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 Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire

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La Noblesse
La Noblesse
Maximilien de Séverac
Maximilien de Séverac

Messages : 357
J'ai : 56 ans
Je suis : Premier Conseiller du Duc Castiel de Sombreflamme, ancien régent de Sombreciel, Comte de Séverac.

Feuille de personnage
J'ai fait allégeance à : Castiel de Sombreflamme et à Ibélène
Mes autres visages: Mayeul de Vifesprit - Arsène Albe
Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptySam 29 Déc 2018 - 23:04



Danette présente

Maximilien
de Séverac

ft. Robert Downey Jr

« Les gens les plus heureux n’ont pas tout ce qu’il y a de mieux. Ils font seulement de leur mieux avec tout ce qu’ils ont. »

débonnaire - raffiné - calculateur - cynique - plein d’humour - romantique - possessif - méfiant - humble - modeste - droit - honnête - appliqué - travailleur


Débonnaire : Bienveillant, conciliant, tolérant, on dit de moi que je suis un homme bon. Ce qui est sans doute vrai : j’exècre la violence, sous toutes ses formes, et mes études ont permis à mon esprit de s’ouvrir à bien d’autres choses qu’à ma seule petite personne. J’ai appris, aussi, en devenant mari, puis père, des expériences qui ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui.
Raffiné : J’aime les belles choses, c’est vrai. Les arts, la poésie, le bon vin, les beaux vêtements aussi.
Calculateur : J’aime savoir, prévoir, planifier. Prévoir les mouvements de ceux qui s’oppose à moi, à mes enfants, qu’ils soient de sang ou de coeur, et agir en conséquence. Prévoir, c’est déjà éliminer quelques menaces avant qu’elle ne s’annoncent. Je suis calme, et plein de bonté, tant qu’on ne touche pas à mes proches ou à la grandeur de mon Duché.
Cynique : Désabusé. Désillusionné. La mort de Meldred m’a fait réaliser que malgré tout ce que je pensais, je n’avais que peu d’influence sur certaines choses de la vie. Sur la vie elle-même. J’ai tendance à considérer avec un désintérêt manifeste certaines choses ou attitudes qui me tenaient auparavant à coeur. Trois de mes enfants ont survécu. Ma femme a survécu. Mais mon petit dernier est mort. Que me chaut, ce que l’on pense de moi ? 
Plein d’humour : Le rire est sans doute ce qui m’a permis de tenir, après la mort de mon cadet. Jamais avare d’un calembour ou d’un trait d’humour, je peux parfois perturber les gens, mais je n’en ai cure. 
Romantique : Fleurs, câlins et attentions petites mais sincères, quoi de mieux pour émailler, au fil du temps, cet amour immense que j’éprouve, chaque jour, pour celle qui a comblé ma vie ?
Possessif : J’aime mes enfants, j’aime ma femme, j’aime mon Comté et j’aime Sombreciel. L’amour est forcément une forme de possession, et peut-être m’arrive-t-il de me montrer légèrement excessif quand à cet aspect précis. 
Méfiant : Je suis loin d’être idiot. Si l’âge et l’expérience m’ont appris quelque chose, c’est que la bienveillance est souvent confondue avec de la naïveté. Pas chez moi : je n’éprouve une confiance aveugle envers personne, si ce n’est ma chère épouse. 
Humble : Etre le régent de Sombreciel n’a jamais été un désir personnel, seulement une volonté de préserver l’héritage d’Eudes pour son fils, et la grandeur de ce Duché que j’aime avec passion. Je suis loin de faire valoir mon titre, ou mes liens avec notre Duc, encore moins ma place de Premier Conseiller. Je suis bien meilleur conseiller que dirigeant, et bien plus à l’aise dans ce rôle de l’ombre.
Modeste : Mes actions, mes décisions en tant que Régent ou Premier Conseiller, je les ai prises pour Sombreciel et son tout jeune Duc. Uniquement pour eux. Je n’attends pas qu’on chante mes louages pour cela : c’est mon devoir, en tant que sujet du duc, en tant que Comte de Séverac, d’aider et de faire de mon mieux pour protéger la place de Sombreciel en Arven.
Droit : J’aime les règles, et leur bon respect. J’ai enseigné à mes enfants la nécessité d’être honnête et bienveillant, de se respecter et de respecter les autres. Je ne faillis pas à mes promesses, je ne faillis pas à ma tâche, je suis équitable et sincère. 
Honnête : l’honnêteté est une valeur qui m’est chère. J’ai le mensonge et la dissimulation en horreur, sans doute parce que mon père m’a, lui aussi, appris le mérite de la clarté et de la transparence lorsqu’on est conseiller ducal. Cette nécessité de montrer patte blanche et d’attirer la confiance.
Appliqué : J’aime les choses bien faites, dans les règles que je me suis moi-même définies. Peut-être est-ce de l’exigence, mais je me consacre souvent de tout cœur à la tâche que je me suis confié, jusqu’à ce qu’elle soit terminé. Je suis de ces gens qui ne peuvent laisser les choses inachevés, sous peine d’être perturbé jusqu’à ce qu’elles soient comme elles doivent l’être. Complètes.
Travailleur : J’ai enseigné également cette valeur à mes enfants. C’est au mérite que l’on doit juger un homme, et non pas à ses titres. A ce qu’il a fait pour gagner sa place en ce monde.  Je ne ménage pas ma peine, que ce soit dans ma vie familiale ou dans mon rôle de conseiller ducal. J’aime travailler, oui, j’aime accomplir mon devoir. 



©️ posh24


Nombreux sont ceux à s’étonner de son calme et de sa mesure, alors qu’il a élevé quatre enfants - cinq - plein de vie et d’exubérance. Maximilien ne perd jamais son calme et son sang-froid, mais seule Ismalia connaît son secret : il compte. Il multiplie, il divise, il additionne, et la rigueur des mathématiques lui permet de calmer la tempête qui bat parfois sous son crâne. En toute discrétion.



©️ fanpop
Âge : 55 ans
Date et lieu de naissance : 14 septembre 947 à Séverac, en Sombreciel
Statut/profession : Comte de Séverac, Premier conseiller Ducal, et ancien régent de Sombreciel
Allégeance : Castiel, Duc de Sombreciel et Sombreciel elle-même
Dieux tutélaires : A la naissance, il a été placé avec justesse sous la protection d’Asil, le Penseur. En grandissant, c’est souvent à lui qu’il en appelle, à Mirta ou à Nep, pour qu’il veille sur ses enfants disséminés partout en Arven. Sans oublier les longues heures passées à prier Niobé. Évidemment, avec quatre enfants aussi actifs, il en a passé, des nuits blanches !
Groupe principal : Les Gardiens de la Tradition
Groupes secondaires : Noblesse


Je suis né un soir d’automne, premier enfant, premier fils, seul héritier. Peu de temps après ma naissance, ma mère est décédée d’une infection foudroyante, laissant à un homme veuf et attristé la tâche d’élever correctement un futur comte de Séverac. Il n’était pas seul, mon père, pourtant : le mariage multiple est légion en Sombreciel, et il avait pour l’assister deux de ses compagnes. Je n’ai jamais manqué de rien : ni de l’amour d’un père, malgré ses devoirs, ni d’amour maternel, bien que ma mère ne soit plus. J’ai grandi heureux, enfant sage et intelligent, curieux de tout, élevé dans la droiture et dans la justice. Baigné de récits politiques, également : mon père était conseiller du duc de Sombreciel et souvent, il me racontait. Il savait bien raconter, mon père, dressant les choses, affûtant mon esprit d’analyse par des jeux et des énigmes. J’aimais la politique, la stratégie, les défis aussi. Mon père a cultivé cela en moi, depuis tout petit. Et j’étais un bon élève, il faut bien l’avouer, à l’esprit vif, plein de questions pertinentes qui ne s’encombraient guère de tourner autour du pot. Et même si la durée de vie des Ducs de Sombreciel était plutôt courte, mon père demeura à sa place jusqu’à sa mort, baigné par l’aura d’admiration sans faille que j’éprouvais pour lui. Il m’a fait grandir, mon père, il a fait de moi l’homme que je suis. Comme j’espère l’avoir fait pour mes enfants.

J’avais quinze ans quand j’ai commencé à l’accompagner dans ses tâches officielles, et à assister aux conseils ducaux. Pas tous, pas les plus importants, mais bien assez pour que je rêve de m’attabler, moi aussi, avec ces gens. Pas dans le but de faire partie de la haute société, pas non plus dans le but d’avoir l’oreille du Duc. Non, j’aspirais à faire grandir notre Duché, à le développer, comme l’a fait mon père avant moi. Il m’a appris les valeurs du travail et le sens du devoir, et c’est quelque chose de profondément ancré en moi, depuis tout petit. 
Seize ans, donc, à peine, et j’ai assisté à la rencontre protocolaire - et Ô combien désagréable pour toutes les parties concernées - entre le Duc d’Erebor et celui de Sombreciel. Et moi, le si travailleur héritier, le si passionnée futur conseiller, je n’ai pas écouté un traître mot de ce qu’il s’est dit, pas vu non plus ce qu’il s’est fait. Je n’avais d’yeux que pour elle, écoutant avec ravissement chacun des sons qu’elle aurait pu produire. La jolie, la délicieuse Ismalia Kamar avait ravi mon coeur, aujourd’hui et pour l’éternité, à l'instant où mes yeux s'étaient posé sur elle. Je le savais, à l’instant même où je l’ai vu, qu’elle hanterait la moindre de mes pensées. C’était une évidence. Et je n’était pas le seul à la ressentir. Mirta avait lié nos deux cœurs en ce moment, dans le chaud palais de Vivedune, au milieu du sable et des étoiles. Notre première rencontre s’est faite sous les yeux de Valda, deux adolescents main dans la main, échappés discrètement d'une rencontre bien peu importante à leurs yeux. Nous avons discuté des heures durant, laissant le soleil éveiller les dunes.

Il me fallait repartir bientôt. Il lui fallait s’en retourner. Alors, nous avons fait ce qui nous semblait être la chose la plus logique à faire : nous avons fui, tous les deux. Ses parents n’auraient sans doute pas consenti à la marier à un Cielsombrois, mon père n’aurait pas vu cette relation d’un très bon œil. Alors, sans rien demander à personne, j’ai emprunté le premier cheval que j’ai trouvé, j’ai hissé ma délicate fleur du désert dessus, et nous avons galopé à travers le désert, usant de ces sentiers secrets qu’elle connaissait, ralliant Sombreciel pour nous marier, avant que quiconque ne puisse nous rattraper.

Elle a ravi mon cœur, je l’ai ravi elle. Nous sommes à égalité, j’ai tendance à le croire, bien qu’elle s’en amuse. Ma sombre beauté des dunes, ma vie entière. L’amour que nous éprouvons ne s’est jamais démenti, et une fois la tempête des reproches passées, nos proches ont accepté. Ce n’est pas comme si nous leur avions laissé le choix.

Deux après, mon père mourait, me laissant seul héritier du Comté. Je l’ai pleuré, et Ismalia m’a aidé à surmonter cette peine. Mon père avait appris à l’aimer, ma perle du désert, et sa subite disparition ne nous rapprocha que davantage, elle et moi.

Deux ans après, notre premier-né venait au monde. Melsant, notre fils, le fruit de notre passion, la consécration de notre union. Un bébé naît dans l’amour et dans la joie, futur héritier du nom et du Comté. Notre fils. Malgré mes responsabilités en tant que Comte de Séverac, malgré ma loyauté et mon implication au service du Duc, lui aussi bien jeune, j’étais là pour Melsant. Je l’ai entouré d’amour comme mon père l’avait fait pour moi, sentant mon cœur se gonfler d’orgueil à chaque fois qu’Ismalia et Melsant se trouvaient devant moi. Ma famille. Mes amours. 

Puis vint le moment où, à nouveau, le ventre de ma belle porta la vie. Quelle fierté, de voir notre Melsant déposer avec toute sa gravité d’enfant un baiser sur ce ventre qui abritait, comme nous l’avons appris par la suite, ses deux petites sœurs. Mélusine et Mélisende. Mes deux beautés, mes deux petites princesses, si semblables dans leur apparence, si différentes dans leurs caractères. Je les aiment, elles aussi, passionnément. Et si Mélisende me ressemblait, Mélusine me rappelait à quel point j’aimais sa mère chaque jour davantage. Meldred vint compléter ce tableau parfait, qu’aucun peintre n’aurait pu dépeindre avec exactitude. Notre vie était merveilleuse, et si j’aimais mes enfants de tout mon coeur, j’aimais leur mère plus que jamais. J’étais fier d’eux, de leurs caractères respectifs, de leur intelligence, de leur beauté. Du moindre de leurs mouvements. De cette façon si mature qu’avait Melsant de se comporter, prenant son rôle de grand frère à coeur. De ces rires qui résonnaient chaque jour dans le manoir familial, quand l’un de mes enfants décidaient d’improviser une partie de cache-cache avant le goûter. De Meldred, et de sa démarche pleine de détermination quand il s’agissait de suivre l’un ou l’autre de ses frères et soeurs. Mes enfants. Ma femme. Mon duché, plus prospère que jamais, malgré la gestion parfois vacillante d’Eudes de Sombreflamme.

Jusqu’au jour où Messaïon, jaloux peut-être de notre bonheur, décida de nous en reprendre une partie. Le navire sur lequel nous voyageons, transport bien moins compliqué avec quatre enfants en bas-âge, fit naufrage. Du naufrage en lui-même, je ne me souviens de rien. De mon angoisse pour Ismalia, qui ne savait pas nager. De nos enfants, disparus de notre vue. De nos appels désespérés, de l’eau froide... Et de mon réveil, sur cette plage, au milieu des débris, mes bras encore autour de l’amour de ma vie. Ismalia et moi avions été relativement épargné, mais qu’en était-il de nos bambins ? Nous avons erré, pendant ce qu’il nous sembla être des années, jusqu’à retrouver nos deux filles et leur héros de grand frère. Jusqu’à ce que nous devions nous rendre à l’évidence qu’il n’existait aucune trace de Meldred. Notre petit garçon, si plein de vie, disparu en mer.

Nous l’avons pleuré, Ismalia et moi, dans le secret de notre chambre. Dans ces pièces vides où ne résonnait plus aucun rire. Nous l’avons pleuré, presque en secret. Car nous avions d’autres enfants, que nous n’avions pas le droit d’abandonner comme nous avions abandonné leur petit frère. Aujourd’hui encore, la culpabilité m’étreint, alors même que je sais que cela n’aurait probablement rien changé si j’avais pu lui tenir la main. Si j’avais sauvé Meldred plutôt qu’Ismalia. Si j’avais privilégié notre dernier-né, au détriment d’un de ses aînés?  

Nous avons fait de notre mieux pour continuer à vivre, restaurer les rires, oublier les pleurs. Nous vivrons éternellement avec la mort de Meldred, mais pour nos enfants, nous devions faire en sorte que la plaie guérisse, doucement. Et nous avons réappris à vivre, petit pas par petit pas. Un rire vite étouffé d’abord, comme un sacrilège. Une blague, une farce, un sourire. Un repas de famille sans que nous n’éprouvions le besoin de placer le bol de notre petit dernier. Nous avancions. Les filles ont même appris à nager, tandis que moi, je garde, au fond, rancune envers Messaïon pour nous avoir volé notre tout-petit. Notre bébé.

Et pour continuer, j’ai travaillé. J’ai gravi les échelons, j’ai obtenu la confiance pleine et entière d’Eudes. J’ignore si nous sommes devenus amis, mais nous étions proches, et il savait tout le respect que j’éprouvais pour lui et pour sa femme, qui semblait me porter une bien grande intention. Je me dévouais corps et âme à Sombreciel, au trône ducal d’Euphoria, avant de rentrer et de me consacrer entièrement à ma petite famille. J’ai élevé mes enfants avec comme valeur l’honneur et la droiture, la confiance en soi et en ce que l’on peut faire. 

Je leur ai appris à grandir, je pense. A avancer. Et c’est ce que nous avons fait, tous ensemble. La naissance de Melbren est apparue comme un cadeau de Maari, inespéré et de ce fait, merveilleux. Nous l’avons chéri, tous, ce benjamin, ultime enfant d’une famille endeuillée par la perte. Notre Melbren, si vif et plein de vie, si aimé, si choyé. Il a fait renaître les rires qui étaient hésitants, et a pris sa place parmi nous. Nous n’avons pas oublié Meldred, mais Melbren a su guérir notre douleur. Et en même temps que notre bonheur se reconstruisait, celui des Sombreflamme s’agrandissait avec la naissance de Castiel, petit duc héritier. 

Cinq années s’écoulèrent, heureuses, paisibles. Je passais de conseiller à Premier Conseiller de Sombreciel, une tâche prestigieuse, un travail difficile, mais qui me remplissait d’allégresse. Comme mon père, je contribuais à la grandeur de ce Duché que j’aimais passionnément. J’aidais à faire de Sombreciel un endroit où j’étais fier d’élever mes enfants, avec des valeurs que j’avais à coeur de leur transmettre. Mes enfants, eux aussi, grandissaient. Melsant était un enfant appliqué et raisonnable, et je finis par céder à ses incessantes demandes d’apprendre à manier l’épée : je n’avais pas le domaine des armes en très haute estime, mais puisque mon fils le désirait tant, je voulais lui laisser sa chance de me démontrer à quel point j’aurais eu tort de le lui refuser. Quand à mes filles... D’années en années, leur caractère s’affirmait, et mes précieux joyaux m’émerveillaient sans cesse. Mélusine,flamme sauvage des dunes, entêtée et décidée. Mélisende, sage et sensible, fleur timide qui ne cesse pourtant de s’élever. Et Melbren, mon doux inventeur, curieux et passionné. Mes tout-petits, qui n’étaient plus si petits, mais le restaient pour moi et leur mère. Ma tendre Ismalia, que les années n’avaient pas changé, et à laquelle je restais attaché comme le premier jour où j’avais posé mes yeux sur elle, malgré les tentations, malgré la réputation Celsombroise. jamais je n'ai éprouvé le besoin d'aimer quelqu'un d'autre, tellement elle me comblait de bonheur, ma douce fleur du désert.

La mort d’Hélène, puis celle de Eudes, fût brutale et impossible à prévoir. Emportée par ces drogues auxquelles je n’avais jamais touché, peu tenté par l’expériences, elle s’était éteint telle une flamme de bougie, soufflée en pleine gloire. Eudes ne survit pas à sa perte, laissant le petit Castiel âgé de cinq ans à peine. Je fût nommé régent de Sombreciel, en ma qualité de Premier Conseiller, propulsé sur le devant de la scène alors que je n’y avais aucune inspiration. Mais quand je revois, encore maintenant, les yeux du petit Duc mouillés de larmes, je sais que je n’aurais pu faire autrement qu’endosser cette responsabilité. Et en tant que régent, je choisis de l’élever parmi les miens, parmi mes enfants qui l’aideraient, je le savais, à oublier ce drame qu’il avait vécu. 

Je ne m’étais pas trompé : Castiel fût vite adopté, couvé, choyé, autant que pouvait l’être Melbren par notre joyeuse petite famille. Ismalia lui apportait tout ce qu’une mère aurait pu lui donner, cet amour que sa mère ne lui avait jamais vraiment apporté. Melsant devint son héros comme celui des jumelles, et il devint le petit frère, l’enfant chéri, le dernier-né, plutôt que la pièce rapportée. Et pourtant, je le traitais avec tous les honneurs dus à son rang, malgré l’amour dont nous l’entourions. Il était destiné à devenir Duc, Castiel, et je ne l’oubliais pas, même s’il m’arrivait souvent de le considérer, moi aussi, comme l’un de mes enfants. 

Il grandit auprès de nous, partageant un amour fraternel profond avec les filles, mais surtout avec Melbren. Mélusine avait Mélisende, et Melbren avait Castiel. Inséparables, frères de bêtises, il n’était pas rare que la maisonnée toute entière fasse l’expérience de leurs idées farfelues. Les Dieux savent que nos rosiers, amoureusement taillés par les jardiniers, s’en souviennent encore !

Mais ils grandissaient, mes enfants. Nos enfants. Ismalia, dont la beauté semblait grandir de jour en jour, me le répétait parfois. Mais j’étais, je suis toujours, un père comblé. L’absence déchirante de Meldred était toujours présente, mais comment être triste, en contemplant mes enfants ? Mes touts-petits si grands ? Je n’avais pas de préférence, et comment aurais-je pû en avoir ? Mes enfants, si semblables et si différents. Mon aîné, qui avait fait du ciel son domaine, et s’épanouissait sous l’oeil de Valda. Ma Mélusine, si vive et si enthousiaste, dévouée fille de Mirta, aussi intense et insaisissable que sa mère pouvait l’être. Ma Mélisende, qui me ressemblait tellement, pleine d’élégance et de calme. Melbren, notre petit dernier, curieux de tout, et que Aura finirait par réclamer comme sien. Et Castiel, si plein de vie, si plein de surprises, et qui savait me rendre tout autant fier que les autres.

Elle avait tant grandie, ma Mélusine, qu’elle finit par exprimer le désir de nous quitter. Si jeune, si aventureuse, si décidée. Jamais je n’ai songé à lui refuser ma permission de prendre la route, sachant pertinemment quelle serait sa réaction. J’étais son père, il était de mon devoir de la laisser ouvrir ses ailes, tout en la protégeant du mieux possible. En tant que Régent, je lui ai obtenu un sauf-conduit, certifiant qu’elle serait reçue avec les honneurs dus à son rang dans les Cours ducales. C’était ma façon de m’assurer de sa sécurité, ma façon de lui montrer le monde, également, de lui souhaiter bon vent. De lui avouer, à nouveau, mon amour et la fierté toute paternelle qui m’emplissait à chaque fois que je la contemplais.

Deux ans plus tard, c’était au tour de mon autre fille de prendre son envol, de rejoindre Lorgol et de s’y construire une vie. N’est-ce pas le but de tout parent, après tout, de voir sa couvée s’égailler et conquérir le vaste monde ? Ismalia et moi étions heureux, plus que jamais. Inquiets, également, comme le sont tous les parents. Nous avions des nouvelles régulières, et nous nous réunissions encore souvent. La mort de Meldred avait soudé la petite famille que nous étions. Qu’importe la distance, les pensées d’un parent ne sont jamais loin de celle de son enfant.

Et les années s’écoulèrent, heureuses, tranquille. Le trône de Sombreciel allait échoir à Castiel, et je le préparais de mon mieux. Si mon Duché s’était épanoui sous ma régence, jamais pourtant je n’en avais oublié le principal objectif : donner à Castiel la possibilité de reprendre ce rôle qui lui revenait de droit. Il était vif et intelligent, cet enfant, prometteur. Désordonné et trop possessif, peut-être. Trop jeune, disaient certains. Trop influençable. Mais j’ai toujours eu confiance en lui, comme en chacun de mes enfants. Je l’avais formé, il était prêt. Je restais à ses côtés, et je le soutiendrais. Je le croyais. 

Il réclama son trône, peu après ses seize ans, et je lui laissais avec une grande joie. Ce n’était pas ma place, et je n’avais jamais aspiré à ce qu’elle le soit. Mais il était jeune, mon fils, tellement jeune. Cela n’avait jamais rien eu d’heureux pour les Ducs Cielsombrois.

Et il trébucha, Castiel. Peut-être était-ce de ma faute, peut-être n’avais-je pas su voir ce qu’il aurait à affronter. Les drogues. Les profiteurs. Les envieux. Surement, même, était-ce de ma faute. Dans tout cet amour dont nous l’avions entouré, nous avions oublié quelque chose, peut-être, et il a perdu pied, notre si jeune Duc. Il s’est laissé sombrer, profondément, presque jusqu’à tout perdre. Et moi, pendant ce temps, je ne pouvais qu’observer son naufrage, impuissant. Je n’avais plus son oreille, oublié au profit d’autres qui lui fournissait ce qu’il avait besoin, chantant les louanges de ses parents et de leur vie éphémère. C’est à cet instant que j’ai commencé à entretenir une correspondance avec Ermengarde de Bellifère, continuant celle avec Augustus d’Ibélène. L’Empereur surveillait avec attention les progrès de mon jeune protégé, jusqu’à ce que nous nous rendions à l’évidence : si Castiel continuait ainsi, il allait sombrer, et Sombreciel avec lui. Cela ne pouvait être. 

Alors, j’ai pris une décision, une parmi des dizaines, voire des centaines que je regrettes, pour préserver ce duché qui me tenait tant à coeur, pour préserver la vie de cet enfant qui n’était pas de mon sang mais que j’aimais comme un fils. J’ai demandé à Augustus la mise sous tutelle de Castiel, pour qu’il apprenne à devenir Duc, loin de ces tentations qui l’avaient fait sombrer. Pour qu’il devienne un bon Duc, auquel chaque Cielsombrois serait honoré d’obéir.

Notre si jeune Duc partit donc apprendre auprès de l’Empereur et à nouveau, je me retrouvait gérant de Sombreciel. Mélisende fût nommée ambassadrice, et je ne pus que louer ce choix intelligent. Elle était décidée et dévouée, ma fleur timide de Sombreciel, et elle s’acquitterait à merveille de la tâche qui était la sienne. Les années passèrent, sans heurts, Sombreciel s’épanouissant tandis que je me languissais du retour de mon fils. Melbren avait rejoint l’Académie, où il s’épanouissait, Melsant les Voltigeurs, y trouvant un semblable accomplissement. Ne restait que Castiel.

Il avait changé, mon fils, durant toutes ses années à la Cour d’Augustus. Fait d’ombre et de lumière, il pouvait piquer des colères terribles, et redevenir l’enfant doux et timide que j’avais connu un battement de cil plus tard. Mais il était prêt, semblait-il. Prêt à prendre sa place en ce vaste monde, et je la lui laissais avec plaisir, veillant sur lui de loin, comme je le faisais pour chacun de mes enfants. Etre Premier Conseiller Ducal était un rôle dont je me contentais à merveille, n’ayant jamais aspiré à diriger un Duché et ayant pourtant été régent pendant de longues années. Quelques mois, quelques années s’écoulèrent, heureuses, à nouveau.

Jusqu’à ce que les troubles secouent Arven, jusqu’à ce que Messaïon m’enlève un fils, à nouveau. Mon aîné, parti accomplir son devoir, perdu en mer. Nous l’avons pleuré si fort, ismalia et moi. Nous gardions espoir, pourtant, convaincus que Soie saurait, faisant front. Pilier de ma famille, pas aussi inébranlable que je l’aurais cru, pourtant. C’est Mélusine qui a su gérer, portant ses frères et soeurs à bout de bras, courageuse, pleine d’espoir. Cet espoir que nous refusions de perdre, malgré les nouvelles. Jusqu’à ce, qu’enfin, notre fils nous revienne. Jusqu’à ce que nous puissions nous réunir, tous, à Séverac. A nouveau complet. A nouveau une famille.

Même Chimène et sa place bien bancale ne pouvait ternir notre bonheur, je le croyais. Jusqu’à son couronnement, et la dispute, violente, entre deux de mes enfants. Jusqu’à l’intervention de ce Gustave de la Rive, qui s’était retiré mais que nous reverrions, j’en avais la certitude. 

Mais les troubles, eux, n’ont pas cessé avec son départ. Mes filles ont été menacés, jusqu’à ce que toute ma famille se retrouve en danger, lors de ce Tournoi spécial organisé par Ermengarde. Castiel s’était convaincu de ne pas laisser Melsant y participer, mais cela n’avait pas suffit pour les préserver tous. Plus que jamais, notre famille avait besoin d’être réunie, plus que jamais, nous avions besoin d’un trône de Sombreciel fort, qui démontrerait à tous que nous ne nous laisserions pas atteindre par cet ordre de Mages qui désiraient raviver les anciennes querelles.

Alors, Ermengarde et moi avons décidé que nous unir serait plus que profitable. Ermengarde était une femme forte et réfléchie, pleine de bon sens, et nous sommes tombés d’accord. Castiel devait assurer sa place. Nous devions présenter un front uni. La jeune Madeleine semblait être une épouse toute désigné. Martial, pourtant, a pris les devants en enlevant ma fille, ma Mélisende, pour l’épouser. Les Voltigeurs de Sombreciel ont fait échouer sa tentative malheureuse, heureusement, mais le mal était fait, et les négociations chahutées avant même d’être très officielles. Et Castiel s’amusait, défiant Anthim en s’appropriant sa soeur bâtarde, comme il l’avait souvent fait avec de nombreuses dames dont il désirait seulement obtenir un peu d’amour.

Mélusine, mon étoile du désert, ma fille se merveilleuse, réussit à nouveau à nous faire retrouver le sourire. Malgré sa brouille avec Castiel, son mariage nous combla d’allégresse. Les nouvelles de sa grossesse également. Malgré les tensions, malgré Chimène et sa trop grande fragilité que chacun avait pu constater à son couronnement, nous avions enfin espoir de pouvoir vivre des temps moins troublés. J’allais devenir grand-père, quel père n’en aurait pas éprouvé de fierté ? 

Je garde espoir pour le futur. Espoir que cet enfant grandisse dans la paix. 

- Tiré des mémoires de Maximilien de Séverac

♦️ Dans le Livre I : Maximilien a eu fort à faire, entre les tentatives de rapprochement de Castiel avec Alméïde d’Erebor, et la violente dispute entre le même Castiel et sa Mélusine. Il a donc discuté avec Ermengarde sur le fait de marier Castiel et Madeleine de Bellifère, mais les négociations risquent fort d’être chamboulée lorsque Martial prendra la place de la duchesse. Et avec l’enlèvement de Mélisende par ledit Martial, les relations risquent fort de se compliquer !
Après les événements d’Outrevent, Maximilien a donc travaillé à redorer le blason de Castiel, notamment en lui faisant faire un démenti public sur le fait qu’il n’était absolument pas fiancée à la princesse d’Erebor, et qu’elle n’était pas enceinte. La guerre qui se profile a au moins une utilité : empêcher Anthim et Castiel de s’entretuer, et empêcher la populace d’Arven de tourner son regard moqueur vers Sombreciel !


TRAME ALTERNÉE (Intrigue 2.3 La Roue Brisée)
→ Il ne s’est pas éveillé, le conseiller ducal. De la trahison d’Ismalia, de son périple avec Séverine, de son intention de prendre la place de Castiel de Sombreflamme, ou bien du meurtre d’Arsène, son petit-fils dans cette trame alternée... il ne se souvient de rien, pas même de sa propre mort aux mains d’un fanatique, ivre de venger le fils d’Anthim.

Il n’a donc aucune mémoire de ce qu’il s’est passé, et va trouver que les gens ont de bien étranges souvenirs. Pourquoi chercherait-il à devenir duc de Sombreciel ?


Pendant le livre II : Maximilien a eu beaucoup de travail cette année là, avec la guerre qui fait rage et les accords qui sont nécessairement à trouver. Le mariage de Castiel, ses fiançailles avec Alméïde d'Erebor, la naissance du meilleur enfant du monde (normal, c'est son petit fils) et enfin la naissance de la petite Odette ont été comme autant de récompenses soulignant ses efforts.

La maladie des Mages a sérieusement ébranlé son petit confort douillet. Il s'inquiète pour ses enfants Maximilien, chaque jour, mais avoir peur de perdre Melbren, levoir passer si près des portes de Sithis l'a beaucoup secoué. Après leur périple en Erebor, Maximilien a fait don d'une confortable somme aux Epines et à la Rose Ecarlate, et continue encore de les soutenir. Il leur envoie les informations qu'il obtient auprès de ses informateurs ou de ses gens, des sommes d'argent régulières. Par reconnaissance pourraient penser certains, et ce n'est pas Maximilien qui les contredirait, mais c'est tellement plus que ça, en réalité. Il craint la domination de l'Ordre du Jugement et le libre arbitre des habitants d'Arven. Les gens ont besoin d'être dirigés, guidés, sinon le chaos prendra place. Et Maximilien souhaite plus que tout que la guerre cesse de ravager ses terres et celles du duché. La mort de l'empereur est déjà un rude coup porté à l'empire Ibéen, surtout que son fils Octave est encore bien jeune et frêle pour supporter un tel poids.








La Chasse Sauvage est libérée et arpente librement le continent. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
•  La Chasse Sauvage est un danger encore plus grand que la guerre, un ennemi implacable qui ne peut qu'inspirer la terreur. Maximilien s'inquiète de savoir ses enfants loin mais ne peut en réalité pas y faire grand-chose.

Une trêve hivernale a été déclarée entre Ibélène et Faërie. Comment ton personnage voit-il la guerre entre les deux empires ?
• La guerre est mauvaise, Maximilien le sait. Mauvaise pour le commerce, mauvaise pour les cultures, pour tout le continent en réalité. Il espère que cette trêve durera et que les dirigeants des deux empires verront enfin raison. Il a d'ailleurs adressé une lettre aux conseillers d'Octave, en tant que comte de Severac,les priant de tout faire pour stopper cette guerre idiote. Pas en ces termes, évidemment !

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• Lorgol est une ville fascinante, et un homme ouvert d’esprit commeilse targue de l’être ne peut qu’en être intrigué. Elle le fascine autant qu’elle l’attire, et il comprend parfaitement que ses filles puissent avoir décidé d’y élire domicile quelques temps. Peut-être que plus jeune, et moins pris par ses responsabilités, il y aurait attiré Ismalia, qui sait ?

Questions du Livre II:







Dans la vie, je m'appelle Céline / Danette et j'ai 33 ans. J'ai découvert le forum via Le top-site de PRD je crois et voici ce que j'en pense : J’aime Arven d’amouuuur ;. 
Pour les inventés : Je vous autorise/ne vous autorise pas à faire de mon personnage un scénario si mon compte était supprimé.





Récapitulatif

Maximilien de Séverac

Mise à jour des registres et bottins


♦️ Robert Downey Jr
♦️ Compte principal : Non

♦️ Noblesse : Comte / Séverac / Sombreciel
♦️ Hiérarchie : Premier conseiller ducal de Sombreciel
♦️ Affiliation : Sympathisant des Epines

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Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptyJeu 3 Jan 2019 - 10:26



ODAYA OCHAVEN. présente

Quintille (ou Désirée)
Aubenacre

Claire Forlani

« Je suis aveugle, pas idiote. »

A défaut de ne pas avoir une eu vie rêvée, difficile, parfois sacagée par la noirceur des autres, elle a souhaité éviter à tout prix à ce que ses proches vivent la même chose qu'elle, protégeant avec ferveur ses amis, ses proches, sa fille, parfois même un peu trop. On peut venir à lui reprocher d'être parfois (trop) maternelle, mais elle vous rétorquera qu'il n'en a jamais trop. Jamais. Son passé lui a donné la valeur du courage et du sacrifice, parfois même de soi. Battante, elle ne recule devant aucune difficulté, si tant est qu'elle est sûre que tout viendra à s'arranger. L'hésitation ne la connaît pas, surtout pas quand il s'agit de protéger des personnes qu'elle aime et qu'elle apprécie. Aveugle, elle l'est depuis maintenant des années, mais que nul ne vienne l'embêter à vouloir lui expliquer comment se débrouiller, ou pire, l'aider sans qu'elle l'ai - préalablement - souhaité. Elle se débrouille toute seule et sa fierté (parfois bien trop grande), vous le fera vite comprendre. Pas la peine, d'ailleurs, de la raisonner. Butée à ce niveau là, elle vous le répétera de long en large et de travers, elle se débrouille seule. Il en a toujours été ainsi, pourquoi diable venir l'aider désormais ? C'était plus tôt dans sa vie qu'il aurait fallu le faire, désormais, bas les pattes !
Si jamais vous entendez baragouiner dans votre dos, sans doute sur l'incompétence de votre voisin, ou la stupidité du premier badin venu, c'est sûrement Désirée. Râleuse, elle aurait pu en faire son métier, si tant est qu'elle aurait pu avoir un métier. Il ne faut pourtant pas voir ses petites raleries comme un manque de respect, bien au contraire. Aveugle, considérée comme une moins que rien du fait de son sexe ET de son handicap, autant vous dire que la tolérance, ça la connaît. Elle sait ce que c'est de naître et de vivre comme une paria, comme un être humain qui au final n'est rien de plus qu'un vagin qui permettra d'avoir des enfants, dénué de capacités intellectuelles et physiques. Alors qu'importe votre vie, votre passé, qui que vous soyez, quel que soit votre défaut, elle vous acceptera avec grand plaisir. Si tant est que vous ne tentez pas de l'aider ! Bien que débrouillarde et organisée, elle est une grande fataliste. Evidemment, dirais-je ! Eh oui manant, en quoi une aveugle changera la face du monde ? Tu me crois pas ? Vas lui expliquer, on se revoit tout à l'heure, quand elle t'auras envoyé promener. Désirée ne se voile pas la face, ce n'est pas elle qui fera avancer le monde. Et grand bien lui fasse, elle a suffisamment de responsabilité sur le dos ! Comme précisé plus tôt, elle est très maternelle et apprécie d'être douce et gentille avec prêt des quatre-vingt dix pour cents des personnes qu'elle rencontre, sans doute pour compenser sa grande anxiété. Ce n'est pas à elle que vous allez faire croire que le monde est beau, que les gens sont bons et que tout fini par s'arranger. Sa vie n'est en rien un long fleuve tranquille et elle craint pour celle de ses proches, pour celle de sa fille. Alors oui, elle s'inquiète. Souvent, tout le temps, mais c'est pour leur bien, parce que la vérité est toujours plus horrible qu'on le craint.



©️️ praimfaya
Enceinte jusqu'au cou, elle s'est posée une grande question : qui de sa fille ou de sa soeur verra le monde ? Pourrait-elle lui imposer ce choix ? Pourrait-elle lui expliquer qu'elle est le fruit d'un acte ignoble qu'elle n'a pas voulu ? Il lui est arrivé de regretter d'avoir sa fille dans son ventre - bien qu'elle l'aime de tout son coeur - parce qu'elle savait que sa vie ne serait pas simple. Bien au contraire. Et pourtant, elle savait au fond d'elle-même qu'une fois le bébé dans ce monde, rien, ni personne, ne l'empêcherait de la protéger et de l'aimer.



©️️ l'internaute (google)
Âge : 42 ans et de tristes années derrière elle. Désormais, la vie lui offre une seconde chance, une opportunité de faire mieux et de vivre enfin. D'arrêter de survivre. 42 ans et toute sa jeunesse devant elle.
Date et lieu de naissance : 25 janvier 961, à Aubenacre de Riven en Bellifère, dans une maison heureuse qui est vite devenue sa prison.
Statut/profession : Artisane perlière ; mère célibataire ; fugitive recherchée.
Allégeance : À qui la respecte et la protège (sans la traiter comme une attardée incapable de se débrouiller toute seule) tout en lui permettant d'assurer la sécurité de ses deux frères Géralt et Gédéon, de sa sœur Quitterie et de sa fille Éponine.
Dieux tutélaires : Née sous Maari, bien qu'elle lui ai préféré, des années plus tard Trelor, dit le Tisserand. Parce qu'au fond, l'espoir que tout change a toujours fait partie de sa vie. Grâce à cette croyance, sa vie a réellement pu changer le moment venu.
Groupe principal : Les Gardiens de la Tradition. Elle le sait, pour l'avoir vécu, la violence n'engendre rien de bon. Jamais.
Groupes secondaires : Gueux, que pourrait-elle être d'autre ?


25 janvier 961 – naissance d’une enfant désirée.
Dire qu’elle était désirée était autant un mensonge qu’une vérité. Il est vrai que le désir dans la couche de ses parents était présent. Peut-être même trop, au point d’avoir donné naissance à une petite fille en très bonne santé. D’un autre côté, voulaient-ils réellement une enfant aussi tôt ? Encore aujourd’hui, elle n’en sait trop rien. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, bien que son surnom soit magnifique, il n’est en rien une fierté. Le désir que son corps a provoqué aux hommes dans sa vie n’en a – en rien – été un plaisir. Et ça, c’est bien difficile de le faire comprendre.

Novembre 961 – 9 mois. ◊ Naissance de Gaston.
On raconte qu'à sa naissance elle fut heureuse, babillant de bonheur à l'idée de ne plus être seule dans sa famille. Comme tous les enfants, elle l'aurait embrassé, aurait ouvert ses grands yeux sur cette petite créature. Elle aurait été curieuse, glapissant, se trémoussant prêt de son frère. Un bonheur de courte durée. Un lien du coeur si pur qu'elle craint qu'il n'ai jamais existé.

Septembre 962 – 1 an. ◊ Naissance de Gaspard.
Bien qu'encore jeune, elle a apprécié l'arrivée de son plus jeune frère. Aimante dès son plus jeune âge, elle a tout de suite voulu jouer avec lui. Mais il était trop petit disait maman. Papa ayant déjà décidé que si elle devait jouer avec quelque chose, c'était à ce petit balai pour sa taille, ou avec cette éponge pour frotter les meubles. Dans tous les cas, la petite était toujours séparée de ses frères. Tout le temps. Criant et tapant du pied parfois sur le sol de la maisonnée. Incomprise, si jeune.

25 janvier 968 – 7 ans.
"Papa, papa !" S'écrie l'enfant de dix ans ce jour, courant vers son géniteur, les bras grands ouverts et les yeux brillants d'une envie, d'un rêve fabuleux. "Un jour je serais une grande guerrière au service de Kern !" S'exclama-t-elle, ravie, heureuse, un sourire illuminant son doux faciès enfantin. C'est un rire gras, méprisant qui lui répondit. "Toi ? Pauvre femme ?" Répondit-il. Il lui pinça la lèvre, rit à gorge déployée. "Va plutôt apprendre à faire le ménage." Son visage se ferme, ses yeux gris - méprisants, se posant sur son aînée, sa première fille. "Tu ne seras jamais rien de plus qu'une femme. Ne l'oublie pas." Lui crache-t-il à son visage. Impassible. Et la voilà retournée dans la maisonnée, cantonnée aux tâches ménagères. Obligée de n'être qu'un objet, qu'une femme, une ingrate, une incapable. Ce jour là, la gamine n'a pas vraiment compris pourquoi elle avait eu cette réponse.
Puis avec les années, elle s'est de plus en plus questionnée : pourquoi ses frères apprenaient à manier l'épée et elle le balai ? Pourquoi apprenaient-ils à se battre et elle à ranger ? Pourquoi avaient-ils le droit d'aller en ville, se battre, vendre les perles qu'elle trouvait dans les huîtres - aux côtés de sa mère ? Pourquoi devait-elle se cantonner à trouver les perles ? Pourquoi ? Parce que Kern l'avait fait femme ? Parce qu'elle était née avec un vagin ? Pourquoi ? Avec le temps, les années, les réprimandes, le mépris de son géniteur et ses remontrances constantes sur son sexe lui apprirent à se taire. Elle n'était qu'une femme après tout, elle n'avait qu'à agir, pas à discuter, qu'à obéir, pas à réfléchir. Et pourtant, dans ses veines coulaient l'envie d'agir, d'être plus, bien plus qu'un futur objet de reproduction.

Février 969 – 8 ans. ◊ Naissance de Gontrand.
Ils étaient désormais quatre. Trois garçons, trois valeureux petits hommes. Bien que Gaspard n'avait que 7 ans et Gaston 8 ans, ils voulaient déjà apprendre à Gontrand tout ce qu'ils savaient. Ils jouaient avec lui, délaissant leur soeur aînée, lui expliquant déjà "que ce n'était pas pour les filles." Ou que "papa avait dit qu'elle avait pas le droit." Rapidement, la jeune enfant compris qu'elle se devait de jouer seule. Elle ne s'en plaignait pas, courant sur les rives, les pieds dans le sable et les cheveux au vent. Ses amis imaginaires, eux, ne la laissaient jamais tomber.

Décembre 969 - 8 ans. ◊ Naissance de Gonzague
Le ventre de sa mère s'arrondit une nouvelle fois, quelques mois plus tôt. Comme toujours, la jeune Désirée cherchait à deviner le sexe de l'enfant, souhaitant de tout coeur une fille, comme redoutant sa venue. Elle savait bien qu'elle souffrirait tout autant qu'elle. Voire peut être même plus. Alors elle espérait que ça serait un garçon, tout en désespérant d'être encore la seule de la fratrie.

Avril 974 - 13 ans. ◊ Naissance de Guérin.
Le ventre de sa mère s'arrondit une nouvelle fois, un énième garçon. Elle n'était pas déçue, ni excitée, ni inquiète. De toute façon, rien ne changerait non ? Un garçon de plus, une âme de plus favorisée dans cette famille, quelqu'un d'autre qui s'en prendrait à elle. Au fond de son coeur, elle espérait qu'il jouerait un peu avec elle, que d'une certaine façon, il serait différent de ses frères. Elle l'espérait, mais refusait d'y croire.
Au fil des années et de sa croissance, sa bizarrerie se développa. Etrangement, elle se rendit compte de sa différence, alors même qu'elle était alors aveugle. Bien trop proche de sa soeur, elle se débrouilla pour l'envoyer ailleurs. Il était hors de question qu'il touche à Quitterie. Elle se l'était promis.

Juin 975 – 14 ans. ◊ Naissance de Gédéon.
Un autre fils. Rien de bien surprenant d'une certaine façon. C'était à croire que Quitterie et Quintille avaient été des erreurs. Comme si elles n'étaient pas destinées à venir dans ce monde, comme si les hommes auraient dû être seuls. Comme si elles n'étaient qu'un malus emmené par le temps. Rien ne le différencia du reste de ses frères, pas avant ses cinq ans en tout cas.

12 mars 976 – 15 ans. ◊ Naissance de Géralt.
Une nouvelle naissance, un petit homme encore une fois. Au fond d'elle-même, Quintille espérait qu'il n'y en aurai pas plus. Ses cadets la violentaient déjà suffisamment, un de plus n'était pas désiré. Elle préférait largement s'en passer et vivre sans une menace en plus sur sa tête. Rapidement, ce fut elle qui se chargea de son éducation, sa mère étant partie. Elle s'occupa dignement de lui, tentant de lui octroyer des valeurs bien différentes que celles que possédaient ses frères aînés. Elle fit tout son possible pour le protéger de la violence de leur père et pour prendre soin de lui. Bien loin du simple rôle de grande soeur.

août 976 – 16 ans. ◊ le vase qui déborde
Elle n'a jamais été des plus adroites, mais elle faisait tout pour ne pas attiser la colère de son père qui - déjà - était phénoménale. Il lui arrivait déjà de faire pleurer sa mère, sans vergogne, n'y voyant pas le moindre souci, terrorisant Quintille. Et, sans qu'elle ne le comprenne vraiment, ça lui arrivait - alors qu'elle était inquiète, triste, ou apeurée par son père - de faire déborder la soupe. Ce jour là, ce n'était pas la soupe, mais le seau avec lequel elle lavait le sol. Elle l'a renversé. Il a débordé. Il y en avait partout. Et pourtant, elle ne l'avait pas poussé ou fait tomber. Elle n'explique pas ce qui s'est passé et n'a rien voulu expliquer à son père. Comment aurait-elle pu lui faire comprendre que non, elle n'a pas fait tomber le seau, que oui, il a débordé tout seul, sans qu'elle n'y comprenne rien ? Elle a accepté les remontrances et à oublier l'incident. Jusqu'au suivant.

16 avril 977 – 16 ans. ◊ Naissance de Quitterie.
Il y avait eu tant de garçons dans sa famille que quand elle apprit que sa mère allait avoir une fille, c'est la joie qui a illuminé son visage. Avant d'être ravagé par la tristesse. Une nouvelle âme sur qui se défouler, un nouveau corps à ravager de coup et une nouvelle femme emprisonnée dans un monde affreux. Devait-elle réellement se réjouir de la venue de sa soeur ? Sans le vouloir, elle a rêvé que ça serait différent. Que pour Quitterie, tout changerait. Tout. Jusqu'au comportement de son père, de Gaston, de Gaspard et de Gontrand. Elle y croyait, si fort, qu'elle était heureuse qu'une nouvelle venue vienne. Elle allait être aimée. Evidemment. Elle allait être choyée. Plus qu'elle ne l'avait jamais été. Et, bien sûr, elle se fit la promesse de toujours la protéger. Toujours.

mai 977 – 16 ans.
Les années sont passées, les valeurs Bellifériennes sont rentrées dans sa tête et la rébellion de ses jeunes années lui est passé. Elle est passée sous les coups de son père et les injures de ce dernier. Elle s'est faite oubliée à chaque fois qu'elle voyait sa mère souffrir de sa situation. Rapidement elle a prit le rythme. Ouvrir les huîtres, prendre les perles, les laver, les donner à son père. Répéter les mêmes gestes, indéfiniment. Inlassablement. De toute façon, qu'aurait-elle put faire d'autre de sa vie ? Les jeunes années où elle courrait à tue-tête sur les rives, à patauger dans l'eau et à rire de tout et de rien étaient déjà loin derrière elle, perdues dans une routine ni excitante, ni amusante.

mai 979 – 18 ans.
Sa mère se trouve sur le quai du port de Riven pour livrer des caisses de perles, accompagnée de Géraud. Elle ne sait pas ce qu'il s'est passé, elle ne connaît pas le pourquoi du comment, mais elle sait que sa mère s'en est allée. Elle a cherché un autre endroit, un autre lieu où elle pouvait être heureuse, aimée. Sa mère ne lui a pas proposé de venir livrer les perles avec elle, Désirée n'a même pas songé à s'y intéresser. De toute façon, elle avait d'autres choses à faire : la cuisine, le ménage, le rangement des affaires, nettoyer les vêtements des garçons. Bref, elle n'avait pas de temps pour aller livrer des perles. Si elle avait sut, l'aurait-elle suivi ? Aujourd'hui encore cette question la taraude. Habituée à son rôle de femme, elle n'aurait sans doute pas osé désobéir et partir. Aurait-elle eu le cran de suivre sa mère ? De prendre la fuite ? Elle en doute, elle n'en sait rien. Si c'était à refaire ? Elle aime à croire qu'elle aurait eu le cran de s'en aller, de refaire sa vie ailleurs, mais la vérité est, qu'à cette époque, elle n'était encore qu'une femme brimée. Jusqu'alors, sa vie n'avait pas été si horrible que ça, pire encore, elle s'y était faite. A cette époque, les envies de fuite n'étaient pas encore nées.

Juin 979 - 18 ans. ◊ Enlèvement puis mariage à Thiercelin Sonnecor.
Les coups de son père et de ses frères pleuvaient sur elle régulièrement. Avant que sa mère parte, ses pleurs noyaient la maisonnée parfois, quand elle ne fuyait pas les coups, esquivant les ennuis. La plupart du temps, elle s'occupait des petits, prenait soin d'eux, pendant que Quintille s'occupait de la maisonnée et des tâches ménagères. Pendant qu'elle prenait les coups pour sa famille. Et puis, quand elle est partie, ce fut son tour de prendre soin des petits. En plus des tâches ménagères. Evidemment. Qui diable aurait pu l'aider ? Un homme. Boutade. Impossible. Alors elle devint la mère de ses frères, prenant à coeur de les éduquer convenablement, de les protéger et - d'une certaine façon - de ne pas les former comme leurs frères aînés l'avaient été. Elle encaissais les coups, préférant qu'ils se déchargent sur elle plutôt que sur les petits. Elle avait les os solides après tout, Désirée pouvait encaisser. Pour eux. A jamais.
Thiercelin fut sans doute son seul et premier amour. Ce fut celui qui lui donna l'espoir en un jour nouveau, celui qui - accessoirement - lui prouva que le monde n'était fait que d'infamies et d'horreur. Il lui prouva, des années plus tard, que les hommes n'étaient que des monstres et des menteurs. Que des sauvages incapables d'aimer. Avides de violence et emplis de rage. Bien sûr, les premières années avaient été belles. Riches. Pourtant, aucun enfant ne venait. Aucun. Ce n'était pas faute d'essayer pourtant, mais rien. Pas le moindre enfant à l'horizon, pas même une petite courbure sur son ventre si plat. Elle aurait tant aimé lui donner un enfant, un seul. Et puis, avec le recul, elle se dit que finalement, c'était mieux qu'il n'ai jamais existé.

Juin 980 – 19 ans. ◊ Handicap de Gédéon.
Elle était bien loin de lui quand c'est arrivé. Il avait cinq ans quand ses frères - leurs frères - ont décidé de l'enfermer dehors. Il ne devait s'agir que d'un jeu, sordide, mais dont l'issue n'avait été prévue par aucun d'eux. Comme si son esprit avait grandi, comme si Kern l'avait fait moins fort que les autres, il avait changé de comportement. S'exprimant maladroitement, incapable de se défendre, manquant cruellement de maturité, il a vite fini par se faufiler dans les jupes de Quintille quand elle fut renvoyée à domicile. C'est alors qu'elle le prit sous son aile et des années durant, le traita comme son propre fils.

Octobre 987 - 26 ans. ◊ La cécité.
La cécité n'était pas quelque chose qu'elle avait prévu. Ni même, envisagé. De mémoire, personne dans sa famille n'en avait souffert. Sa mère ne l'était pas - de ce que ses souvenirs lui avaient laissé et son père - très clairement - ne l'était pas non plus. Aucun de ses frères n'avaient développés ces symptômes et, à ce qu'elle en savait, elle était la première de la fratrie à développer cette tare. Quel cauchemar. Thiercelin qui, parfois, se montrait violent - mais rien de bien grave, juste un énervement passager - devenait de plus en plus irritable. De plus en plus incontrôlable. Et quand, finalement, ses yeux se voilèrent d'un film si opaque qu'elle ne distinguait plus les traits de son visage, il rompit la seule chose qui la tenait éloignée de son père : leur mariage. Retour à la case départ. Le cauchemar recommença.
Une fois de retour au sein de la maisonnée familiale, le même schéma recommença. Elle se chargea des corvées et de l'éducation des enfants. Elle fut nommée par les voisins et les villageois "Dame d'Aubenacre" à son plus grand désarroi. Après tout, c'était elle qui faisait tout, jusqu'à éduquer ses propres frères.

Septembre 989 - 28 ans. ◊ Retour à la case départ.
Son retour n'était pas le plus glorieux événement de sa vie. Après tout, elle aurait dû être mariée, installée avec ce dernier et, si ce n'est heureuse, en tout cas plus qu'elle ne l'était près de son père. Est-ce qu'elle en voulait à sa vue de disparaître ? D'une certaine façon oui, d'une autre, non. C'était le Destin, elle n'y pouvait rien. Mais si seulement elle n'était pas venue. Peut être, oui peut-être, qu'elle n'aurait pas eu à subir ces affronts, ces humiliations à nouveau. En s'installant dans une cabane prêt de l'entrepôt principal, elle crut un instant que son calvaire serait terminé, que sa vie - bien qu'extrêmement routinière - ne serait plus un cauchemar, comme elle l'avait pu l'être. Elle s'était trompée. Lourdement.

8 décembre 990 – 29 ans. ◊ Naissance d'Éponine.
La première fois qu'il avait posé ses mains sur elle, de cette façon là, elle avait été tétanisée de terreur. Les premières secondes. Avant de se débattre, d'hurler, de se défendre, de refuser. Puis la douleur - vieille amie, était revenue à la charge, l'obligeant à se taire. A subir en silence.
Les fois qui ont suivi était pires. Le sentir s'insérer en elle, lui qui lui avait donné la vie, la faisait vomir après chaque rapport. Après chaque viol. L'humiliation perdurait alors que ses frères la dédaignaient de plus en plus, tout en respectant encore - et toujours, leur paternel. Eux aussi avaient envie de devenir de tels hommes ? Des violeurs ? Elle ne comprenait pas pourquoi ça lui arrivait. Elle n'acceptait pas que son corps devienne ce lieu maudit de procréation malsaine. Refusant cette vérité, elle essaya, une première fois, de se blesser. De tuer dans l'oeuf l'enfant qui allait naître. Essaya. Le ciseau s'arrêtant à vingt centimètres de son ventre rebondi. Pouvait-elle réellement blessée l'enfant, innocent, qui viendrait au monde ? Pouvait-elle le punir pour les actes d'un autre ? Non, elle ne pouvait pas. Mais pouvait-elle lui donner la vie qu'elle avait eut ? Pouvait-elle lui imposer un tel fardeau, de si terribles malheurs ? D'une certaine façon, n'allait-elle pas être responsable de son avenir, de ses traumatismes et des horreurs de son père (et grand-père) ? Le doute la tarauda, jusqu'aux premiers coups qu'Eponine lui donna. Non, elle n'était en rien responsable des malheurs d'une ordure. Elle décida alors d'être responsable de son bonheur.
Littéralement emplie d'une joie sans nom, quand ce fameux 8 décembre 990 elle sera pour la première fois dans ses bras sa petite fille.

juillet 991 – 30 ans. ◊ réveil de la magie de Quitterie.
La première fois que la magie s'est manifestée chez sa soeur, Quintille n'a pas tout de suite compris. Elles se promenaient sur les landes - rare moment de plaisir qu'elles ne pouvaient s'accorder bien souvent - et Quitterie n'avait alors que quatorze ans. Elles parlaient de ses premières pertes, de son premier jour en tant que femme. Quintille la rassurait, lui expliquant (comme une mère l'aurait fait) ce que c'était, ce que ça signifiait et les changements que son corps allait subir. Elle la rassura, répondant à toutes ses questions sans gêne, sans difficulté. N'était-elle pas là pour ça après tout ? Elle ne sait plus exactement ce qui s'est passé, mais une vague immense a recouvert la lande. Sous leurs yeux ébahis, la magie de la plus jeune s'était - pour la première fois - éveillée. Elles n'en ont pas énormément discuté ce jour là, Eponine était restée sous la surveillance de Gédéon et bien qu'elle lui avait parfaitement tout expliqué - et réexpliqué plusieurs fois - elle préférait ne pas trop tarder. Elles auraient tout le temps d'en reparler.

8 décembre 992 – 31 ans. ◊ Mort d'une lumière.
Est-ce qu'elle le hait ? Une question si facile, si simple, dont la réponse pourrait venir aisément pour la plupart de son entourage. Oui. Bien sûr qu'elle le hait. Et pourtant, rien n'est plus simple. Quintille se doute qu'il n'a - sans doute, pas toujours été comme ça. Que des années plus tôt, alors qu'il était jeune et vigoureux, qu'il rencontrait sa mère, il se devait d'être un homme bien, peut être même bon. Avec le temps, l'alcool aidant, il est devenu quelqu'un de méconnaissable. Quelqu'un qui a fait fuir son épouse de honte. De désarroi. Est-ce qu'elle le hait ? Oui, à chaque fois qu'il lève la main sur elle ou sur ses frères. A chaque fois que son haleine fétide se niche dans sa nuque, ou que ses lèvres grasses embrassent ses seins, ou que ses mains rugueuses qui l'ont tant de fois frappé s'insèrent en elle. Elle le hait à chaque fois qu'il estime que son corps - à elle, devient sien. Devient sa propriété. Elle le hait si fort, à l'instant, alors que son corps a expulsé un enfant mort. L'amour ne donne que de la joie et du bonheur non ? La preuve ? Éponine. Elle l'a aimé, de tout son coeur, dès qu'elle la sentit bouger en elle. Mais lui, ce petit être si lumineux, elle ne l'a jamais senti. Pas une seule seconde. Est-ce qu'elle aurait dû s'inquiéter ? Ou est-ce que cette nuit là, neuf mois plus tôt, alors qu'il la violait et la violentait, plus sauvagement qu'à l'accoutumée, elle s'était doutée que de cette union, un fruit pourri, naîtrait ? Peut être. Et pourtant, des perles salées n'arrêtent pas de rouler sur ses joues, alors qu'elle serre contre son corps ce cadavre sans vie. Cette lumière a qui on a ôté tout espoir.

Loin des yeux curieux de son père, loin de toute rumeur et des regards, Géralt lui permis de régler - à jamais, ce problème. Son corps n'engrosserait pas un enfant de plus. Elle s'y refusait. A sa petite Eponine, elle raconta rien de plus que la vérité. Le bébé n'était plus de ce monde, sa vie l'avait quitté. Aucune larme ne coula sur son visage quand elle exprima ces faits, aucune honte, aucune tristesse, une simple vérité.

992 - 31 ans. Cela faisait désormais quelques années que la magie de Quitterie s'était éveillée. Une magie que Géralt et elle tentaient de dissimuler, de cacher. Une magie qui ne pouvait être tolérée dans les terres de Bellifère. Alors parfois, ils prenaient les coups pour elle, inventaient des excuses - parfois totalement loufoques. Comme cette fois où elle avait inondé la pièce et que Quintille avait dû casser l'arrivée d'eau, pour faire croire à un accident. Ca avait été difficile et ils ont bien cru que la surpercherie allait être découverte, mais frapper sur une aveugle avait été plus tentant. Beaucoup plus rassurant. Qui voulait croire en la magie, quand une incapable était la raison de tous leurs maux ? Les années se sont écoulées et avec elle, la magie de Quitterie n'a fait augmenter. Jusqu'au point de non retour.

Mai 993 - 32 ans. ◊ Quitterie s’enfuit vers Lorgol et l’Académie.
Est-ce que sa vie s'est améliorée au fil des années ? Pas vraiment. Eponine avait trois ans et une innocence à protéger. Quitterie elle, était en danger, à tout juste seize ans. Sa magie s'éveillait. Une magie qui ne pouvait être tolérée dans ce royaume, dans cette famille, dans cette vie. Quintille ne se posa pas la question trop longtemps, elle se devait de protéger sa soeur de tout, de tout le monde et le plus rapidement possible. Alors quand les symptômes devinrent trop présents, elle l'aida à s'enfuir vers Lorgol. Elle se devait d'apprendre à contrôler sa magie. Quintille souhaitait qu'elle est sa vie, une vraie vie, une vie avec la chance de devenir bien plus qu'une femme au foyer battue. Les coups plurent sur son corps alors qu'il remarqua la disparition de sa cadette. Cette nuit là, l'inconscience la prit en même temps que son père.

8 décembre 992 – 31 ans. ◊ une nuit comme une autre.
Elle avait deux ans. Deux petites années devant elle ce soir. Et comme tous les autres soirs, elle allait lui compter l'histoire de sa soeur, Quitterie. Elle allait lui raconter, comment ce petit bout de femme était devenue princesse guerrière, indépendante et capable d'abattre les plus gros monstres jamais vu. Elle lui raconta que Quitterie protégerait son sommeil et son futur. Qu'elle serait toujours là, quelque part, à veiller sur elle. Ce fut l'histoire qu'elle lui raconta tous les soirs où la vérité se mêlait à l'irréalité, au conte, aux mystères des histoires qu'on se raconte autour du feu. Qu'elle n'est quelques années ou plus, l'histoire était toujours racontée à la venue du coucher, bercée contre le coeur de sa mère, serré dans des bras aimant, où le temps d'un instant, elle faisait de sa petite soeur l'héroïne d'une vie meilleure. D'une vie qu'elle voulait être l'avenir de sa fille, un avenir idéalisé, difficilement possible, mais un espoir auquel se raccrocher.

année 993 - 32 ans. ◊ Protection de Gédéon. Protection d'Eponine.
La vie passe et suit son cours. Elle est toujours chargée des perles, de les trier, de les laver, de les ranger, pendant que d'autres les vendent et en récoltent le fruit. Certes, elle touche un maigre salaire, une maigre pitance pour le travail effectué. Quel maigre réconfort, entre les coups et les viols de son propre père. Elle a fini par oublier ce qu'il se passait chez elle. Désormais, elle ne se débat plus le soir quand il entre dans sa couche. Elle le laisse faire, acceptant d'entendre ses halètements dégoûtants jusqu'à la délivrance. Puis il s'en va, elle se lave, se frotte si fort qu'elle espère se laver de la honte qui l'attrape à chaque fois, pour finir par se coucher, embrasser sa fille et prendre soin d'elle. Depuis l'arrivée d'Eponine, elle est moins violentée, bien que ça puisse encore arriver. Parfois même en journée, quand la petite est partie s'amuser et que tous travaillent. Ou suffisamment tard le soir pour que personne ne le remarque. Qui diable s'inquiéterait de le voir se balader sur sa propriété de toute façon ?
Face au comportement de ses frères, elle a toujours pris sous son aile Gédéon. Depuis peu, c'est de pire en pire. Elle encaisse les coups à sa place, n'hésitant pas à l'aider à sortir de la pièce pour qu'il puisse s'enfuir un court instant. Elle prend ses corvées et s'occupe de lui. L'aide dans toutes ses tâches quotidiennes. Elle ne comprend pas pourquoi ils font preuve d'autant d'acharnement à son égard, mais elle l'encaisse pour lui. Parce qu'elle se refuse à le laisser subir. Comme elle encaisse pour Eponine et se déteste à chaque fois qu'elle ne réussit pas à la protéger. A chaque fois qu'un coup part sur elle, qu'elle aurait du encaisser à sa place.

janvier/février 1002 - 41 ans. ◊ Réveil de la magie d'Eponine. Fille confiée à Géralt.
Née sous Valda, en pleine nuit, Eponine a été le bijou de sa vie. Son diamant, sa lumière. L'amour qui a raisonné en elle depuis ce jour a été sensationnel, inébranlable et à jamais inégalable. Est-ce qu'elle s'était doutée que de la magie pouvait couler dans ses veines ? Elle le redoutait, tout en espérant que ça ne serait pas le cas. Et, parfois, elle espérait qu'elle la développerait, qu'elle serait obligée de fuir. Au moins, elle vivrait ailleurs, sans doute en sécurité et bien moins en danger qu'à Aubenacre. Sauf que son instinct de mère la reprenait très rapidement, où diable pourrait-elle aller seule ? Elle était bien trop jeune, bien trop petite. Bien trop innocente. C'était impossible. Jusqu'au jour où c'est arrivé. Ce jour où, si triste et tellement apeurée, elle a trempé les draps de son lit. De manière si importe, qu'elle a bien cru que sa fille allait inonder la cabane. Mais elle a fait comme si de rien n'était. De toute façon, ce n'était rien non ? La deuxième chose étrange a été la fois où, après avoir recroisé son père - et le grand-père/père d'Eponine - après qu'il ait frappé la petite, cette dernière a provoqué l'inondation de la Lande sous sa frayeur. Evidemment, Quintille n'a rien vu. Mais il n'y avait pas besoin de voir quoique ce soit pour comprendre, entendre, sentir ce qu'il se passait. La magie s'était éveillée. Pour le meilleur, pour le pire. Désormais, Eponine devait partir. Loin, très vite.
Elle décida alors de confier la petite à son frère, Géralt, Chirurgien de confiance. Le seul à qui elle confierait sa vie et sa propre fille. Il fut chargé de la protéger, de s'occuper d'elle, de l'amener à l'Académie où elle pourrait apprendre à gérer son don. Elle était déchirée. Son coeur semblait avoir exploser dans sa poitrine en un million de fragments, mais elle se devait de protéger sa fille. C'était impensable que sa magie se développe en Bellifère. Inimaginable. Alors elle a fait ce que n'importe quelle mère aurait fait : elle l'a protégé. Quitte à se retrouver seule à nouveau, à la merci d'une famille dangereuse.

Avril et mai 1002 ◊ trame alternée.
Elle n'a pas eu conscience de suite qu'il s'agissait d'une autre réalité. La vie était si similaire. La violence. La peine. La douleur. La souillure. La vie. La mort. Le recommencement. Et puis, il y a eu cette différence, qu'elle n'avait que peu comprise au début. Le visage d'un époux qui ne s'était pas effacé, ce retour à la case départ qui n'était pas venu. Mais cette douleur, cette souffrance, sous un visage nouveau. Un enfant venu au monde, dans un contexte différent, né d'une emprise bien plus ferme sur le monde qu'elle ne l'aurait voulu. Elle n'avait jamais eu besoin de ses yeux pour voir la douleur, pour la sentir, pour l'entendre arriver. Comme elle n'avait jamais eu besoin de sa vision pour comprendre les émotions, les événements qui se déroulaient autour d'elle. Et pourtant, dans cette réalité là, elle voyait tout, en n'y voyant rien. Les événements qui prirent de cours sa vie, qui agirent sur la croissance de sa fille, l'éloignant de plus en plus de sa mère, elle ne les vit pas arriver. Pourtant dénuée d'une quelconque cécité. Aveuglée par une vie plus heureuse, en apparence, que celle vécue dans l'ombre d'une autre réalité, elle a fini par avaler une fiole de poison. Maigre trésor en échange d'une grosse somme d'argent, amassée au fil des années et des sévices sur son corps incapable de donner un fils. Elle ne voulait pas d'une vie dans laquelle sa fille n'était, finalement, pas sa fille. La vie d'une mère qui ne voyait ni douleur, ni joie sur les traits de sa propre chaire. Une vie qui ne méritait pas d'être vécue.

09 juin 1002 - 41 ans ◊ Départ définitif d'Aubenacre.
Est-ce qu'elle aurait cru, un jour, pouvoir quitter cet endroit de malheur ? Oui, il y a de cela des années, quand son coeur s'est éprit du mauvais. Et puis, avec le temps, la violence et les douleurs, elle a fini par oublier. Par cesser d'espérer. Oh bien sûr, elle était persuadée de pouvoir protéger sa fille et ses frères, sûre de pouvoir trouver une situation meilleure pour eux. Mais pour elle ? Elle avait rapidement refusé de s'y laisser aller. Refusant de croire qu'elle pouvait encore, secrètement, espérer. C'était impossible, impensable que sa vie s'améliore. Qu'elle fut donc sa surprise de quitter cette vieille demeure, emplie de désespoir et de mauvais souvenir. Pourtant les derniers événements vécus, ces terribles cauchemars où elle n'était plus capable de comprendre sa fille l'avait poussé à s'échapper. Comme un signe qu'elle ne devait plus rester ici. Plus jamais. Aux côtés de Géralt, elle quitta un endroit de malheur pour retourner à Lorgol. Une ville qui, bien qu'ayant laissé des mauvais souvenirs dans son esprit, lui donnait de nouvelles opportunités. Une nouvelle vie. De suite, elle décida de l'apprécier et de lui donner une seconde chance. Sa seconde chance. Ils se sont établis à la Tarverne de la Rose. Un endroit très sympathie, au sein duquel elle a tenté de travailler. Comprenant vite que personne ne la laisserait faire quoique ce soit. Bien sûr, ils lui faisaient confiance pour les enfants, après tout, elle avait sut s'occuper de toute une fratrie et l'avait prouvé. Ils ne la laissaient donc rien faire d'autre. Pourtant, elle n'avait de cesse de râler et d'expliquer qu'elle était capable de faire plus. Rester assise dans son coin ? Pas du tout son genre. Enfin après, s'ils acceptent de l'entendre baragouiner à ce propos sans cesse... C'est à eux de voir !

juillet 1002 ◊ installation à Lorgol.
Pour la deuxième fois de sa vie, elle venait s'installer à Lorgol. Dans la Ville Basse, aux côtés des pirates cette fois-ci. Une douce illusion de vie "normale" était en train de se dérouler. Aux côtés de sa fille, de sa soeur et de deux de ses frères. La vie a prit lentement son rythme, elle s'occupe des enfants, prend soin de Gédéon et de sa fille (même si elle passe beaucoup de temps à l'Académie afin de maîtriser sa magie).

13 août 1002 ◊ la mort dans les veines.
Est-ce qu'elle aurait cru un jour tomber aussi malade ? Fièvre, nausées et cette fatigue, si importante. Elle n'aurait jamais pensé pouvoir être atteinte de cette maladie. N'était-elle pas censée toucher que les mages ? Petit à petit, elle a fini par s'en remettre, mais elle n'oubliera pas cette période horrible où elle a bien cru qu'elle n'allait, jamais, se remettre de tout ça.

NB : 1002 - mort de Géraud, Gontrand et Guérin.
Ne restent à Aubenacre que Gaston, Gaspard et Gonzague.

Pendant le livre II : Quintille s'est faite à sa vie au sein de de Lorgol. Difficilement, mais avec sérénité et entourée de sa famille. Elle s'est doucement, mais sûrement, faite une place au sein des pirates qui l'ont recueilli et acceptés. Parfois, souvent même, elle s'occupe des enfants, essaye de travailler au sein de la taverne (malgré les réprimandes de certain(e)s) et ; comme toujours, veille sur sa fille. Elle prend des nouvelles de sa soeur, veille à son bonheur.
L'ouverture de la Chasse Sauvage a été quelque chose. Quelque chose de sombre et de monstrueux. Elle ne sait comment l'expliquer, mais quand l'information lui ai parvenue, elle s'est sentie nauséeuse, inquiète. Terriblement effrayée. L'idée que sa fille, sa soeur, ses frères, ou n'importe qui de sa famille puisse y être confronté l'empêchait de dormir. Les premiers soirs, elle n'en a pas dormi. Inquiète à l'idée qu'un de ses proches subisse cette dernière. Inquiète à ce que son quotidien en soit modifié. Puis, avec le temps, la menace n'apparaissant pas dans sa vie, elle s'est faite à cette présence latente, sourde. Maternant toujours sa famille et sa fille, elle ne cesse de craindre le pire, mais quelle mère ne le fait pas ?




Questions Livre II:

La Chasse Sauvage est libérée et arpente librement le continent. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
• De la peur et de l'angoisse. Cette Chasse n'a rien de bon, rien de rassurant. Elle peut prendre n'importe qui, n'importe quand. Bien sûr, ses principales inquiétudes concernent sa fille et sa famille. Elle craint pour eux, pour leur survie, pour leur équilibre. Elle tente de ne laisser rien paraître, mais son angoisse et son inquiétude se reflètent dans son hypermaternité envers ses proches. Qui mieux qu'une mère peut s'inquiéter d'un futur incertain et dangereux ?

Une trêve hivernale a été déclarée entre Ibélène et Faërie. Comment ton personnage voit-il la guerre entre les deux empires ?
• Toute guerre est inutile. Tout guerre mène à des pertes innocentes. Elle ne comprend pas les sous-tenants de cette guerre. Guerre elle-même bien loin de ses préoccupations quotidiennes. Aucun de ces deux entités n'étaient là quand elle était violée et battue par son géniteur, quand sa famille était en danger ou sa fille malmenée. Alors en quoi ça changera sa vie que l'un, ou l'autre, l'emporte ? La trêve est une bonne chose, elle craint juste qu'une fois les menaces plus importantes derrière eux, elle ne reprenne alors plus vivace et plus sanglante qu'auparavant. Les hommes sont doués pour l'autodestruction, à croire que ça ne s'arrêtera jamais vraiment.  

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• Seule ville, pour le moment, dans laquelle elle se sent en sécurité. Autrefois entachée de mauvais souvenir, de douloureux souvenirs, elle apprend désormais à l'aimer, au travers des yeux de sa petite Eponine. Parcourant les ruelles, entourée d'amis et de sa famille, elle ne s'est jamais sentie aussi heureuse qu'en cette ville. Malgré le climat politique du pays (guerre, Chasse sauvage) et les enjeux joués au-delà de sa petite vie (vu qu'elle n'est qu'une gueuse aveugle ne pouvant rien y faire, même si elle le souhaitait). Elle craint que tout ne bascule un jour. Ce jour où elle devra, à nouveau, protéger sa fille.




Dans la vie, je m'appelle ODAYA OCHAVEN. Ou Floriane et j'ai 22 ans. J'ai découvert le forum via aura et je le connais depuis sa création (ou presque) et voici ce que j'en pense : il pue, il est moche, le personnage est nul et Aura, je te déteste. Non je déconne, j’adore, j’adooooooore. Depuis le temps que je vous tourne autour, il était temps que je cède ! Faute à qui aussi, avec des personnages pareils  :han: .




Récapitulatif

Quintille Aubenacre

Mise à jour des registres et bottins



♦️ Claire Forlani
♦️ Compte principal : Oui

♦️ Magie : Hiver / Aucun / Aucune



Quitterie des Deux-Ancres et Quintille Aubenacre

Discussion avec une future mère

05 octobre 1002



Elle était encore très fatiguée. Tout le continent se plaisait à raconter que oui, l’épidémie tendait à disparaître, mais ses symptômes eux, étaient encore bien présents. Bon, certes, bien moins forts que les quelques jours auparavant, mais autant dire qu’elle aurait préféré les voir s’évaporer. Vraiment. A chaque mouvement, à chaque fois qu’elle se levait pour faire quoique ce soit – parfois même des tâches toutes simples et faciles – la voilà qui était fatiguée comme si elle avait récuré la taverne de fond en comble. C’était insupportable et elle avait passé les derniers jours à râler plus que de nécessaire, se plaignant constamment de cette fatigue qui la limitait bien trop. Beaucoup trop. Elle ne pouvait décemment pas passer sa journée au lit, elle s’y refusait – et pourtant tout le monde n’arrêtait pas de l’y pousser, à croire qu’elle n’était pas indispensable. Enfin, ce matin-là, au fond de son lit, elle avait prévu d’y rester quelques minutes de plus que d’habitude, sachant pertinemment que ça se déroulerait comme la veille et que la fatigue n’allait pas, subitement, disparaître.
Manque de chance, c’est sa fille qui accouru dans sa chambre pour solliciter son aide. Elle ouvrit une paupière fatiguée et quand les premiers mots s’échappèrent de la bouche de sa petite fille, elle se redressa vivement dans son lit. Quitterie atteinte de nausées ? Fortes ? Tôt le matin ? Elle n’était pas sûre que ce soit lié à l’épidémie, mais elle n’y connaissait rien en soin, guérison et maladies en tout genre. La seule chose qu’elle connaissait – plus ou moins, était les enfants. Et les nausées matinales, ça n’augurait rien de bon. Elle se leva. Doucement. Refusant de se laisser retomber dans le lit parce qu’elle était trop fatiguée et, avec l’aide de sa fille se dirigea jusqu’au bout du couloir, où se trouvait la chambre de sa sœur. Elle était au premier étage, au-dessus de la Taverne, dans laquelle elles avaient élues domicile.
Quitterie y passait une partie de la semaine, oscillant entre ses cours à l’Académie, du fait de sa cécité elle n’était plus en capacité de chevaucher et développait donc ses capacités magiques de guérison. Autant dire qu’elle avait un planning plutôt chargé dont son aînée s’en accommodait parfaitement. Demandant à sa fille de les laisser, elle frappa discrètement à la porte, n’entendant pas de refus, Quintille entra, rappelant que c’était elle – avant d’ouvrir la porte.

Dans la chambre, elle comprit vite que sa cadette était toujours sous les couvertures. Refermant derrière elle, les mains devant son visage, elle se repérait dans l’espace, cherchant à éviter les éventuels objets sur son passage. Cette fois-ci, rien n’avait été bougé et elle trouva directement le lit de sa sœur. S’asseyant sur son bord, elle posa sa main sur Quitterie. « Que t’arrive-t-il ? » Laissant cette dernière lui expliquer la situation et l’aidant à vomir dans la bassine aux côtés de son lit, Désirée semblait comprendre ce qu’il se passait. Dans un premier temps, elle essaya de comprendre depuis quand les nausées la prenaient. Ensuite, elle chercha à savoir à quand remontait ses dernières pertes et enfin, essaya de se préparer à annoncer à sa cadette une grande nouvelle. Quintille savait se montrer très diplomate quand il le fallait, mais à entendre sa sœur gémir qu’elle allait mourir, que tout n’allait pas mieux, roulée en boule dans les couvertures, est-ce que la diplomatie était une bonne solution ? Soupirant, elle aida sa sœur à se tourner vers elle, en toute douceur. « Tu ne vas pas mourir. » Elle roula des yeux. « Tu vas sans doute avoir un bébé. » Bon, raté pour la diplomatie. Elle soupira. « Quitterie, tout va bien. C’est une bonne nouvelle non ? Tu vas être maman. » Elle esquisse un petit sourire, pas sûre de savoir si sa sœur était ravie de la nouvelle ou si, comme beaucoup, elle allait s’inquiéter du devenir de l’enfant et de cette grossesse. Elle ne se souvenait pas d’avoir senti la proéminence d’un ventre sur le corps de sa sœur et n’avait pas détecté de changement dans son attitude, son comportement, mis à part ce matin-là. Etait-ce possible de ne pas être au courant d’une grossesse ? Elle en doutait sérieusement et préférait ne pas trop s’avancer. Cela faisait bien longtemps que son corps n’avait plus accueilli la vie.
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Melbren de Séverac
Melbren de Séverac

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J'ai : 27 ans
Je suis : inventeur, baron de Vivessence, savant en mécanique (spé. engins) et mage de l’Été non diplômé (destruction)

Feuille de personnage
J'ai fait allégeance à : Castiel de Sombreflamme, sa famille et Sombreciel
Mes autres visages: Géralt d'Orsang
Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptyLun 7 Jan 2019 - 10:42


Lukazu présente

Melbren
de Séverac

Landon Liboiron

« Le temps ressemble à un hôte du grand monde, qui serre froidement la main à l’ami qui s’en va et qui, les bras étendus, embrasse le nouveau venu. »

curieux × désinvolte × inventif × insouciant × charmeur × intrépide × intelligent × malicieux × persévérant × monomaniaque × lascif × désordonné × travailleur × fantasque




©️ Lukazu
 
Ta vie a toujours été focalisée sur l'être humain : ses défauts, ses prouesses, ses vices. Pourtant, ces dernières années ont placé sur ton chemin d'autres êtres tout aussi enrichissants et attachants. Lichen, ton Familier, une martre mâle, rencontrée lors d'un voyage, dont la verve pique autant qu'elle apaise. Naphte, la griffonne avec laquelle tu es reparti en toute illégalité, qui relève avec toi mille et un défis. Enfin, Septère, un maine coon offert par Castiel, dont la taille effraie plus d'un, mais dont la simplicité et la tendresse t'étonnent chaque jour un peu plus. Chacun à leur manière, ils t'apportent quelque chose d'essentiel et ils n'ont de cesse de rajouter joie et rires dans ta vie.


©️ lyna lynn
Âge : 26 ans
Date et lieu de naissance : 18 juin 977, à Séverac
Statut/profession : Inventeur, baron de Vivessence, savant en mécanique (spécialisé en engins) et mage de l'été (destruction) non diplômé
Allégeance : Castiel de Sombreflamme, ta famille et l'empire d'Ibélène
Dieux tutélaires : Tu es né sous Mnémosie. Alder et Lyncée l'ont rejointe assez tôt, avant de faire entrer Mirta dans ta vie dès l'adolescence.
Groupe principal : Les Hérauts du Renouveau
Groupes secondaires : Noblesse / Mages / Savants



Tu as connu une enfance heureuse. Tu as grandi au sein d'une famille équilibrée, présente, débordant d'amour, ouverte. Tu as appris de chacun de tes proches, te construisant à travers eux, grâce à eux. Tu as été choyé et tu les as choyés en retour, un peu plus à chaque jour que le temps ajoutait à ton compteur. Tu n'aurais pu espérer mieux et vous étiez invincibles, à tes yeux. L'avenir t'a prouvé que ce n'était pas forcément le cas, mais rien n'est parfait, et ça ne t'a pas empêché de les aimer tout autant. En attendant, ta famille a toujours été ton pilier, la structure première et primordiale prouvant que tu étais bien vivant, bien là, ancré dans ce monde, ancré dans leurs yeux, ancré dans ta vie. Ils t'ont aidé à te relever quand tu n'allais pas bien. Ils t'ont toujours soutenu et continueront de le faire jusqu'au bout. Tu n'as aucun doute là-dessus.
 
C'est avec toutes ces belles convictions que tu as entamé ta vie et que tu l'as vécue. 
 
Tout commence avec l'Invention, ta muse, ton professeur, ta divinité. Elle se loge sur ton chemin alors que tu n'es encore qu'un bambin. Elle guide tes doigts et te souffle mille et une merveille à l'oreille. Elle ouvre tes horizons, chaque jour un peu plus, changeant ta perception du monde sans que tu ne le réalises réellement. Tu commences par un griffon en bouts de bois, assemblé grâce à de la cordelette, choix logique vu ton jeune âge et ton monde encore trop peu aventureux. Tu prends par la suite plus de risques. Ton esprit de raisonnement se développe en même temps que tes envies et tes attentes. Tu deviens plus exigeant avec Elle, mais surtout avec toi. Tu te consacres à Elle, lui dédiant une bonne partie de ton temps libre, de tes pensées diurnes comme nocturnes.
 
Tout cela se retrouve décuplé par l'imagination débordante de Castiel, qui égale sans souci la tienne. Vous rêvez, construisez, argumentez, imaginez, débattez tellement d'heures durant que tu en perds parfois le fil. Pourtant, vous réussissez à faire des merveilles ensemble et tu soupçonnes l'Invention d'avoir offert une partie d'elle-même à ton frère de cœur, bénédiction ô combien glorieuse. Tu n'aurais pu imaginer meilleur partenaire pour rendre ta vie plus folle, plus vivante, plus vraie, plus explosive – car, en toute honnêteté, plus d'une fois la demeure familiale a accusé le coup de vos expériences en tous genres.
 
Aaah, Castiel. Accueilli au sein de votre famille à vos cinq ans, il s'est logé au creux de ta vie, de ton quotidien comme si tel était son destin. Son arrivée a également partagé l'attention de ta famille sur non plus un garnement, mais deux, t'offrant ainsi une plus grande marge de manœuvre, une indépendance infantile bienvenue. Il est devenu ton ami, ton allié, ton partenaire de crime, ton égal à bien des niveaux et vous avez grandi main dans main avec un naturel déconcertant pour beaucoup, mais pas pour toi. Non, toi, tu as toujours senti ce lien qui vous unissait, puissant et effrayant, mais parfait à tes yeux. Comme un clic qui aurait résonné à votre rencontre et qui aurait tenu bon sans faille par la suite. Tu ne crois pas en l'idée d'âme sœur, pourtant, s'il en existait, il serait sûrement la tienne. Non au sens romancé du terme, qu'on trouve dans les contes qui affolent le cœur des jouvenceaux. Non. Tu parles ici de cet être qui pénètre votre vie, la chamboule et s'y fait une place parce qu'elle est là et pas ailleurs. Tu parles de cette personne qui possède toujours une part de votre cœur, quoiqu'elle décide d'en faire, pour le meilleur ou pour le pire. Castiel est tout cela pour toi. Tant de choses que la liste serait trop longue à énumérer ; une constante faillible mais dont l'existence même permet ton équilibre.
 
D'ailleurs, de nombreuses épreuves vous ont attendus au tournant. La première ayant été l'apparition de ta magie par un jour brûlant d'été. Comme à ton habitude, tu travailles sur ta dernière invention ; Castiel est à une leçon avec ton père. Tu persévères malgré tes échecs répétitifs, mais tu oublies surtout de te désaltérer. Sans étonnement, la tête finit par te tourner. Et ton invention s'effondre comme un château de cartes. La colère, la frustration, la fatigue, la faiblesse de ton corps s'unissent et ta magie se manifeste brusquement : la pièce en bois sur ton établi prend feu, purement et simplement. Tu ne garderas de cet accident qu'une cicatrice en travers de la main.
Cela va s'en dire, cet épisode bouleverse ta vie, Magie signifiant Académie, apprentissage, maîtrise, mais surtout, départ pour Lorgol, abandon de ta famille, abandon de Castiel. Cela te brise le cœur. Laisser derrière toi, jusqu'à l'été d'après, tout ce et ceux qui font ta vie est épouvantable. Sans doute n'aurais-tu pas tenu s'ils n'avaient pas pensé à t'envoyer chacun des lettres pour te raconter tout et n'importe quoi.
 
Tu prends tes études au sérieux, cependant. Tes parents t'ont inculqué très tôt la valeur du travail et des efforts ; Maximilien a mis un point d'honneur à cela. Alors tu travailles dur pour comprendre, pour appréhender, pour contrôler ta magie. Et tu es sur la bonne voie. La magie destructrice qui parcourt tes veines se laisse peu à peu amadouer, à ton plus grand bonheur. Tu acquiers des bases suffisantes pour ne plus provoquer d'explosions à chaque émotion trop forte, ce qui est un avantage non négligeable. Tu comprends que tu peux faire de belles choses, avec tes mains mi-ibéennes, mi-faës.
Pourtant, le temps passant, une sorte de lassitude s'installe. Pas d'ennui, jamais d'ennui, tant tes pouvoirs t'ont toujours paru extraordinaires. Cependant, ta passion pour l'Invention n'a jamais cessé de se mêler à ta magie. Deux entités opposées mais néanmoins parties de ton essence, compétitrices dans ton cœur. Un jour, pourtant, tu réalises que l'Invention est plus forte, qu'elle bout trop sauvagement dans chaque particule de ton corps pour que tu ne la relaies encore au rang de passe-temps. Tu décides donc de terminer ta troisième année en Magie et de changer de direction : l'année d'après, en 992, tu entameras un cursus en Mécanique et tu ne regretteras jamais ce choix, bien plus fidèle à qui tu étais et es toujours.
 
Quand tu rentres en Sombreciel, pour les vacances, il t'est impossible de décrire la joie et l'euphorie qui te submergent. Tu rentres à la maison, auprès de ceux qui font ta vie. Tu profites de chaque instant comme si la Mort t'attendait à chaque nouvelle aube. La nuit, tu cours les tavernes et les bordels avec ton frère de cœur. La journée, tu rends visite à tes proches, tu inventes, tu prends des leçons auprès de ton père concernant la gestion de Virescence et d'autres affaires importantes, tu dors, tu paresses, tu profites. Autant dire que le temps passes trop vite à ton goût, mais n'apporte ainsi aucun regret.
Puis, vient fatalement le moment où tu dois retourner à Lorgol. Avec lui, la culpabilité revient à la charge : celle d'abandonner Castiel à nouveau, de repartir pour de nombreux mois alors que lui reste en Sombreciel apprendre à gérer son futur duché. Plusieurs fois, tu hésites à tout envoyer en l'air et à rester à ses côtés. Seulement, tu sais aussi que tu dois tracer ton propre chemin, comme lui le fait. Alors, inlassablement, tu l'enlaces, tu déposes un baiser sur son front, tu lui promets de lui écrire, tu lui ordonnes de prendre soin de lui et tu le quittes, le cœur immensément lourd.
 
A la fin de l'été 992, pour la première fois, vous dérogez au schéma de vos adieux estivaux.
La veille, vous avez couru les bordels, vous avez bu, vous avez enivré vos esprits comme seuls des Cielsombrois pures souches savent le faire. Ce à quoi tu ne t'attends pas, cependant, c'est de finir ladite soirée d'avant-départ, la main dans le pantalon de ton ami, la sienne dans le tien. Tu as 15 ans à ce moment-là et tu expérimentes pour la première fois le sexe avec un homme. Pas n'importe lequel. Sûrement que tu n'aurais jamais dû le toucher, mais Castiel et toi n'avez jamais été très aptes à écouter les avertissements et interdictions. Au final, vos actes ne te choquent pas : au contraire, tu as passé un excellent un moment et le fait que ce soit avec Castiel ne fait que renforcer votre lien déjà profondément ancré dans ton cœur. Non, ce qui te perturbe, le lendemain, au réveil, c'est justement de constater à quel point tu as pris du bon temps avec lui, à quelle point la chose te paraît naturelle. Bien plus qu'avec les femmes avec lesquelles tu as couchées jusque-là.
Cet été-là, tu quittes Sombreciel triste, le cœur lourd, mais surtout confus, après une simple étreinte et quelques mots un peu trop banals. Rendu confus par ces sensations auxquelles tu ne peux t'empêcher de penser. Et tu pries toutes les divinités pour que, non, ton cœur n'ait pas porté son dévolu sur ton frère de cœur.
 
La vie suit son cours, cette angoisse logée dans ton ventre à chaque fois que tu penses à Castiel. Jusqu'à ce qu'enfin, un jour, la délivrance vienne. Tu expérimentes les affaires de Mirta avec un autre homme et tu réalises que ton plaisir est décuplé, là encore. Peut-être pas autant qu'avec ton frère – pour plusieurs raisons que tu pourrais expliquer sans souci, bien évidemment –, mais, à nouveau, tu réalises que le paramètre "masculin" de ton partenaire y est pour beaucoup. Et tu comprends pourquoi les courbes des femmes te paraissent érotiques, somptueuses, mais moins divertissantes, maintenant que tu as connu cela. Tu es soulagé : tu as bien cru être amoureux de ton frère adoptif. Cela n'aurait-il pas été cocasse ? Oui, cocasse, vraiment. Juste cocasse. Oui.
 
Le Temps passe, tu grandis, comme les gens autour de toi. Les choses changent. En mars 994, Castiel monte sur le trône ducal, fièrement, avec toute la prestance qui est sienne, et tu ressens une immense fierté à le voir prendre les choses en main. Votre relation, elle, continue de s'épanouir, malgré les nouvelles responsabilités. Seulement le Destin intervient à nouveau dans vos vies et tu assistes de loin, durant l'année scolaire, et de près, durant l'été, à la transformation qui s'opère en ton ami de toujours. Tu vois ses fréquentations changer, tu le vois sombrer dans un espèce de chaos dont il semble impossible de le tirer. Tu tentes de le raisonner, d'en parler avec lui. Il écarte tes doutes d'un revers de main nonchalant et souriant et, parfois, tu te prends à le croire, à penser que tout ira bien. D'autres, tu prends peur. Une peur paralysante, qui te glace les os. Tu réalises combien tu es démuni, combien même ta parole ne compte plus aux yeux de Castiel, dans ses mauvais moments. Tu comprends qu'il te glisse entre les doigts et va s'enrouler autour d'autres, manipulateurs et flagorneurs. Tu n'es pas le seul à tenter d'intervenir, à tenter de lui ouvrir les yeux, mais rien n'y fait.

L'été 996 est fort en rebondissements et en émotions. Tu restes un temps à Euphoria avant de rejoindre Mélusine à Sinsarelle. Tu y rencontres Walid, avec lequel tu vivras ta première histoire d'amour. Comme dans les contes cielsombrois où l'amour consume, la passion dévore et où l'affection consolide. Tu connaîtras aussi ton premier vrai chagrin d'amour. Certes, tu seras amené à recroiser Walid, mais quand ? Dans quelles circonstances ? Unis par quel lien ? Tu es perdu, quand tu retournes à Euphoria et les choses ne font que dégénérer à partir de là : Castiel et toi finissez par avoir des mots emplis de colère l'un envers l'autre. Il s'agira du premier été où vous ne vous direz pas au revoir avant ton départ à Lorgol.
Cet été laisse donc un goût amer dans ta bouche, mais la période qui suit est propice à l'Invention. Elle déborde dans tes veines et tu crées comme tu n'as jamais créé. Tu fais quelques progrès quand à tes projets principaux et, il faut l'avouer, tu noies tes peines avec une efficacité redoutable. C'est à ce moment-là que tu as le songe, celui porteur de la proposition de devenir l'écrin d'Iseult de Cibella, Fou Blanc de la Rose Ecarlate. Tu acceptes sans grande hésitation, honoré, émerveillé, étonné. Tu ne finis par y croire que lorsque Sulfure t'apporte, quelque temps après, Fulgurance, bâton aux propriétés époustouflantes. Leurs esprits s'invitent dans le tien et l'aventure commence. Tu es impatient comme tout.
 
Vous reprenez pourtant contact dans les mois qui suivent, à l'initiative de Castiel et à ton plus grand soulagement. Il ne fait aucune mention de votre querelle dans sa lettre, mais, égoïstement et lâchement, tu en es presque soulagé. Tu ne te voyais pas revenir sur tes paroles, lui non plus, mais la perspective de perdre votre lien provoquait chez toi une tristesse sans nom. Alors, pleutre que tu es, tu lui réponds de la même manière, tu n'évoques pas votre froid et tu tentes de reprendre le fil sans dérapage, en évitant soigneusement de mentionner la pente dangereuse sur laquelle il s'est engagé.
 
Les choses changent à nouveau à l'été 997, où ton frère de cœur est mis sous tutelle. Tu ne le diras jamais à personne, mais tu en es soulagé. Soulagé que ce calvaire cesse, que quelque chose soit tenté, que Sombreciel soit remis sur le droit chemin avec la régence de ton père. Que Castiel ait une chance de s'en sortir, que tu ne le perdes pas. Encore là la marque de ton égoïsme, mais cette fois main dans la main avec tes inquiétudes pour lui, pour ton duché, terres si chères à ton cœur.

Un mois plus tard, tu fais la rencontre le plus extraordinaire de ta vie : celle de ton Familier. Tu te trouves à Vivessence et on ne peut pas dire que ton moral est au beau fixe. Lors d'une réception, l'alcool coule à flots et tu te retrouves à vagabonder dans la forêt des Murmures, qui borde Vivessence. C'est Lichen qui te trouve, face contre terre, riant comme un perdu parce que tu n'arrives pas à te relever et que tu penses beaucoup trop à Castiel pour ton propre bien. Sérieusement ? est sa première pensée à ton égard et tu ris plus fort, peut-être un peu pour t'empêcher de pleurer. Tu finis par lui tendre la main, poussé par ce lien qui semble qui vous unir soudainement. Après quelques instant, la martre des pins pose son museau dans ta paume, dans une douceur qui contraste avec son esprit vif et tranchant. Il te veillera le reste de la nuit, jusqu'à ce que vous repartiez ensemble au petit matin.

Tu rends visite à Castiel, début septembre, avant de retourner à Lorgol. Dans l'endroit où il est confiné, pour son sevrage. La vision que tu y trouves te fend le cœur et jamais tu ne l'oublieras. Tu tentes de discuter avec lui, de savoir comment il va, même si les médecins et psychologues t’ont prévenu de ce qui pourrait se passer. Au final, les choses se passent encore plus mal que prévues. Tu ressors de là la culpabilité plus enflée que jamais dans ton cœur, avec ses mots qui résonneront longtemps dans ta tête : Tout est de ta faute, tu m'as abandonné. Tu ne retourneras le voir que bien des mois plus tard.

Le temps file sans que tu ne le réalises.
Castiel se sort de ses addictions et vos retrouvailles à Ibelin sont chargées d'émotions fortes, mais également d'une étrangeté sur laquelle tu as du mal à mettre des mots. Tu ne comprends que plus tard qu'il est sorti de tout cela changé, différent. Lui, mais pas totalement. Cela ne t'empêche pas de l'aimer tout autant, mais tu apprends à t'adapter, à accepter votre lien altéré par certains aspects. Tu réalises que la vie est ce qu'elle est, imparfaite en de nombreux points, que vous avez tous les deux fait des erreurs qui vous ont menés là où vous en êtes. Cependant, et surtout, tu es soulagé, heureux, reconnaissant à toutes les divinités qu'il s'en soit sorti vivant et sain d'esprit car, pendant un long moment, tu as cru le perdre et tu ne l'aurais pas supporté. Tu jures sur Lyncée de rétablir votre relation et de reprendre là où vos méfaits se sont arrêtés.
 
Arrive bientôt 998 et le moment pour toi de terminer tes années de spécialisation. Une fois fait, tu dois préparer ton retour définitif en Sombreciel. Une nouvelle ère approche, celle de ton statut officiel de Savant et de toutes les contributions plus ou moins dangereuses que tu vas apporter au monde, mais aussi celle de baron. Tu as hâte, vraiment hâte. En attendant, tu profites des retrouvailles avec ta famille, avec tes amis, avec ta terre natale. Tu finis par prendre résidence définitivement à Vivessence, par prendre en charge les affaires de la baronnie, comme t’incombe ton statut. L'intendant du domaine reste malgré tout à tes côtés, au vu de ta personnalité un brin volatile. Tu lui en es reconnaissant car il s'agit là d'une grande responsabilité – et cela te permettra de te consacrer encore majoritairement à tes inventions.
 
L'été 999 n'est pas encore terminé que, secrètement, tu organises déjà une escapade rapide à Lorgol. Tu as un but précis en tête et cela fait bien longtemps qu'il mijote dans ta tête. D'abord juste une idée flottante, intervenant ci et là dans tes pensées, il s'est endurci avec les années et s'est imposé à toi comme une évidence. Ton cursus à l'Académie t'a empêché de passer à l'acte, mais ce temps est révolu.
Quelques jours avant la fin du mois d’août, tu t'introduis donc illégalement dans l'un des nids situés non loin de la Caserne de Serre, à la recherche d'un individu griffon avec qui créer un contact. Tu n'es pas certain d'y parvenir, mais tu gardes espoir – et tu croises les doigts pour ne pas être chassé à coups de bec. Tu as vu la relation que ton aîné entretenait avec Soie, tu les envies, bien plus que tu ne pourrais l'avouer. Tu n'auras jamais ce qu'ils ont sans la formation adéquate, mais cela t'importe peu.
Au final, tu n'es pas déçu. Tu croises le regard d'une griffonne ébène dont l'une des ailes semble anormale et tu sens que vous êtes faits pour vous entendre. Elle s'approche de toi, te montre un procédé duquel ressort une espèce d'huile transparente, huile qui prend feu instantanément. Tu as le sourire jusqu'aux oreilles : vous êtes réellement faits pour vous entendre.
Vous repartez ensemble avec toute l'insouciance qui vous caractérise déjà après un salut aux griffons du nid.

Au début de l'an 1000, Castiel reprend son trône et les choses semblent reprendre leur chemin assez naturellement. Melsant fait sont retour en Sombreciel, à la fin de cette année. Mélusine, Castiel et toi vous rendez à Automnal pour préparer sa venue comme il se doit.
A la fin du mois de janvier 1001, tu assistes à l'anniversaire de Chimène de Faërie. Tes tentatives pour dissiper les tensions croissantes sont une réussite, en un sens un peu particulier. Seulement les choses dégénèrent considérablement – même si tout n'est pas de ton fait. La réprimande de Mélusine, plus tard, te fait rougir comme l'enfant que tu étais autrefois.
En mai, tu endosses le rôle d'écrin pour une de tes missions les plus importantes en tant que Fou blanc. Les enlèvements, les vivenefs ensorcelées, la Marie Sanglante. Trois pièces noires et toi intervenez pour sauver ces gens innocents. Vous accomplissez votre devoir, vous finissez même sur l'île mystérieuse. A ce moment-là, tu suis l'exemple du Roi et du Fou Noir, qui décident de ne pas compromettre leur neutralité, et tu rentres, votre tâche accomplie. Pourtant, ton esprit déjà si curieux s'aiguise avec ces événements. Les Amoureux du Vent, leur magie interdite par la Trêve, leur place dans le monde. Tu te prends à te questionner, à vouloir en savoir plus, à creuser, et tu n'es pas sans ignorer le silence parfois pesant qui te répond ou les réponses qui n'en sont pas réellement.

Tu es présent au couronnement de Chimène de Faërie, comme le sont tous les membres de ta famille. L'épisode avec Alméïde met à mal nombre de relations et il s'en faut peu pour que Chimène ne soit pas couronnée. Tu es également présent au Tournoi des Trois Opales et tu encourages votre champion, Mayeul de Vifesprit, comme tout le reste de ton duché – et si tu te rinces un peu l'œil au passage, personne n'est là pour te juger. Seulement, là encore, les choses tournent mal : attentats multiples, prise de contrôle de l'arène par des mages de l'Ordre , effondrement des gradins dont tes sœurs ressortent vivantes – s'il leur était arrivé quelque chose… ! Melsant te trouve et tu n'as jamais été si soulagé de le voir.

A la toute fin octobre, Iseult finit par te faire ses adieux. Elle t'explique qu'elle ne veut pas risquer ton esprit fantasque et insoumis, qu'il apportera assurément de bien belles choses à Arven. Elle ne veut rien brider, rien entacher ; elle veut que tu puisses vivre ta passion librement. Tu reconnais la vérité et la beauté dans ses mots, mais tu soupçonnes un double sens. Tu as appris avec le temps combien le libre arbitre était important à ses yeux et combien elle était insaisissable, par moments – vous vous ressemblez, en ces points. Malgré la cohérence de ses dires, tu sens que quelque chose autre a forcément motivé cette brusque décision. Tu ne saurais l'expliquer, tu le ressens simplement.
Alors, elle te laisse le temps de te faire à l'idée, de consentir à ses mots… et c'est ce que tu fais. Tu acceptes le fait que quelque chose a sonné ta dernière heure parmi les écrins de la Rose Ecarlate, que quelque chose t'a perdu, mais que tu ne pourras jamais mettre le doigt dessus. Iseult te demande une dernière virée ensemble et tu l'obliges avec une mélancolie et un plaisir immenses. Une dernière fois dans ton corps, dans ton monde ; une dernière fois dans son esprit et celui de Sulfure, dans leur univers sans limite ou presque. Puis les adieux et ton cœur au bord des lèvres, meurtri par leur disparition.
Tu n'en garderas cependant aucune rancune ; cela t'aura simplement appris quelques leçons.

Peu après, tu es aux côtés de Castiel, Mélisende, Melsant et Arsène à la Samhain, en Outrevent. Tu apprends l'horreur qu'il s'est passé durant cette fête en Sombreciel, à ton retour, et tu restes bouche bée devant ce que l'Ordre est capable de faire. Tu t'endors aux côté de ton frère en pleine guérison, cette nuit-là, sous l’œil veilleur de votre aîné.
Au final, l'enchaînement de tous ces événements et d'autres auxquels tu n'as pas assisté met le feu aux poudres. Tu sens, comme nombre de gens, que la guerre est aux portes d'Arven. C'est à ce moment-là que tu commences à t'intéresser réellement au savoir du Temps, choisissant de participer aux grands schémas du Destin à ta façon. Tu passes un nombre d'heures considérables dans les archives disponibles à Euphoria, tout en prenant contact, en parallèle avec Alice Libelle, archiviste à l'Académie.
 
Finalement, la guerre est déclarée le 26 janvier 1002 et ta vie s'en retrouve complètement chamboulée. Tu dois quitter ton duché. Tu dois quitter ta vie et aller te réfugier en terre neutre, à Lorgol. Tu n'as pas le choix : tu es reconnu comme mage. Les risques sont trop grands, même si Castiel, ton frère, est duc et que la politique en la matière est plus laxiste. Pour toi, mais surtout pour les êtres chers à ton cœur.
Alors tu prépares tes affaires. Tu confies à nouveau les clefs de Vivessence à ton intendant. Tu fais un détour discret par un nid de griffons ébène, à la frontière kyréenne. Ils ont accepté d'offrir refuge à Naphte durant ton exil et tu leur en es infiniment reconnaissant. Après leur avoir déclaré solennellement que tu as une dette envers eux, tu dis tes au revoir à Naphte et lui promets de revenir la voir dès que tu pourras. A Euphoria, tu fais des adieux temporaires à ta famille, le cœur lourd – Castiel, que tu laisses à nouveau, par Mnémosie.
Une fois arrivé à destination, tu emménages dans la tour de Séverac et réinvesti la tienne, dans la Ville Haute, en attendant de voir comment les choses se déroulent. Tu fais d'ailleurs tout pour t'occuper l'esprit. Tu travailles d'autant plus sur le Savoir du Temps, tes rencontres avec Alice devenant régulières. Tu inventes, tu crées plus que d'habitude. Tu te penches davantage sur la théorie de ton prototype de montgolfière, qui a injustement dû rester en Sombreciel. Tu te rends parfois à la Guilde des Mages. Tu visites certaines de tes connaissances. Mais, surtout, tu ne cesses de t'enquérir des nouvelles du monde.

Le 1er mars, ton neveu vient au monde dans un chaos sans nom. A peine a-t-il expulsé son premier cri que ta chère Mélusine se retrouve à l'article de la mort. Toute la famille est mandée dans les plus brefs délais et tout le monde s'active autour d'elle. Tu tiens dans tes bras pour la première fois le petit Meldred et tu es aussi heureux de ce fait qu'angoissé à l'idée de perdre ta sœur. Fort heureusement, elle s'en sort et toi comme ta famille veillez sur elle jusqu'à son réveil complet.
 
Tu t'éveilles le 14 avril complètement désorienté, au Gouffre de Roc-Epine, avec tout un tas de notes et une poignée de personnes semblant indiquer que tu es soigneur de dragons onyx. En Lagrance. Autant dire que les quelques jours avant tes retrouvailles avec Agathe Martel, qui ne s'est pas éveillée de suite, ont été compliqués. Vous êtes ensuite bien vite partis pour Lorgol, suivant l'appel qui résonnait en vous. Là-bas, tu as fini par y retrouver une partie de ta famille et ton Castiel en bien mauvais état. Des jours sombres. Les rumeurs sont allées bon train et l'Ordre a vite été soupçonné de cette manigance. Tu as tenté de retrouver Alice Libelle, ta partenaire de recherches, afin d'étudier toutes les possibilités, de tenter de faire quelque chose pour contrer ce monde d'illusions.
Le retour dans la vraie réalité a été un soulagement. Tu as choisi de te souvenir de tout ça, pour être certain d'avoir en mains toutes les clefs des événements : peut-être tout cela te sera utile pour tes recherches.
 
A l'occasion de la foire de Svaljärd, fin juillet, tu fabriques un porte-bébé en harnais et fourrure spécialement pour bébé Meldred. Tu regrettes tellement de ne pas pouvoir t'y rendre cette année, de ne pas pouvoir t'y balader avec ta famille, de ne pas pouvoir faire partie des exposants, de ne pas pouvoir concourir, mais Valkyrion oblige. Être confiné à Lorgol, qui pourtant a toujours été synonyme de liberté pour toi, de terres propices à toutes les possibilités, commence à te peser. Tu te sens parfois oppressé par cette ville pourtant immense, plus ouverte que n'importe quelle autre. D'autant plus que la guerre demeure aux frontières et que la Paix semble bien loin. Tu n'es pas près de retrouver ta vie et ton duché, à ce rythme-là.

Pendant la suite du livre II :

– La Foire de Svaljärd apporte nombre de malheurs : la mort de l'impératrice Catarine, le coma de l'empereur Augustus, les sentinelles meurtrières, le feu à la Caserne, mais surtout, l'arrivée en catastrophe d'une Mélusine blessée. Tu es immédiatement prévenu et prends les mesures nécessaires, d'autant plus lorsque le Cavalier apparaît devant toi pour déposer les enfants de ta sœur. Tu passes outre le pincement à ton cœur et continues de prendre les choses en mains : soins, toilettes, nouvelles à la famille. Tu demandes à Agathe et Arsène de t'expliquer ce qu'ils savent et tu es horrifié. Une fois Meldred confié à une nourrice, tu te fais un devoir de prendre soin des deux plus grands en attendant des améliorations.
– L'épidémie magique est dévastatrice et tu te retrouves embarqué dans ce grand projet de sauvetage. Tu travailles avec Lancelot, ami de longue date, à dupliquer l'abeille, bijou du Savoir du Temps, et vous réussissez. La maladie se déclare chez toi dans la nuit du 12 au 13 août, une fois à Ibelin ; dès le lendemain, tu accompagnes un convoi ibéen, qui rassemble accompagnants et mages jusque-là cachés, jusqu'à Roc-Epine. Le voyage est long, compliqué et la maladie ne fait qu'empirer. Tu perds ton lien avec Lichen et finit par sombrer dans les hallucinations. Le 21 septembre, l'antidote vous est accordé et tu en ramènes pour tes gens, à Vivessence. Tu retournes à Euphoria et apprends pour l'accident de Castiel et sa magie. Tu lui administres sans tarder l'antidote.
– Après un aller-retour à Vivessence survient la naissance de la petite odette, le 9 novembre et tu es tellement heureux pour ton frère. Le 20 novembre, tu es cependant de retour à Lorgol par escorte griffon, en prévision du Jour des Anciens, auquel tu es convié. Tu retrouves une partie de ta famille, Valentin mais aussi Lichen et Septère.
– Le Jour des Anciens ne se passe pas comme prévu. La Chasse sauvage est libérée et tu es horrifié par tant de morts et de violence. Beaucoup périssent devant tes yeux et tu aides à ta manière. Tu écopes de quelques blessures, mais rien de permanent pour la suite. Tu découvres cependant l'identité de certaines pièces parmi tes proches et moins proches et apprendras plus tard avec désolation la disparition des Pièces. Une fois le massacre terminé, tu remarques le comportement anormal de Castiel, mais rentres tout de même avec lui une fois soigné. Il t'abandonne en chemin sans un mot et tu rallies la tour de Syvamir, perdu.

 


La Chasse Sauvage est libérée et arpente librement le continent. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
• Une terreur sans nom. Tu étais là, quand elle a été libérée. Tu as ressenti sa noirceur dans l'air. Tu as vu les bêtes monstrueuses déchiqueter la chair, écraser les corps de leur pattes imposantes. Tu as senti leurs crocs et leurs griffes dans ta propre chair. Tu as vu combien il est difficile de se mesurer à elles. Tu as vu les Banshees, gardiennes fuies et non moins létales que les chiens, vous annoncer votre ruine imminente. Tu as entendu ces gens, qui étaient là quand la Chasse a quitté l'Académie, raconter l'horreur vue de l'extérieur. Alors, savoir qu'elle erre en Arven et sème le chaos sur le continent ne fait qu'alimenter ta terreur. C'est pire que la guerre, pire que la disparition de la Rose, pire que l'Ordre, pire que tout ce que vous avez connu jusque-là. Tu ne donnes pas cher de votre peau, si une solution n'est pas trouvée au plus vite.

Une trêve hivernale a été déclarée entre Ibélène et Faërie. Comment ton personnage voit-il la guerre entre les deux empires ?
• Tu ne l'approuves pas. Tu ne comprends pas comment toutes ces pertes, toute cette souffrance pourraient solutionner les inimités entre les deux empires. Seulement, tu sais aussi que les enjeux sont plus grands encore et que trop de variables restent inconnues. Vous n'êtes que des pions sur un échiquier. Cette guerre a été suggérée, le doute a été instillé et les choses ont dégringolé. l'Ordre en est l'un des acteurs, mais il y a d'autres raisons : ces magies et savoirs enterrés et revendiqués, ces gens qui en souffrent et qui doivent vivre exilés au détriment de votre supposée liberté, ces personnes qui courent après le pouvoir et profitent du chaos. Beaucoup de choses restent à découvrir et tu sais qu'il faudra d'abord régler les erreurs du passé pour espérer rendre à Arven la paix quelle mérite si fort.

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• Elle ne t'oppresse pas réellement. Tu as côtoyé cette ville longtemps durant ton cursus scolaire à l'Académie qui a tout de même duré 10 ans. Sans la connaître parfaitement, tu as appris son rythme et ses mélodies, différentes chaque jour et selon les endroits. Tu t'y sens bien en général, même si tu es bien plus prudent quand tu dois pénétrer dans la Ville Basse, pour des raisons évidentes. Lorgol aura toujours une place spéciale dans ton cœur, même si, cette année, elle est devenue synonyme d'exil et d'éloignement d'avec ta famille.

Questions du livre II :
 

 

Dans la vie, je m'appelle lukazu et j'ai 30 ans. J'ai découvert le forum via PRD et Astarté et voici ce que j'en pense : beaucoup de bien :haww: Je rempile pour un deuxième compte du coup. :cute:



Récapitulatif

Melbren de Séverac

Mise à jour des registres et bottins



♦️ Landon Liboiron
♦️ Compte principal : Non

♦️ Noblesse : Baron / Vivessence / Sombreciel
♦️ Magie : Eté / Destruction / Aucune
♦️ Familier : Lichen / Martre des pins / M
♦️ Griffon : Naphte / Ebène / F / 5 ans
♦️ Savoir : Pensée / Mécanique / Engins
♦️ Affiliation : Ancien Fou Blanc, d'octobre 996 à octobre 1001




Melinda Orlemiel et Melbren de Séverac

Bien le bonjour sur les pavés

28 juin 1002


Tu bailles à t'en décrocher la mâchoire. Tu n'as pas envie de sortir du lit. Cela t'arrive plus fréquemment ces temps-ci, tu l'as remarqué. Tu en connais la raison, mais tu ne peux y faire grand-chose. Un claquement de doigts ne permettra pas de régler le conflit qui déchire Arven depuis plusieurs mois. Tu dois t'y faire : tu ne rentreras pas en Sombreciel de sitôt. Tu dois te contenter des lettres et quelques visites. Il y a notamment eu la naissance de bébé Meldred et l'interlude durant la réalité altérée, mais le Destin semblait avoir décidé qu'un bonheur était forcément contrebalancé par un malheur. Dans tous les cas, tu as hâte de les retrouver tous : ta famille, tes amis, ta grifonne, ton domaine, ton duché.
Tu soupires, fermes les yeux mais te forces instantanément à les rouvrir. Il est hors de question que tu te laisses aller ne serait-ce qu'un jour. Si ton insouciance habituelle te fait défaut ce matin, tu la forceras à pointer le bout de son nez. Il le faut. Tu n'aimes pas être ainsi : un peu morose, trop nonchalant, définitivement bien trop caché dans les jupons de Uld car il est facile de se trouver des excuses quand on est celui qui est en sécurité à Lorgol, maîtresse des Territoires Libres.

Tu en es à ordonner à ton corps de se mouvoir quand : Quand il aura fini de se lamenter, Môsieur daignera-t-il se lever ? Il a rendez-vous avec Mademoiselle Libelle dans la matinée, au cas où il l'aurait oublié. Impossible de faire fi du sarcasme dans les paroles de Lichen, ton Familier. « Gnagnagna… » Réponse éloquente et mature. Tu le sens soupirer de cette lassitude teintée d'une certaine affection. Gamin. Tu passes une main sur ton visage, un léger sourire aux lèvres. « C'est bien pour ça que nous nous sommes trouvés, mon cher. » Lichen t'envoie un humpf qui te fait glousser doucement. Cependant, tu t'arrêtes en plein milieu, quand il sort de nulle part et vient s'écraser sur ton ventre, sans aucune grâce ni considération. C'est pour les faibles, la grâce et la considération. Pendant ce temps-là, toi, tu reprends ton souffle, coupé sur le coup.

La journée promet.

***

Lichen a eu raison de toi. Tu as cédé, non par lassitude – tu es habitué aux jacasseries occasionnelles de Lichen –, mais parce que tu allais réellement finir par te mettre en retard, à ce rythme-là. Tu perçois le reniflement goguenard de ladite martre dans un coin de ta tête et tu choisis de l'ignorer. Tu te concentres sur ton objectif de la matinée : rejoindre l'Académie et la charmante Alice. Tu es en train de rejoindre la mage des portails auquel tu fais régulièrement appel, les quelques pièces à glisser pour le service déjà prêtes dans l'une des poches de ta sacoche.

Pourtant, le Destin semble avoir décidé que, oui, tu serais probablement en retard, après tout. Tu baisses un instant les yeux, le brillant d'un objet au sol les attirant subitement, et, lorsque tu les relèves, tu réalises que tu vas percuter quelqu'un par l'arrière. Tu n'as pas le temps de t'arrêter ou de prononcer des mots d'avertissement que tu bouscules la personne. Ton nez cogne contre l'arrière de son crâne, ce qui fait apparaître des étoiles devant tes yeux durant un instant. « Ow. Par Anzaplasthe. » Tu couvres la partie douloureuse avec tes mains par réflexe. « Je vous prie de m'excuser, tu déglutis, je n'étais pas attentif. » La douleur remonte par pulsation dans le nez ; c'est là une sensation très désagréable qui accapare toutes tes pensées l'espace d'un instant ; tu n'as pas encore eu le réflexe de regarder la personne que tu viens de déranger.
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Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptyJeu 10 Jan 2019 - 16:05

[Mab] présente

Moira
Guingois

Raffey Cassidy

« J'ai besoin qu'on m'aime, moi ! C'est trop demander ?  »

S'ils étaient là, ses frères pourraient voir à quel point leur petite sœur qu'ils pensaient devoir protéger à longueur de temps est devenue débrouillarde. A l'âge de quinze ans, elle travaille pour payer son logement et sa nourriture, ce qui est bien plus que ce que ses parents n'ont jamais fait pour elle. Et en plus, elle est élève mage à l'Académie et est bien déterminée à aller le plus loin possible.

Son ambition prend racine dans la difficulté de son enfance, à présent qu'elle voit une petite porte s'ouvrir, une petite chance de devenir quelque chose d'autre que la petite gueuse des canaux, Moira refuse de donner moins que le meilleur d'elle-même. Alors oui, il lui arrive de rencontrer des obstacles, comme ce fichu apprentissage de la lecture qui se déroule bien trop lentement, mais si c'est vraiment insurmontable, elle contourne, maintenant qu'elle a le luxe de le faire. Pour l'instant elle progresse dans son domaine et c'est tout ce qui compte, c'est l'inertie qui désespère.

En réalité, beaucoup de choses l'atteignent. Cette hypersensibilité est à double tranchant car percevoir les choses de manière plus intense peut s'avérer exaltant ou au moins utile comme être une source d'angoisse incontrôlable. On pourrait dire de Moira qu'elle exagère souvent et qu'elle est très susceptible, car c'est impossible pour elle d'avoir un regard objectif sur ce qui lui arrive ou ce qu'on lui communique. Elle prend tout personnellement et a très à cœur de ne pas se faire haïr. En fait, c'est même plus que ça, elle a un besoin d'attention intarissable, elle qui en a toujours eu si peu et qui refuse de se sentir abandonnée une fois de plus.

Mais accepter le fardeau de devoir s'occuper d'elle récompense de la plus loyale des amies. Moira ne trahit pas les siens, lorsqu'elle apprécie quelqu'un, elle choisit son côté et est difficilement capable de prendre du recul si cette personne agit de façon discutable. D'une manière générale, elle est très tolérante et accepte tout le monde qui veuille bien d'elle. Si un de ses proches fait un faux pas la concernant, ce qui arrive assez souvent à cause de sa sensibilité, elle ne met pas longtemps à lui pardonner. En général, une fois la crise de larmes passée, elle oublie vite.

Néanmoins, elle admet peu ses torts, car elle a une certaine fierté. Echouer la vexe, mais qu'on lui fasse remarquer la vexe encore plus. Mais le pire pour elle, c'est d'être jugée sans qu'on ne la connaisse. Elle sait d'où elle part mais ce n'est pas une raison pour lui marcher sur les pieds. Même si elle est de la plus basse des classes sociales, elle refuse d'être rabaissée, elle sait qu'elle a de la valeur. Si elle ne s'en prend pas aux autres gratuitement, elle a beaucoup de mal avec ceux qui partent du principe qu'elle leur est inférieure.

Malgré tout, la richesse l'émerveille et elle se révèle assez cupide, même si elle n'est pas en mesure d'accumuler beaucoup de possessions. Elle n'irait pas jusqu'à préférer l'argent aux personnes, mais pourquoi choisir ? Elle peut se lancer dans de petites économies, plus ou moins bien acquise, de toute façon on ne demandera jamais à la pauvresse de faire preuve de générosité.



©️️ Mab
Moira n'a jamais perdu l'habitude de récupérer tout ce qui brille. Elle aime trouver des cachettes pour y garder ses babioles comme un trésor, qu'elles valent plusieurs fleurons ou trois clous. Elle ne connaît la pauvreté que trop bien, alors elle y tient à ses affaires ! Et elle n'hésite pas à les changer d'endroit si elle sent que son butin est menacé. Jusque là, personne ne l'a trouvé mais il lui est déjà arrivé de se faire prendre la main dans le sac. Alors honteusement, elle promet de ne plus recommencer, le mensonge vaut mieux que la privation.
Ensuite, elle change d'endroit ou peaufine sa méthode.
Et petit à petit, le trésor s'agrandit.



©️️ Always mindful of her duty
Âge : 15 ans
Date et lieu de naissance : 16 avril 988 à Lorgol
Statut/profession : Elève mage de l'automne (domaine du rêve) ; serveuse et aide-cuisinière à la Taverne de la Rose pour y payer sa pension de logement et de nourriture
Allégeance : Pénélope de Bellancre, Enchanteresse de l'Automne
Dieux tutélaires : Lorilis, la Presque-Grande (Comme ses parents n'en avaient pas grand chose à faire, ce sont ses frères qui ont choisi pour elle et elle se retrouve donc sous la tutelle d'un dieu idiot, merci les frangins !).
Depuis ses débuts à l'Académie, Moira se retrouve plus dans Trelor et Aura.
Enfin, il lui arrive de temps en temps d'invoquer Bibounette, parce qu'une bonne kleptomane est une kleptomane bénie des dieux.  
Groupe principal : Les Gardiens de la Tradition
Groupes secondaires : Peuple / Mages


Le vieux est parti soit disant travailler, mais il va arriver au port en transpirant l’alcool, s’écrouler dans un coin pour pioncer et se faire jeter parce qu'il n’en fout pas une. Comme à chaque fois. Sa femme est on ne sait pas où, partie offrir ses jupons pour une heure de plaisir avant de se replonger par la misère du quotidien. Ses gamins à lui, pas à elle, ont entre sept et treize ans. Parfois on leur donne une bricole en échange d'une petite tâche, mais rien de folichon, ils ont si mauvaise réputation ! Alors sans vrai travail, c'est la débrouille : petits larcins par-ci, petites escroqueries par-là. Nous sommes le vingt août 995 et les événements à venir marqueront le début d’une longue série de drames dans la vie de Moira Guingois.

En réalité, la famille Guingois était enveloppée de malheur depuis bien longtemps, comme si Uld l’Infortuné s’était installé dans la chambre à l’étage pour faire des croche-pattes aux petites vies de ses habitants. C’était dans cette petite boutique délabrée qu’ils s’entassaient tous, naissance après naissance, et il y avait d’ailleurs bien longtemps que ladite boutique avait été privée de son usage premier. En donnant son premier fils, Maud Guingois - Outreventoise venue à Lorgol vendre des écharpes - avait abandonné l’artisanat pour se consacrer à la vie de mère jusqu’à son dernier souffle en accouchant de Moira. Foulques Guingois - Bassois et miséreux de naissance - avait tout simplement toujours été un bon à rien, qui ramenait trois sous de temps en temps et en prenait un tiers pour s’acheter à boire. Lorsque sa femme périt, il épousa sa maîtresse. Elsie Guingois - jeune Bassoise paumée - n’avait jamais eu la moindre attention pour les enfants de Foulques et devint encore plus amère après avoir perdu le sien.

Pourtant la vie de Moira Guingois ne lui avait semblé jusque là pas fondamentalement cruelle, car la misère de sa vie était adoucie par la bienveillance de ses frères. Pas au début, certes, lorsqu’ils étaient frustrés de voir leurs rations une fois de plus se réduire ou lorsqu’ils pleuraient avec colère la mort de leur mère - après tout c’était ce nouveau bébé qui l’avait achevée. Puis c’était une fille, il faudrait sans arrêt la protéger et elle ne pourrait pas jouer à la bagarre. Mais très vite, ils se prirent d’affection pour la petite dernière et s’occupèrent de l’initier à leurs jeux de garçons. Le chef de la bande, c’était Galleg - plus six ans, venait ensuite Guerec le hardi - plus cinq ans, Godwall l’impulsif - plus quatre ans, les jumeaux Glen et Gwyn - plus trois ans et demi, Gregor - plus deux ans et trois quarts - le plus gentil, et les minus Goll - plus deux ans et des poussières - et Gennan - plus un an et demi. Lorsqu’elle fut en âge de marcher et presque parler, elle fut intégrée à la bande et jamais durant toute son enfance elle ne se sentit seule.

Revenons à ce vingt août 995 où, comme à leur habitude, la bande se déploie dans la Ville Basse pour faire des poches ou embrouiller des voyageurs, selon les préférences et les opportunités. Moira est plutôt forte à ce jeu, même si elle est crasseuse et en haillons, elle arrive à effacer toute méfiance avec ses grands yeux bleus desquelles émanent une innocence presque feinte. Comme les autres fils et filles de Lorgol, elle connaît ses rues par cœur, elle sait où aller et où ne pas aller. Car elle le sait, la bande des Guingois, qu’ils risquent gros à arpenter les ruelles comme si elles leurs appartenaient. La Ville Basse appartient à la Cour, alors il ne faut pas être trop gourmand. Et pourtant.

Pourtant ce jour-là, les deux aînés embarquent Moira dans une rue qu’elle ne connaît pas. Ils ont repéré quelques étrangers qui passent depuis quelques jours loin des regards en marchant au rythme des pièces clinquant à leur ceinture. Loin des regards ? Ô les malheureux ! Ils sauront bien assez tôt que les yeux des Miracles sont partout. En réalité, ce n’est pas la première fois qu’ils dépassent les limites. En effet depuis quelques temps, les aînés Guingois ont commencé à voir un peu plus gros que la simple nécessité, la broche “de chef” que Galleg arbore fièrement en est la preuve. Et tant que ça marche pourquoi s’arrêter ? Pourquoi ne pas viser encore plus haut ? Ces étrangers sont inconscients et richement vêtus, si leur monnaie est assortie à leurs étoles, ce vol sera leur plus gros coup et pour la première fois la fillette est de la partie.

Elle sent l’adrénaline monter. Elle connaît son rôle, celle de l’enfant maigrelette et perdue, prête à verser sa petite larme pour appuyer sa performance. « S...S’il vous plaît… Aidez-moi…” Toux. Sanglots. “J’ai… j’ai… j’ai... perdu ma maman… » Comme prévu, les étrangers prennent l'enfant en pitié, se baissent à son niveau, essaient de la consoler et pendant que la diversion fonctionne, les aînés Guingois s'emparent de leurs bourses et se mettent à courir. « EH ! » En se sentant d'un coup allégés, les victimes délaissent la petite qui s'enfuit dans ces ruelles qu'elle connaît si bien. Elle se faufile dans les croisements et escalade les obstacles. L'adrénaline accentue sa vitesse et son agilité, la satisfaction d'avoir réussi son coup est encore plus grande que celle de savoir qu'avec leur gain, ils pourront enfin se faire plaisir et pas seulement survivre. Elle s'est assez éloignée et ses frères ne doivent être dans les parages, pense-t-elle. Les rues de la Ville Basse ne sont jamais très propres, l'odeur des égouts vous prend les narines et vos pieds ne marchent jamais sur des pavés immaculés, mais alors qu'elle ralentit, elle sent que quelque chose n'est pas normal. Ses pieds nus foulent un sol ensanglanté et au détour d'une ruelle, dans un recoin silencieux, elle les voit avec horreur.

Les deux cadavres de ses frères, traînés jusqu'ici et baignant encore dans leur sang.

Moira sent son cœur s'emballer et le souffle lui manquer, ses yeux ne quittent pas les corps et elle ne voit même pas qu'il y a quelqu'un d'autre, jusqu'à ce qu'il lui attrape violemment le bras. La tirant brusquement en face de lui, le type plante ses yeux dans ceux de la fillette et lui dit d'un ton menaçant : «Ecoute moi bien, toi. Personne ne s'immisce dans les affaires de la Cour, la prochaine fois tu y passes aussi. Transmets le message.» avant de la lâcher et de s'en aller. Incapable de faire autre chose, elle éclate en sanglots et tombe sur ses genoux.


Galleg avait toujours réussi à tenir la bande soudée, c'était l'aîné et donc le chef et ça n'avait pas été tous les jours facile d'être sous ses ordres, mais au moins il avait toujours des idées de choses à faire. Il s'était toujours senti responsable de ses frères mais c'était bien Guerec qui avait forcé pour intégrer leur petite sœur à la plupart de leurs jeux. La perte de l'un et de l'autre éclata complètement le groupe et la menace de la Cour des Miracles fonctionna à merveille puisque plus aucun d'entre eux ne vola même le moindre fruit sur un marché. Moira était plus affectée que les autres, chaque nuit tourmentée par des cauchemars, elle éclatait en sanglots assez souvent et n'osait même plus mettre un pied en dehors de chez elle. Irrité par ses pleurnicheries, son père la cognait pour la faire taire... ce qui ne marchait pas mieux. Parfois Gregor ou Goll s'interposait et se prenaient une rouste à leur tour, ce qui dissuadait les autres de prendre la position de leur frangine. D'une manière générale, Foulques Guingois, en permanence sous l'emprise de l'alcool, brutalisait femme et enfants, dès que quelque chose ne lui convenait pas. Lorsque l'hiver suivant commença à transpercer les murs mal isolés de la maison et que l'humidité et la fraîcheur se firent insupportable, Gwyn tomba malade. Tout comme les autres, les jumeaux avaient été refroidis par l'assassinat de leurs aînés mais pour sauver son double, Glen reprit du service, visant cette fois la Ville Haute. Le malheureux ne fit pas long feu, pris sur le fait par le vigile, à se débattre pour ne pas y laisser sa main, il y laissa sa vie. La nouvelle de la fin tragique de sa tentative de vol finit d'achever Gwyn qui se laissa périr au commencement de l'année suivante. Moira fêta ses huit ans en avril en prenant la décision de ne jamais finir comme ses parents ou comme ses frères.

Lorilis, entends-moi,
C'est toi que mes frères ont choisie pour me protéger. Pour mon anniversaire, je fais le vœu de ne plus dépendre de personne. S'il te plaît, aide moi ! Donne moi un petit coup de pouce ou un petit coup de chance. Je n'ai plus de famille. Mon père me hait, ma belle-mère s'en fout de moi et mes frères... Avant on se serrait les coudes, maintenant c'est chacun pour sa pomme. On a perdu nos aînés, on a perdu nos repères. J'sais plus quoi faire, j'peux pas rester ici. Mais j'peux pas sortir non plus. Ils sont là, ils me guettent, si je fais le moindre faux pas, je vais mourir. Est-ce que c'est pas mieux de mourir plutôt que de vivre une vie lamentable ? J'parie que si je mourais, je manquerais à personne. Ils ont presque pas réagi quand c'était Gwyn... Non. Non ! Je vaux mieux que ça hein ? Je te promets, Lorilis, je vais m'en sortir. J'espère que tu m'entends, parce que sinon, ça voudrait dire que je suis vraiment toute seule. J'ai besoin qu'on m'aime, moi ! C'est trop demander ?


Peut-être n'était-ce qu'un tour de son esprit, mais une fois sa prière achevée, Moira sentit l'envelopper la tendresse de la protectrice de Ceux qui Méritent des Câlins. Après tout, on les disait idiots, ces dieux, mais elle était convaincue qu'ils pouvaient faire autant de miracles que les autres. En tout cas, ce recueillement lui donna le courage nécessaire pour remettre un pied dehors, affrontant le traumatisme qui se ravivait à la vue des pavés. A partir de cet instant, elle recommença à cavaler dans la Ville Basse, parce qu'en dépit de sa misère et de sa violence, Lorgol était son foyer, c'était la seule ville dans laquelle elle avait vécu et par conséquent, c'était sa préférée. Evidemment, rien n'était comme avant. Parce que cette fois elle était seule et bien moins rassurée. Elle ne pouvait plus rester une fois la nuit tombée, lorsque les ombres se faisaient trop nombreuses et qu'elle s'attendait à voir surgir à chaque coin de rue quelqu'un pour se saisir de son bras. Mais rien que les journées apportaient un souffle de liberté bienvenu.
De leur côté, ses frères s'employaient à trouver du travail, plus ou moins honnête, car même si leur nombre avait été réduit de moitié, la portion accordée par leur père aussi, et il restait très dur de manger à sa faim. Goll s'était mis dans la tête de rentrer à la Cour des Miracles, ce qui lui avait valu de se faire haïr de tous les autres. Il était bien trop jeune, mais il se disait que s'il réussissait à se faire des amis bien placés, il pourrait se faire pistonner. Qu'on se le dise, Goll n'était pas le plus malin de la fratrie. Il périt quelques mois plus tard en chutant d'un toit alors qu'il essayait de se prouver qu'il avait le talent d'un cambrioleur. Moira était plus subtile, une fois son angoisse d'être prise diminuée, elle fut capable de subtiliser de temps à autre une petite pièce ou un petit objet dans les sacoches des rues surpeuplées. Le tout pour elle était de rester discrète et de bien cacher son trésor. Elle se prit, telle une pie, à aimer collectionner ce qui brillait et retirait une certaine fierté de son habileté. Jamais elle ne dévoila ce secret au moindre de ses frères, plus le temps passaient, plus ils lui semblaient incapables et moins elle leur faisait confiance.
Surtout à Godwall, qui s'engageait sur la même voie que son père. Brutal, même si son frêle corps de gamin mal-nourri ne suivait pas son agressivité. Il n'y avait bien qu'avec ses jeunes frères qu'il pouvait prendre un combat et encore, il ne gagnait pas toujours. Il connut à son tour une fin précoce, au détour d'une taverne dans laquelle il passait le plus clair de son temps. Le corps battu à mort fut rendu à la famille, et on supposa qu'il n'avait pas cogné les bonnes personnes. Au bout de la sixième mort dans sa famille et la deuxième qu'elle jugeait d'une infinie stupidité, Moira se refusait à pleurer.

Le vent souffle, les portes claquent et le froid, toujours ce froid, est le sixième habitant de cette maison. Et il prend tellement de place, celui-ci ! Il s'immisce dans les couvertures de mauvaise facture, il va étrangler la gorge de Gregor et s'emparer du nez de Gennan. Moira n'arrive même plus à grelotter, les nuits sont trop dures depuis quelques semaines, mais le pire c'est qu'il n'y a plus rien à manger. Nous sommes en janvier 998 et si la misère est une habitude, cette fois elle est montée d'un cran. Elsie a dégotté de quoi préparer à manger pour un, elle en fera pour cinq. Alors qu'elle tourne dans un fond de marmite le peu de soupe en train de cuire, Foulques met un grand coup dans la porte d'entrée et s'avachit sur une chaise, une bouteille à la main pour changer.

« Tu devrais garder de l'argent pour acheter à manger. » qu'elle lui dit, la belle-mère. Il n'a pas le temps de lui rétorquer qu'elle n'a rien à dire qu'il sent sa bouteille lui échapper et se retourne pour en mettre une à Gregor. « J'vais t'apprendre à me voler, p'tit con ! » C'est sûr que l'alcool tient chaud et que le gamin est désespéré. De leur côté, Gennan et Moira son trop mal en point pour tenter quoi que ce soit alors lorsque comme à son habitude, Foulques récupère les assiettes qui leur étaient destinées, ils n'ont même pas la force de répondre.

« Foulques, la p'tite va clamser si elle mange pas un bout. » Etrangement, Elsie s'est trouvée un cœur, c'est bien la première fois qu'elle prend en pitié cette enfant qui n'est pas à elle. Mais Foulques, ça commence à lui taper sur le système qu'on fasse la loi à sa place dans sa maison, elle n'était pas aussi chiante la Elsie, lorsqu'elle n'était que sa maîtresse ! Il lui lance sa bouteille vidée, qu'elle esquive par habitude, puis il lui grogne : « Boucle-la un peu, femme ! T'as qu'à lui filer ta bouffe ! » Le silence s'installe dans la pièce et Moira rassemble toute ses forces pour ne pas faire tomber sa cuillère. Son ventre se desserre un peu, la faim se fait moins grande mais elle ne sait pas combien de temps elle tiendra comme ça. Gennan, lui, est à l'agonie, mais elle ne peut rien pour lui.

Il ne passera pas l'hiver.


Après avoir perdu un nouveau frère et manqué d'y rester eux aussi, les deux survivants de la fratrie se rapprochèrent. Il fallait trouver un plan pour quitter cette vie, avant de se faire cogner trop fort ou de crever de faim. Ce ne fut que dix-huit longs mois plus tard que le miracle qu'elle attendait tant rendit l'espoir à Moira Guingois. Car ses racines outreventoises maternelles avaient décidé de faire couler la magie en elle, en même temps que ses premiers sangs. Et si la fillette redoutait ce passage à l'âge adulte, elle accueillit avec honneur la visite de l'Automne et put imaginer enfin son avenir ailleurs que dans les abysses de la pauvreté. Elle fit part à son frère de son désir de rejoindre l'Académie et de maîtriser son don inné et en retour il lui confia son projet de devenir pirate. Chacun gardien du secret de l'autre, ils s'étaient jurés de partir dès que possible de leur maison, devenue invivable. Depuis sa dispute avec Foulques l'année précédente, Elsie s'était faite discrète et n'avait plus osé s'opposer à son mari. En cachette cependant, elle continuait à fréquenter d'autres hommes, ce qu'elle avait sans doute fait depuis son mariage et même bien avant, pourrait-on ajouter. Mais comme toute cachotterie qui se respecte, elle finit par être découverte et la colère de Foulques ne laissa pas à sa femme l'opportunité de s'en sortir. L'hiver de l'année 999 emporta à son tour une autre vie bien pitoyable du foyer Guingois. Pour Gregor, c'était une de trop et il refusait d'y passer ou d'y laisser sa sœur. Aussi l'emmena-t-il à la Taverne de la Rose, où il s'était fait des contacts. On accepta de laisser dormir Moira à la cave si elle se montrait utile, ce qu'elle ne manqua pas de faire car c'était bien la première fois qu'elle avait du travail. Ainsi devint-elle essuyeuse de beuveries et éplucheuse de patates, et bien d'autres choses encore. Elle prenait très à cœur son rôle auprès de son nouveau foyer, et de celui de Gregor, puisqu'il finit par devenir mousse de l'équipage qui passait ses hivers sur place.

Lorgol, le 16 juillet 1000
Cher Gregor,
C'est pas moi qui écris, comme c'est pas toi qui va lire je pense. Mais comme tu es en mer et que je ne sais pas quand tu vas revenir, je voudrais te dire que mon entretien à l'Académie s'est bien passé. Au début, j'ai rencontré des élèves qui disaient que je serais jamais prise parce que je ne sais pas lire et que c'est « indispensable » ils ont dit. C'est là que la plus gentille Enchanteresse du monde m'a fait venir dans son bureau et nous avons discuté ensemble de pourquoi je voulais étudier ici. Et elle m'a acceptée ! Elle m'a dit qu'elle allait me donner ma chance et je vais étudier le rêve avec elle. Ca a l'air beaucoup plus difficile que de faire des courants d'airs mais si elle m'a dit oui, il faut que je sois à la hauteur.
Pendant ce temps, quand j'ai du repos à la Taverne de la Rose, j'essaie de trouver quelqu'un pour m'apprendre à lire et à écrire mais c'est dur. Il y a bien des enfants cultivés ici, mais c'est hors de question que je demande à Sa Majesté, tu vois de qui je parle. De toute façon, j'arriverai bien à me débrouiller et ensuite c'est moi qui t'apprendrai comme ça on pourra s'envoyer des lettres sans que personne d'autre ne les lise.
A part ça, la vie est tranquille. J'ai pas recroisé le vieux et tant mieux. Ici, Touillette me donne des trucs à faire en cuisine, en général c'est pas très intéressant mais quand il reste trop peu de pâte, j'ai le droit d'essayer de faire quelque chose. En général c'est plutôt bon, mais tu sais bien que je suis pas difficile tant que ça se mange.
Tu me manques, je t'aime beaucoup !
Moira
PS : Tu me ramèneras un trésor qui brille s'il te plaît ?


Et comme prévu, le septembre suivant marqua sa rentrée à l'Académie où elle se mit à travailler très dur pour s'en sortir sans savoir lire. Il lui arrivait de profiter des cours de soutien menés par les anciens ou même de trouver quelqu'un de disponible, le soir à la taverne, mais l'apprentissage restait très compliqué et sa détermination finit par s'évanouir. En revanche en magie, elle se révéla plutôt bonne, comprenant assez vite comment réaliser les exercices donnés par ses professeurs. Elle ne savait toujours pas ce qu'elle allait faire plus tard, mais quand elle voyait une dame comme Pénélope de Bellancre enseigner son domaine, elle était inspirée et avait envie de devenir comme elle quand elle serait plus grande. D'ailleurs, elle laissait peu de répit à son professeur préféré, sans cesse à lui poser des questions juste pour passer du temps à ses côtés. Moira Guingois était ce genre d'élève, qui avait constamment besoin de plaire à ses professeurs, mais c'était bien l'Enchanteresse dont elle nécessitait le plus l'attention. Elle jalousait un peu les autres élèves, car elle était sans doute la plus gueuse d'entre tous. Lorsqu'il lui prenait l'envie, elle subtilisait l'air de rien un bouton sur le manteau d'un jeune noble ou un bijou pendant de la poche d'une bourgeoise. Elle n'avait perdu en rien son talent de voleuse et ajoutait toujours de nouvelles trouvailles à son petit trésor. Malgré tout, elle essayait de se tenir à l'Académie et de ne pas trop en faire car aussi douée qu'elle était, elle risquait gros à se faire pincer.

Pour la première fois de sa vie en 1001, Moira Guingois ne se rendit pas au Carnaval des Miracles. En effet, en ce jour qui attirait du monde venu de tous les duchés, une taverne à Lorgol ne pouvait pas se passer de ses employés, ce fut donc à contrecœur que la jeune serveuse, aide-cuisinière, présence-de-là-où-on-a-besoin, ne quitta pas son poste pour profiter des festivités. Après la disparition des enfants de Freyja de Brunante, elle finit par se dire qu'elle n'avait pas été aussi mal lotie. En revanche, le retour des mages du Sang était quelque chose qui l'inquiétait beaucoup, surtout que les gens à l'Académie ne parlait que de ça. La suspension des entretiens d'entrée, sans la concerner directement, rajoutèrent une dose de panique supplémentaire car il y avait un effet direct sur l'endroit où elle étudiait. Heureusement, la Taverne de la Rose fut repeuplée de sa marmaille en été et même si elle n'en était pas si proche que ça, Moira fut soulagée de voir qu'au moins une chose revint à la normale. En écoutant les récits des exploits de la Rose Ecarlate, elle  en devint une fervente supportrice, très impressionnée par ces combattants légendaires.

Début 1002, l’annonce de la guerre avait de quoi effrayer les populations, pourtant au quotidien la jeune serveuse de la taverne, n’en vit que quelques clients fraîchement débarqués à Lorgol. Il se racontait des mésaventures, de terrifiantes histoires mais tout ceci avait l’air si lointain. Au quotidien Moira Guingois était toujours la même élève de l’Académie qui poursuivait ses cours sans chercher les ennuis. Elle ne se sentait pas faë, malgré ses origines et son prénom outreventois, elle qui avait vécu toute sa vie à Lorgol. Et sa ville se faisait refuge de tous les exilés, tant et si bien qu’elle finit par être fermée aux étrangers. Privilégiée d’être épargnée, Moira écrasa dans un coin de sa tête ses rêves d’un ailleurs moins crasseux. Car la capitale des peuples libres, avait cet avantage de rester à peu près neutre.

Trame alternée :
Oubliez tout ce que vous savez, ici ni misère, ni père violent. Ni père du tout en fait. Ni belle-mère morte, ni frère non plus, mort ou vif. Nous sommes le 15 avril 1002 et en ouvrant les yeux à l'Académie, Moira ne se rend pas tout de suite compte que cette réalité est déformée. Elle a dû s'assoupir en classe voilà tout, et pourtant en regardant autour d'elle, elle reconnaît peu de visages et encore moins son professeur. Quoi qu'en y réfléchissant, elle a la sensation d'avoir déjà vu cette femme quelque part, qu'elle lui est familière. Mais pas comme un de ses enseignants, elle les mémorise plus que ça. Le cours est en train de toucher à sa fin et en la bousculant, une fille fond en larmes et se répand en excuses avant de prendre ses jambes à son cou. Moira reste là, interloquée jusqu'à ce que son professeur s'avance pour engager la conversation.
- Tout va bien, mon chaton ?
- « Mon chaton » ?! manque de s'étouffer la jeune fille.
- Ne t'en fais pas, il n'y a plus un seul de tes petits camarades, j'ai vérifié !
La dame lui caresse la joue et passe les doigts dans ses cheveux. Surprise, Moira se recule pour éviter le contact. « Qu'est-ce que vous faites ? » C'est qu'elle commence à lui faire peur celle-là ! Mais cette fois c'est l'adulte qui est surprise :
- Tu me vouvoie maintenant ? Ce sont tes amies nobles qui t'ont influencée ?
- Mes amies nobles ?! J'ai pas d'amies nobles !
- Vous vous êtes disputées ? Quel dommage ! Je croyais que vous étiez les reines de l'Académie, répond-elle avec un sourire taquin.
- Professeur, je crois que vous vous trompez de personne, finit par comprendre Moira.
En guise de réponse, son interlocutrice émet un petit rire et admet que c'est une très bonne blague même si elle ne le pense pas réellement. Mais la jeune fille a l'air sincère et l'adulte n'est plus amusée.
« Tu commences à m'agacer. Surtout aujourd'hui, où nous avions convenu d'avoir une discussion après ce cours. » Moira ouvre la bouche, mais elle n'a pas le temps de contester. « C'est peut-être pour ça que tu fais l'imbécile, après tout, peut-être que tu ne veux plus savoir ce qui est arrivé à ton père en fin de compte. » Pourquoi parle-t-elle de son père ? Qui à l'Académie le connaît ? Piquée par la curiosité, Moira décide de découvrir ce que son professeur a à lui dire, et pour ce faire, elle a compris qu'il fallait jouer son jeu.
- Vous... Tu as raison, excuse-moi. Si, ça m'intéresse toujours.
- C'est ce que je pensais, soupire-t-elle, il fallait bien que je te le dise un jour, c'est ton droit de savoir. Si je ne t'ai jamais parlé de lui, c'est parce que c'était un homme très violent et il me battait dès qu'il en avait l'occasion. Je ressentais une injustice, oui, mais j'étais très attachée à notre idée de famille alors j'encaissais car je voulais un enfant. Mais quand tu es venue au monde, j'ai décidé de me défendre avec les armes que j'avais : ma magie et plus exactement, le cauchemar. Je l'ai tourmenté, le pauvre homme, j'ai hanté tous ses rêves jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus, mais ne me prends pas pour un monstre, je n'ai fait que lui rendre ce qu'il m'avait fait subir depuis notre mariage. Il a fini par se pendre et je n'ai jamais été aussi soulagée. C'est pour cette raison que j'ai pris le nom de Maud la Trouble-Nuit, pas seulement – comme tu l'a cru pendant des années – parce que j'enseigne le cauchemar.
Cette histoire n'a aucun sens et pourtant. Pourtant Moira reconnaît le visage de sa mère, pas parce qu'elle en a le souvenir, mais parce qu'elle se voit en elle. Les yeux bleus, les tâches de rousseur et le visage rond, et ses longs cheveux de l'exacte couleur qu'ont les siens. Son cœur s'emballe, même si elle ne sait pas ce qu'elle fait là, pour la première fois de sa vie, elle peut dire « Maman ».


Grâce à l'emploi de professeur de sa mère et à son statut de fille unique, Moira n'avait jamais connu la misère dans cette autre vie et avait pu commencer son cursus de mage malgré le coût élevé de cette Académie. Elle était très cultivée et aspirait à devenir une compagne dès qu'elle aurait fini sa formation. Durant ses années en tant qu'élève, elle s'était employée à se faire les amies les plus raffinées, quitte à dénigrer ceux qui venaient de classes populaires. Son petit cercle de pestes haut placées était assez craint des élèves plus jeunes car elles se permettaient tous les coups bas pour se faire valoir.
S'étant éveillée en ce début d'avril, Moira Guingois avait pu avoir un aperçu de sa mère. Certes, c'était déformé, mais c'était mieux que rien et c'est pour cette raison que lorsque le choix lui fut donné, elle décida d'en garder le souvenir.

Quelques mois plus tard, de retour dans sa réalité, la jeune mage tomba malade une fois de plus dépassée parce qui lui arrivait. En août 1002, tous les mages d'Arven souffraient de fièvres et de nausées et Moira se voyait déjà succomber à l'épidémie. Durant deux mois difficiles, Gregor resta avec elle, l'Audacia ne pouvant pas repartir. La présence de son frère était un peu rassurante mais pour elle, lorsqu'on était cloué aussi longtemps, on n'en sortirait plus jamais. Aussi profita-t-elle du peu de temps qui lui restait pour raconter à Gregor comment elle avait rencontré sa mère, ce qu'il prit pour un délire dû à la fièvre. Finalement fin septembre, elle fut guérie grâce au remède et put reprendre sa troisième année à temps. Une troisième année qui ne connut que peu de répit, car lors du Jour des Anciens, la venue de la Chasse Sauvage bouleversa de nouveau la vie de l'Académie. L'horreur de leur passage, laissant morts et blessés, saisit le cœur de Moira qui comme bien des années avant, n'avait plus le contrôle de ses émotions, bien qu'elle ne fut touchée que psychologiquement. La dissolution de la Rose Ecarlate qu'elle admirait tant l'anéantit et pour la première fois depuis qu'elle avait quitté son père, elle ne se sentit plus en sécurité. Elle songea à abandonner son cursus dans le rêve, à rester modestement une employée de taverne, dans un endroit qui n'était pas ciblé par des magies anciennes et violentes. Mais lorsque son professeur préféré, Pénélope de Bellancre lui annonça qu'elle restait, Moira ne vit plus de raison de partir. Elle continuerait ses études et deviendrait une grande mage, il lui faudrait peut-être pour ça une bonne dose de courage mais l'influence de l'Enchanteresse suffisait à le lui donner.




CHRONOLOGIE


16 avril 988 ♦️ Naissance à la Ville Basse et décès de Maud Guingois (mère)
Mai 988 ♦️ Mariage de Foulques Guingois (père) avec Elsie (belle-mère)
Août 995 ♦️ Décès de Galleg (frère n°1) à 13 ans et des poussières et de Guerec (frère n°2) à 12 ans et demi, exécutés par la Cour des Miracles
Décembre 995 ♦️ Décès de Glen (frère n°4) à l'âge de 11 ans, abattu lors d'un vol d'une riche boutique
Janvier 996 ♦️ Décès de Gwyn (frère n°5) à l'âge de 11 ans, de maladie pendant l'hiver
Septembre 996 ♦️ Décès de Goll (frère n°7) à l'âge de 10 ans, pour cause de chute pendant un cambriolage
Mars 997 ♦️ Décès de Godwall (frère n°3) à l'âge de 13 ans lors d'une bagarre dans une taverne
Janvier 998 ♦️ Décès de Gennan (frère n°8) à l'âge de 11 ans, de faim pendant l'hiver
Octobre 999 ♦️ Première manifestation de magie de l'automne
Décembre 999 ♦️ Décès d'Elsie, battue à mort par Foulques ; Gregor emmène Moira à la Taverne de la Rose où elle est logée est nourrie en échange de son aide à la taverne
Février 1000 ♦️ Gregor (frère n°6) s'engage comme mousse sur l'Audacia
Juin 1000 ♦️ Entretien d'entrée à l'Académie, Pénélope de Bellancre la prend sous son aile
Septembre 1000 ♦️ Première rentrée à l'Académie
29 mars 1001 ♦️ Carnaval des Miracles, Moira reste à la Taverne de la Rose car on a besoin de personnel
1er avril – 31 mai 1002 ♦️ Trame alternée (éveil le 15 avril)
Août – septembre 1002 ♦️ Moira tombe malade, comme tous les mages. Elle est soignée fin septembre et retourne à l'Académie en deuxième année.
27 novembre 1002 ♦️ Jour des Anciens : Moira est très choquée par les événements mais décide de rester à l'Académie, tout comme Pénélope.




La Chasse Sauvage est libérée et arpente librement le continent. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
Le premier jour où elle est apparue, c'était terrifiant. Les chiens, la destruction, les blessés, les morts à l'Académie... J'veux que ça sorte de ma tête ! Mais non, ça reste et elle reste. La libération de la Chasse Sauvage, c'est le pire qu'il pouvait arriver à Arven, on dirait qu'elle est partout, prête à semer la mort et je ne comprends pas pourquoi. J'ai peur qu'elle s'en prenne à moi, oui, mais j'ai peur qu'elle s'en prenne aux autres aussi. Si même la Rose Ecarlate n'a pas pu l'arrêter, maintenant qu'elle n'existe plus, qui sont nos héros ?

Il y a un mort-vivant sur le trône d'Ibélène : l'empereur Octave a été tué, puis ressuscité. Que t'inspire ce genre de magie ; et que penses-tu d'Octave suite à cela ?
Comme à chaque fois que quelque chose de bizarre arrive, tout est très confus. J'ai entendu plein de théories, c'est à dire qu'au milieu des vraies informations, tout le monde avait son mot à dire (j'ai entendu qu'il devait manger des bébés pour continuer à rester en vie, mais je pense que c'était une blague... enfin j'espère). Alors moi je ne savais pas trop quoi en penser, mais un type mort, il est censé rester mort non ? C'est que... c'est comme ça qu'il marche, le monde, et personne ne peut rien y faire. Ce genre de magie, ça peut pas être une bonne chose si ça casse la façon dont le monde marche. Puis plus ça va, plus y a de gens qui racontent ce qu'il s'est réellement passé et comment l'empereur Octave doit sa vie à la Chasse Sauvage. Donc je confirme : ça ne peut pas être une bonne chose et ça ne devrait pas être lui sur le trône d'Ibélène. Heureusement, moi, je suis lorgoise et ce n'est pas mon souverain.

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
Ben c'est à dire que je suis née à Lorgol et que j'ai pas vraiment vu d'autre endroit dans ma vie, à part l'Académie (qui est pas très très loin, qu'on se le dise). Mais en vrai... J'sais pas si je me sens oppressée. Depuis que je suis à la Taverne de la Rose je me sens un peu plus en sécurité. Parce que le problème avec Lorgol, c'est que quand vous n'avez pas d'allié, c'est dur. Etre seul au milieu de tout ce peuple, c'est pas seulement dangereux, c'est déprimant et fatiguant. Vous ne pouvez faire confiance à personne et vous ne pouvez pas vraiment avoir d'ami. Puis j'pense qu'être pauvre à la Ville Basse, c'est pire que d'être pauvre ailleurs, parce qu'il y en a plein des misérables, alors faut avoir un truc en plus ou une bonne grosse dose de chance pour espérer s'en sortir.







Dans la vie, je m'appelle Mab et j'ai 26 ans. J'ai découvert le forum via des années de tourorisme et de recoloration de l'Audacia et voici ce que j'en pense : Malgré notre relation compliquée, je l'aime de tout mon cœur ♥️.
Pour les inventés : Je vous autorise/ à (re :red: )faire de mon personnage un scénario si mon compte était supprimé.  

Petite précision : ce personnage est un inventé basé sur cet ancien scénario (en accord avec la créatrice). J'ai pris la liberté d'avancer d'un an son entrée à l'Académie pour coller avec la fermeture des entretiens en 1001. Si ça ne convient pas, je suis disposée à faire des changements.




Récapitulatif

Moira Guingois

Mise à jour des registres et bottins



♦️ Raffey Cassidy
♦️ Compte principal : Oui

Ne conserver que les lignes remplies
♦️ Magie : Automne / Rêve




Moira Guingois & Pénélope de Bellancre

C'est bientôt les vacances ?

5 juin 1003



Il fait lourd à l’Académie, comme un jour d’orage sans éclair ni pluie. Moira fait partie de ces quelques élèves qui peuplent encore les couloirs délaissés. Bientôt, tous rentreront chez eux mais il n’y a pas cet enthousiasme des années précédentes. Pas de Lagran qui fanfaronne sur son retour à un chez-soi fleuri. Pas de Cielsombrois idéalisant la liberté de son duché, frustré du peu de souplesse qu’offre le cadre scolaire. Car chacun sait que la Chasse Sauvage parcourt même les domaines les plus éloignés. Ici, les sols et les plafonds ont été rénovés, mais ils transpirent encore de la dure épreuve qu’ils ont enduré il y a bien six mois maintenant. Il n’y a plus que dans les coeurs que l’école est dévastée, mais démissions et absentéisme en sont des marques bien réelles. Elle n’a jamais été populaire, l’apprentie du rêve, mais elle se sent plus isolée que jamais elle ne l’a été entre ces murs.

Alors elle prend un chemin qu’elle connaît par coeur, celui des bureaux des professeurs et plus exactement celui de l’Enchanteresse du Rêve. Depuis son arrivée ici, depuis que la magnifique Pénélope de Bellancre a décidé de lui donner sa chance, Moira n’a de cesse d’essayer de mériter cet honneur. Elle s’est attachée à son professeur et depuis impossible de la détacher. C’en est presque physique, car une douce parole de l’Enchanteresse la touche comme un câlin. Le symbole d’un amour maternel dont elle manque cruellement. Oui, il lui est déjà arrivé de l’appeler “Maman” par erreur et oui, ça en a fait pouffer quelques uns. Et en même temps, elle éprouve une telle admiration pour cette noble dame qu’elle n’oserait jamais dépasser les limites. Alors sa seule chance est d’être une élève exemplaire et jusque là, elle s’en sort assez bien.

En ce qui la concerne, Moira passera l’été à la Taverne de la Rose. Tout d’abord car c’est chez elle, elle n’a pas d’autre endroit exotique pour l’accueillir durant les vacances et ensuite car elle a du travail. Déchargée des horaires de cours, elle voudrait bien avoir un peu plus d’importance à la taverne, ne serait-ce que pour gagner un peu d’argent et pas simplement échanger ses services contre son hébergement. Pour autant, alors qu’elle entamera sa quatrième année en septembre, elle sait qu’elle doit s’entraîner pendant l’été et c’est avec cette pensée fermement accrochée à son esprit qu’elle serre son poing et toque trois fois à la porte.

Sans attendre de réponse, elle tente de se faire entendre à travers la serrure, collant son autre main sur un côté de sa bouche, comme pour projeter le son. Cette technique marche-t-elle vraiment ?

“Professeur ? Excusez-moi de vous déranger, est-ce que je peux entrer ?”

Elle voudrait bien lui demander des conseils pour travailler sa magie en dehors des cours, des devoirs supplémentaires en somme. Mais elle craint à présent de se faire rembarrer, car il est une compétence qu’elle ne maîtrise absolument pas et qui pourtant faciliterait tellement ses études. Moira pourrait bien bénéficier d’une petite remise à niveau en lecture et en écriture, mais c’est tellement difficile ! Rien que d’y songer en ce moment la frustre. Elle sait qu’elle échouera et pourtant, les dieux savent que ce n’est pas son genre d’être défaitiste ! Jusque là, l’Enchanteresse n’a jamais exigé d’elle qu’elle soit lettrée, après tout, son propre cousin s’en sort très bien sans cette compétence jugée de base. Cependant, n’est-il pas présomptueux de réclamer du travail lorsqu’on a de telles lacunes ?


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Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptyLun 14 Jan 2019 - 0:41



Dekhaër présente

Narcisse
de Croquelune

Luca Sguazzini

« Celui qui se transforme en bête se délivre de la souffrance d'être un homme. »

Tout homme a des hauts et des bas. Dôté de qualités et de défauts, qui parfois vacillent, s'apaisent, s'intensifient au fil des situations et des humeurs. Chaque être a sa part de dualité, et Narcisse n'y fait pas exception, bien au contraire, étant particulièrement caractérisé par celle-ci. Ainsi, il alterne des moments d'excentricité notable et de profonde dépression, les changements pouvant durer quelques minutes ou plusieurs semaines. Profondément meurtri en son âme, c'est un lunatique soumit à ce qu'il appelle son "Sombre Passager". Ses consommations excessives ne font rien pour le stabiliser, bien entendu.

Cela se sent dans son attitude, ce quelque chose de félin où nonchalance et assurance se côtoient et se mêlent. S'y ajoute une indolence, un détachement de tout, une désinvolture certaine. Cela ne veut pas dire qu'il est éteint, loin de là. C'est un artiste intuitif et spontané, un passionné persévérant que son côté désordonné, dissipé et blasé ne saurait étouffer. Cependant, sous le masque parfois calme parfois exalté demeure une anxiété profonde, un perfectionnisme inatteignable qui le ronge et qui combiné aux tourments de ses tragédies le conduit à une forme très cielsombroise d'autodestruction.

Ce vide, le Croquelune tente de le combler comme il peut, notamment par sa part séductrice qui ponctuellement extirpe le solitaire indépendant à rechercher une compagnie aux mœurs aussi légères que les siennes. À cette fin, il peut parfois être manipulateur, ce dont il se prémunit lui-même car se montrant souvent assez rétif et indocile, irritable même si on le pousse de trop.

De nature curieuse également, Narcisse se souhaite observateur. Car même s'il ne désire pas tant se mêler aux autres, il aime l'opportunité d'en apprendre d'eux. À ce titre tolérant, il est de ces rares Cielsombrois qui n'aiment pas à marquer une nette différence entre la noblesse et la roture, sans doute également influencé par les années passées avec feue son épouse kyréenne. Il pousse cela encore pour tout ce qui pourrait sembler étranger. Quelque soit le Duché ou l'Empire dont vous veniez, que vous soyez savants, mages, ou rien de cela, Narcisse n'émettra pas de jugement sur ce point. Il est homme à ne pas aimer ces étiquettes, et s'il peut se considérer comme être supérieur, ce ne sera que d'un point de vue individuel et non par rapport à une quelconque caste ou provenance. Du moins, c'est ainsi qu'il aime se voir, car il est certain qu'au fond, il ne manque pas de fierté quant à sa prestigieuse lignée...



©️️ Dekhaër

Lors de la Roue Brisée, apprenant de son épouse que le monde était dans une guerre perpétuelle et qu'ils avaient perdu leur premier enfant, Narcisse lui demanda :
« Comment tenons-nous ? Comment survivons-nous, à ça ? »
Elle lui répondit alors, affichant un léger sourire :
« J’ai moi aussi posé cette question. Et cet homme m’a répondu "On se contente de serrer les dents et d’attendre… car au fond de nous, nous savons qu’un jour nous trouverons quelqu’un qui nous serrera assez fort que pour recoller nos morceaux brisés". Il avait raison… et je l’ai épousé ! »
Termina-t-elle en le serrant aussi fort qu’elle le put dans ses bras.



©️️ Dekhaër
Âge : il vient à peine de fêter son 25e anniversaire !
Date et lieu de naissance : natif du 18e de mai de l'an 978, à Croquelune en Sombreciel.
Statut/profession : marquis de Croquelune & baron de Porte-Brume, artiste (statuaire principalement, mais touche-à-tout).
Allégeance : Sombreciel et par de fait celui qui se trouve sur son trône.
Dieux tutélaires : sa marraine l'a placé sous la protection d'Asma, tandis que son père l'a poussé vers le culte de Morrigan par coutume familiale. Lorsqu'il a été en age de choisir où allaient ses propres prières, Mirta et forcément Le Destin y ont pris une place très importante.
Groupe principal : Les hérauts du renouveau.
Groupes secondaires : Noblesse




Prologue – Portrait de famille (977)


Le premier coup de pinceau donné à la fresque d'une vie l'est indiscutablement par ceux qui l'ont enfantée, aussi il convient ici de débuter cette histoire par une rencontre. Celle du marquis Ezéchiel de Croquelune et de Rosalie de Val-Viride, par l'entremise d'Elise du Lierre-Réal, cadette du premier et amie de la seconde. Une rencontre simple, mais touchante. Triste cependant qu’elle ait pris tant de temps à se produire, leurs terres respectives se trouvant chacune d’un côté de la frontière entre Sombreciel et Lagrance, mais bon, le principal était qu’elle se soit faite finalement.

Le marquis différait en bien des choses de ses compatriotes, notamment sur le fait qu'il n'était pas particulièrement attiré par l'idée de la polygamie. Il ne la jugeait pas, mais ce n'était tout simplement pas ce qu'il souhaitait pour lui-même, bien plus tenté par le romantisme d'un couple fidèle et exclusif. Ses rêves de couple parfait avaient été sérieusement entamés par l'échec de son premier mariage. Bien qu’il donna fruit à un héritier en bonne santé, leur mariage de raison avait fini par mener à une entente exécrable avec son épouse, les menant au divorce.

Rosalie quant à elle était une jeune femme aussi pure et belle que simple et douce. Une rêveuse qui était bien satisfaite de n'être point l'héritière de la baronnie familiale, et qui n'espérait que voir un jour son prince charmant l'enlever, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Issue d’une famille de mécènes, principalement en l’art de la sculpture sur bois dans le cadre du commerce de figures de proue, elle avait appris à exprimer sa sensibilité par de modestes sculptures, ainsi que par la poésie pour laquelle elle s’était trouvé une plume agréable et raffinée. Pas étonnant avec un tel caractère qu'Elise vit en elle une parfaite prétendante pour son frère, et lors d'une visite familiale arrangea la rencontre.

Dès leur première discussion, ils se plurent, se promirent de s'écrire. Et par échanges épistolaires ainsi que quelques visites, intérêt devint amitié, se changeant en déclarations enflammées. Forcément, ce qui devait arriver arriva, une main fut demandée et accordée, et un grand mariage fut célébré en Croquelune. Un amour passionnel, un couple fusionnel, aussi personne ne fut étonné que quelques mois plus tard, ce fut une grossesse que l'on célébra en les terres marquisales.


1 – La première strophe (978)


Le dix-huitième de mai de l'an 978, la famille vint à s'agrandir par la naissance d'un petit garçon, prénommé Narcisse. Bien entendu, ce fut sa mère qui décida de son prénom afin d'attester de ses origines lagranes, mais celui-ci ne fut pas pour déplaire à son père. L'enfançon fut également placé sous la tutelle d’Asma l’Artiste par sa marraine, meilleure amie de Rosalie. Un Dieu tutélaire qui guidera certainement l’enfant, d’autant qu’à cette époque le couple marquisal prit également la décision de faire de la baronnie de Porte-Brume – possession d’Ezéchiel frontalière avec Valkyrion – une terre d’artistes, où ces derniers pourraient être recueillis et financés par le couple marquisal en échange d’œuvres ou de pourcentages sur leurs recettes. Les semaines, les mois, les années s'écoulèrent alors paisiblement, bébé devenant un enfantelet possédant les yeux verts de maman et les cheveux bruns de son père, une saine répartition de leurs gênes quant au reste.

Les heureux parents se répartirent également parts de l'éducation de leur rejeton. En effet, outre les précepteurs, chacun ne manqua pas – dans une volonté de passer plus de temps avec leur enfant mais aussi dans un souci de transmettre une forme d'héritage – d'apporter sa pierre à l'édifice. La délicate Rosalie lui transmit ainsi son amour des arts, et tout particulièrement des mots et de la sculpture, réalisant pour lui quelques jouets de bois avec lesquels il ne manquait pas de s'imaginer bien des histoires romanesques, provoquant sourires bienveillants aux lèvres de sa mère. Parfois même elle fit passer la frontière au petit, qu’ils puissent voir les terres de Val-Viride, mais aussi voir comment l’on y travaillait le bois, l’enfant émerveillé par les figures de proue surtout qu’il put y voir. Ezéchiel pour sa part chercha plutôt à lui transmettre ses valeurs personnelles, et particulièrement l'amour de leurs terres et l'histoire de leur famille. C'est ainsi également qu'il le poussa à accorder ses prières à Morrigan, la Fileuse d'Obscurité, considérée comme protectrice de leur famille.

Son frère Nithaël, de huit ans son aîné, lui accorda peu d’attention par contre. Comme un brin de rancœur qu’il faudrait sans doute quelques années avant de pouvoir être percée à jour. Après tout, il n’était plus le seul enfant adoré, et voyait la mère de son petit frère tant le choyer alors que lui ne voyait que trop peu la sienne. Leur père également créa malgré lui une jalousie malvenue chez Nithaël, accordant désormais plus d’affection à son cadet, et réservant à l’aîné les cours stricts qui feraient de lui un bon dirigeant pour Croquelune et un digne héritier de leur famille. Au final, bien sûr, il y avait une telle différence d’age entre les enfants qu’ils ne partageaient pas les mêmes jeux. Que Narcisse était plutôt un ennui pour lui, une épine dans son pied, lui donnait même des tâches supplémentaires lorsqu’il devait « bien veiller sur son petit frère ». Cela s’apaisa cependant peu à peu, bien que les relations restèrent distantes. Nithaël devint adulte, et relativisa mieux la situation, surtout dès le moment où il prit épouse, comme il se devait choisie par son père, mais sur laquelle il estima ne pas être mal tombé, plutôt bien faite à son goût.

Concernant Narcisse, il était difficile encore de dire ce qu'un tel mélange et climat allait bien pouvoir donner, l'enfant absorbant pour l'heure le tout comme une éponge, heureux de faire plaisir à ses parents, bien qu’éprouvant une certaine tristesse que son grand frère qu’il admirait pourtant ne lui accorde toujours que si peu d’attention, et toujours à reculons. Toutefois, il apparut comme assez évident que l'enfant avait un certain talent pour les arts, y montrant de réelles dispositions et un intérêt certain. C'est ainsi que la décision fut prise de l’envoyer dès sa dixième année en Porte-Brume afin qu’il puisse baigner au milieu de tous ces artistes. Cependant, cela ne se ferait pas sans condition…

* * *

- Vous m’avez fait mander, père ?
Celui-ci resta silencieux un instant, debout face à une fenêtre, bras croisés dans le dos. Son aîné tenait d’ailleurs une posture assez similaire, tel un reflet plus jeune, à quelques mètres de lui. Et sagement, il attendit que quelques mots lui furent répondus enfin. Mais un mouvement attirant son attention, sur son flanc. Un garçonnet en train de jouer dans son coin et qui se redresse, venant s’installer auprès de son frère, mimant sa manière de se tenir. Le regarde et lui sourit. Un sourire qui cachait quelque chose… Était-ce juste un brin de fierté infantile, à reproduire ses actes ? Ou même une manière de le moquer ? Nithaël poussa déjà un soupir, rapidement blasé de cet petit être dont il se serait bien passé dans sa vie. Mais Narcisse lui tendit alors quelque chose. L’un de ses jouets en bois. Un coup d’œil sur le dos de son père, avant d’en revenir à la figurine. Cela représentait un homme, mais quelque chose le frappa. Les sculptures de Rosalie ne l’avaient jamais vraiment intéressé, mais il savait tout de même qu’elle était capable de mieux. Elle n’était pas moche, non, juste moins précise que ce qu’il avait déjà pu voir.
- C’est pour vous !
Nouveau coup d’œil vers le paternel, qui n’avait pas bronché. Il saisit alors le jouet, peu convaincu. Mais en l’étudiant de plus près, il y remarqua certains points frappant. La tenue semblait proche de ce qu’il avait l’habitude de porter, et si le visage manquait clairement de détails, la coupe de cheveux paraissait également similaire avec la sienne. Cela eu le mérite de provoquer un peu sa curiosité, mais de nouveau il se questionne. Qu’était-il arrivé à Rosalie pour qu’elle produise ceci ? Sa belle-mère couvait-elle une quelconque maladie lui rongeant les articulations ou quelque chose de la sorte ? Toutefois, il finit par répondre.
- Je ne suis pas convaincu que votre mère apprécierait que l’un de vos jouets, qu’elle vous a réalisé avec amour, termine en mes mains. Cela n’a pas à être en ma possession, Narcisse.
Le petit sourit de plus belle. Poussa un petit rire insouciant même, avant de déclarer.
- Elle ne dira rien. C’est moi qui l’ai fait ! Enfin, elle m’a un peu aidé, pour pas que je me coupe et puis je voulais vraiment que ça vous ressemble. C’est un cadeau !
L’aîné entr’ouvrit la bouche, sans qu’un son n’en sorte. Son pouce lisse un peu le bois. Bien sûr, il comprit du coup pourquoi la réalisation n’était là pas aussi propre que si Rosalie l’avait réalisé elle-même, mais il fut épaté qu’un enfant si jeune soit capable de cela. Tout à son observation des détails – oui, plus il la regardait, plus il se rendait compte de l’intention claire que la figurine lui ressemble – il n’avait pas remarqué que leur père s’était retourné, leur faisant face désormais, et arborant même un léger sourire.
- Voilà en partie la raison pour laquelle je vous ai fait mander. Cette pièce fut un argument notable lorsque mon épouse tenta de me convaincre d’envoyer votre jeune frère à Porte-Brume. Et, ma foi, cela a assez bien fonctionné… Il possède manifestement quelques talents dans les arts, et notre baronnie serait certainement un bon terreau afin qu’il puisse progresser en la matière. Qu’en pensez-vous ?
Nithaël parut réfléchir un court instant. Pas quant au talent précoce de son frère, mais plus sur la raison pour laquelle on l’avait fait mander, car au fond cela ne le regardait absolument pas.
- Eh bien… oui, c’est sans doute une bonne idée.
Le sourire d’Ezéchiel se fit plus grand alors, comme triomphal !
- Parfait ! Vous ne verrez pas d’inconvénient alors, je gage, à l’accompagner ! Vous comprendrez, j’en suis sûr, que je ne peux pas laisser votre frère vaquer tranquillement à ses plaisirs artistiques sans lui fournir pareille éducation à celle que vous avez reçu de ma part. Lorsque l’heure de mon dernier souffle viendra, vous ne l’ignorez pas, vous prendrez certes ma relève ici à Croquelune, mais Narcisse régnera sur Porte-Brume. Et je souhaite par-dessus tout que vous deveniez tous deux des dirigeants aptes et dignes de leurs terres ! Puisqu’avec ce voyage, je ne puis terminer sa formation, je compte dès lors sur vous pour lui transmettre ces connaissances. Vous m’avez montré être mon digne élève, Nithaël, aussi ai-je pleine confiance en vous quant à terminer l’éducation de votre frère.
Aux mots de son père, il parut embêté. Retint un soupir, car un fils digne n’avait pas à montrer son mécontentement face aux ordres paternels, mais sa contrariété transparut malgré lui sur son visage. Ezéchiel dut le percevoir, car à la manière dont il poursuivit, il était évident qu’il chercha à amadouer son héritier.
- Êtes-vous heureux de votre épouse, mon fils ? Et de vos appartements en Croquelune ?
Il se contenta d’opiner, ne voyant pas encore exactement où il voulait en venir.
- Je me disais que cela pourrait être une bonne occasion également pour vous deux d’avoir un peu votre tranquillité. Vous bénéficieriez bien sûr des appartements principaux de Porte-Brume, sans avoir peur que j'épie vos faits et gestes… qui sait, dans ce cadre, peut-être me donneriez-vous enfin un petit fils ?
Bien amené. Effectivement, Ezéchiel marqua un point, son aîné ne cracherait en effet pas sur cette opportunité. Ce dernier se détend d’ailleurs, approuvant.
- Oui père, si tel est votre souhait !
Suivant toute la discussion, Narcisse était aux anges. Car leur père lui avait appris que ce serait la condition sous laquelle il pourrait se rendre à Porte-Brume : que son frère y aille avec lui, et qu’il lui enseigne ce qu’il savait. Et bon… même un enfant pouvait se rendre compte que ce serait plus simple et agréable à vivre si cela se faisait avec son assentiment, et pas simplement sous le coup d’un ordre.
- Parfait, je ne m’attendais pas à autre réaction de votre part, mon fils. Vous serez également heureux, sans doute, d’apprendre que j’ai engagé un Belliférien comme nouveau capitaine de la garde de Porte-Brume. Il s’agit d’un homme très compétent, qui a déjà œuvré comme maître d’armes auprès de nobles familles. Il aura pour charge de constituer une garde efficace afin de protéger mes enfants et s’assurer qu’il ne vous arrive rien. Vous devriez en profiter, Nithaël… je suis sûr qu’il ne manquera pas d’avoir quelques astuces à vous apprendre...
Le capitaine s'ajouterait donc sans doute aux divers précepteurs qui accompagneraient bien entendu les deux frères à l'autre bout de Sombreciel.


2 – Sculpter son destin (988)


Quel moment terrifiant que celui de se rendre compte que l’on n’est que parfaitement moyen alors que l’on se pensait exceptionnel… Car bien sûr, lorsqu’il arrive à Porte-Brume, Narcisse ne put que constater à quel point il était loin de ces immenses talents – à son sens – et ce même parmi les quelques enfants qui se trouvaient ici. Cela ne voulait pas dire pour autant qu’il était mauvais, mais la pilule n’en fut pas pour autant si simple à avaler. Heureusement, il s’y fit rapidement un ami. Servius Fier-Écu, un Belliférien atypique, préférant de loin la plume à l’épée. Fils du capitaine dont avait parlé son père, le garçon faisait montre d’une intelligence rare, mais le revers de la médaille, c’était qu’il avait tant été martyrisé pour sa différence – et ce par son père même – que son plus grand talent qui était l’art de manier les mots peinait à s’exprimer verbalement, tétanisé qu’il était par sa timidité exacerbée et sa peur d’être jugé à nouveau.

Or, s’il y avait bien un défaut que Narcisse n’avait pas, c’était d’être victime d’un quelconque effarouchement. C’est ainsi que sous son impulsion ils commencèrent à discuter. Et si au début, l’intérêt du Croquelune tenait un peu de la pitié, il trouva en Servius un garçon fiable, fidèle et sincère. Son premier ami. Le seul même peut-être qui méritera jamais ce nom ! Ils se confièrent l’un à l’autre, s’entraidèrent, et allèrent jusqu’à partager leurs secrets. Les inquiétudes de Narcisse quant aux lettres qu’il échangeait avec ses parents, et où il sentait bien que tout ne semblait plus tout à fait rose en leur demeure. Mais aussi de l’intérêt porté aux boucles d’or de Vigdis…

* * *

Aaah, Vigdis Gungnyr, éternel visage de ses premiers émois… C’est ainsi que Servius la définissait lorsqu’ils en parlaient. Ce dernier d’ailleurs n’avait pas l’air de beaucoup aimer ces discussions. D’après lui, cela ne durerait pas. D’après lui, elle n’était pas si exceptionnelle. D’après lui, en plus, les filles ça sert à rien. Mais bien sûr, Narcisse n’était pas de cet avis. Et quelque chose lui disait qu’il y avait là sans doute une pointe de jalousie de la part de son ami. Car dès lors qu’il portait son regard sur la petite blonde… ah, qu’y aurait-il bien à lui reprocher ? Fille d’un sculpteur kyréen extrêmement talentueux, elle était discrète et humble, franche et… incroyablement belle à ses yeux !

Là où Servius se voyait philosophe, et le Croquelune sculpteur sur bois, Vigdis quant à elle se destinait au bas-relief. C’est ainsi donc que notre brun aux yeux verts s’intéressa peu à peu à la pierre et au marbre afin de se rapprocher d’elle. Passa plus en plus de temps auprès du père de la jeune fille afin d’apprendre son art, assouvissant autant sa curiosité que son désir de la voir plus et toujours plus. Remarquant son manège, et malgré les premières réticences du Fier-Écu, ils se rapprochèrent en effet, et ainsi duo d’amis devint trio où naîtra bien des regards, sourires et soupirs...

* * *

Trois années s’écoulèrent. Et Narcisse s’était donc trouvé deux passions qui le suivraient toute sa vie durant. La sculpture, où il développa un réel talent pour la ronde-bosse sur marbre. Son intérêt pour une fille lui avait donc ouvert la voie vers sa réelle vocation. De sa mère, il n’avait découvert que le bois, doux, presque malléable parfois, sur lequel le temps à la suite de l’artiste portait sa marque. Mais la pierre le fascina tout simplement. Sous les coups de burins et de ciseaux prenait vie un sujet lissé, parfaite vision de l’artiste, et qui perdurerait tel quel pour des siècles sans doute. Son côté aventureux fut également comblé par la faible marge d’erreur… et, en un sens, cet aspect fut parfaitement retrouvé de même du côté de Vigdis. Car autant son amitié lui était précieuse, autant son rêve ne serait comblé que lorsqu’il pourrait la serrer dans ses bras… et la farouche Kyréenne ne permettrait sans doute pas le moindre faux pas en la matière.

Depuis ce temps, elle ignorait encore l’intérêt du Cielsombrois. Enfin… ses regards ne trompaient pas, mais la discussion en elle-même n’était jamais venue sur le tapis. Les conseils de Servius n’allaient de toute façon pas en ce sens, semblant clairement redouter la possibilité que Narcisse confesse franchement ses sentiments. « Ça ne marchera pas » disait-il. « Es-tu prêt à ruiner cette amitié ? » ajoutait-il souvent même. Alors, il l’écoutait, lui faisait confiance. Priait pour qu’un jour sa belle lui retourne ses sentiments. Asma, pour qu’elle unisse les artistes, que Vigdis remarque ses sourires et ses attentions, et lui inspire un amour réciproque. Mirta, bien sûr, pour que la passion naisse… et puis il était de Sombreciel, elle ne pouvait pas lui refuser ça, hein ? Et bien évidemment Le Destin, car un peu de chance ne ferait jamais de mal en la matière…

Et ce durant les nombreux mois qui s’étaient écoulés depuis leur rencontre, période au cours de laquelle le Croquelune avait également été particulièrement attentif à elle, ses goûts, son histoire, et tout ce qu’elle pouvait bien lui raconter jusqu’aux plus vaines banalités. Qu’elle aimait en ses œuvres toujours représenter au moins un papillon et une fleur, même si ce n’était que dans le plus futile détail. Qu’elle adorait les chats noirs mais que ses parents n’en avaient jamais voulu, et que plus petite elle s’était imaginée en collectionner sept. Ah, Narcisse était même capable de répéter par cœur les noms qu’elle leur aurait donné…

* * *

- Concentrez-vous un peu, mon frère. Ou bien est-ce trop compliqué, toutes vos pensées destinées à votre douce Vigdis ?
Narcisse s’empourpra violemment, un regard choqué envers son frère alors que ce dernier lui faisait réviser des traités économiques tout en lui parlant des spécificités de leurs terres familiales – les forêts exploitables bien sûr qui avaient toujours été le poumon de Porte-Brume, mais aussi les ventes des œuvres produites ici qui finalement s’avéraient relativement rentable, les vergers de Croquelune où ils produisaient un alcool de poire assez prisé ainsi que les lacs où la pêche venait faire une plus-value appréciable…
- Que… Comment ?
Le trouble dans sa voix n’y trompait pas, et voilà une brèche dans laquelle l’aîné n’hésita pas à se précipiter !
- Oseriez-vous nier ? J’ai pour devoir de veiller sur vous, ne l’oubliez pas. Et il n’est que normal que je remarque ainsi l’intérêt de mon frère pour cette jolie petite blonde ! Je me demandais d’ailleurs… Êtes-vous devenu élève de son père par intérêt pour elle, ou bien avez-vous tant apprécié l’art du père que vous en avez fini par loucher sur sa plus belle création ?
Narcisse le regarde avec des yeux ronds, complètement décontenancé, ce qui bien sûr provoqua un nouveau rire franc de Nithaël. Mais pas question qu’il perde ainsi la face, aussi le cadet tenta ce qu’il put pour se justifier.
- Vigdis est mon amie ! Au même titre que Servius ! Et puis… son père n’est pas le seul auprès de qui j’apprends… je fais aussi de la peinture, un peu de musique, et puis...
Il le coupa en levant la main, arborant un grand sourire. Ah, le climat entre eux avait bien changé… Depuis leur arrivée en Porte-Brume, Nithaël s’était fait beaucoup plus détendu. Appréciait très certainement cette tranquillité avec son épouse, comme l’avait parié Ezéchiel, mais il n’y avait sans doute pas que cela. Le père de Servius était devenu un proche ami de qui il apprenait beaucoup en effet. Et puis, tous ces artistes autour d’eux… oui, finalement, c’était plaisant. Mais le point principal était qu’en prenant en maturité, il avait accordé une deuxième chance à son frère. Avait oublié ces rancunes d’enfant pour lesquelles Narcisse ne pouvait rien. Les cours qu’il lui donnait leur avaient permis de se rapprocher également, et puis ce geste qu’avait eu son petit frère avant leur départ, de lui offrir cette figurine à son effigie… Oui, si la cadet avait toujours vu l’aîné par le spectre de l’admiration, Nithaël quant à lui prenait seulement désormais son rôle de grand frère à cœur, protection et apprentissage bien sûr, mais aussi taquineries en guise de bizutage comme c’était le cas présentement.
- Allons… nous connaissons tous les deux la répartition de votre emploi du temps. Oui, parfois, vous peignez, vous empoignez maladroitement un instrument, ou vous couchez sur le papier vos sentiments… pour elle, non ? Quoi qu’il en soit, ces petits passe-temps ne sont rien face au temps que vous passez auprès de votre belle, que ce soit en partageant son art auprès de son père ou en tant… hum… qu’amis, c’est cela ?
Et le pire, c'est qu'il avait raison bien sûr ! Il ne s'adonnait qu'à peine à ces autres activités, n'en faisant que de brefs passe-temps une fois par lune au mieux, et pour n'y démontrer que des aptitudes tout à fait banales, quand ce n'était pas tout simplement un naufrage. Il rit.  Encore, oui ! Et cela commença visiblement à agacer Narcisse qui en pinça les lèvres, ne pouvant vraiment y rajouter quoi que ce soit sous peine de s’enfoncer, et de continuer de creuser. Cerise sur la gâteau, il lui ébouriffa une tignasse indisciplinée, avant de rediriger la conversation, s’étant assez amusé à son goût.
- Vous penserez à elle plus tard ! Je sais, ça doit être difficile pour vous, mais si vous ne vous concentrez pas, vous ne ferez que perdre plus de temps encore avant de pouvoir la rejoindre...
Si avant cette discussion, Nithaël avait pu encore avoir quelques doutes, ils étaient clairement dissipés à présent. Oui, son petit frère était manifestement amoureux de cette petite sculptrice. Pourtant, il ne vit pas cela d’un mauvais œil. Après tout, lui aussi avait fait ses premières armes avec quelques roturières, comme il est de coutume. Il serait inconvenant qu’un homme se présente au mariage inexpérimenté après tout, non ? Et puis, il fallait bien que jeunesse se fasse...

* * *

Et puis un jour, alors qu’il passait un peu de temps avec Servius, ce dernier le regard plongé dans l’un des éternels bouquins de philosophie qu’il se trimballait...
- J’ai parlé à Vigdis...
Les émeraudes fixèrent le Belliférien qui venait de rompre le silence. Bon, qu’il lui ait parlé, rien d’étonnant. Ils étaient tous les trois amis, et il savait que la blonde appréciait beaucoup la droiture et la simplicité du Fier-Écu. Par contre, qu’il entame la conversation ainsi… Il y avait de quoi être étonné, peut-être même nourrir un peu d’inquiétude. Narcisse retint son souffle, attendant, son imagination débordante commençant déjà à partir dans toutes les directions alors qu’il observait son ami. Lui ne lui rendait pas son regard. Les yeux baissés, il avait l’air mal à l’aise, voire même franchement contrarié. Mais plus un mot comme les secondes s’égrainaient.
- Allons ! Dis-moi !
C’est seulement que Servius releva le nez de son bouquin, lèvres pincées. Qu’il prit une profonde inspiration. Quelle terrible nouvelle allait-il lui annoncer ?
- Tu devrais discuter avec elle.
Mais de quoi ? La question muette sembla être perçue, ils se connaissaient bien après tout.
- Elle s’inquiète. Elle a surpris une discussion… que tu approches de l’age où tes parents souhaiterons te marier. Que tu devrais alors rentrer à Croquelune. Et que… hum… qu’on ne puisse plus te voir. Enfin… je veux dire… qu’elle ne puisse plus te voir…
Et derechef, de baisser les yeux, laissant Narcisse particulièrement étonné. Un mariage… non, son père lui en aurait parlé sans doute ! Ou au moins son frère. Comment se pourrait-il que l’on pense à le marier sans même lui en toucher le moindre mot ? Lorsque Nithaël avait été marié, il en avait au moins été prévenu. Avait échangé avec sa future épouse, l’avait rencontrée. Lui… non, lui, il était encore trop jeune pour tout ça de toute manière, c’était certain… Tout à ces pensées, le temps comme suspendu, il ne dit plus rien. Et face à l’absence de réponse, Servius répéta.
- Tu devrais lui parler… lui parler de… enfin, tu sais...

* * *

La discussion eut lieu, mais à jamais n’appartiendra qu’à eux. L’important est d’en retenir la finalité : ses prières avaient été entendues, les sentiments partagés en des lèvres scellées. Bien qu’à contre-cœur, Servius les avait rassemblés. Les semaines qui suivirent furent un peu étrange à ce titre d’ailleurs. Difficile de dire si le Belliférien était heureux pour eux, ou peiné pour une raison que Narcisse ne comprenait pas. Les deux sans doute, compte-tenu de ses réactions. Alors bien que sur son petit nuage, le Cielsombrois ne laissa pas pour autant tomber son ami. Continua de passer du temps avec lui, même s’il ne rêvait que d’avoir en permanence sa belle dans ses bras ! Et ainsi, la situation peu à peu se tassa. Ne redevint jamais vraiment pareille, forcément, mais la relation du trio évolua simplement.

Quant à son apprentissage, porté par les muses de l’amour, il fit des progrès techniques notables, rendant son maître – loin de s’imaginer le changement brusque dans la relation que son élève entretenait avec sa fille – fier de son évolution. Mais tout ne pouvait être aussi rose et parfait, n’est-ce pas ? Son père ne lui écrivait plus ou presque, et lorsqu’il le faisait lui paraissait distant, sec même parfois. Ne se livrait sur rien, ne partageait pas grand-chose. Quant à sa mère… la pauvre n’en parlait jamais bien franchement et ouvertement, mais laissait entrevoir que Narcisse n’était pas le seul à avoir raison d’être peiné du comportement du marquis…


3 – Retour en fanfare (993)


Deux êtres, serrés dans les bras l’un de l’autre. Une main glissant dans une chevelure dorée. Deux années de plus s’étaient écoulées, et malgré leurs progrès et l’amour éperdu qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, l’heure n’était pas aux réjouissances pour ces jeunes gens. Une nouvelle était parvenue de Croquelune, qui leur paraissait comme une déchirure inacceptable. Son père avait choisi pour lui un bon parti, et il était sommé de rentrer au domaine marquisal dans le but de rencontrer celle qui deviendrait donc sa future épouse.
- Tu vas me manquer...
Lui souffle-t-elle la voix cassée, se blottissant contre lui autant qu’elle le pouvait. Et l’étreinte n’était pas que physique, comme il sentit son cœur en un étau qui lui fit perdre de vue certaines âpres réalités. Car il savait qu’il n’avait pas le choix, même s’il détestait cette idée. Il savait qu’il devrait se plier aux ordres de son père, tout comme son frère avant lui. Comme la coutume l’exigeait, pour le bien de leur famille, et de leur statut... Mais tout s’envola face à la peine de sa précieuse moitié, son âme sœur, il en est certain. Alors, Narcisse entoure son visage de ses mains, posant son front contre le sien. Émeraudes et azurs se mêlent et se reflètent, faisant écho à leur amour, et l’impulsif de ne plus écouter que son cœur.
- Non… non ! Je ne saurais tolérer de te causer cette peine, mon ange… Non, impossible, je ne l’accepterais pas. Vigdis Gungnyr… Accepterais-tu de lier ta vie à la mienne, en devenant ma muse jusqu’à la fin des temps ? Mon tendre amour… accepterais-tu d’être ma femme ?
Il la sent tressaillir dans ses bras, mais ne lui laisse pas le temps de répondre. Le Cielsombrois se laisse tomber à genoux devant elle, tenant ses mains dans les siennes, poursuivant sa déclaration.
- Je veux que ton visage soit la dernière chose que je puisse voir avant de sombrer dans le sommeil où assurément tu peuples tous mes songes, et ce pour le plaisir de me réveiller et de te découvrir à nouveau, le cœur enchanté que ma vie avec toi ne soit pas qu’un rêve.
Là, de prendre ses petites mains dont il vient déposer les doigts fins sur ses propres joues.
- Qu’importe que nous soyons encore jeunes. Qu’importe les intentions de mon père, et les convenances, et cette promise dont je ne sais rien et ne veut rien savoir… Car en mon cœur, en mon âme, mon épouse tu es déjà… Je ne saurais aimer plus que je t’aime toi, tout comme je sais que personne ne m’aimera jamais autant que toi… Vigdis… Sois mienne, et je serai tien, pour toujours !
Et enfin, il laisse le silence s’installer. La regarde, les yeux brillants, et son visage inquiet se peint d’un petit sourire lorsque les larmes de sa belle commencent à se décrocher de ses joues roses pour venir s’échouer sur Narcisse en contre-bas. Elle tremble, en larmes, et se laisse choir sur ses genoux face à lui pour le serrer aussi fort qu’elle le peut. La réponse n’est toujours pas venue, mais il l’enlace, lui rend son étreinte, à la fois affectueuse et passionnée. Et alors, un seul mot, solitaire mais possédant le pouvoir d’une légion, vient répondre à sa sincère déclaration. Un « oui » qui se gravera en lui, scellant leurs destins.

* * *

Des plis en conséquence furent envoyés. Il ne rencontrerait pas cette femme qu’il n’avait pas choisi. Avait opté pour une autre dont il s’était épris, prêt à renoncer à tout sauf à elle. Et s’il acceptait de rentrer à Croquelune, ce ne serait qu’accompagné d’elle – et de Servius, mais la présence de son ami était reléguée loin dans l’ordre des priorités sans doute à l’heure actuelle. Son frère bien sûr lui passa un savon colossal. « Jeune crétin, pensez-vous réellement que père laissera faire cela ? ». Oui, Nithaël était en colère… supposé veiller sur lui, il n’avait pas vu venir cela, et craignait d’en être en partie tenu responsable. Le fait qu'il doive désormais rentrer à Croquelune également n'avait rien pour le mettre en joie de plus... Quant à Ezéchiel... ce dernier fit lettre morte. Ce fut Rosalie qui dès lors prit la plume afin de convier la jeune femme ainsi que l’ami de son fils afin que le couple de Croquelune puisse faire leur connaissance.
- Eh bien… le retour du fils prodigue…
Ces mots, sur un ton tranchant, furent les premiers qu’il entendit de son père après cinq années d’absence. Il resta interdit, Servius à quelques pas derrière – discret comme à son habitude – et la main de Vigdis serrée dans la sienne. Bien sûr, il s’était attendu à une discussion mouvementée et emportée, mais jamais il n’avait entendu son marquis de père s’adresser à lui de la sorte – ni à quiconque, d’ailleurs. Rosalie en poussa un petit soupir, mais ne releva pas, se pressant plutôt auprès de son fils.
- Mon fils, vous m'avez tant manqué... quant à vous mes enfants, soyez les bienvenus ! Puisque vous êtes chers aux yeux de mon fils, vous l'êtes aux miens également !
Une sorte de petit grognement se fit entendre en fond, offrant un contraste saisissant avec la douce bienveillance de Rosalie.
- Les bienvenus, bah voyons… L’on recueille des animaux boiteux et abandonnés, et j’en suis spectateur en ma propre demeure. L’on bafoue ma parole, et je devrais me contenter d’acquiescer ? N’ai-je donc pas mon mot à dire ?
Rosalie l’en fusilla du regard. Un tressaillement de la douce main serrée dans celle de Narcisse, et le fameux « fils prodigue » d’en contracter ses mâchoires, prêt à riposter de l’affront fait à sa belle. Mais sa mère prit la parole la première.
- Mon époux… est-ce réellement ainsi que vous souhaitez accueillir le retour de votre fils ? Ce sujet qui vous gêne sera abordé, n’en doutez pas, mais j’aimerais vous suggérer de ne pas gâcher ces retrouvailles plus avant.
Ezéchiel s’empourpra de colère. Ses lèvres se pincèrent, avant de s’entr’ouvrir comme il sembla vouloir reprendre la parole, que Rosalie empêcha en levant une main, impérieuse. Un nouveau grognement, avant qu’il tourna les talons.
- Bien… pour l’heure, restons-en là… Mais cette discussion est loin d’être terminée ! J’espère au moins qu’ils savent rester discrets, et qu’ils sont propres… teh !
Toute la scène fut irréaliste aux yeux de Narcisse. Pétri de son bonheur, le voilà qui brutalement retombait sur terre. Sa mère l’avait bien prévenu à demi-mots, mais jamais il n’aurait pu estimer que la situation en était rendue à être à ce point explosive. Rosalie quant à elle reprit son air chaleureux, saisissant délicatement les mains de Vigdis dans les siennes.
- Venez, ma fille. J’ai hâte de faire votre connaissance. Quant à vous Servius, je vous laisse aux mains de mon fils, afin de vous faire découvrir votre nouvelle demeure.
Pas un mot sur ce qu’il venait de se dérouler. Comme si cela était de la plus grande banalité. Et en effet, de ce que Narcisse en comprenait désormais, c’était le cas, les humeurs de son père ne semblant pas être un cas rare. Il devrait bien sûr discuter avec lui. S’assurer qu’il ne s’oppose pas à cette union. Mais pour l’heure, il en sera fait selon les désirs de Rosalie…

* * *

- Mais qu’aviez-vous en tête ?
Derechef, son père frappe d’un coup violent de la paume contre la table qui les sépare. Mais plus que la violence du geste, c’est une nouvelle fois ce ton qu'il emprunte qui choque et blesse Narcisse. Car il n’y a pas là que la colère attendue. Bien sûr, le jeune homme ne s’était pas imaginé le moins du monde ne pas y avoir droit. Mais… il y avait là un mépris transformant chacune des phrases de son père en un nouveau camouflet qui l’estomaquait.
- Je… Je l’aime père… je l’aime plus que tout...
Et ainsi, la discussion tournait en boucle depuis un moment. Son père lui reprochait d’avoir jeté l’opprobre sur leur famille, le mettant dans l’obligation de repousser cette rencontre – car oui, pour Ezéchiel, le projet était toujours à l’ordre du jour – ainsi que d’oser contester son autorité. Que ce n’était que grâce à sa mère qu’il tolérait à peine cette mascarade qui se déroulait sous son toit, mais que ce n’était que partie remise. Et bien sûr, ne manquait pas de blâmer ces maudits artistes et l’influence qu’ils avaient eu sur lui. Et Narcisse lui ne trouvait rien d’autre à répondre que l’amour qu’il vouait à cette jeune femme, encore et encore, son égide contre ces arguments qu’il ne saurait entendre.
- Vous n’avez que ces mots à la bouche ! Pensez-vous réellement que cela change quoi que ce soit ? Que vous ai-je donc enseigné ?
Le jeune homme avait eu le regard baissé, encaissant une nouvelle charge. Jusque là, même si sa conviction était restée intacte, son manque d’arguments avait peu à peu amenuisé son courage. Mais là, ce fut une bouffée d’air qui fit remonter ses émeraudes vers son géniteur. Une arme. Une manière de riposter. Un argument nouveau qui venait de faire évidence, comme une bulle qui éclate soudainement.
- Vous m’avez appris que les convictions d’un homme pouvaient outrepasser les traditions. Vous m’avez appris que l’amour pouvait être adressé à une femme et une seule ! Vous m’avez appris que-
Un nouveau coup de paume qui heurte la table avec force, l’interrompant dans son élan. Bien sûr, il voyait de quoi son fils voulait parler. Ces beaux discours sur la monogamie qu’il avait pu lui tenir lorsqu’il était enfant, au cours desquels son père lui contait à quel point il aimait sa mère, et qu’il ne pourrait s’imaginer avec une autre.
- Ne vous aventurez pas à ça ! Votre mère n’a rien de commun avec cette-
- artiste ?
Il avait l’impression de marquer des points en relevant cette similitude. Narcisse avait bien vu sa manière de contracter nerveusement ses mâchoires. L’espoir, alors… Il le mettait en rage, certes, mais il avait raison. Quel argument son père pourrait-il bien prononcer alors ? Il vint pourtant sous la puissance d'un hurlement. Des mots qui résonnèrent froidement.
- Mais elle n’est pas des nôtres ! Elle n’est pas noble ! Et ne le sera jamais, comptez sur moi !
Comment avait-il pu être aussi naïf ? Il n’aurait pas le dernier mot sur lui. Quoi qu’il dise, le marquis s’imposerait, encore et encore… Quoi qu’il dise… Oui, c'était ça. S’il ne l’emportait pas sur les mots alors, par la force du désespoir, il passerait aux actes. Dans un élan irréfléchi, il attrape une bouteille de vin à moitié vide sur la table. À ce moment précis, il n’a encore aucune idée de ce qu’il va faire exactement. Mais dans son élan la fracasse contre le bois, éclatant sous l’impact, et le laissant avec un goulot aux bords tranchants en main. Son père en reste coi, son visage marqué de surprise et de peur, avant que sa fureur ne revienne prendre le dessus. Sans doute pense-t-il qu’il va faire la folie de le menacer. Cependant, c’est contre sa propre gorge qu’il place une pointe de verre.
- Alors… un choix seulement demeure encore mien ! La prochaine cérémonie que vous honorerez ici pourrait très bien être une dispersion de cendres ! Et n’osez même pas insinuer que je n’en serais pas capable… Regardez-moi dans les yeux, père, et dites-moi si vous y voyez le moindre doute !
Et il le pense vraiment ! Plutôt mourir que de la perdre, là était la profondeur de ses sentiments. Narcisse foudroie toujours son père du regard, défiant, une perle carmine commençant à poindre et glisser lentement le long de sa gorge. Enfin, une discussion commença à s’installer, qui bien que brève et expéditive fit avancer la situation sans qu'il n'y ait plus de hurlement. Une tension palpable, cela va de soit, mais plus de heurts. Finalement, sèchement et froidement, une question fut posée.
- Puisque vous l’aimez tant… que seriez-vous prêt à sacrifier pour elle ?
- Vous n’avez toujours pas compris, père ? Jusqu’à ma propre vie ! Tout, s’il le faut !
- En ce cas… et puisque vous me mettez au pied du mur, « mon fils », vous conviendrez d’un modeste sacrifice pour réparer votre affront. Ou devrais-je dire, vos affronts, aussi multiples qu’inadmissibles. Dites adieu à votre soi-disant talent. Dites adieu à votre art, et à ceux qui m’ont volé mon fils… Vous demeurerez désormais à Croquelune, sous ma coupe. Il y a là une éducation à reprendre…
- Consentirez-vous alors à me laisser l’épouser ?
- Ne vous attendez pas à ce que je donne ma bénédiction à cette mésalliance qui me donne la nausée et déshonore notre maison. Mais je ne m’y opposerai pas, si cela me permet de garder mes deux garçons. Votre mère ne me pardonnerait jamais votre perte… Tâchez au moins de faire montre à présent de l’honneur dont vous avez manqué jusqu’ici, et de tenir vos engagements. Et… plus de ces menaces puériles, jamais ! C’est entendu ?
Ses doigts aux phalanges blanchies se desserrent aux mots de son père. « je ne m’y opposerai pas ». Voilà bien tout ce qu’il voulait entendre, et le reste ne lui paraissait que bien peu de choses à côté. Le goulot chute, s’écrase, se fracasse lorsqu’il rencontre le sol. Tout dernier fracas de cette journée, sur cette promesse échangée.


4 – Symphonie, à la mort et à la vie (994)


- Mère… Vous n’êtes pas obligée de supporter cela...
Une phrase qui allait tout changer. Un soir, Narcisse avait trouvé Rosalie en pleurs en son boudoir. Autant les jeunes mariés vivaient un rêve éveillé depuis leur récent mariage, autant le couple marquisal semblait littéralement en passe d’imploser. Le discours était simple : elle avait le choix ! Son père restait son père, bien sûr, mais invivable comme il pouvait l’être avec elle, eh bien… le divorce avait été inventé pour cela, non ? Une longue discussion, au cours de laquelle sa mère lui apprit les raisons présumées des changements d’humeur de son paternel. Le fait qu’elle ne lui ait offert d’autre enfant que Narcisse, tout d’abord, qui avait déjà été abordé avant son départ pour Porte-Brume mais qui était revenu très fréquemment sur le tapis depuis, comme si l’absence de ses deux fils avait créé un vide qu’il fallait combler au plus vite. À force de s’entendre répéter cela, de moins en moins elle avait voulu remplir ses devoirs conjugaux. Plusieurs fois, elle lui avait tenu tête sur ce sujet, et sur d’autres ensuite, de plus en plus souvent.

Son fils alors la conseilla. Il fut drôle qu’il lui répéta quelques unes de ses propres directives, comme le fait qu’un couple se devait de reposer sur la communication. Lui demanda de lui parler, d’essayer de trouver un terrain d’entente, et bien sûr, s’il faisait sourde oreille, lui faire comprendre qu’il la perdrait pour toujours ! Car en l’esprit de Narcisse, il était impossible qu’Ezéchiel n’aime plus son épouse, eux qui avaient en leur temps été un exemple de couple tendre et heureux. Et là… qu’était devenu « l’ogre mangeur de licornes » qui lui courait après dans les couloirs du castel de Croquelune lorsqu’il était enfant ? Quoi qu’il en soit, il espérait que les choses se règlent ainsi. Il avait fait promettre à sa mère qu’elle procède de la sorte, et le tienne au courant des avancées. Qui vivra verra.

* * *

Cela donna un mieux, semblait-il ! Si Rosalie avait en effet dû en arriver à la menace du divorce, cela avait eu le mérite de débloquer la situation. Afin de renouer avec le romantisme de leurs débuts, Ezéchiel leur avait même organisé un dîner aux chandelles au bord du lac situé non loin du château. Le lendemain cependant, Narcisse ne put faire autrement que de s’en tracasser, au moment même où il croisa l’un des gardes censé les avoir accompagné. Non seulement ses parents n’étaient pas rentrés, mais son père avait tenu à ce que les gardes les laissent seuls. Et lorsqu’il en parla à son épouse et son ami, il sentit bien que malgré leurs mots rassurant, il n’était pas le seul à s’en faire. « Ils ont sans doute juste voulu rester seuls », dirent-ils. « Sans doute ont-ils dormi à la belle étoile, ou… ne m’as-tu pas dit qu’il y avait un chalet non loin ? » ajouta Servius, avant que Vigdis en termine par un « Nous n’avons qu’à aller voir, si tu le souhaites. Cela fait un moment que nous ne nous sommes pas baladés auprès du lac de plus... » en lui accordant un doux sourire, se voulant rassurante.

Oui, ils devaient avoir raison ! Ce n’était sans doute rien. Et sa plus grande crainte sur le chemin fut la possibilité de découvrir ses parents en une posture en laquelle aucun enfant ne souhaitait voir ceux lui ayant donné la vie. Ah, si seulement… il aurait tant préféré…

Car non loin, il fut évident que quelque chose clochait. Sans un mot pour ses proches, il talonna sa monture, se pressa. Ce qu’il pouvait apercevoir à distance n’annonçait que le pire, et malheureusement ses yeux ne lui mentirent pas. La première chose qui sauta aux yeux fut la silhouette de son père, ses pieds flottant au-dessus du sol. La couverture et leurs provisions retournées. Puis, un peu plus loin, des chausses émergeant de jupons. Le visage de sa mère à l’autre bout bien difficile à discerner, immergé. Un vision d’horreur qui le pétrifia. Incapable de faire un pas de plus, et seules ses émeraudes dardèrent en tout sens afin de trouver quelque indice lui permettant de comprendre ce qui s’était passé exactement. Un râle s’échappe de sa gorge, comme il remarque ce qui a été gravé dans l’écorce de l’arbre même où son père était pendu. Un cœur, deux initiales. Un classique un peu niais, mais qu’il connaissait bien pour l’avoir toujours vu là, datant des premiers émois de ses parents. Mais sous celui-ci, quelque chose de plus récent, tranché plutôt que gravé, nerveusement, avec colère sans doute. « Mienne à jamais »…

Incapable du moindre mouvement désormais, ne fixant que ces lettres et leur sens dans cette situation. Une compréhension qu’il n’était pas le seul à s’être fait.
- Votre mère a glissé sur la berge. Votre père, n’étant pas parvenu à la repêcher et comprenant l’avoir perdu n’a pas supporté, et… par amour, s’est donné la mort.
Première fois depuis des années que Servius le vouvoyait. Est-ce qu’il était vraiment en train de tiquer sur ce détail, alors que son ami dépeignait une scène ne correspondant absolument pas avec ce qu’il pouvait voir ici ?
- C’est ce qu’il s’est passé ici. M’avez-vous entendu, Narcisse ?
Il avait envie de lui répondre qu’il avait entendu. Il avait envie de lui hurler qu’il était stupide pour raconter des stupidités de la sorte. Il avait envie de l’étrangler, pour oser rompre le silence pour dire cela, devant le drame qui s’était déroulé ici. Mais rien, toujours rien. Jusqu’à ce qu’un visage vienne obstruer son champ de vision. Il prit alors conscience de l’air frais s’engouffrant dans ses poumons, comme s’il respirait à nouveau. Plonge son regard dans les azurs de son épouse, qui lui saisit le visage à deux mains.
- Je me doute que c’est une des dernières choses que tu souhaiterais entendre, mon amour. Mais l’on va nous demander ce que nous avons trouvé. Servius a raison… Et ceci… eh bien… Le monde n’a pas besoin d’avoir ce dernier souvenir de tes parents. Mon amour… Nous pleurerons ensemble, tout notre saoul. Je t’aiderai à panser cette blessure. Mais pour l’heure… La version de Servius doit être la nôtre !
C’est incrédule qu’il la regardait. Elle, l’honnêteté personnifiée, lui suggérait de mentir ? Elle avait raison cependant, sur tous les plans. À commencer par le fait qu’il s’agissait là de la dernière chose qu’il souhaitait entendre. Après une telle découverte, Narcisse trouvait même que c’était un affront, une lame retournée en son cœur que de discuter de cela, si tôt. Mais il comprit. Ils avaient raison, en effet. Ils tentaient de les protéger, lui et la réputation de ses parents. Un accident tragique, suivi d’un honorable suicide par amour. Loin de l’atrocité du meurtre et de la lâcheté qui s’en était suivie. Mais toujours, il ne répond pas. S’effondre, à peine retenu par son épouse, qui le suit dans sa chute jusqu’à ce qu’ils se retrouvent ensemble à genoux, se serrant l’un l’autre. Un goût de déjà-vu, lors de sa déclaration. Sauf qu’ici, les larmes qu’ils partagent sont amères et douloureuses. Et lorsqu’enfin il est capable de parler, ne sort de ses lèvres qu’un hurlement atroce, à s’en déchirer la gorge…

* * *

Le récit falsifié. Le deuil, où son père avait été dispersé dans les jardins de Croquelune là où sa mère serait enterrée sur ses terres familiales en Lagrance comme convenu lors de leur contrat de mariage. Le couronnement où Nithaël fut fait marquis tandis qu’il héritait de la baronnie de Porte-Brume, où il repartit vivre dès lors… Tout cela lui resterait à jamais lointain, comme s’il ne l’avait réellement vécu. Comme s’il n’avait été qu’un passager de sa propre enveloppe. Celui qui se trouvait en surface durant ce temps était taciturne. Ne parlait que peu. S’était mis à consommer plus de pavot qu’il ne le devrait, atténuant encore sa conscience. Dormant autant qu’il le pouvait en des sommeils sans rêve, ne s’accordant toujours pas le droit de créer à nouveau, distant de tout et de tous.

Jusqu’à ce qu’un matin, quelques semaines plus tard, une petite furie blonde vint tirer les rideaux et l’extirper de son sommeil. Émergeant à peine, la fixant sans trop comprendre ce qu’elle lui voulait, il la vit attendre là, à côté du lit conjugal, poings fermés sur ses hanches.
- Mon époux, il est temps de te réveiller !
Instinctivement, il comprit qu’elle ne faisait pas référence qu’à l’instant présent, et que le sommeil qu’elle évoquait était tout autre.
- Je ne souhaite pas renier ta peine et ta douleur. Je respecte ton deuil et ne te demande pas d’oublier d’un claquement de doigts… Mais je pense qu’il est temps à présent de vivre à nouveau ! Tu ne t’es même pas remis à créer ! As-tu oublié ce pourquoi nous faisions cela ? Quel autre but à l’art, sinon que de transmettre nos émotions ? De les écouler dans la matière pour lui donner vie ? Et toi, tu te coupes de tout… de ça… de moi… Je t’aime plus que tout, mon amour, et j’ai besoin de toi… Nous avons besoin de toi…
Un doux sourire sur le visage de Vigdis, alors qu’une simple pensée sembla adoucir son humeur. Et lorsque qu’elle se mit à doucement se caresser le ventre, alors, un changement profond s’opéra. Comme une bulle qui éclate, la torpeur disparut, il reprit le contrôle. Les places s’échangèrent, et c’était désormais l’autre qui était relégué à observer. Celui qui désormais serait son Sombre Passager...
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Message Sujet: Re: Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire   Recodage Livre IV ♦ Sujet de sauvegarde des fiches à refaire - Page 4 EmptyLun 14 Jan 2019 - 0:42


5 – Gravé dans le marbre (995)


Enfin, grâce à l’amour de sa vie, il avait émergé, et même commencé à régner, habité d’un désir de changement. Ainsi, plusieurs décisions cruciales furent prises. Tout d’abord, Servius – qui ne l’avait plus tutoyé depuis la découverte de ses parents, se refusant malgré leur amitié à cette familiarité compte-tenu que Narcisse était désormais titré – fut nommé intendant de Porte-Brume ainsi qu’officiellement son premier conseiller. Puisqu’il s’agissait désormais de célébrer la vie, il fit constituer un orchestre philharmonique permanent en ses murs, en commençant par piocher dans les artistes arpentant toujours ce domaine, et qui parfois étaient mandés à jouer juste pour le couple.

Tant qu’à parler d’art, Narcisse s’y remit avec un entrain renouvelé. Depuis l’interdiction de son père, il ne s’était plus mis à aucun labeur, jusqu’à ce que mari et femme, ensemble, constituèrent une œuvre à la fois majestueuse et chaotique, un lit taillé dans le marbre, par l’intrication de formes multiples et complexes où venaient se mêler corps humains dénudés, animaux – notamment des loups hurlants et bien sûr des papillons – ainsi que volutes abstraites, voilés et compositions florales. Autre décision notable, bien que tenant plus du détail : sept chats noirs furent offerts à Vigdis, et il fut proclamé ainsi qu’en tout temps, Porte-Brume devrait toujours en compter sept, ni plus ni moins !

* * *

Un homme fait les cent pas. Car en cet instant, c’est tout ce qu’il est. Son titre ne lui vaut rien dans cette situation. Il n’est bien qu’un homme, et rien de plus qu’un homme, réduit au bon vouloir des Dieux. Quelques mois s’étaient écoulés, durant lesquels leur vie avait repris son cours. Le ventre de Vigdis s’était adorablement arrondi, et le couple regoûtait au bonheur tout simplement. Mais ce matin à son réveil, le visage de son épouse s’était crispé. Des douleurs vives, inquiétantes forcément à un mois du terme. La veille, ils s’étaient une fois de plus gentiment opposés. Narcisse était persuadé qu’ils allaient ensemble avoir une fille, soi-disant que sa blonde lui avait dit en rêve ; cette dernière souhaitait plutôt un garçon, un « mini-Narcisse » comme elle disait. Un débat simple, et empli de tendresse et d’insouciance.

Le contraste n’en était que d’autant plus cru et violent. Lui, tournant et tournant encore, se rongeant les ongles compulsivement alors que de l’autre côté de la porte – que les médecins lui avaient strictement interdit de franchir – sa précieuse moitié souffrait en tentant de mettre au monde leur enfant…

* * *

Depuis combien de temps était-il assis là, ses yeux rougis fixant sa dernière œuvre ? Il avait écouté ses conseils. Qu’était un artiste s’il ne cherchait pas à transmettre ses émotions ? Dès lors, Narcisse avait mis toute son âme dans celle-ci. Et depuis qu’il l’avait achevée, Narcisse n’osait plus en décrocher son regard. Peur qu’elle disparaisse en un clin d’œil, « une fois de plus ». Il avait été comme en transe bien des jours durant. Des semaines peut-être ? Impossible pour lui de le dire, il avait perdu toute notion de tout. Il n’avait fait que se nourrir un peu parfois, se servant sur les plateaux que Servius lui faisait servir. Dormir un minimum, mais seulement lorsqu’il en tombait de fatigue. Et il fumait des herbes, encore et encore, souhaitant préserver cet état autre, cet élan d’ailleurs qui le guidait.

Une main se lève, et de ses ongles gratte sa joue, encore peu habitué à cette barbe qui y avait pris place depuis qu’il se négligeait complètement. Tout ce qui comptait, c’était cette statue. Ce corps fin et gracieux, recouvert d’un voile dont il parvenait encore à douter qu’il soit fait de marbre et non de la plus fine des étoffes, s’attendant à tout moment à la voir bouger au moindre courant d’air. Dans ses bras, ce qui semble être un bébé emmailloté de tissu, pressé contre son cœur, provoquant le sourire béat de la belle de marbre. Était-ce bien lui qui l’avait créé ? Avait-il seulement été un jour capable d’une telle perfection ? Son chef-d’œuvre, sans nul doute, qu’il garderait jalousement désormais… « Vigdis au Purgatoire de Sithis », serait-elle nommée en mémoire de celle qu’il avait trop aimé, et qui désormais n’était plus...


6 – Fausses notes (1001)


Quelques années durant, Narcisse s’était laissé porter par le courant. Clairement plus le même homme depuis la perte de son âme sœur, et de cet enfant dont il n’avait jamais vu le visage, ni même demandé s'il avait s’agit d’un garçon ou d’une fille. Quelle atrocité cela aurait été d’apprendre qu’il avait tort ou raison dans un instant si tragique. Son deuil avait duré près de trois années durant lesquelles il avait laissé Servius gérer les affaires de la baronnie, et avait tenu ses relations humaines au strict minimum. Son temps, il le passait bien souvent dans un état second, provoqué par son Sombre Passager, ainsi que l’alcool et les drogues dont il abusait, pavot et quelques herbes spécifiques ayant rejoint les cultures de Porte-Brume, en bonne partie pour sa consommation personnelle. Il avait laissé pousser ses cheveux et sa barbe, en toute négligence, n’ayant plus personne à qui plaire désormais.

Par contre, c’est sans doute la période la plus productive qu’il ait connue, produisant des œuvres à la chaîne. Une production sans saveur à son sens pourtant. Rien qui ne parvenait même à la cheville de sa pièce maîtresse, et dont il se débarrassait bien vite en les vendant au premier acheteur. Un jour, il avait été capable du meilleur. Une sculpture dont il tentait d’atteindre le niveau, sans jamais y parvenir.

Ne parvenant à combler ainsi ce vide, Narcisse chercha d’autres moyens. Lorsqu’il recommença à devenir quelque peu une créature sociale – soit lorsqu’il cessa de se vêtir exclusivement de pourpre pour préférer le noir et l’argent de ses couleurs familiales – bien des artistes vivant en son domaine terminèrent également en sa couche, toute femme capable de lui offrir une nuit de répit s’y trouvant éligible. Cela bien sûr ne fonctionna pas non plus, ne lui laissant qu’amertume au soleil levant d’apercevoir un autre visage que celui qu’il aimerait jusqu’à la fin des temps, et dont il était privé…

* * *

Le Porte-Brume, bien que rare en dehors de son domaine, avait commencé à en sortir quelques fois. Notamment lors d’événements notables où il était invité. Ainsi, Euphoria et Ibelin furent quelques fois visitées. Et même récemment Alfaë, bien qu’il n’en gardait pas un grand souvenir… Des lâchers de serpents, une Ordalie de Diamant et des Épines qui s’en mêlent, sans compter les esclandres et les relations mises à mal qui s’en sont suivies… Pas de grands souvenirs, bien qu’il fallait y reconnaître un certain côté distrayant. Pour ces raisons, il avait refusé d’assister au Tournoi des Trois Opales, et lorsque l’on savait comment cela s’était terminé, il avait très clairement bien fait ! Encore plus de tensions, un jour tout cela allait leur péter au visage à tous, évident.

C’est aussi pour cela qu’il avait préféré fêter la Samhain en Sombreciel. Une nuit de débauche à la maison, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Ah, belle naïveté… Le festival du Seuil avait pourtant bien commencé ! Quelques petites péripéties venant même animer la soirée, jusqu’à qu’une machine vienne à exploser lors du concours d’inventions et que le tourment des morts vienne à s’abattre sur les vivants.

Son père fut le premier. Silencieux. Un regard de jugement, des mots durs qu’il ne perçut qu’à peine outre le ton, trop horrifié par cette vision. Puis s’y succéda sa mère, en larmes, qui quant à elle ne prononça aucun mot et n’exprimait que peine et douleur. Et lui de les regarder tour à tour, se demandant s’il en avait trop pris, bien que comprenant que tout cela était trop réel pour qu’il s’agisse d’une simple illusion produite par sa chimie cérébrale.
- Mon amour ?
Il se retourne vivement. Cette voix, elle peuplait tant son esprit que ses souvenirs n’avaient pu ni l’oublier, ni l’altérer. Et là, son cœur s’arrête un instant, tenaillé, lorsqu’il l’aperçoit. Sa Vigdis. Son tendre amour, son ange, à quelques détails près dans la même tenue et posture que lorsqu’il l’avait représentée, ce même paquet emmailloté dans les bras. Pieds nus, elle s’avançait doucement à sa rencontre, son éternel doux sourire sur les lèvres.
- Est-ce que tu veux la voir ?
Lui demanda-t-elle avec une telle bienveillance et tant d’amour dans la voix que cela l’acheva, et fit naître ses larmes. « La ». Tu veux « la voir ». Ainsi, enfin, il apprit qu’il avait eu raison… Il s’approche, élève la main jusqu’à la joue de sa belle. Le contact s’opère, mais semble lointain, incomplet… ne retrouve pas tout à fait la douceur de sa peau, ni sa chaleur… Néanmoins, il touchait du doigt sa moitié, après tant d’années. Elle s’approcha, venant coller son épaule à la sienne, penchant un peu le couffin improvisé pour lui montrer sa fille. Narcisse s’en mord violemment les joues, une manière de ne pas craquer totalement ainsi que de s’assurer qu’il n’était pas en train de rêver. Une toute petite chose, si fragile. Alors qu’il l’admire, sa Vigdis l’observe, émue elle aussi, avant de poser la tête contre son épaule.
- J’aimerais que tu m’écoutes… je ne suis pas sûre que l’on ait beaucoup de temps, alors ne m’interromps pas, d’accord ?
Narcisse la regarde, opine, lui passant un bras autour de la taille, toujours dérangé par cette impression de ne pas tout à fait la toucher alors que pourtant le contact se fait, mais s’en contente. Hoche de la tête, attentif, bien qu’il ne parvenait pas à décrocher ses yeux de l’être minuscule, fruit défunt de leur amour, qui s’agitait doucement devant lui.
- Je me demandais… j’aimerais savoir où est passé celui dont je suis tombée amoureuse. Je sais qu’il est toujours là, au fond mais… tu n’es plus toi mon amour. Tu étais curieux du monde et bienveillant. Un homme aimant et passionné. À présent… toutes ces femmes...
Elle laisse passer un silence, et lui de se mordre la lippe.
- Je ne t’en veux point. Je pense même que tu ne devrais pas rester seul. Refaire ta vie, et être à nouveau heureux !
- Comment ? C’est impossible sans toi, mon ange… Je te l’ai dit un jour, à genoux devant toi : jamais je ne pourrais aimer plus que je t’aime toi ! Pour toujours !
Elle soupire, mais a un petit sourire en coin. Comme si sa tête l’incitait pour son bien de trouver quelqu’un qui lui rendra le sourire, mais que son cœur, égoïste, se trouvait heureux de l’entendre éprouver des sentiments toujours destinés à elle exclusivement. Cependant en ses mots, c’est la raison qui l’emporte.
- J’aimerais que tu essaies, au moins. Tu restes quelqu’un de bien, malgré tes humeurs… Tu mérites qu’une femme te rende heureux. Te donne l’enfant que je n’ai pu...
Elle s’interrompt, trop d’émotions. Et sa vision à lui de se brouiller derechef, la serrant un peu plus contre lui. Tentant de se reprendre, le fantôme de Vigdis change de sujet.
- Et souviens-toi de qui est réellement là pour toi… Depuis combien de temps n’as-tu plus parlé à Servius en ami ? Depuis combien de temps n’est-il plus que ton serviteur ? Il tient beaucoup à toi, tu sais… Essaie de ne pas trop le blesser, d’accord ?
Cette dernière phrase lui parut un peu étrange. Oui, c’était vrai qu’une certaine distance s’était posée entre Servius et lui, mais après tout il avait érigé ses murs envers le monde entier et non seulement lui. Par contre, il n’avait pas l’impression de le blesser de quelque manière. Que voulait-elle dire ? Quoi qu’il en soit, à sa demande, le Croquelune fera attention, oui. Opine en réponse.
- Bien… et maintenant...
Elle se dresse sur la pointe de ses petits pieds, lui dépose un tendre baiser sur le coin des lèvres. Ses paupières se ferment, comme il profite, même si toujours cela n’a rien de commun avec ce qu’il avait connu de son vivant, cette forme spectrale ne pouvant s’approcher du chaud et affectueux contact d’un corps humain.
- Tu devrais quitter la ville. Rentrer en ton domaine, maintenant. J’ai… j’ai comme l’intuition que les choses qui vont se dérouler ici… Je ne sais pas… Un mauvais pressentiment, juste, mais je serais plus rassurée de te savoir loin.
- Tu me demandes de partir ? Alors que tu es là ?
- Cela n’a pas vocation à durer, et tu le sais bien… Prenons cela comme une douce brise. Elle vient, apaise nos âmes, et repart aussitôt… Tu dois vivre avec les vivants mon amour. Tu le dois, et ce n’est pas discutable !
Termina-t-elle en agitant l’index sous son nez, ce qui le fit sourire forcément. Sourire qui se dissipa bien vite alors qu’elle s’écarta de ses bras, s’éloignant déjà, s’arrêtant après quelques pas pour tourner à nouveau son visage vers lui.
- Pars maintenant ! Fais-le pour moi !
Elle le regarde encore un instant. Lui sourit. Et il sait les mots qu’elle retient. Ne les connaît que trop bien. Elle s’en pince les lèvres pour ne pas les prononcer, ne pas rendre cela plus difficile encore, il le sait. Face à ces sentiments muets, lui répond simplement.
- Je t’aime aussi mon ange… Dors bien !

* * *

Narcisse fit comme il lui fut recommandé, et partit aussitôt à l’aide d’un portail. Plus tard, il apprendrait ce qu’il s’était passé ensuite. Les actions de l’Ordre, de la Rose, et les Faës reconduits ensuite par la force aux frontières de l'Empire. Tout ce qu’il en sait pour le moment, c’est cette voix que nul n’avait pu ignorer dans tout le continent. La prise de pouvoir de Gustave, la mort de Chimène… Cela ferait beaucoup d’inquiétudes à venir bien sûr, car les relations entre Ibélène et Faërie ne pourraient que s’en trouver encore plus en danger. Mais pour le moment, il a une urgence plus personnelle à traiter…
- Servius… désolé de t’avoir fait réveiller, mais… J’ai réellement besoin de toi. J’ai besoin de mon ami...


7 – Sous le canevas (1002) – [Roue Brisée]


Les tensions finalement explosèrent littéralement. La guerre entre les empires avait été déclarée. Un millénaire de paix, et tout ça réduit à néant, un an à peine après les célébrations ? Triste monde que celui-ci… Surtout compte-tenu du prix qu’il avait eu à payer. De Porte-Brume, à l’autre bout de Sombreciel, Narcisse n’avait pas à faire face à une crainte majeure dans un premier temps. Du moins pour sa propre personne. Si la situation pourrait à moyen ou long terme devenir inquiétante pour lui, il portait sur ses épaules une terrible angoisse concernant un proche parent encore en vie…  Son frère Nithaël, son aîné, bien qu’ils furent toujours si différents… comment ne pas craindre pour lui, alors que Croquelune se trouvait à la frontière lagrane ? Bien sûr, le duc Denys du Lierre-Réal étant son cousin, la situation pourrait peut-être trouver une fin moins amère que ce que ses pires craintes laissaient supposer. Le cadet avait écrit à son frère. Lui avait demander de venir se retirer à Porte-Brume le temps que cela se tasse. Mais Nithaël ne l’entendit pas de cette oreille. Pour l’honneur familial, l’honneur de leurs ancêtres et leur noble lignée, il ne comptait pas quitter le navire. Ne négocierait pas plus de reddition.

Aussi, lorsque la terrible nouvelle lui parvint à Porte-Brume, il n’en fut pas étonné. Ébranlé, perturbé, mais rien de nature à le surprendre. Le vide en son âme s’était creusé un peu plus encore, mais le plus dur lui parut à venir.
- Installe-toi Servius.
Lui demanda-t-il simplement alors que son ami venait de le rejoindre, comme il l’avait fait mander. Il eut… un sentiment étrange, ne sachant tout à fait dire d’où il venait. Tournant dos à celui qui venait d’entrer, ses yeux verts portant à l’horizon par une fenêtre devant laquelle Narcisse se trouvait, bras croisés dans le dos. S’il avait pu se voir lui-même, il aurait peut-être compris d’où cette étrange sensation lui venait, alors qu’il adoptait cette posture pourtant plus typique de son père et de son frère, comme un glauque mimétisme en cet instant de deuil. Son ami cependant n’en fit rien. Resta debout, droit et digne comme à son habitude. Silencieux, attendant que le baron lui explique la raison de cette convocation. Ce dernier se retourna alors. Soupira, et prit un siège pour s’y installer. Insista en lui indiquant le siège se trouvant face au sien, et seulement alors Servius s’assit à son tour. Ils échangèrent un regard, et cela sembla suffisant pour provoquer une réaction.
- Cela semble grave. À quel point ?

- Croquelune est tombée...
Il voit le Belliférien déglutir. Lui aussi s’inquiète, à raison. Son père était resté au service de Nithaël, devenu capitaine de la garde du marquis. Son expérience et son expertise avaient sans doute gagné du temps pour le domaine de son frère. Mais pas assez…
- Des nouvelles de votre frère ?
Le regard croisé perdure. Le silence s’installe. Y avait-il réellement besoin de mots encore, tandis qu’ils se connaissaient si bien ? Manifestement non…
- Oh… je vois… Mes sincères condoléances, Narcisse.
À la manière dont il se mâchouille la lèvre après cela, Narcisse sait qu’il a compris la portée de cette nouvelle. Que Nithaël n’est pas le seul à avoir perdu la vie dans la défense de Croquelune. Que le Porte-Brume n’est pas le seul sur lequel le deuil se portait. Le baron se lève, sans un mot toujours, dans cette espèce de torpeur où son Sombre Passager l’avait porté. Avec une nonchalance mal à propos s’approche de Servius, lui posant une main ferme sur l’épaule.
- Honorons-les ensemble Servius. Délègue tes tâches pour quelques jours. Et ne me fais pas l’affront de me vouvoyer ce temps durant. S’il faut que j’en fasse un ordre, considère que c’est le cas.
C’est donc à sa manière bien à lui qu’ils noyèrent leur chagrin. Dans une décadence bien légitime des terres où ils vivaient. Cela se passe sans doute aisément d’autres précisions…

Les choses se poursuivirent donc ainsi, dans une relative tranquillité malgré les événements qui secouaient le continent. Du moins si l'on en exceptait le mariage de son duc à Madeleine de Bellifère, enlevée avant d'être épousée. Rien qui perturba réellement l'existence de Narcisse. Jusqu’à ce qu’un matin...

* * *

Avant même d’ouvrir les yeux, au réveil, il sut que quelque chose clochait. Et pas qu’une, même ses sens atténués par les brumes du sommeil pouvaient sans mal en témoigner. Les odeurs. Les sonorités. Le confort de sa couche. Tout avait changé, c’était évident. Une seule chose familière. Blottie contre lui… Ses paupières se soulèvent, et elle est bien là. Pas tout à fait pareille qu’elle le fut cependant. Des cheveux bien plus courts, lui arrivant à peine à la nuque. De petits plis qui commençaient à se marquer à l’extérieur de ses yeux. Mais c’était bien elle, juste… plus âgée ? Oui, certainement. Était-ce un rêve ? Et si c’était le cas, souhaitait-il seulement s’en réveiller ?
- M… mon ange ?
Il fallut quelques minutes pour qu’il se calme un peu. Qu’il cesse de la serrer si fort contre son cœur. Et elle ne semblait rien comprendre à ce qu’il pouvait lui raconter. Comment ça, elle était morte ? Bien sûr que non, puisqu’elle se tenait dans ses bras, comme chaque jour !
- Tu as juste fait un mauvais rêve, mon cœur. Calme-toi un peu, d’accord ? Tu vas réveiller Rehaël...

* * *

La découverte de son jeune fils lui accapara une bonne partie de cette journée, et Vigdis de le regarder de plus en plus suspicieuse. Quelque chose avait changé en lui, c’était indéniable. Alors, lorsque finalement il lui raconta toute son histoire, elle le crut. Visiblement, même dans cette réalité-ci, dans ce rêve éveillé, ils ne se mentaient jamais. Alors, quant à elle, elle lui raconta l’histoire qu’elle connaissait. Celle de deux empires qui n’avaient jamais signé de traité. Celle d’une guerre sans fin, qui les dépassait. Un monde dans lequel les Croquelune n’étaient plus marquis depuis longtemps déjà, ayant fuit en Valkyrion, au plus loin du conflit qu’ils le pouvaient. Où, depuis bien des générations, ils s’étaient implantés bien plus modestement, ne parvenant à maintenir leur noblesse que par un jeu d’alliances et d’héritages. Et surtout, où les âmes-sœurs à la cour de Svaljärd, la famille de Vigdis possédant baronnie en cette version de l'histoire, avaient pu se rencontrer. Ici aussi, ils s’étaient trouvés, et s’étaient reconnus comme deux moitiés d’une même pièce. Ici aussi, leur art les avait rassemblé, et sans apprentissage s’étaient développés, ensemble.

Loin d’imaginer que d’autres que lui s’étaient retrouvés happés par la Roue Brisée et qu’ils cherchaient désormais à retourner dans leur réalité, lui ne souhaitait que rester ici. Il sentait bien comme une voix au fond de lui qui cherchait à l’inciter à se rendre à Lorgol, mais il y résistait… Dans son monde d’origine, Vigdis n’était plus. Pour quelle foutue raison voudrait-il y retourner ? Une vie plus pauvre. Une vie où la guerre faisait rage, plus encore qu'en son monde. Mais une vie où son tendre amour était bel et bien en vie. Où il pouvait la serrer contre lui. Où il avait un fils, un héritier… Tout n’avait pas été rose ici non plus. Leur fille était venue au monde, une petite Rachel, que la maladie avait malheureusement emporté il y a un peu plus de deux ans. Ils avaient longtemps porté son deuil, risquant même de mettre en péril leur couple, mais une nouvelle grossesse les avait rapprochés à nouveau.
- Tu veux la voir ?
Lui dit-elle, faisant écho aux mots du spectre, des mois auparavant. Comme si c’était possible ici ! Mais elle lui tendit simplement la main, émue de faire revenir de pareils souvenirs à la surface. Et l’entraîna en leur atelier…

Sur le chemin, il jetait des regards hésitants en tous sens. Elle lui présenta ses œuvres, troublantes. Il n’y avait pas là la maîtrise technique qui le caractérisait, mais cet art plus rustique lui parut de loin supérieur à ce qu’il produisait. Un travail moins précis, mais où les émotions étaient palpables, parfois même déchirantes. Seule sa « Vigdis au Purgatoire de Sithis » lui parut supérieure encore. Mais cette impression ne dura pas, lorsqu’il la vit. Rachel, sa fille… et ses larmes de couler sans retenue sur ses joues, le marbre s’affichant comme un fidèle témoin de l’amour porté à cette enfant qui devait avoir cinq ou six ans. Oui, il ressentit tout de ce que son autre lui avait voulu y mettre. Son amour infini en premier lieu, mais sa peine déchirante également. Narcisse ressentit le tout en un instant, comme une puissante gifle en pleine face, comme un poing se serrant autour de son cœur. Et dire qu’il pensait tout ce temps avoir réalisé son chef-d’œuvre… Cette pièce la surpassait encore, sans l’ombre d’un doute !

Alors, il comprit. Il comprit qu’il ne faisait que créer pour atteindre un objectif, là où le Narcisse de l’autre côté du miroir n’avait fait que transmettre simplement ses sentiments et émotions à ses œuvres. Vigdis avait tenté de le lui rappeler, le jour où elle lui avait appris être enceinte. Une autre compréhension se fit… ses deux plus belles œuvres, deux mondes confondus, avaient fait suite à la plus terrible douleur qu’il avait pu ressentir, par la perte de ce qu’il lui était le plus cher. De quoi le marquer, certainement...

* * *

Deux mois durant, ils se redécouvrirent. Après tout, tous deux n’étaient plus tout à fait les mêmes. Une impression parfois d’être des étrangers, mais qui ne pouvait qu’être balayée dès lors qu’ils se serraient l’un contre l’autre.
Deux mois durant, où il profita de son fils. Où il rattrapa comme il put le temps perdu. Et puis, tout à coup, tout ça disparut. Cette vie qu’il ne souhaitait pas quitter, ce bonheur retrouvé, il en était dépouillé à nouveau. Mnémosie en personne lui laissa un choix, un seul. Pas celui de rester malheureusement… Ce fut néanmoins le choix le plus simple qu’il eut à faire de toute son existence. Plutôt mourir que d’effacer ces souvenirs si chers à son cœur désormais, même s’ils lui causeraient bien des douleurs et tourments maintenant qu’il savait ce qui lui était enlevé...


8 – Renouveau pour un soliste ? (1002)


Le souvenir de ces deux mois resta en effet un traumatisme. Trop souvent, Narcisse se perdait en ses songes, et si le choix lui était donné, il retournerait « là-bas » sans la moindre hésitation. Il l’avait perdue à nouveau, ni plus ni moins. Elle, et ce fils. Pourquoi le monde s’acharnait-il ainsi à le torturer, encore et encore ? Qu’avait-il fait de mal pour qu’il doive payer à ce point ?

Aussi, les histoires du monde, bien qu’il en apprit pas mal, ne lui parurent pour la plupart que lointaines. Enfin… pas vraiment, bien sûr. Que de nouveaux tracas d’ampleur qui s’ajoutaient, encore et encore, mais le baron de Porte-Brume tâcha de se tenir éloigné autant qu’il le put de tout cela. Lughnasadh, où l’Ordre du Jugement et la Rose Écarlate une fois de plus s’étaient opposés. Trop tard sans doute, ayant signé la perte de Catarine d’Ibélène, le coma de l’empereur et la montée de son jeune fils sur le trône. Il y eu aussi cette mystérieuse maladie, qui permit néanmoins la reprise de leur territoire, Croquelune de nouveau Cielsombroise. Alors que les troupes s’enfoncent en Lagrance profitant de cette étrange maladie des mages, Narcisse fait valoir les droits du sang alors que le mariage de son frère était resté stérile, héritant ainsi de Croquelune où il décida de s’établir.

S’ensuivit le réveil de la Chasse Sauvage qui ferait frémir dans les chaumières, et le sacrifice des pièces de la Rose Écarlate pour tenter de la contrer. Une lourde perte certainement, et malgré cela la Chasse toujours parcourait le monde… La mort finalement d’Augustus, le deuil proclamé en Ibélène pour quatre mois durant.

L’année la plus mouvementée que le continent avait pu connaître depuis bien longtemps se termina néanmoins sur des notes positives, par un rétablissement des frontières et une trêve entérinée. 1003 ne débuta pas si mal, par les célébrations du mariage entre son suzerain et Alméïde d’Erebor, où il fut convié et il répondit présent. Mais bien sûr, les choses ne pouvaient pas rester si calmes après autant de tourments. Et ils se retrouvaient désormais avec un empereur ressuscité sur le trône. Pour lui, pas de raison de ne pas le reconnaître pour autant. Après tout, après l’année qu’ils avaient eu, hein ? S’il respirait et qu’il était capable de prendre des décisions pour le bien de son peuple, alors pour Narcisse, Octave était bien assez vivant que pour occuper un trône !

Et maintenant, de quoi demain serait fait ? Ah, demain, il l’ignorait… Mais aujourd’hui, c’était son anniversaire, et burin et ciseau le démangeaient...


CHRONOLOGIE


  • 30 janvier 977 ♦️ mariage d'Ezéchiel de Croquelune et de Rosalie de Val-Viride,
  • 18 mai 978 ♦️ Naissance de Narcisse à Croquelune,
  • 22 août 986 ♦️ Nithaël, son grand frère de huit ans son aîné, se marie,
  • 3 juin 988 ♦️ Narcisse est envoyé à Porte-Brume,
  • 14 février 993 ♦️ Narcisse demande Vigdis en mariage,
  • 21 mars 994 ♦️ mariage de Narcisse et Vigdis,
  • 11 juillet 994 ♦️ décès des parents de Narcisse, qui devient baron de Porte-Brume,
  • 19 avril 995 ♦️ décès en couches de Vigdis,
  • 26 janvier 1002 ♦️ la guerre entre les empires éclate,
  • 2 mars 1002 ♦️ décès de son frère sans héritier lors de la prise de Croquelune par les forces lagranes,
  • 3 avril-1er juin 1002 ♦️ s'éveille et évolue au sein de la trame alternée, ce dont il gardera souvenir,
  • 16 septembre 1002 ♦️ reprise de Croquelune par les forces cielsombroises. Faisant valoir les droits du sang, Narcisse en devient marquis dans la foulée,
  • 6 décembre 1002 ♦️ trêve proclamée entre les empires,
  • 29 mars 1003 ♦️ Octave, mort et ressuscité, devient empereur,
  • 18 mai 1003 ♦️ 25e anniversaire de Narcisse [début du RP].



La Chasse Sauvage est libérée et arpente librement le continent. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
• Une crainte, forcément. Trop de troubles déjà en nos terres pour que ce funeste tracas vienne encore s'y rajouter. Malheureusement à mon échelle je doute bien pouvoir y faire quoi que ce soit, mais heureusement, j'ai le sommeil lourd et ne sort que peu de mon antre...

Il y a un mort-vivant sur le trône d'Ibélène : l'empereur Octave a été tué, puis ressuscité. Que t'inspire ce genre de magie ; et que penses-tu d'Octave suite à cela ?
• Il est sur le trône. Il porte la couronne. Il respire, boit, mange... En somme, il m'a l'air tout ce qu'il y a de plus vivant ! Quant à cette magie, je ne puis que regretter de n'avoir pu en faire usage moi-même, fut un temps... dangereux cependant, et il est heureux que tous ne puissent en user, sans quoi plus personne ne connaîtrait jamais le repos. Très curieux cependant de rencontrer celle qui en est responsable...

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• J'ai tendance à voir Lorgol d'un bon œil, même si je ne m'y suis que très peu rendu. La mixité que l'on y rencontre est à même de provoquer mon intérêt. Je ne crains donc pas la ville aux Mille Tours, et au contraire serait intéressé de mieux la découvrir.




Dans la vie, je m'appelle Dimitri. J'ai découvert le forum via ma Biquette d'amuuuuur et voici ce que j'en pense : univers complexe - ce qui est une qualité - avec énormément de lecture pour l'appréhender et des sujets parfois un peu difficiles à dénicher pour certains, mais le guide du débutant et le système de parrainage aident à palier à ça. La communauté semble adorable et accueillante, avec un niveau de RP général assez solide (quand je disais que la complexité était une qualité, ça pose déjà un tri en amont, héhé ^^). Le forum est actif, une certaine longévité et des intrigues fréquentes ce qui sont forcément de très bons signes d'un forum sain et bien géré. Et puis, la touche classe en plus : vous avez Biquette ! Et ça, ça cartonne !  :keur: .
Pour les inventés : Je ne vous autorise pas à faire de mon personnage un scénario si mon compte était supprimé.  




Récapitulatif

Narcisse de Croquelune

Mise à jour des registres et bottins



♦️ Luca Sguazzini
♦️ Compte principal : Oui

♦️ Noblesse : Marquis de Croquelune & baron de Porte-Brume / Sombreciel




Narcisse de Croquelune & Joséphine Siguardent

Le cadeau d'Euphoria

18 mai 1003



- Mon Seigneur, vous avez une vi-
Le Marquis leva la main, intimant le silence. Il était pour l’heure à travailler sur une nouvelle statue, comme toujours tentant de retrouver les mêmes sensations que lors de la réalisation de l’une d’elle. Ciseau et marteau dans une main pendant le long de son corps, sa dextre quant à elle était tendue vers le marbre. Dans l’ensemble, une forme vulgaire avait déjà été définie, et peu à peu il tentait d’en faire ressortir les détails. Ses doigts flirtaient au niveau du buste, plus ou moins où devrait se situer le cœur de la femme qu’il représentait. Il avait l’air… d’y chercher quelque chose, comme s’il s’attendait à ce qu’un événement se produise, en vain.
- Seigneur ?
Le Croquelune soupire, doublement contrarié. Tourne ses émeraudes en la direction du page venu le prévenir. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais il attend.
- Vous avez une visiteuse, mon Seigneur. Venue d’Euphoria, afin de vous faire un présent de la part de votre Suzerain.
- Un présent ? En quel honneur ?
- C’est… c’est votre anniversaire, mon Seigneur...
Il fronça les sourcils, parut y réfléchir un instant. Puis il s’éclaire.
- Oh, Diable, oui ! Faites-la venir.
Le page ne posa pas de question et s’inclina. Un atelier n’était sans doute pas le meilleur endroit pour recevoir une envoyée du Duc, mais les excentricités du Marquis étaient légions, et plus personne en sa maisonnée ne s’en étonnait. Tout comme ils savaient que ce n’était pas à discuter. Aussi, quelques minutes plus tard, ce même page revint accompagné d’une jeune femme, alors que Narcisse en était toujours à palper le marbre, attisant vivement le foyer d’une pipe tenue entre les dents et sur laquelle il tirait nerveusement, répandant une odeur âcre témoignant qu’il n’y avait pas là que du tabac. De nouveau sa main se lève en direction de l’entrée, coupant court à toute possible conversation, avant de l’inviter du geste.
- Approchez...
Dit-il juste à l’attention de la brune, le page comprenant et s’inclinant, un air confus sur le visage quant au comportement de son maître, avant de s’éclipser.
- Venez là… j’ai besoin de vous...
Poursuit-il comme elle approche. Il pose sa pipe sur un établi non loin, et une main sur l’épaule de Joséphine l’attire doucement juste devant lui. Une promiscuité imposée pour la pauvre femme qui devait sans doute se demander ce qu’il pouvait bien attendre d’elle.
- Juste… permettez...
Sa main droite vient saisir la sienne, posant sa paume sur le dos de la main douce, alors qu’il lui parle désormais directement à l’oreille, fixant toujours sa réalisation en cours. Ainsi, enlaçant un peu ses doigts aux siens, lève la main de la brune pour qu’elle entre en contact avec la statue, toujours au niveau du cœur.
- Elle veut sortir… son bloc n’est qu’une prison, dont je dois l’extirper, vous comprenez ? Normalement… vous devriez sentir sa chaleur, ici, juste sous cette couche… Je ne dois pas faire d’erreur, sinon elle sera perdue. Ôter juste ce qu’il faut, ni plus, ni moins… Cette chaleur, la sentez-vous ? C’est comme...
Ne lui laisse pas le temps de répondre, accaparant la parole comme il poursuit. Sa main gauche jusque là sur son épaule glisse doucement le long de son bras avant de rejoindre son flanc, et de là dériver jusqu’à l’abdomen de la jeune femme où elle se repose simplement dans une subtile caresse.
- ...comme ce que l’on ressent en nos tripes, lorsque l’amour naît… une douce chaleur qui semble à la fois émaner et englober, vous procurant un sentiment de bien-être infini… Vous comprenez ?
Durant ce temps, il continue de faire glisser leurs doigts joints sur le buste rudimentaire de marbre.
- Alors ? La sentez-vous ?
C’est seulement qu’il tourna le visage vers elle, sa voix n’étant plus qu’un murmure à son oreille.
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