Aurore D'Astreciel

"Aux confins des terres de Sombreciel, se retirait peu à peu le doux voile nocturne avec pour présage l'aurore éclatante. Le Soleil commençait déjà à poindre à l'horizon pour donner aux cieux un aspect doré, flamboyant: du rouge, du orange, du jaune, du bleu et même pour les plus observateurs, une légère nuance verte qui apparaissait légèrement entres deux couleurs. Le vent bruissait entre les arbres et les buissons, caressait la verdure des hautes herbes dans un mouvement léger, perpétuel avant de rejoindre l'horizon. Quant à moi, je m'étais réveillée pour l'observer depuis les fenêtres de la Caserne, songeuse. Songeuse quant à tout les événements qui me menèrent là.

Le chemin est pourtant loin depuis Sombreciel. Depuis la petite noble espiègle, jusqu'à celle qui fait fi de toute gravité. En tant que deuxième fille de Catherine d'Astreciel, je n'étais pas pressentie pour le titre de Marquise et, contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette situation me convenait parfaitement. Toute jeune déjà, je savais que ma position de suppléante m'accordait une plus grande liberté de mouvement que celle attribuée à ma sœur aînée, Anne. Ah Anne, cet astre à la fois proche et distant...C'est elle qui devait répondre aux attentes de notre mère, elle qui brillait à son regard. Quant à Arthur et moi, c'est aux yeux de notre père, Henry d'Astreciel, que nous brillions. Ce dernier était un féru de sciences -particulièrement versé en astronomie- et de fauconnerie. On peut ainsi dire qu'il m'a insufflé son amour des cartes célestes et des oiseaux de proie. Nous passions plus de moments en sa compagnie, bien plus qu'avec notre mère. Question de compatibilité ou de caractère dira-t-on. En tout cas, c'est poussée par cette passion que je fis part de mon désir de partir à l'Académie afin d'approfondir mes connaissances en astronomie. J'étais alors à peine âgée de 12ans. Ma mère, quant à elle, fut ravie par une telle initiative, songeant qu'il serait bien vu d'avoir un enfant à l'Académie. Je fus acceptée malgré un entretient laissant supposer le contraire.
Une fois là-bas, j'entrevis un autre monde. Un monde qui ne correspondait en rien à ce que je connaissais alors: merveilleux, magnifique et surtout, nouveau. Des personnes curieuses aux objets curieux, la découverte ne se fit sans peur. J'étais perdue mais fascinée par l'ensemble des possibilités qu'offrait les lieux.

Ma manière d'être et de penser changea grandement au fil du temps passé à l'Académie. Étudier en ces lieux fut un vrai plaisir ! Toute cette diversité et ces connaissances... au point où je croyais infinies les possibilités offertes par l'Académie ! Je m'y voyais même devenir professeur un jour, ou érudite, mon avenir restait enveloppé par son éternelle brume. Seulement, une simple vision suffit parfois pour tout changer.Et c'est ce qu'il s'est passé: peu de temps après mon arrivé, je vis un envol de griffons. Un simple envol de griffons. Il devait s'agir d'un entraînement, de quelques manœuvres basiques pour les novices, et le spectacle de ces corps en plein ciel, cette communion, cette harmonie parfaite, fit naître en moi un désir nouveau. Plus tard, je serai comme eux, avais-je dés lors décidé.
Certes, il ne s'agit pas là d'un souhait aux origines tragiques, particulières, ni même romanesque. On pourrait même dire qu'elles sont surprenamment simples et pourtant, ma destinée fut décidé à partir de ce jour.
Je gardais ce rêve pour moi, craignant la réaction de ma famille. Non pas qu'être voltigeur soit un déshonneur, au contraire même, mais au vu de mon apparence chétive de l'époque, il était inpensable de voir en moi un soldat et encore moins une sorte de chevalier céleste. Sante doute par peur pour ma vie, pour la perte de notre lignée.


Quant à l'aspect plus communautaire de ma vie à Lorgol... Disons qu'elle fut dans un premeir temps, plutôt laborieuse. Pauvre petit noble effrayée que j'étais! De me retrouver sur un pied d'égalité avec des manants était tout à fait inédit. Non pas que je fuyais chaque être issu du peuple comme la peste -je n'étais pas fermée à ce point tout de même-, cependant, j'ignorais comment les aborder naturellement. Hautaine sans le vouloir, j'étais un stéréotype de noble coincée. Puis le temps fit son œuvre, je me sociabilisais de plus en plus avec les autres étudiants. 


Parfois, le pays me manquait, ma famille me manquait. Aussi, je revenais chez moi à chaque occasion. On me faisait toujours un bel accueil lors de mes retours.
De temps à autre, je recevais une lettre de la maison me faisant part des dernières actualités au sein de la noblesse. Qu'un tel avait épousé un tel, qu'une comtesse avait donné naissance, que les pères se battaient pour avoir la paternité, la description du dernier "amuse-bouche" en date de ma soeur, etc... Rien de bien extraordinaire mais j'appréciais grandement avoir des nouvelles de chez moi. L'écriture des lettres alternait entre ma sœur, mon frère et mon père et, plus exceptionnellement, de ma mère. Ce fut d'ailleurs sous sa plume que fut écrite une terrible nouvelle : mon père était mourant d'une maladie.
Je rentrai aussitôt à Astreciel me rendre à son chevet, espérant le revoir une dernière fois avant son trépas. Heureusement, à mon arrivé, il vivait encore ; sa poitrine gonflait doucement, sa respiration lente et pénible, le teint pâle comme un cadavre et les joues creuses, je peinais à reconnaître cet homme si bon vivant. Nous étions tous là, auprès de lui, comme il le souhaitait. Moi et ma sœur tenions ses mains, fébriles, tandis qu'il nous délivrait ses derniers mots. Ceci fait, il partit en paix. 

À quinze ans, je me retrouvais orpheline de père. Ce fut un véritable choc au sein de la famille. Ce fut surtout un véritable choc pour ma mère. Avec la mort de cet homme, c'est une partie de sa vie qui mourrait avec lui. Elle perdait cet homme tête-en-l'air idéaliste, un peu maladroit qui l'avait tant charmé. Elle l'aimait comme une bouffée d'air dans son monde à la fois trop sombre et trop désinvolte. Son repère perdu, elle se mit en quête de relations -plus ou moins brèves- afin de palier à son manque d'affection. En revanche, si elle présentait à tous son visage éclatant de veuve désinvolte, nous, nous savions que son coeur était amer. Et plutôt que d'assister impuissante à la chute de ma mère, je préférai rejoindre les cieux plus cléments de Lorgol.

La vie suivit son cours. Je poursuivais mes études de premier cycle en astronomie. Lorsque ces dernières arrivèrent à leur terme au bout de quatre ans, je rentrai pour les trois mois de pause. Mon souhait de devenir une Voltigeuse demeurait intact, seulement, ma conviction était légèrement ébranlée par les doutes. Devais-je ? Ne devais-je pas ? Peut-on me blâmer pour hésiter ? Cela promettait un changement de vie radical, avec de nouveaux enjeux... C'est alors qu'intervint ma mère, mon frère et ma sœur : leurs avis étaient clair, unanime et négatif. Une véritable levée de bouclier!
Curieusement, cela suffit à me convaincre une bonne fois pour toute : je devais le faire. Je devinais leurs raisons, cependant une Astreciel sait se montrer ferme et résolue lors des grandes décisions.

Dés la rentrée, je me présentai aux griffons volontaires comme il est d'usage, le cœur gonflé d'espoir. C'est alors qu'un jeune griffon aux plumes cendrées s'avança vers moi, son regard ambré transperçant mon âme. Il n'y avait plus rien, aucun plus bruit, juste lui et moi suspendus dans le temps. Aucun mot ne fut échangé et pourtant, c'était comme si nous nous étions liés par les serments d'un pacte solennel. L'entraînement commença bientôt pour nous deux, pour moi et ce griffon dénommé Quartz. Ce griffon changea ma vie de façon radicale et la jeune fille chétive que j'étais, devint la voltigeuse que je suis aujourd'hui."

Que penses-tu des compétences de la toute nouvelle impératrice de Faërie, la jeune Chimène ? La trouves-tu légitime, penses-tu qu'elle va réussir sa période de probation ?
Vous savez, il est très aisé de juger une personne avant même toute action de sa part. Certes, l'impératrice est jeune, et cela la dessert sur certains points. Nombreux diront qu'elle manque d'expérience, qu'elle est influençable et, ma foi, je dirais que seul le temps est juge. Pour l'heure, je suis partisante de l'adage "qui vivra verra". Qui sait ce qu'il adviendra.

Envisages-tu de prendre part au conflit si une guerre entre Ibélène et Faërie devait se déclarer ? Quel parti prendrais-tu, et pourquoi ? Comment participerais-tu à la lutte ?
• Question délicate que celle-ci. Eh bien, si vous me demandez mon avis personnel, je suis farouchement opposée à l'idée d'un conflit entre nos deux nations. Naturellement, si le pire devait advenir, je devrais alors porter les couleurs de l'empereur et prendre part au conflit en tant que Voltigeuse. Il serait impensable pour moi de me dérober à mes responsabilités sur le champ de bataille. Et je sais très bien que le sang qui coulera de ma lame appartiendra pour certains à des personnes que j'aurais croisé dans les couloirs de l'Académie. Rien qu'à cela, mon esprit frémit d'horreur.

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• Ah Lorgol. Inutile de vous dire que je chéris profondément cette ville! Et ce, depuis la première fois que mes pieds foulèrent le pavé. Je m'y sens comme chez moi; l'Académie et ses rues portent même ce parfum de familiarité, voir même de nostalgie qui m'habite lorsque je retourne en Sombreciel.