ft. Travis Fimmel
« Mon cœur est ailé et c'est Soie qui m'élève au-dessus des nuées. »
Dans la vie, je suis...
Et voilà comment j'en suis arrivé là.
Durant les premières années de sa vie, Melsant prend l'habitude de s'amuser et de s'occuper seul. Le reste du temps, il a pour compagnie ses parents ou les domestiques et, pour être honnête, cela ne le dérange pas particulièrement. Très tôt, il se fait à la solitude occasionnelle, ce qui le forgera d'une certaine manière pour plus tard. Cela n'entache cependant rien à la joie qu'il ressent lorsque les jumelles naissent et font retentir leur cri dans la maison. Parfois même, lorsqu'elles ne réussissent pas à se calmer, il n'hésite pas à passer de longs moments à leur fredonner des mélodies sorties tout droit de son esprit.
Dès qu'il est en âge de cavaler, il sème de temps à autres la gouvernante assignée pour s'occuper de lui. Sa destination ? Quelques grands arbres du domaine qu'il aime à escalader au mépris du danger évident. Son but sur le long terme ? Grimper au sommet du plus haut pour avoir vue sur le domaine – du moins, c'est ainsi qu'il se l'imagine.
Ce n'est qu'un an après la naissance de Meldred qu'il y parvient enfin. Autant dire qu'il s'agit d'un moment révélateur pour lui – même s'il ne réalise pas encore à l'époque. Perché sur sa branche, il voit au loin la demeure de la famille, les paysages environnant, et l'envie de quitter le sol et d'explorer le ciel le prend pour la toute première fois.
Malheureusement, il n'aura pas l'occasion de réitérer cette escalade avant longtemps. Redescendu à deux mètres du sol, il chute et atterrit sur son bras. Il sera accueilli à l'entrée de la demeure par une Ismalia inquiète mais déçue par son comportement ; son bras restera de nombreuses semaines en écharpe.
La vie de la famille est bouleversée le jour où le navire sur lequel ils se trouvent chavire. Aucun d'entre eux n'aurait pu prédire le drame à suivre. Pourtant, quand il aperçoit Mélisende dans les flots déchaînés, Melsant n'hésite pas à tenter de la rejoindre : en vain. La même chose se produit pour Meldred. Pendant un court instant, il pense même réussir à s'avancer suffisamment, mais Valda et Levor semblent en décider autrement : l'aîné a simplement le temps de frôler les cheveux de son petit-frère avant que ce dernier ne soit englouti momentanément et que Melsant soit emporté par une vague plus forte que les autres. Ce n'est que plus tard que la famille se retrouvera hébétée, sous le choc, et constatera l'absence de Meldred.
A l'époque, et encore aujourd'hui, Melsant ne peut s'empêcher de se sentir légèrement coupable de la mort de son frère. Il sait que la tempête était maîtresse sur le moment mais il se dit que s'il avait pu ne serait-ce qu'agripper son petit-frère qui ne savait pas nager, peut-être que les choses auraient été différentes. Peut-être pas, il en a conscience, mais, cela n'empêche pas qu'il était l'aîné, que lui savait nager, qu'il aurait
dû pouvoir faire quelque chose.
La période qui suit est trouble. Le chagrin est omniprésent. La douleur embrume les comportements, notamment celui de sa mère. Son père reste fort pour tous et cela ne fait que renforcer l'admiration déjà bien élevée qu'il porte à cet homme.
Cinq années après la drame, la venue d'un nouveau-né, un autre petit-frère, Melbren, marque presque le renouveau des Séverac. Les choses commençaient à aller mieux mais sa bouille adorable semble aider à la transition vers une peine et un souvenir de Meldred moins douloureux.
En parallèle de toutes ces péripéties, l'éducation de Melsant n'est pas laissée de côté. Il étudie auprès de différents précepteurs, apprenant à combattre, à monter à cheval, à lire, à écrire, à compter et à comprendre comment fonctionne le monde de manière générale. Les enseignements deviennent plus pointus et plus précis avec les années mais ça n'entache en rien le sérieux de son apprentissage.
Il prend conscience au fur et à mesure des sujets qui l'intéressent davantage. Il réalise assez tôt qu'il possède la faculté de retenir les informations facilement et utilisera cette capacité autant que faire se peut. L'art du combat et la géographie font clairement partie des enseignements qu'il apprécie avec constance ; plus tard, la philosophie finira aux oubliettes dès qu'il pourra s'en débarrasser.
Il est une chose qu'il attend chaque fois avec impatience : les séances avec son père. Les heures passées au-dessus de ce tapis représentant le continent font partie des souvenirs que Melsant chérit le plus. Impossible de compter le nombre de batailles menées par Maximilien et lui, à déplacer ces figurines en bois, finement sculptées – il en garde d'ailleurs toujours une sur lui, cadeau de son père. Toujours est-il qu'elles aident à aiguiser son sens de la stratégie sous tous ses aspects. Parfois, elles sont limitées dans le temps, l'obligeant ainsi à prendre des décisions sous la pression s'il ne veut pas finir au nettoyage des armes ou autres corvées le jour suivant. Parfois, elles nécessitent des jours de réflexion. Melsant ne ressent jamais plus grande satisfaction que lorsqu'il réussit à déjouer les stratagèmes de son père et à lui faire subir des défaites redoutables.
Cependant, il n'y a pas que ça. Il y a aussi les quelques fois où les entraînements au combat sont menées par son père. Ce sont celles que Melsant préfère. Elles sont plus dures, plus exigeantes mais tellement plus stimulantes. Bien souvent, Maximilien le provoque pendant, utilisant toutes les techniques possibles et inimaginables pour le déstabiliser. D'autres fois, il parle simplement pour échanger avec son aîné – ce qui revient au même pour Melsant pendant quelques années.
A côté de cela, il y a les séances d'apprentissages plus théoriques, notamment concernant le fonctionnement des domaines familiaux. Parfois, ses sœurs se joignent à eux, parfois il est seul. Parfois encore, Maximilien dispense ses enseignements sur le terrain : Melsant ne compte plus le nombre de déplacements qu'il a effectués pour voir de ses propres yeux comment les choses fonctionnaient, que ce soit à Automnal, qui serait sien plus tard, ou à la cour ducale, quand il a été en âge.
Au final, il retient les nombreux enseignements qu'il a reçus mais, surtout, il retient combien cela leur a permis de nouer un lien stable et fort. Il sait la chance qu'il a d'avoir eu une figure paternelle présente et saine. Si on ajoute à cela une mère aimante et attentive ainsi qu'une fratrie soudée... Il n'aurait pu souhaiter mieux.
Il connaît ses premiers émois auprès d'une jeune fille de Séverac d'une beauté à couper le souffle. Elle est invitée à la demeure familiale avec sa famille. Melsant se dit qu'elle est presque trop bien pour lui quand elle accepte un baiser de sa part. Il n'a que 13 ans mais il se sent prêt pour ces choses-là... jusqu'au moment où elle devient plus entreprenante. Il panique et trouve un prétexte pour la fuir. Chose qu'il fera pendant le reste de son séjour chez les Séverac.
Il lui est reconnaissant encore aujourd'hui de n'avoir soufflé mot à sa famille ou à la sienne – quoique cette dernière aurait sûrement bien mieux pris les choses que celle de la jeune fille.
Melsant devra attendre ses 15 ans passés pour devenir « un homme, un vrai »... grâce à un autre homme lors d'un séjour prolongé à Euphoria. Alors que Maximilien en assure la régence pour Castiel qui a été recueilli par la famille Séverac, Melsant se lie d'amitié avec un jeune noble sensiblement de son âge. Leur camaraderie se créé facilement ; l'entente est immédiate. Ils s'entraînent ensemble, ils mangent ensemble, font des sorties ensemble. Melsant apprend à le connaître et apprécie ce qu'il découvre chaque jour un peu plus.
Leur camaraderie inoffensive dérape lors d'un entraînement matinal. Une chose en entraînant une autre, les mains remplacent les armes, les bouches les casques et les chemises les cottes de mailles. Cela arrive une fois, deux fois, trois fois avant que les choses n'aillent plus loin. Melsant n'a aucun regret et ce malgré la fin un peu amère de leur histoire après que l'autre jeune homme ait refusé de garder contact avec lui à cause de ses « parents traditionalistes ». Ce serait mentir que de dire que ça n'a pas été son premier chagrin d'amour. Cependant, le temps a fini par calmer la peine en même temps que Melsant a réalisé qu'il avait encore toute sa vie devant lui.
Plus tard, il aura des histoires de-ci, de-là mais rien n'impliquant des nuits sans lendemain dans les bras d'inconnus. C'est une chose qu'il finira par remarquer : les affaires de la chair n'ont pour lui d'intérêts que lorsqu'elles sont agrémentées d'une attirance qui va au-delà du physique. Cela le chagrinera parfois, l'énervera à d'autres, mais il finira par s'en accommoder malgré les mauvaises surprises épisodiques. Cela étoffera également le mystère autour de sa vie privée sentimentale auprès de ses proches mais aussi de ceux qui se demanderont « quand le marquis d'Automnal compte-t-il prendre femme ? ».
Cependant, avant d'en arriver là, Melsant, lui a bien d'autres choses à penser. Quand il entre en âge de prendre des décisions et de s'impliquer plus concrètement dans la vie de son marquisat, c'est à lui que l'intendant d'Automnal fait finalement ses comptes-rendus et demande son avis. Il s'investit donc davantage dans ses devoirs et ses obligations. Il travaille encore plus dur pour être à la hauteur de ce qui est attendu de lui.
En parallèle, il s'entraîne davantage pour renforcer ses capacités tant physiques que mentales. En effet, il ne perd pas de vue son objectif depuis qu'il a rencontré le Vol d'Euphoria quelque temps auparavant : devenir Voltigeur. Lui qui avait toujours voulu évoluer dans le ciel a trouvé là la parfaite combinaison pour toucher du doigt sa liberté, son domaine rien qu'à lui. Inutile de préciser qu'il a demandé à ses parents, rapidement après cette rencontre, de mander un précepteur s'y connaissant en griffons et en Voltige.
Tout cela se concrétise des années plus tard, à la moitié de sa vingtième année, lorsqu'il se présente devant les griffons volontaires de la Caserne de Serre. L'appréhension au ventre et l'excitation dans chacune des particules de son corps, Melsant croit un instant ne pas être choisi, avec tout ce que cela implique pour son avenir, quand une griffonne de plume dorée, majestueuse et au port noble, sort des rangs, d'un pas mesuré, et vient frotter son bec contre sa joue. Instantanément, des images de paysages aériens mêlées à une sensation d'euphorie envahissent son esprit, faisant écho à ses propres envies de liberté et de plénitude. Des images d'une ville qui lui est inconnue, d'un marché ouvert, d'un étalage de tissus, plus précisément, suivent alors qu'il place une main sur le col de la bête. A peine liés que la griffonne sait déjà se faire comprendre. Que
Soie sait déjà le mener sans souci là où elle le désire.
Extatique. C'est le mot le plus adapté pour qualifier l'état d'esprit de Melsant lors de ses années au centre de formation. Tout est nouveau, tout est différent et, en même temps, c'est tout ce qu'il a toujours voulu faire ou presque. Sans entrer dans le cliché, il touche presque un rêve du doigt et donne son maximum pour s'entraîner toujours plus dur, accompagné de Soie, aussi farouche que lui dans son désir d'aller plus loin pour se rapprocher de Valda.
Bien entendu, lé période n'en reste pas moins difficile, tant moralement que physiquement.
D'abord, la séparation d'avec sa famille est compliquée. Ayant toujours vécu à leurs côtés, jamais il n'a expérimenté ce qu'était la réelle solitude. Même si les permissions lui permettent de colmater ce vide, elles n'en restent pas moins éphémères. Melsant comprend alors que les choses ne seront plus les mêmes, qu'il n'est plus ce jeune noble disposant de son temps à sa guise. Il réalise pleinement qu'il est un Voltigeur en devenir et que sa nouvelle vie l'attend. Il comprend qu'il sera parfois amené à quitter encore les êtres chers à son cœur mais qu'il les retrouvera d'une manière ou d'une autre, plus tard. La preuve en étant la suivante : il retrouve Mélusine à Lorgol quelques années après, ainsi que Mélisende et Melbren lors de sa dernière année de formation. De plus, les relations naissantes et fleurissantes qu'il entretient avec les autres cadets et le lien qu'il développe avec Soie demeurent un soutien important pour lui, durant cette période.
Ensuite, physiquement parlant, la première année est la plus dure. Le rythme est plus soutenu que lors de ses entraînements à Séverac, qui l'était pourtant déjà. Il n'échappe pas aux éventuelles blessures, plus ou moins graves. Il ressent et voit son corps se transformer pour devenir plus solide, plus adapté à la vie qu'il mène et mènera. Il ne compte plus les soirs où il s'est échoué dans son lit sans prendre le temps de se changer, voire même d'aller souper. Cependant, en aucun cas cela ne viendra entacher sa volonté de continuer. Bien au contraire, tout cela l'aidera à s'endurcir davantage et à donner le meilleur de lui-même, toujours.
Après sa titularisation, cinq ans plus tard, il est affecté à son duché de naissance, Sombreciel. Il est heureux de retrouver plus longuement les terres de son enfance. Cela lui permet de voir plus régulièrement son père, mais également sa mère et Castiel. Il reprend ses marques et, entre deux missions, n'hésite pas à aller visiter Séverac. Parfois, il pousse Soie jusqu'à Automnal. En effet, malgré la proximité de son marquisat, il a choisi de loger à la Caserne d'Euphoria. Ces passages plus ou moins rapides lui permettent de s'assurer que tout fonctionne comme il se doit et de faire le point avec son intendant – sans oublier de faire un tour dans la ville pour se mêler à ses gens.
Le temps passe et il se fait une place dans son vol et sa division. Les missions se succèdent, certaines plus que d'autres démontrant son tempérament de meneur. Il n'hésite pas à prendre certaines initiatives qui le font sortir du rang et qui attisent des jugements négatifs à son propos de la part de certains camarades Voltigeurs. Il n'y prête pas garde, estimant qu'il fait ces « écarts » car ils sont nécessaires. Melsant se fie à son instinct et à son bon sens, quoiqu'on en pense. C'est ce qui l'amène à rattraper une mission censée tourner au massacre. Cela fait taire les médisances et dirige ses pas vers un tournant de sa vie.
En effet, un an plus tard, il est promu Major de division à Svaljärd, au plus grand bonheur de Soie et du sien. Il faut tout recommencer à zéro après six ans passés à Euphoria mais ça ne leur fait pas peur. Ils tirent leur force de leur capacité d'adaptation et de renouvellement.
Les au revoir avec ses proches sont émouvants et rendent son cœur lourd, une nouvelle fois. Surtout que la période n'est pas vraiment propice pour quitter le duché, avec ce qui se passe au palais ducal. Cependant, il sait que le Destin ramènera ses pas en Sombreciel ; un Sombreciel solide et éblouissant. Il le sent au plus profond de lui.
Il prend ses marques et s'habitue à ses nouvelles responsabilités. Il découvre rapidement que les Voltigeurs de sa division sont doués et respectables. Soie et lui ne pourraient rêver mieux. La vie en Valkyrion est différente mais le duché de la science lui ouvre de nouveaux horizons. Il apprend à aimer sa vie là-bas, même s'il ne s'agit pas des terres chères à son cœur.
Le seul gros point noir dans tout ça se nomme Hjalmar d'Evalkyr. Non seulement le courant ne passe pas entre eux sur le plan « humain » mais, en plus, Melsant se demande comment cet homme a pu être nommé au poste de Capitaine de Vol. L'aîné des Séverac sait où est sa place dans l'escadron de Svaljärd ; il agit d'ailleurs en fonction. Seulement comment rester impassible alors qu'il sait que le Capitaine cumule les mauvais choix ? Quand ses tripes lui hurlent que leur escadron mériterait un supérieur plus compétent ? La seule et unique fois où un conflit direct éclate entre eux survient lorsque Soie se retrouve blessée à cause d'un mauvais jugement de la part de cet homme alors même que Melsant avait fortement émis la possibilité d'un guet-apens. Sa griffonne s'est remise sans séquelle, fort heureusement, et Melsant a assumé les conséquences de ses actes. Il n'en reste pas moins que, dès que possible, il a fait une nouvelle demande d'affectation en Sombreciel.
Cette mutation ne survient que deux longues années plus tard, lorsqu'un poste de Major se libère à Euphoria. Autant dire qu'il ne perd pas de temps à mettre en ordre ses affaires pour quitter Svaljärd et rejoindre Sombreciel. C'est presque sans regret qu'il tourne le dos à sa première division, malgré les bonnes expériences qu'il a pu y vivre et les bons éléments qu'il y a rencontrés.
Il passe dans un premier temps rendre visite à ses sœurs bien-aimées à Lorgol, profitant de ce moment de répit pour prendre de leurs nouvelles et se renseigner sur la manière d'adoucir l'acclimatation de Soie aux ciels de Sombreciel. Il se dirige ensuite vers Euphoria pour y retrouver son père et ses frères, avant d'apprendre que Castiel est en voyage et sur le retour. Il décide de revenir dès lors qu'il aura pris pleinement possession d'Automnal.
Il prend donc la route pour Séverac pour voir sa mère et y reste quelques jours avant de se rendre finalement à Automnal où il retrouve Mélusine, comme prévu et où il a la surprise de retrouver Castiel puis Melbren. Grâce à leur aide inestimable, il peut s'installer dans sa demeure et se plonger dans les affaires de sa ville. Il peut investir son propre foyer et c'est quelque chose qui lui plaît fortement.
Il intègre l'escadron de Sombreciel un mois plus tard, prêt à s'adapter, encore. Prêt à démarrer une autre de ses nouvelles vies.