Le doux cadeau de Mère Nature

« HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »

« MAMAN ! MAMAAAAAAAAAAAN ! VIENS VOIR TOUT DE SUITE !!! »

C'est la panique, c'est le drame ! Non, c'est l'excitation ! Non, c'est horrible ! Non c'est la meilleure chose du monde ! Non c'est.... Non, comment elle va faire au juste ?

Ce matin, Lena fait face au plus gros changement de sa vie. Elle devient une femme, tout comme ses draps tachés s'obstinent à lui rappeler en s'exhibant fièrement dès qu'elle jette un regard en direction de son lit. Ce moment inévitable dans la vie de toute jeune fille devait arriver à un moment ou à un autre et c'est quelques mois après ses onze ans, au milieu du mois d'octobre, qu'il se décide à s'inviter dans sa vie. Il était attendu, pas forcément pour ce jour, mais attendu tout de même et elle n'est pas la première de la fratrie à y être confrontée, mais tout de même, ça fait quelque chose.

« MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ! »

« Maman... J'ai un problème... »

Le problème ne concerne pas ses fluides corporels. Enfin si, mais pas seulement. Une autre chose que la fatalité féminine est venue à sa rencontre aujourd'hui. Cette autre chose, c'est une petite tornade qui a pris possession de son armoire. Toutes ses belles robes bien repassées sont en train de tournoyer dans un mouvement aussi gracieux qu'incompréhensible. Plus Lena hurle et désespère, plus leur danse devient violente, mais elle ne fait pas le lien. Non, tout ce qu'elle voit c'est sa garde-robe toute soignée qui vole, littéralement, au milieu de sa chambre. A quoi ça sert qu'elle prenne la peine de les plier et de les ranger si c'est pour qu'un mystère de la nature vienne semer la pagaille ?

« Mais arrêtez ! ARRETEZ ! »

Voilà qu'elle se met à parler à ses tenues. Elle attrape une manche, deux manches, extirpe en luttant une robe rose - ou peut-être bordeaux, vin, mauve ou prune – qu'elle mettra aujourd'hui. Quelques boutons ont péri dans la bataille, il n'est plus question de la porter. Elle l'aime tellement cette robe, tant pis, elle la recoudra. Mais il faudrait vraiment que ce caprice aérien cesse d'avaler tous ses habits. C'est effrayant et ça l'est d'autant plus que ça grossit et ça emporte des livres et des petits habits. Non ! Mélusine ! Ne touche pas à Mélusine ! Qu'est-ce qu'elle va faire ? Oh mais qu'est-ce qu'elle va faire ?

« A L'AIDE ! MAMAN !!!! »

« LOU-ANN !! »

« QUELQU'UUUN ? »

Pour en venir à appeler sa monstrueuse grande-soeur, il faut bien qu'elle soit à un niveau de désespoir assez élevé. C'est donner libre cours à toutes les moqueries, pour au moins toutes les années à venir jusqu'à sa mort. Tant pis. Là il faut faire quelque chose et plus elle  y pense, plus elle panique, plus elle panique, plus ça prend de l'ampleur alors plus elle y pense. Elle se met dans un coin de la pièce, le coin qui n'est pas encore envahi par la terreur météorologique et se met en boule, dans un système de défense des plus enfantins : si je ne le vois pas, ça n'existe pas.