursus en comptabilité, pour aider avec l’entreprise familiale, plus tard. Même si, en réalité, j’aimerai plutôt être Skjaldmös à temps plein et ne faire que ça. Mais si je sculpte pas, faut bien que j’aide à ma manière!