Le duo de la fin des temps

Erebor… Que faisait-elle ici ? Personne ne lui avait posé la question, pourtant cela aurait été attendu au vu de la situation. Mais non, personne ne lui avait demandé quoi que ce soit, et elle était là, avec ce groupe parti pour détruire le Cor de la Chasse Sauvage. Lorsqu’elle avait su qu’ils partaient pour une aventure dans les tombeaux, elle avait troqué sa robe pour un pantalon et une tunique courte, plus pratiques, et grand bien lui en avait pris. Entrer dans les souterrains avait été un parcours du combattant pour le groupe, mais pas pour elle, sa petite taille et sa corpulence frêle lui permettant de se faufiler sans difficulté entre les parois, la vision des adultes se cognant et les jurons qui suivaient faisant ricaner la rouquine à plusieurs reprises tout au long de la traversée de l’étroit boyau obscur. Elle n’avait pas retenu la plupart des noms, se contentant de leur donner des surnoms que seule elle connaissait. Il y avait bien Gauthier qui semblait la surveiller du coin de l’œil, mais autrement, elle se sentait libre comme l’air et avait bien l’intention de profiter de cette petite aventure. Après tout, elle en rêvait depuis toute petite, de partir explorer ce genre d’endroit. Elle trépignait presque d’impatience de tomber sur des salles immenses, des coffres ou des donjons obscurs.

Aussi fut elle très déçue qu’il ne se passe pour ainsi dire, rien. Des grottes, encore des grottes, puis un lac souterrain. Elle aurait pu s’y intéresser si le mot « kraken » ne l’en avait pas définitivement éloigné, l’idée qu’un monstre marin s’y tapisse peut-être l’ayant définitivement fâchée avec les étendues aquatiques. La découverte de la caravelle, si elle l’étonna, la laissa perplexe et elle conseilla de ne pas s’y aventurer, levant les yeux au ciel en entendant un bruit sourd suivit d’un cri de douleur et du retour des quatre compères ayant décidé de l’explorer, l’un d’eux boitant visiblement. Elle soupira l’air de dire « je vous l’avais dit »et se détourna du lieu sans grand remord, impatiente de découvrir le reste. Qui s’avéra être tout aussi peu intéressant, jusqu’à ce qu’ils arrivent au cœur des tombeaux. Curieuse, Eloïse voulut explorer, mais le groupe décida de s’arrêter à ce moment précis pour se reposer et dormir, frustrant la jeune fille. Décidée à explorer malgré tout, elle se porta volontaire pour prendre le second tour de garde, là où la majorité dormirait à poings fermés, lui laissant l’occasion de faire ce pour quoi elle était venue : fouiner et découvrir. Ne restaient éveillés qu’elle, madame grosse épée et un garçon un peu plus vieux qu’elle, Tim.

Elle observa ce dernier quelques instants. Il devait être du même âge qu'Adonis, à peine plus vieux peut-être. Sa présence l'intriguait mais, comme les autres avec elle, elle ne lui avait pas posé de question. Silencieusement, elle se leva, approchant discrètement du mur où elle avait, à la faveur des flammes, vu quelque chose briller. Attirée telle une pie voleuse, elle examina le bas du mur, se baissant jusqu'à apercevoir, par une fissure, l'objet convoité. A quatre pattes, elle gratta doucement le contour à l’aide de sa dague avant de faufiler sa petite main et de ressortir une belle bague en or ornée de symboles inconnus pour elle, gravée à l’intérieur et à l’extérieur de l’anneau doré. À même le sol, elle examina le bijou avec attention avant de sentir un regard sur elle et de se retourner. Elle croisa le regard du jeune homme qui montait la garde et fronça les sourcils. Il était clairement en train de la reluquer tandis qu'elle s'affairait. Elle se releva en vitesse, cachant la bague dans une de ses poches avant de se diriger vers lui, veillant à ne réveiller personne et à ne pas attirer l'attention de madame coupe-coupe qui montait la garde plus loin. Elle s'assit face à lui, parlant suffisamment bas pour ne pas attirer l’attention, mais son ton outrée était clairement perceptible par son jeune interlocuteur. « T'es pas censé monter la garde au lieu de reluquer mes fesses, Timmy perv' ? »

Elle appréciait moyennement ce genre de regard sur elle et avait une habitude de corriger rapidement ceux qui lui en faisait l’affront, par une baffe ou une réplique cinglante. Adonis au moins ne faisait pas cela... penser à lui la calma un peu, il lui manquait, après des semaines sans nouvelles de lui. Même si cette séparation était prévue et provisoire, elle lui pesait tout de même. Secouant la tête pour ne pas se perdre dans ses pensées, elle se concentra sur Tim, laissa sa curiosité prendre le pas sur le reste, penchant légèrement sa tête sur le côté. «  Pourquoi t'es venu d'ailleurs? T'es un genre d'aventurier ? »

Elle joua distraitement avec une mèche de cheveux, l'enroulant autour de son doigt, son regard se posant aléatoirement sur les corps endormis non loin, s’arrêtant un instant sur la lame de l’unique autre personne réveillée avant de se fixer de nouveau sur Tim. Un sourire apparut sur son jeune visage tandis qu’une idée germait dans son esprit. « J’ai une idée, tu me files un coup de main pour récupérer des trucs dans le coin, t’en prends… disons un bon tiers, on devrait largement pouvoir s’en remplir les poches…et je vais oublier cette histoire de reluquage, et toi aussi d’ailleurs. »
Elle voulait surtout utiliser ça comme prétexte pour qu’il lui donne un coup de main. Seule, elle risquait de ne pas réussir à fouiller correctement et deux paires d’yeux valaient mieux qu’une, surtout dans une relative obscurité comme celle-ci et avec un temps imparti relativement court. Sans compter la chaperonne armée qui risquait de leur tomber sur le dos s’ils faisaient trop de bruit. C’était risqué, mais le jeu en valait la chandelle, elle en était convaincue et ne voulait de toute façon pas être venue ici et repartir bredouille. Détruire le Cor, oui, mais autant rapporter des souvenirs aussi. « T’en dis quoi ? Comme ça j’en parle pas et t’auras pas à te faire tirer les oreilles par Gauthier. Il aime pas trop ce genre de chose. Et vu ses mains, crois-moi t’as pas envie de te les prendre dans la tronche ou qu’il te chope les oreilles. » Elle tendit sa main, paume ouverte, un sourire malicieux et légèrement moqueur sur le visage.

« Marché conclu ? »

Si j'avais apprécié me trouver là au sein de ce groupe, au cœur de cette aventure, c'était davantage pour l'histoire qu'il y aurait à raconter derrière en tant que témoin, plutôt que pour le danger inutile que j'infligeais à ma propre personne. Je me fichais bien des autres à dire vrai, ils me servaient plus de magnifique bouclier de chair que de compagnons de pèlerinage-sauvetage. Enfin, pas tous, certains avaient de l'importance quand même ; les membres de l'Audacia, par exemple, ma cousine Liselotte naturellement aussi ainsi que quelques autres silhouettes qui arrivaient à faire trembler mes mirettes de joie tellement elles étaient belles. Mais tout ça c'était avant car j'appréciais de moins en moins cette situation, surtout depuis le sacrifice de Freyja, l'ancienne seconde de l'Audacia. Depuis la mort d'Ortie et de certains membres de l'équipage lors des accrochages en mer, je m'étais endurci, mais cela ne suffisait pas pour autant à rester de marbre face à la disparition d'une personne de ma connaissance. Bref, si je trépignais d'écrire et de découvrir des choses intéressantes, je me trouvais quelque peu gelé pour le reste à venir. Combien d'autres personnes devraient être sacrifiées encore ? Combien avant que Sithis ne soit repue ? C'était une question qui m'angoissait et me tenait éveillé nombre de nuits depuis l'envol de la Chasse.

Malgré mes craintes à servir de chair à canon sacrificiel comme lors de ces rêves étranges, je ne renonçais pourtant pas à la prochaine étape du voyage. Je me faisais un devoir en moi-même de voir le final de tout ceci. Je voulais être témoin de la destruction de ce Cor. Il était vraiment temps qu'on s'en débarrasse. Aussi me joignis-je au groupe formé en partance pour Erebor qui, je l’espérais, me réchaufferai quelque peu – autant dire qu'une fois tout cela terminé, j'en aurai mon compte.

Suivant  quelques membres à travers la voie d'accès empruntée, je ne pu faire sans maugréer en me cognant à plusieurs reprises la tête. Je n'étais pas le plus grand, mais c'était suffisant quand même pour me faire grincer des dents. J'embrassais par contre ma silhouette arachnéenne pour me faufiler efficacement lors des parties les plus étroites rencontrées durant notre cheminement. Puis enfin la lumière... et la première découverte qui illumina ma journée ; la caravelle. Au Kraken mes angoisses, je m’avançais comme d'autre à sa rencontre fort excité de cette découverte que je comptais bien décrire dans les moindres détails. Découverte qui termina en poussière et en pied cassé pour le Cielsombrois m'ayant précédé... j'en soupirais de soulagement de ne pas avoir été à sa place, et de rage d'en avoir vu si peu pour décrire et tenter de le dessiner.

La route se poursuivit sans kaboom dans mon cœur jusqu'à ce que nous nous arrêtions dans une salle remplie de sarcophages pour nous reposer. Honnêtement, je n'étais pas friand de l'endroit, un peu anxieux sur les bords et l'imagination trop fertile encore une fois pour mon bien. « On risque vraiment rien ici ? » avais-je glapi tout bas sans aucun retour pour me réconforter. Dans un sens, c'était compréhensible, entre rebrousser le chemin et faire copain copain avec les chauves-souris et peut-être un kraken ou poursuivre plus loin dans le mystère le plus total, rien n'était vraiment sûr et je ne pouvais en vouloir qu'à moi-même d'être présent en cet instant. Je parvins néanmoins, en me collant au Boucher, à dormir quelques heures avant que ce ne soit à mon tour de monter la garde... Moi et une gamine, précisons. Heureusement qu'il y avait la reine des neiges avec nous, parce que sinon, je ne voyais pas comment quiconque aurait pu fermer l’œil avant le prochain tour.

C'est ainsi que je me mis à observer le néant... dans tous les sens du terme. C'est que, entre une espèce de Vira hyper sérieuse à la lame affûtée et la rouquine qui cherchait des crottes de chauves-souris au sol, la deuxième avait gagné haut la main toute mon attention. Et j'attirais par mes regards songeurs la sienne. Assis sur un sarcophage fermé, aussi mollement que possible, je la vis venir à ma rencontre... J’espérais ne pas l'entendre parler de collection de déjections quand elle ouvrit la bouche pour me surprendre. J'haussais dans la seconde mon sourcil droit pour lui répondre tout aussi rapidement : « Quand y aura quelque chose à reluquer chez toi, je te le ferai savoir, Le balai. » Oh bah oui, parce que devant y avait autant que derrière, c'était néant partout. Zéro pointé en guise d’intérêt charnel. Les seuls qui m’intéressait roupillaient plus loin et m'auraient émasculé pour toute tentative de doigt volage – avec ou sans armes.

Quand elle m'interrogea par la suite sur les raisons de ma présence ici et qu'elle mentionna le 'genre d'aventurier' que j'étais, je ne pu faire sans ricaner. Moi, un aventurier ? Un aventurier c'était quelqu'un qui n'avait pas froid aux yeux et qui fonçait dans le tas avec un fouet pour attaquer et se défendre, tout le contraire de moi et, non, je ne me sous-estimais pas quand je lui répondis. « Je pencherai plus pour le terme de 'voyageur', mais soit. Je suis présent parce que je veux voir le final et écrire dessus ensuite. J'aime bien écrire, j'ai même quelques fans, si tu veux tout savoir. » Comme Éponine mon écoute favorite, Éponine qui lui ressemblait d'ailleurs un peu physiquement. Même couleur de cheveux, même âge peut-être, mais caractère complètement différent. Éponine me regardait avec des étoiles dans les yeux, alors qu'elle c'était plutôt des lames de rasoir. Je ne lui retournais pas la question de savoir pourquoi elle était là, je m'en fichais complètement. De plus, je l'écarterai de mon prochain récit une fois cette aventure terminée. Allez savoir pourquoi, elle m'insupportait quelque peu avec ces airs et sa façon de tournicoter ses cheveux pour ce donner un peu de valeur...

Quant à son idée, elle me fit hausser cette fois l'autre sourcil. Elle se prenait pour une pilleuse de tombe experte ou bien ? En gros je devais suer autant qu'elle pour... un tiers du fameux butin – à supposer qu'on trouve quoique ce soit. Le doux souvenir de mon petit boulier jeté me susurrait qu'elle n'y comprenait peut-être rien en chiffres. Je la laissais poursuivre en me menaçant de tout dire à ce fameux Gauthier aux grandes mains – seul point où je lui donnais raison. Il avait de ces mains...

« Moitié moitié. » Répondis-je alors simplement à sa dernière question et invitation, laissant aux oubliettes son vent de menace aux grandes mains et de reluquage du néant. J'ajoutais cela étant, comme si je m'adressais à une idiote. « Ça veut dire qu'on divise en deux ce qu'on trouve, tu saisis ? » Je lui offris à mon tour un sourire... celui qui donne envie de foutre des claques tellement il se fout de vous. Enfin j'étais sérieux sur la division du butin en part égale, mais je n'avais aucun désir de lui montrer une once de respect ou quoique ce soit qui s'en rapprochait. Mais, hey, ne l'avait-elle pas cherché ? Je lui tendis à mon tour la main.

Le Balai. Elle resta immobile face au jeune homme face à elle, le visage impassible, un sourcil se haussant à peine. Accroupit, elle se demandait si elle avait mal interprété le regard pourtant bien fixé sur elle et haussa les épaules. La remarque sur son physique la laissa en revanche totalement de marbre, elle se fichait bien du regard des autres, surtout celui d’un type qu’elle ne connaissait pas et qu’elle ne reverrait sans doute jamais après cela. « Niveau originalité j’ai vu mieux. Enfin j’imagine que c’est mieux que «la planche» ou « la brique ». Je préfère le surnom que je t’ai trouvé, je vais le garder. ». Un sourire moqueur s’ouvrit sur son visage, sans quitter le jeune homme des yeux. Encore un qui regardait les femmes pour leurs courbes et non pas pour leur caractère ou qui elles étaient. Monnaie courante à Lorgol. Combien de fois avait-elle vu des femmes se faire mettre le grappin dessus juste parce qu’elles affichaient un décolleté affriolant et des formes généreuses ? Trop pour ne pas se rendre compte que son physique n’avait rien d’attrayant en soit. Elle s’en fichait, elle était jeune, elle ne pensait pas vraiment à plaire à d’autres et cela l’arrangeait bien, de ne pas attirer les regards des hommes dans les rues les moins éclairées de la Ville Basse.

Elle eut l’air surpris de la suite, ses yeux brillant d’un intérêt nouveau pour celui qui se faisait appeler « voyageur ». C’était toujours son rêve, de voyager, de découvrir de lointaines contrées. Lui semblait avoir la chance de le faire, elle était un peu jalouse. Savoir qu’il écrivait l’intéressa également. Même si cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas touché le moindre ouvrage, elle avait toujours cette envie de reprendre la lecture, autant pour s’occuper que pour se perfectionner. Elle lisait lentement, mais elle était une des très rares à savoir le faire, parmi les gamins qu’elle connaissait. « J’imagine que les tombeaux et les histoire de quêtes… « Héroïque » ça doit attirer du monde. Tu vas écrire sur la patte cassée de l’autre gars ? » Un passage dont le souvenir la fit ricaner. « Nan, ce serait pas très intéressant, je te l’accorde. Quelle idée aussi, c’était évident que la caravelle était pourrie depuis le temps. » Elle leva les yeux au ciel sans rien ajouter d’autre sur le sujet. « Donc détruire la Chasse Sauvage ça ne te motive pas ? Je pensais que tout le monde était là pour ça… enfin, c’pas mes affaires, tu fais bien c’que tu veux. »

Elle fronça les sourcils à sa réponse quant à sa proposition, levant les yeux au ciel face à la précision somme toute ridicule. « Oui merci monsieur le génie du calcul, je sais ce que veut dire moitié moitié. » Elle regarda sa main tendue, hésita, mais finit par la serrer finalement, fermement, comme elle avait appris à le faire pour ne pas se faire marcher dessus. Elle avait déjà trouvé une bague en or, elle avait de toute façon plus que lui dans les poches. « Ce serait dommage de pas en profiter, c’est pas tous les jours qu’on peut trouver des bijoux en se baissant. » Littéralement d’ailleurs. Elle jeta un œil à la troisième éveillée, s’assurant qu’elle ne s’intéressait pas à leur discussion ou leurs petites affaires. « Pas de bruit hein ? L’autre là je suis pas sûre qu’elle apprécie notre petit arrangement. Gauthier et les autres non plus d’ailleurs » Elle se releva d’un mouvement souple, sortant sa dague pour aller s’occuper d’un autre endroit qui avait retenu son attention. Une fine fente dans laquelle la lame s’inséra. Elle fouilla quelques secondes, grattant avec la pointe, avant d’entendre un léger bruit de chute, ce qui la fit sourire. Après avoir jeté un œil, elle rentra de nouveau la lame, pointe en direction du sol. Longuement, elle sembla écouter, avant qu’un sourire ne fleurisse sur ses lèvres et qu’elle ne retire délicatement la dague, la pointe tenant une chaîne par l’un des maillons. Elle prit la chaîne, la leva devant ses yeux pour l’examiner et la lança vers Tim pour qu’il l’attrape une fois cela fait. « Alors, monsieur le voyageur, tu m’aides ou je rafle tout ? Pas que ça me dérange, mais on a conclu un marché pas vrai ? »

Elle ne se départait pas de son sourire. Elle s’ennuyait depuis le début de cette exploration, mais maintenant, elle était dans son élément, à fouiner pour obtenir quelque chose de valeur. « Tu dis que tu voyages, t’es allé où ? » Véritablement curieuse de nature, elle voulait en savoir un peu plus sur les contrées qu’elle imaginait seulement. « C’pas comme si j’avais la chance de faire pareil tu vois. Ça m’intéresse. »

Ce fut une surprise, ni bonne ni mauvaise, de voir qu'elle ne s'offusqua pas de ma façon de l'appeler par la chose la plus caractéristique que j'avais trouvé chez elle : la plate-attitude totale de face comme de dos, un balai. Je n'avais su faire sans m’empêcher de la recaser sur son physique vu la mauvaise interprétation qu'elle avait fait de mes regards à son attention. Elle était bien trop jeune pour me faire saliver et bien trop... étrange également quelque part. Allé quoi, qui ramassait des crottes de chauves-souris de nos jours ? N'importe qui de censé aurait trouvé plus charmant le caillou d'à côté. Parlant de cailloux, il y avait un membre du groupe qui m’intéressait bien et que je n'avais plus revu depuis longtemps. Mes mirettes se posèrent un instant sur lui avant de revenir à la rouquine qui commentait sur les surnoms. J'aurai en effet pu faire davantage dans l'originalité comme elle le disait si bien, mais je n'avais pas forcément envie de gaspiller mon imagination pour elle plus que nécessaire – lui parler me fatiguait déjà surtout si elle n'avait rien à offrir d'autre qu'un air suffisant.

Zouh du balai, le balai, pensais-je alors qu'elle reprenait, enchaînant les questions, sur ce qui amenait quelqu'un d'aussi exceptionnel que moi ici bas. Le voyage fut ma réponse. Ce mot  représentait quand même correctement ce que la piraterie faisait en grosse partie, ca, les attaques, le pillage et bref, le voyage  décrivait suffisamment mon identité, beaucoup plus qu'aventurier à mes yeux. Et le voyageur que j'étais attisa une petite lueur d’intérêt dans son regard. Peut-être aspirait-elle à parcourir Arven également ? Ou peut-être n'aspirait-elle à rien du tout qu'à un confort et une sécurité, préférant s'imaginer loin en lisant les écrits de ceux qui avaient vu et vécu nombre de péripéties, si elle savait lire tout du moins.

Lecture et écriture qu'elle reprit de ma réponse. Pour sûr ce genre d'histoires héroïques, comme elle le disait, avaient un certain public et je n'avais aucun doute sur le fait que mon témoignage et mes futurs récits, aussi débutant à côté de certains, me rapportent plus que mon poids en fleuron, écus et ducats. Décrire l'accident de la caravelle – contrairement à sa découverte - qu'elle mentionna par contre semblait loin de valoir des lignes et elle s'en rendit elle-même compte en reprenant... pour mieux insulter la merveille détruite. « Elle n'était pas pourrie, elle était ancienne et remarquablement bien conservée. » De loin, certes, mais quand même. C'était un trésor qu'on ne pouvait salir aussi facilement en indiquant 'c'est pourri'... C'est elle qui est pourrie, me fis-je en moi-même sans le dire pour autant – manque d'originalité madame. Sujet à part, j'ajoutais concernant la Chasse. « Tant qu'elle ne demande plus de sacrifices, je me fiche qu'elle revienne courir librement... sans compter qu'elle est sous 'contrôle' à présent. » L'ancienne seconde de l'Audacia et femme du capitaine ne s'était pas sacrifiée pour rien. Et certes, j'y allais fort en indiquant me ficher complètement de son parcours, mais tant qu'elle était loin de moi et de mes proches, je pouvais faire avec d'après moi. Égoïste, dites-vous ? Pas du tout. Rien ne pouvait être pire que ce qui était à présent dernière nous de toute façon.

Vint la proposition à l'odeur d'arnaque que je pris malin plaisir à reformuler. Elle me prenait pour un idiot ? Je la prenais pour une idiote. C'était donnant donnant. Quoiqu'il en soit, elle accepta et nous nous serrâmes la pince. Je jetais comme elle un regard à la reine des neiges au coupe coupe affûté... ca sentirait mauvais si c'était sur nous qu'elle passait ses nerfs. Quant à la mention de Gauthier aux grandes mains, je fis mine de répondre tout bas alors qu'elle se mettait déjà au travail : « Je râlerai pas si il s'occupe de moi... » Je gloussais un peu tandis qu'elle me prenait de court avec un bijou lancé. Le regard sur le bijou, les oreilles à son attention, je ne pu qu'éclaircir le point qui m'avait mené en bateau plutôt : « Aye Aye, lançais-je dans un premier temps en bougeant également, me mettant à l'action tout comme elle tout en précisant à demi-mot : Moi qui pensais que tu collectionnais des crottes de chauves-souris... »

« Bellifère, Ansemer, Outrevent, des îles en nombre... surtout les côtes en fait, résumais-je en grinçant des dents devant une légère difficulté, lourde difficulté, à pousser un peu le couvercle d'un sarcophage. La tâche, rude, vraiment vraiment rude, et quand même bruyante, ne me permettait que de l'ouvrir d'un peu pour laisser de la place pour une main habile – ou deux. Je fis mine d'élancer ma main pour reprendre en soufflant la conversation : J'ai également visité Edenia une fois pour un ami, mais ca vaut pas Euphoria, la capitale de Sombreciel, et ses charmes, quoiqu'il en dise. Ne jamais écouter un Lagran, c'est un conseil que je te donne si un jour tu as la possibilité de voyager. Je vois pas ce qui pourrait t'en empêcher d'un côté... vu ton habilité à chaparder. » Et c'était un compliment de ma bouche de grand pirate en devenir.