Manteau sombre qui s'étend, la nuit est déjà installée depuis plusieurs heures. Des yeux s'ouvrent, soudainement et scrutent la pénombre, un air de légère panique les emplissant. Elle n'ose bouger, encore tétanisée par un rêve ayant jouer avec son esprit quelques minutes plus tôt. Elle remue enfin un orteil avant de trouver enfin le courage d'empoigner le drap immaculé qui recouvre son corps. D'un geste lent, elle le dégage et décide de finalement se lever. Elle frissonne lorsque ses pieds entrent en contact avec le sol pierreux de la chambre à coucher.
L'instinct maternel est trop fort; elle se lève et sa longue tunique blanche de nuit retombe sur son corps, ne laissant entrevoir qu'une épaules à la grande pâleur, accentuée par l'éclat de la lune qui s'engouffre par la fenêtre. A pas de loup, elle se dirige vers l'imposant berceau: le sang de son sang, la chaire de sa chaire... L'être qu'elle aime à présent le plus au monde. Elle tend la main, geste à la limite du désespoir, comme si elle avait encore besoin de la toucher alors qu'elle la tenait dans ses bras quelques heures plus tôt. Sa peau picote à l'idée de la perdre et les larmes montent aux yeux. Sa fille... Si frêle et fragile... Mais voyant qu'elle dort comme une masse (du moins pour l'instant), Madeleine suspend son geste et finit par abaisser son bras, à contre coeur, le laissant revenir le long de son corps. Le tableau familial semble parfait... Oui semble... Car depuis un certain temps, un élément manque à l'appel, il se fait plus discret, plus distant et la jeune femme commence à se poser des questions. Aurait-elle fait quelque chose pour contrarier son époux et duc ? Elle a beau chercher, elle ne voit pas. Le doute s'installe et suite au rêve c'est l'angoisse qui s'infiltre lentement dans son inconscient. La duchesse se retrouve un peu apaisée alors que ses yeux reviennent se poser sur sa progéniture; ses tous petits doigts viennent de remuer, comme s'ils cherchaient à attraper un objet invisible. Madeleine sourit, comme fascinée. Bien des femmes conseilleraient de profiter des courts moments de répit qu'un bébé peut apporter lorsqu'il est endormi... Surtout en étant seulement âgé de quelques mois. Mais la jeune femme s'en fiche, elle ne veut pas écouter, elle est têtue. Elle est là, parfaitement éveillée. Tirée de son sommeil par un souvenir d'enfance coriace, elle décide d'enfin lâcher sa surveillance accrue. D'une geste machinal, elle attrape une étoffe dans laquelle elle s'enveloppe, retrouvant ainsi une douce chaleur. Elle pousse la lourde porte et se retrouve dans un long couloir. Alors qu'elle laisse traîner une main fine sur le mur froid, les pensées l'accaparent et la voilà bientôt perdue dans les nimbes de ses mémoires.
***
Le premier sentiment qui finit par s'emparer d'elle fut la tristesse. Elle n'a toujours pas digéré la mort de ses parents, et même si elle ne se souvient pas vraiment de tous les détails car bien jeune, des flash reviennent encore et encore. Le couloir dans lequel elle se trouvait s'efface peu à peu pour laisser place à une large pièce qui était, elle le pense, la chambre de ses parents.
Bien des années plus tôt, à Hacheclair...Accrochée aux jupes d'une gouvernante, Madeleine entendait tousser et cracher. Elle se souvient des corps frêles de ses parents, faisant soulever les lourdes couvertures déposées sur le lit dans l'espoir de les réchauffer. Ils se plaignaient. Et le froid avait déjà pris possession de leurs âmes. Ô destin cruel et fourbe... Pourquoi venais-tu te mettre en travers du bonheur d'une telle famille ? On l'avait que très rarement autorisée à pénétrer la chambre des maîtres, voulant la préserver de l'épidémie qui faisait déjà des ravages sur les terre Béliferiennes. Parfois elle restait quelques heures dans sa chambre à jouer, entourée de petites poupées. Puis on lui donnait enfin la possibilité de voir ses parents. Elle n'y croyait pas et ne concevait que très peu cette notion de "mort", pensant qu'il s'agissait plus de quelque chose qu'on utilisait pour faire peur aux enfants de son âge pour qu'ils se tiennent tranquille.
C'est sa mère qui partie en premier. Quelques jours avant de rendre son dernier souffle, Madeleine avait pu s'approcher de sa génitrice à une distance suffisante. Et cette image serait gravée à jamais dans sa mémoire: des joues creusées, un teint plus pâle que d'habitude, des cheveux collés aux tempes et des lèvres sèches. La gente Dame avait tourné des yeux vitreux vers son enfant et avait tenté de lui sourire. Dans un murmure, elle avait voulu la rassurer:
"Tout ira bien". Jusqu'au bout elle avait eu une conduite de mère. Et si elle n'avait pas manqué de forces, elle aurait tant voulu pouvoir serrer le corps de sa fille une dernière fois. Lorsqu'un spasme avait parcouru ce qui restait de la duchesse, les yeux de Madeleine s'étaient agrandis d'une peur sans nom. Elle avait commencé à trembler, comme si un froid des plus terrible venait de la saisir. Des ordres avaient été lancés alors que sa mère souffrait. Elle se souvient encore des éclats de voix inquiets, du médecin qui s'afférait et enfin de la main ferme qui avait empoigner son épaule délicate pour la sortir de la pièce le plus vite possible. Lorsque la nouvelle de sa mort parvint jusqu'aux oreilles de la princesse, cette dernière se trouvait dans sa chambre, aux côtés de sa gouvernante. La grande maison devint très vite silencieuse, morne et sombre. Discrètement, on regrettait la disparition de la duchesse.
Et puis un jour, si on tendait l'oreille, on put entendre de faible sanglots. Si on poussait une porte, on pouvait apercevoir une petite fille haute comme trois pommes réfugier dans les jupes de sa gouvernante, s'y accrochant comme s'il s'agissait de son seul point de sauvetage. Ses poings étaient crispés et Madeleine tentait d'étouffer ses pleurs. Alors qu'elle tourna une dernière fois la tête vers la fenêtre de sa chambre, la gouvernante lui tapota le sommet du crâne et lui dit d'une voix calme:
-Pleurez donc mon enfant, aujourd'hui vous en avez le droit...Et le blondinette ne se fit pas prier.
Quelques temps plus tard, le mot Orpheline était murmuré dans chaque recoins. Le père de Madeleine venait de sombrer à son tour. Seule, elle était seule. Alors que la tristesse de la perte de sa mère lui faisait toujours un mal de chien, nouait sa gorge et la mettait bien souvent aux prises de sanglots incontrôlés, elle dû encaisser une seconde fois la mort.
Adulte, elle a encore du mal à accepter sa situation d'orpheline et plus jeune, elle en voulait à ses parents de l'avoir abandonnée, de ne pas s'être battus assez fort pour rester avec elle... Aujourd'hui elle sait... Et elle ne pourra que ressentir une reconnaissance éternelle envers sa grand-mère et son cousin...
***
Le second sentiment qui lui vint en mémoire fut de la joie mêlée à une certaine curiosité.
Après la mort de ses parents, elle avait rejoint son cousin, Martial de Bellifère, prince héritier. Secrètement, il était son modèle; après tout il était l'enfant qu'elle côtoyait le plus souvent, et le reste du temps elle préférait poursuivre avec assiduité son éducation et rester plongée dans tout type d'ouvrages. Ce qu'elle aimait lire... Et c'est l'Histoire d'Arven qui la passionnait par dessus tout. Il y avait tant de choses à apprendre, tant de subtilités à retenir... La fascination était toujours plus grande et le seul qui arrivait à la tirer de cette profonde contemplation était Martial... Elle le voyait toujours lorsqu'il passait près de la porte entre ouverte, elle pouvait entendre son pas qui était encore léger à l'époque; et elle s'avait qu'elle allait s'arrêter un mètre plus loin, attendant que Madeleine quitte sa lecture pour venir le rejoindre. Et toujours, la jeune fille fermait le livre pour se précipiter vers la porte et les deux enfants partaient en courant dans les couloirs.
A ce moment là, tout n'était plus qu’insouciance. Les rires s'échappaient des fenêtres du duché et il n'était pas rare qu'ils arpentent le domaine en long en large et en travers toute la journée; et même s'ils le connaissaient par coeur, ils ne s'en lassaient pas. La relation qu'ils avaient tissée était forte. Pour Madeleine, Martial était comme un tout, une partie de son être, il était ce frère qu'elle n'avait pas eu le temps d'avoir... Ce frère qu'elle avec qui elle aurait pu jouer si la maladie n'avait pas emporté trop tôt ses parents. Elle tentait de restait le plus possible dans son sillage, l'observait avec admiration. Elle lui confiait ses craintes et ses doutes, ses joies et ses peines. Madeleine eut le coeur déchiré lorsqu'elle du le quitter alors qu'elle fut enlevée par Castiel de Sombreflamme et ainsi s'unir au duché de Sombreciel. Elle aurait tant voulu passer plus de temps avec son cousin, pouvoir le revoir aussi souvent qu'elle le voulait. Mais plus rien n'était aussi simple...
***
Frustration suivie d'une pointe de malice... Deux sentiments contradictoires viennent se nicher en elle alors qu'elle avance un peu plus dans le couloir du duché de Sombreciel.
A présent elle se souvient de l'arrangement fait lors du Tournoi des Trois Opales... Un mariage arrangé... Vu son rang, elle savait que cela lui pendait au nez depuis un petit moment. De plus, ce n'était pas comme si elle avait son mot à dire sur la chose. Obéir voilà ce qu'elle devait faire... Obéir sans objection, sans défendre ce qui lui tenait à coeur, sans pouvoir se défendre tout court... Et lorsqu'elle entendit pour la première fois le nom de celui présupposé au titre de futur époux, elle frissonna: Castiel de Sombreflamme. Le duché de Sombreciel... Rien de bien rassurant vu les déboires des deux duchés...
Elle avait le sentiment qu'elle ne méritait pas cela mais encore une fois, elle n'avait pas son mot à dire. Elle se souvenait encore des autres Dames qu'elle avait pu côtoyées. Ces dernières s'étaient bien souvent étonnées que Madeleine ne soit pas encore mariée l'année de ses vingt-cinq ans. Ô Destin cruel, comme tu avais du les entendre... Tu t'étais certainement délecté de cette conversation... Elevée en parfaite princesse, Madeleine avait toutes les qualités requises pour être enfin mariée. Mais elle rêvait d'aventures, de parcourir le monde, se sentant peu à peu trop à l'étroit à Hacheclair. Elle rêvait de parcourir le continent, de découvrir de nouveaux horizons...
Le tout en fut décidé autrement. Quoi que ! Epouser le duc de Sombreciel lui permettrait de changer de paysage, bien que ce n'était pas vraiment ce qu'elle avait en tête au départ. Elle se souvint encore du regard que lui avait lancé Martial et lorsqu'elle avait été enlevée par Castiel, son coeur s'était de nouveau déchiré.
- Reste..., avait murmuré Martial, comme dans une ultime supplique, un ultime espoir.
Madeleine l'avait regardé droit dans les yeux. Son regard s'était voilé d'une profonde tristesse. Elle avait tendu un bras vers lui, n'osant le toucher, comme si elle tentait de garder ce lien si spécial qui les unissait. Sa décision avait déjà était prise... De toutes les façons ce n'était pas vraiment à elle de pouvoir contester. Mais elle était déchirée entre l'envie de rester avec lui et le désir de partir vers un nouveau territoire. Elle savait que si elle partait, Martial et elle n'aurait plus jamais la même complicité qu'avant.
-Pardonne moi..., avait-elle prononcé d'une voix qui trahissait déjà des sanglots qu'elle ne voulait cependant pas déverser devant lui.
Et c'est ce même jour, ce même soir, qu'elle fut enlevée. Elle n'oubliera jamais le premier contact physique qu'elle eut avec le Duc de Sombreciel alors que ce dernier s'empara délicatement de sa main frêle pour la frôler de ses lèvres et y déposer un charte baiser. Madeleine frémit, Madeleine fut surprise de penser que ce contact lui plaisait, Madeleine avait hâte...
***Joie étrange mélangée à une point d'inquiétude. C'était ce qu'elle avait commencé à ressentir fin février alors qu'elle prenait à peine ses marques au Duché de Sombreciel. Mais cela faisait peut-être deux ou trois jours qu'elle ne se sentait pas bien. Elle était prise de vertiges et de nausées qui avaient tendance à perturber son planning journalier. Si bien que le médecin finit par être appelé, Castiel s'inquiétant de la santé de sa nouvelle épouse. Elle grommela au départ, disant que cela allait passer puis finit par se plier à sa requête.
Elle se retrouva alors allongée dans son lit, alors que le professionnel recherché s'afférait autour d'elle pour tenter de savoir ce qu'elle avait:
- Je savais que je n'aurais pas dû manger ce poisson à la fraîcheur douteuse il y a quelques jours..., tenta-t-elle pour détendre l'atmosphère.
Quand on finit par lui dire que son état était tout a fait normal et simplement du à un petit être qui se développait dans son utérus, elle restait un moment interdite; puis elle ouvrit la bouche mains rien de réussi à sortir. Elle se leva et finit par faire les cent pas dans la pièce spacieuse. Madeleine ne savait pas comment elle devait prendre la nouvelle. D'un côté, elle était tiraillée par la peur, ne s'attendant pas à ce que cela arrive si tôt. Allait-elle être une bonne mère ? Et d'ailleurs comment s'y prenait-on pour élever un enfant ? Nerveusement, elle mordillait vivement sa lèvre inférieure, alors que sa robe tournoyait en rythme de son pas autour de ses chevilles.
Puis après la peur, ce fut une douce sensation qui l'envahit. Elle stoppa net son petit manège et réalisa que l'instinct maternel était déjà en train de faire son chemin jusqu'à son coeur. Il ne pouvait pas en être autrement, elle allait aimer son enfant plus que tout. Et Madeleine était certaine qu'avec Castiel à ses côtés, tout serait plus facile. Elle avait eu du mal à l'admettre, mais finalement elle avait développé une forte affection pour son mari. Il faisait tout son possible pour qu'elle se sente comme chez elle à Sombreciel et elle devait avouer que l'attention qu'il lui témoignait contribuaient largement à la séduire. Bien entendu, ce n'était pas les cadeaux qu'elle appréciait le plus mais passer du temps en sa présence et le voir s'afférait à se comporter comme le mari le plus avenant au monde. Elle souriait souvent alors qu'elle l'observait du coin de l'oeil. Si au tout début elle avait été timide envers lui, elle s'améliorait peu à peu.
C'est ainsi qu'elle se dit qu'ils formeraient une famille unie et elle était certaine de pouvoir compter sur le soutien inconditionnel de son mari lors de sa période de grossesse.
Elle posa une main sur son ventre et ses yeux se volèrent alors que des larmes de joies montaient doucement. Lorsque la porte s'ouvrit pour laisser finalement passer Castiel, elle releva la tête et posa alors sur lui un regard des plus tendres qui en disait long. Oui, elle n'avait plus la moindre appréhension, du moins pour le moment.
***
Douleur intense. En Novembre, un cri puissant s'échappa d'une des fenêtres du Duché. Madeleine était allongée dans son imposant lit, vêtue d'une simple chemise de nuit alors que du personnel s'activait de façon bien plus effrénée qu'à l'habitude. L'heure était enfin arrivée, la Duchesse allait donner naissance au premier enfant du couple. Le visage de la jeune femme était crispé et ses mains étaient refermés avec vigueur sur les draps. Elle poussa un nouveau cri alors qu'une nouvelle contraction venait d'ébranler son corps:
- Il va falloir pousser, Ma Dame, affirma clairement la sage-femme qui avait la charge d'aider Madeleine dans son travail.
La blonde ne se fit pas prier; si cela lui permettait de mettre fin à ses souffrances en expulsant l'être qui la torturait littéralement, c'était avec plaisir qu'elle se livrerait à cette tâche. Elle sera les dents alors que sa respiration devenait saccadée et que ses jointures devenaient plus blanches que les draps à force de les serrer trop fort.
Lorsque l'ultime effort arriva, la douleur fut si vive que Madeleine ne put se retenir d'hurler:
- Plus jamais ça !! *Pfff, tu parles ma vieille... T'es bien trop sensible aux plaisirs de la chair pour ça...* Elle s'étonna face à cette pensée des plus déplacées un instant pour revenir à la réalité alors qu'un tout nouveau cri emplissait la pièce. Sous l'effort, elle s'affala et laissa lourdement retomber sa tête sur la pile d'oreillers. Puis finalement, elle tenta de chercher du regard l'enfant qu'elle venait de mettre en monde. Elle tendit les bras et se mit à geindre pour marquer son mécontentement, indiquant alors qu'elle voulait tenir son nouveau né. Quand la sage femme finit par arriver, elle lui déposa le corps dans les bras. Elle s'émerveilla en constatant son poids. Il était si petit !
- Félicitation Ma Dame, c'est une petite fille.Une fille... Les yeux de Madeleine fixaient avec émerveillement ce miracle de la vie. Elle n'entendit quasiment plus rien jusqu'à ce que le Duc vienne rencontrer à son tour le nourrisson.
Mais le bonheur fut assez rapidement balayé alors qu'elle constatait que l'état de son époux ne s'arrangeait pas... Madeleine n'arrivait pas à dormir alors qu'elle veillait chaque nuit sur son enfant à défaut de pouvoir veiller sur Castiel. Elle le sentait bien, il s'était renfermé, il ne lui parlait plus aussi ouvertement, semblait quelques fois gêné face à elle et Madeleine arrivait à penser qu'il lui cachait quelque chose. Une autre femme ? Non, cela ne pouvait pas être un sujet aussi simple car il y en avait bien une autre mais l'ancienne Belliférienne en avait rapidement entendu parlé puisque Castiel l'avait demandée en mariage. Si Madeleine avait mis du temps à se faire à cette idée, la polygamie étant une idée bien inimaginable chez les Bellifériens. Mais au final, elle s'était dit qu'Alméïde d'Erebor pouvait certainement devenir une alliée de taille et avait tenter de se dire qu'elle ne devait pas juger avant d'avoir rencontrer la Dame; cette idée était si bien ancrée dans l'esprit de la jeune femme qu'elle s'était surprise à avoir hâte d'une rencontre prochaine. Elle était donc persuadée que l'état changeant de son mari ne concernait pas une quelconque donzelle... Et le fait de ne pas savoir l'angoissait au plus haut point. Elle avait tenté d'avoir une conversation avec lui mais il avait adroitement évité le sujet... C'était avec un gros soupir de résignation que Madeleine avait baissé les armes. La bataille avait peut-être était perdue mais la jeune femme n'avait pas dit son dernier mot, elle était prête à continuer cette "guerre" de l'ombre. Elle espérait bien pouvoir le confronter de nouveau et enfin lui tirer les vers du nez.
***
Les souvenirs se dissipaient peu à peu et Madeleine se retrouve dans l'instant présent. Inconsciemment, elle se rend compte que ses pas l'ont ramenée à sa chambre. Elle entend Odette chouiner et se précipite dans la pièce, oubliant tout trace de ses souvenirs qui l'harcelaient. Elle entre sur la pointe des pieds, elle soupire: Castiel n'est pas là. Elle frissonne malgré l'étoffe qui la recouvre. Elle s'approche du berceau et constate que la petite ne s'est pas réveillée, ce n'était peut-être qu'un son émis dû à un rêve:
- Dors petite étoile, dors tant que tu le peux..., murmure-t-elle posant un regard chargé d'amour à sa progéniture.
Elle est tourmentée, la petite Belliférienne. Elle recommence à faire les cent pas... Elle ne dors presque plus, cherchant à le cacher de tous. Elle s'inquiète, son esprit en permanence consumé par l'inquiétude et la peur. Elle va s'asseoir avec délicatesse sur le large lit, de l'autre côté. Elle pose une main tremblante sur l'oreiller impeccable, signe qu'elle s'est retrouvée seule ce soir. Castiel lui manque... Elle ne sait plus comment se comporter avec lui... Elle espère un peu plus chaque jour obtenir une explication. Elle aurait tendance à être sur son dos, tout le temps. Cependant elle sait qu'elle ne doit pas le brusquer; Madeleine espère tout simplement qu'il s'ouvrira un jour à elle. Elle a peur pour lui alors qu'elle ouvre un petit tiroir et en sort une lettre rédigée de la main de époux. Il la rassure, il va bien après ce qui est arrivé à l'Académie. Madeleine tremble à nouveau alors qu'elle ne peut qu'imaginer ce qu'il s'est passé cette nuit là. Les larmes coulent lentement sur ses joues, chaudes et lourdes; elle voudrait le serrer contre elle, tout simplement pouvoir l'apaiser. Mais il reste de marbre, il ne l'a pas habituée à ce genre de comportement. La belliférienne est perdue; elle se lance à corps perdue dans la surveillance et l'éducation de sa fille pour oublier. Elle erre bien souvent dans la propriété, telle une ombre ou un fantôme gardant son domaine. Elle tente de ne rien laisser paraître.
Madeleine veut le retrouver, son Duc. Elle erre dans la chambre, retourne veiller sur sa fille. Elle sait que dans quelques heures, la petite poussera un cri strident, indiquant qu'elle n'a plus du tout envie de dormir. Et encore, pour son âge si peu avancé depuis sa naissance, la Duchesse estime qu'Odette est relativement calme. Soulagement. Elle se traîne de nouveau jusqu'au lit, telle une marionnette privée de volonté réelle.
Alors qu'elle vient à peine de poser sa tête sur l'oreiller, la bras des rêves viennent s’abattre et l'emportent sans demander leur reste...