Remains of the day

La vie continue, les gens défilent, emprunts d’une allégresse certaine, alors que les rues de Lorgol retrouvent leur calme. Un calme tout relatif, si l’on se fie au peuple qui foule les dalles de la ville haute – mais la Duchesse préfère cette ambiance plus détendue, moins folle. Elle baisse les yeux sur son bébé, son si petit bébé, paisiblement endormi dans ses bras. Elle le sent s’agiter, sûrement va-t-il se réveiller, mais elle souffrirait toute crise de pleurs incompréhensible et incontrôlable, du moment qu’elle a avec elle la prunelle de ses yeux, celui qui a changé sa vie pour le mieux. Elle n’oublie, la Duchesse hésitante, l’angoisse de voir son fils envolé. Elle le gardait tout près de son cœur, pourtant. Anthim l’avait amenée à un étal de jouets en bois – Qasim était trop petit, évidemment, mais il était bien plus attendri par son fils qu’il ne l’admettait, le fier duc qui avait ravi son cœur. Ce qu’il s’était passé après, pour que son fils disparaisse ? Sitara n’en avait aucune idée, et ne cessait de se morfondre. Elle n’avait pas laissé un instant Qasim, depuis que cette voltigeuse dont la grande bravoure avait impressionné la duchesse le lui avait rendu, sans qu’il n’ait subi aucun dommage, semblait-il. Elle avait difficilement lutté contre l’hystérie, et avait insisté pour qu’Anthim l’amène auprès d’un médecin, un guérisseur, n’importe qui, pour qu’elle s’assure que son fils était en bonne santé. Fort heureusement, certains se trouvaient sur le bateau qui s’était engagé à la poursuite des ravisseurs.

Sitara n’était pas sereine pour autant. Retrouverait-elle jamais cette sérénité ? Rapprochant un peu plus son fils d’elle, elle hésitait à faire demi-tour, pour retourner dans la tour leur appartenant qui les avait accueillis pendant leur séjour, protection dérisoire, s’il en était. Persistante, tel un poison la consumant, elle sentait l’angoisse l’étreindre de nouveau. Comment pourrait-elle quitter son fils des yeux, un seul instant ? Elle se fit le serment de ne jamais plus revivre une telle terreur. Il n’avait que quelques mois, mais la complicité qui existait entre eux lui était essentielle. Vitale. Sans elle, elle serait perdue, ou deviendrait. Oh, quelles sombres pensées agitent la Sultane des Dunes, alors qu’elle attend seule et dans la crainte son Roi.