Sitara d'Erebor

­«  On murmure que ma lignée est aussi ancienne que les dunes d’Erebor. Nous étions là, Kamar, fiers et  dignes, lorsque s’est dressé le palais Ducal de Vivedune. Nous avons su prouver notre loyauté à Ibélène, génération après génération, jusqu’à nous poser non loin du trône. Les empereurs se sont succédés, certes, mais nous étions toujours présents, immuables à travers les ans, pour murmurer nos conseils plein de sagesse au souverain en place. Je proviens d’une ancienne famille  gonflée d’orgueil et enracinée dans une richesse incroyable. L’histoire nous a montré que le temps n’avait aucun impact sur cette opulence et cette fierté… Jusqu’à tout récemment. Le tressaillement d’un coeur, celui de l’héritière des Kamar pour un cielsombrois, a fait s’effondrer des siècles d’irréprochabilité et de suffisance. Peut-être aurais-je dû m’incliner devant mes responsabilités et les embraser à bras ouverts, pour le bien de cette lignée ancestrale, mais la cruauté des jeux politiques et les fourberies dans lesquels ils tentèrent de m’entraîner depuis mon enfance ont eu raison de ma docilité. Résolue, j’ai quitté mon nom et mes proches pour intégrer le harem ducal. L’unique choix que j’ai osé faire en mon nom propre m’a permis de trouver l’affection d’un homme que j’aime éperdument et m’a offert un fils, l’héritier d’Erebor. »



Ce qu’elle fut espérée, la petite Sitara! Ce qu’elle fut dorlotée, bien avant sa naissance, cette délicate Erebienne. Ses soeurs, mains sur le ventre rebondi, murmuraient déjà des chants ancestraux d’Erebor rien que pour elle. Les lèvres lovées contre le derme de leur mère, loin des oreilles indiscrètes, elles fredonnaient des paroles lui étant uniquement destinées, comme si, déjà, elles partageaient un secret. Si les parents désiraient par-dessus tout un garçon pour porter le nom des Kamar à travers les dunes, Saraj et Soltana, elles, souhaitaient plus que tout une petite soeur à aimer, une jolie poupée à protéger et à dorloter. La déception fut grande, pour ses parents, lorsque Sitara poussa son premier hurlement. Une fille. Encore. En vouloir à un nourrisson étant inconcevable, mais se montrer amer devant le Destin lui-même était légitime. Résignés, ils ont alors mis tous leurs espoirs dans un mariage diplomatique pouvant perpétuer le nom Kamar jusqu’à la prochaine génération.

­« Trois. Nous étions trois. Trois sœurs liées par le sang, le coeur et l’âme. Lorsque l’une de nous se blessait, c’était les deux autres qui en souffraient. Lorsqu’un affront était commis contre l’une ou l’autre de notre étrange sororité, nous nous dressions à trois, ensemble, d’une seule voix. C’est sous le même regard affligé que nous avons vu le domaine familial laissé à nos voisins, des Cielsombrois, nos rivaux de toujours. L’amertume enveloppait notre famille, depuis notre prime jeunesse, mais nous avons décidé, toutes les trois, que notre destin n’allait pas être lié au passé. Que nous ne serions jamais les pantins d’une guerre plus vieille que nous. Alors Saraj nous a quitté pour suivre son grand amour. Nous aimions avec elle, à travers elle, les nouvelles gens de son clan. Alors Soltana nous a quitté pour s’élancer vers les plus hauts nuages. Nous volions avec elle, à travers elle, sur le dos de son Acier. À la fin, il ne restait que moi et ma promesse, celle de ne pas plier. Alors j’ai suivi mon instinct vers la route du harem, celle qui me ressemblait le plus. En quelque sorte, elles savourent désormais la douceur du revers du Destin à travers moi. »


Elle était toute jeune, lorsqu’elle franchit l’arche principale du palais ducal pour la première fois. Vingt-deux ans, à peine née. Comme si chaque pas la menait un peu plus près de sa nouvelle vie, celle qu’elle avait choisie, libre de toutes contraintes familiales. La peur enfermée entre ses points fermés, la tête haute couronnée de détermination, Sitara avait pris sa décision, celle de commencer à vivre de ses propres décisions. Ce choix s’était imposé de lui-même, au fil du temps; d’abord une idée fantasque, puis un rêve familier, et enfin une certitude. Le harem ducal lui permettrait de vivre une vie paisible et la réclusion des concubines lui offrirait une barrière protectrice contre les rêves glorieux de ses parents. La guerre des Kamar n’était pas la sienne; elle appartenait à la génération qui avait foulé Chamaar avant elle. Si ses soeurs avaient bravé ouvertement toutes les décisions parentales quant à leur avenir, Sitara avait plié l’échine, peu à peu, s’emmêlant entre les diverses rencontres mondaines et les machinations de la haute société. Elle ne désirait pas terminer sa vie ligotée à un destin qui ne lui appartenait pas. Son coeur n’était pas épris d’un homme et ne lui permettait pas de fuir se réfugier dans un autre clan, à l’instar de Saraj. Son sang n’était pas assez chaud et ne lui offrait pas la possibilité d’embrasser un avenir forgé par le courage et l’impétuosité, comme Soltana. Il ne lui restait que sa douceur et son éducation. Une vie simple entre les murs ouvragés du palais d’Erebor.

Le mariage fut grandiose. Assurément. Couverte d’ornements erebiens et d’un caftan de soieries délicates, Sitara n’avait jamais été aussi belle. Même sa taille s’était considérablement affinée, depuis la naissance de Qasim. Le bonheur qu’elle touchait enfin rendait son regard brillant et son sourire serein. Le seul détail divergeant des souhaits les plus chers de ses parents était que Sitara, leur dernier espoir, se drapait du nom d’Erebor en condamnant l’honneur des Kamar. Ses parents s’étaient présentés au mariage, comme plusieurs, et semblaient se réjouir réellement pour elle. Ils l’avaient couverte de bons mots et de présents, dont une parure incroyable faite spécialement pour elle: un diadème d’or étincelant dont les enchevêtrements lui ceignant le front étaient gravés de minuscules scorpions. Émue, elle avait réellement cru qu’ils acceptaient enfin ses choix. Le leurre n’eut pas le temps de vivre deux journées qu’il s'éventa tristement. Lorsqu’ils avaient tenté d’invoquer sa couronne de sultane afin d’éloigner une fois pour toute les Cielsombrois de Chamaar, elle avait ressenti l’amertume noircir son coeur. Sitara n’était pas querelleuse. D’une voix douce et posée, la jeune duchesse avait placé ses parents devant une exigence définitive : Soit ils abandonnaient leurs manipulations, soit elle les reniait. S’ils comprirent ou non, l’histoire ne l’a pas encore écrit. Depuis, Sitara d’Erebor veille sur son enfant depuis le palais ducal.

Que penses-tu des compétences de la toute nouvelle impératrice de Faërie, la jeune Chimène ? La trouves-tu légitime, penses-tu qu'elle va réussir sa période de probation ?
• On la dit belle comme une rose du désert et douce comme le miel. On la dit réservée et posée. On la dit jeune et timide. Bien qu’elle ne l’ait jamais rencontré et qu’elle doive se fier uniquement aux rumeurs, Sitara se sent très près de l’impératrice Chimène, partageant avec elle plusieurs traits de caractère. Peut-être est-ce une simple impression infondée, peut-être est-ce une projection de son propre manque de confiance, mais la petite sultane croit que l’impératrice, tout comme elle, détient un pouvoir plus grand qu’elle. Sitara demeure toutefois convaincue des bienfaits de la force tranquille et préfère la diplomatie et la conciliation aux idées de grandeur et à la conquête. De ce fait, elle croit la jeune Chimène tout à fait apte à gouverner, tant et aussi longtemps que ses conseillers soient les bons. Pour le reste, la dame d’Erebor ne lui souhaite que du bien : un héritier vigoureux ainsi qu’un long règne prospère et paisible.

Envisages-tu de prendre part au conflit si une guerre entre Ibélène et Faërie devait se déclarer ? Quel parti prendrais-tu, et pourquoi ? Comment participerais-tu à la lutte ?
• Peut-être est-elle Sultane des dunes ou encore issue de la famille Kamar, toujours est-il que Sitara demeure avant tout la jeune épouse d’Anthim d’Erebor. Son coeur suivra son époux contre vent et marée, et là où il jugera bon de faire la guerre, Sitara se trouvera dans son ombre, toute prête à l’épauler et le conseiller. Au-delà de sa position d'épouse, elle demeure une enfant des sables. Ce sont les dunes qui l’ont vu grandir et c’est le soleil doré d’Erebor qui coule dans ses veines. Si conflit il y a, son coeur, tout comme celui de son époux, seront à la défense du duché. Toutefois… Elle demeure consciente du sang chaud des hommes, et Anthim ne fait pas exception à la règle. La jeune duchesse préfère une paix durable entre les deux empires à un conflit ouvert et sanglant. S’il advenait qu’un jeu de diplomatie puisse éviter quelques querelles, Sitara serait sans doute une joueuse redoutable… Si elle parvient à se dresser devant sa propre timidité.

Que penses-tu de Lorgol, la ville aux Mille Tours ? Est-ce que tu t'y promènes sereinement ou est-ce que la capitale des peuples libres t'oppresse ?
• Dans une autre vie, lorsqu’elle portait encore le nom et l’espoir des Kamar, Sitara avait eu la chance de visiter la cité des Milles Tours à  maintes reprises. Quelle ville! Elle en a gardé un souvenir impérissable, charmée par cet alliage improbable d’art et de prestidigitation, et soulagée de se perdre dans l’anonymat de cette cité  en constante effervescence. C’est avec un ravissement certain que la jeune femme, désormais sultane, envisage de visiter à nouveaux Lorgol.