Nouvelles expériences (Aaron)

Livre I, Chapitre 3 • Les Amoureux du Vent

Agnès d'Aurebois & Aaron de Sombreval

Nouvelles expériences

Prémices d'une rencontre

• Date : 14 décembre 997
• Statut du RP : Aaron et libre (si quelqu'un souhaite nous rejoindre)
• Résumé : Quand Agnès se lance dans une expérience d'outrevision trop intense et que Mara trouve de l'aide auprès d'Aaron.

Agnès avait intégré son cycle de spécialisation depuis un peu plus d’un an et les difficultés étaient toujours présentes. Les cours particuliers étaient très intéressants et elle faisait en sorte d’acquérir ces nouvelles connaissances, essayant d’apprendre de ses erreurs. Pourtant certains jours, elle en avait assez et se demandait si elle parviendrait au bout de ses années d’étude. Mais loin de se montrer défaitiste, Agnès s’entrainait.

Ce jour là, elle quitta les murs de l’Académie pour prendre l’air, en dépit des températures hivernales, se rendant sur le chemin conduisant aux deux vals d’entrainements des chevaucheurs et voltigeurs. Vêtue d’une robe doublée et d’une cape bien chaude, Agnès observait Mara, son familier, fureter à quelques mètres d’elle. La loutre s’avançait d’un pas prudent au milieu de la neige qui recouvrait le sol, grattait le sol pour vérifier qu’aucune proie ne se cachait avant de poursuivre un peu plus loin.
La jeune étudiante parvint à un point d’observation qui lui permettait d’englober d’un seul regard les zones d’entrainement de ses camarades volants. Le ciel était dégagé et elle porta son attention sur les rares silhouettes qu’elle parvenait à distinguer. Ne souhaitant pas descendre dans le val, Agnès s’installa sur une souche de bois présente en bordure du chemin, ôtant la neige d’un geste de la main. Vu les conditions, elle ne comptait pas rester très longtemps cependant elle en profita pour laisser son esprit vagabonder et se changer les idées.

Cela faisait plusieurs semaines qu’elle n’avait pas pris de nouvelles de sa famille, alors elle décida d’user de sa magie pour voir s’ils allaient bien. Inspirant profondément après avoir fermé les yeux, elle s’attacha à l’image de membres des Aurebois, projetant son esprit à leur recherche. Une image finit par se matérialiser et elle entreprit d’observer chacun de ses proches. Rassurée de leur état de santé, Agnès aurait pu revenir à l’instant présent mais, maintenant qu’elle était en condition, elle se laissa tenter par l’observation d’un lieu inconnu. Elle avait déjà tenté l’expérience mais sur des distances moindres, or ce jour-là elle projeta sa magie vers les terres bellifériennes et plus particulièrement la capitale du duché.

Trop d’ambition dans cette entreprise car le contrecoup de la vision générée mit à mal la jeune femme. Sans même ouvrir les yeux, Agnès hoqueta, perdant son souffle et finit par défaillir, s’effondrant de son siège improvisé, inconsciente. Mara perçut la détresse de sa maitresse et accourut à ses côtés. Du museau, elle toucha le visage d’Agnès qui ne réagit pas. La petite loutre devait trouver de l’aide. Elle s’élança sur le chemin avant de percevoir une odeur humaine. Suivant cette piste, elle tomba sur un homme devant lequel elle se posta, couinant pour attirer son attention. Quand celle-ci lui fut accordée, le familier entreprit de faire comprendre à l’humain qu’il devait la suivre et elle le mena jusqu’au corps inanimé d’Agnès.

Le temps était plutôt maussade et les températures n'avaient rien de clémentes en ce jour-là, néanmoins, nombre d'élèves de l'Académie et de la caserne étaient de sortie. Après tout, de neige rendait les activités possibles malgré le vent, il suffisait simplement d'être bien couvert. Par dessus sa veste, Aaron avait enfilé une épaisse tunique à capuche, une cape, ainsi qu'un pantalon de laine qui lui permettaient de ne pas souffrir du froid. A peine sorti d'un entraînement avec Héritage, il avait profité de son temps libre pour déambuler aux alentours de la caserne. Récemment arrivé, il ne connaissait guère les paysages qui l'entouraient, et qu'il lui faudrait apprendre à connaître sur le bout des doigts. A dire vrai, le jeune homme avait encore du mal à croire qu'il se trouvait réellement là. Lorsqu'il avait quitté Sombreval pour se rendre à Lorgol, il avait maintes fois douté ; après tout, les chevaucheurs n'étaient pas si courants, et nombre de mages avaient tenté leur chance avant lui, sans qu'un dragon les choisisse. Pourquoi aurait-il fait mieux ?

Aaron ne savait pas vraiment pourquoi Héritage l'avait choisit, ni ce qui motivait les dragons à se lier à un être si dérisoire par rapport à eux, mais lorsqu'il avait croisé le regard empreint de sagesse et de force de son nouveau compagnon, il avait su que ce serait là la plus belle chose qu'il lui aurait été donné de connaître. Cela ne faisait que quelques jours qu'ils avaient commencé à s'apprivoiser l'un l'autre, mais le jeune cadet ne doutait pas qu'ils parviendraient à ne former plus qu'un seul être, tant grâce à l'entraînement que par la connaissance de l'autre. Si Héritage restait un dragon avec son caractère propre, il faisait preuve de beaucoup de patience et d'attention pour son nouveau chevaucher, ce qui touchait ce dernier. S'il ne touchait pour le moment qu'une infime partie de son statut de chevaucheur, Aaron ne doutait pas que le futur - quoi que semé d'embûches - promettait de belles choses.

C'était à cela qu'il songeait quand une forme sombre vînt se poster à ses pieds et se mit à couiner. A première vu, il cru que c'était Arietty qui avait encore des ennuis, mais ce n'était pas elle. Il s'agissait d'une petite loutre au pelage brun, qui semblait bien agitée. Dès qu'il eut posé son regard sur elle, elle fit quelques pas en arrière, et couina de nouveau, avant de recommencer. Devait-il la suivre ? Les familiers étaient assez intelligents pour savoir se faire comprendre d'un autre mage que le leur, même sans la parole. D'un pas décidé, le jeune homme décida donc de suivre le petite mammifère, curieux de voir ce qui l'attendait. Il s'enfonça pendant quelques minutes entre les arbres, jusqu'à apercevoir une forme sombre étalée sur le sol. Se dépêchant de la rejoindre, il trouva une jeune femme allongée au sol, inconsciente. Surpris, il mit quelques instant à réagir. Qui était-elle ? Et que s'était-il passé ? La présence de la loutre laissait à penser que c'était une mage, ou bien une élève de l'Académie. Avait-elle abusé de ses pouvoirs ? Retirant l'un de ses gants, Aaron toucha la main de la jeune femme, qui lui parut gelée. Il faut dire que les températures avaient vite raison des corps inanimés. Il devait la réchauffer au plus vite, mais la caserne était trop loin, et il ne voyait pas d'abri à proximité.

Une idée lui vînt alors en tête. Fermant les yeux - il avait encore besoin de se concentrer pour parvenir à contacter son dragon - il communiqua mentalement avec lui : « Héritage, j'ai besoin de toi. » Il espérait que son immense compagnon accepterait de répondre à sa demande, lui qui restait un animal libre de ses choix. En l'attendant, le jeune cadet entrepris de prendre la jeune femme dans ses bras, et de se rapprocher du chemin, là où il y aurait plus de passage. Passant délicatement ses bras sous la jeune mage, il la souleva avec précaution, et la cala contre son torse, avant de faire demi-tour. Pour lui qui était plutôt musclé, elle ne pesait pas grand chose, mais la neige et le vent rendaient son avancée plutôt compliquée s'il ne voulait pas s'affaler de tout son long. Heureusement pour lui, une large masse se découpa bientôt dans le ciel, et vînt se poser à une dizaine de mètre plus loin. Comme s'il avait perçu l'inquiétude de son compagnon, Héritage était venu le rejoindre, et son oeil perçant avait rapidement remarqué la masse inerte dans les bras de ce dernier. « Il faut la réchauffer, elle est gelée ». Dardant son œil doré sur les deux humains, le dragon releva légèrement son aile gauche : « Mets la sous mon aile petit homme. » C'était ingénieux ; la fine membrane - si elle ne produisait guère de chaleur - protègerait la jeune mage du vent. S'activant de nouveau, Aaron posa un genou à terre avant de venir appuyer la jeune femme contre le flanc d'Héritage, son ventre lui servant de dossier. Puis, décrochant sa cape, il l'enroula autour des épaules du mage.

[Encore désolé du temps de réponse, j'espère que ça t'ira ]

Mara avait réussi à faire venir l'homme jusqu'à Agnès, toujours inconsciente. Le Familier l'observa tandis qu'il prenait sa maîtresse dans ses bras et se dirigeait vers le chemin. Il faisait attention à la jeune femme, ce qui rassura la loutre qui restait à ses pieds. Par contre, elle se hérissa en voyant le dragon se poser à proximité. Son instinct lui soufflait qu'elle était en présence d'un prédateur et les années passées à l'Académie n'avait pas effacé ce fait. Elle se demanda la raison de la venue du dragon jusqu'à ce qu'il accueille Agnès sous son aile. Le chevaucheur plaça également sa cape autour des épaules de la noble.

Mara huma l'air avant de lâcher une plainte interrogative. Puis elle s'avança vers l'aile du dragon pour monter sur les genoux de sa maitresse. Celle-ci n'avait pas encore recouvré ses esprits mais des couleurs commençaient à revenir sur ses joues tandis que la chaleur diffusée par le corps draconique se répandait. Après plusieurs minutes d'attente, la mage entrouvrit les yeux. Elle conservait en mémoire les fragments de sa vision et elle avait l'air perdu. Mais elle finit par reconnaitre les lieux. Par contre lorsqu'elle posa le regard sur l'aile du dragon, la surprise se peignit sur son visage.

- Que ?...murmura-t-elle.

Puis elle leva la tête vers l'homme qui se tenait à ses cotés avant de porter son attention sur la tête du dragon, essayant de comprendre la situation qui l'avait amenée là. Elle se souvenait s'être assise, avoir observé sa famille avant... de tester la vision d'un lieu inconnu. Quelle idée... Elle aurait mieux fait d'attendre d'être de retour à l'Académie pour entreprendre cette expérience. L'hiver avait jeté son manteau de neige et son souffle froid sur Lorgol, et si le chevaucheur ne lui avait pas porté secours, elle aurait pu mourir de froid. Bien que la chaleur chassait le froid qui l'engourdissait, Agnès se sentait vidée de ses forces. Elle adressa un faible sourire à son homologue.

- Que s'est-il passé ?... Je pense que des remerciements sont de mise pour votre dragon et vous. *Tu as encore présumé de tes forces, idiote.*déclara Mara en pointant son museau. A ce moment-là, Agnès remarqua la cape supplémentaire et la toucha du bout des doigts.

- Merci beaucoup... Je ne sais ce qu'il serait advenu sans votre intervention. A qui dois-je cette aide précieuse ?

Elle serait bien restée ainsi contre le flanc du dragon mais elle ne voulait pas abuser de leur aide. Le plus judicieux serait qu'elle rentre au sein de l'Académie, qu'elle prenne du repos quitte à voir un guérisseur pour être sûre. Sentant sa maîtresse bouger, Mara quitta ses genoux tandis qu'Agnès essayait de se remettre sur ses pieds en prenant appui sur la créature ailée. Lentement, maladroitement...

Tandis que les minutes paraissaient bien longue, la jeune mage ouvrit enfin les yeux, au soulagement d'Aaron. En découvrant ce qui l'entourait, elle bafouilla de surprise avant de sourire au cadet :

─ Que s'est-il passé ?... Je pense que des remerciements sont de mise pour votre dragon et vous. Merci beaucoup... Je ne sais ce qu'il serait advenu sans votre intervention. A qui dois-je cette aide précieuse ?

Ce disant, elle essaya de se remettre sur ses pieds, quittant le couvert de l'aile d'Héritage, mais son équilibre était encore vacillant. Le jeune homme ne put s'empêcher de se rapprocher d'elle, prêt à la rattraper au cas où elle faiblissait. Tout en la surveillant du coin de l'oeil, il répondit aux interrogations de la jeune femme d'un ton serein :

─ Je suis Aaron, et voici Héritage. C'était son idée, c'est lui qu'il faut remercier. Vous étiez inconsciente quand je vous ai retrouvé dans la neige.

Posant une main sur l'épaule de son dragon, il le remercia intérieurement, avant de reporter son attention sur la petite loutre qui veillait aux pieds de la jeune mage. Nul doute que, sans elle, les choses auraient pu être bien pires qu'elles ne l'avaient été. Aaron n'avait pas prévu de s'enfoncer dans la forêt, simplement de se rendre aux vals d'entraînements, et sans ce petit mammifère, il n'aurait pas trouvé la jeune femme. Avec les températures actuelles, le danger était réel, et elle aurait pu voir ses jours se terminer ici. Si la raison de l'évanouissement de la jeune femme ne le regardait pas, Aaron se doutait cependant qu'elle devait avoir abusé de la magie. Lui-même en avait fait l'amère expérience en tentant de vouloir trop alors qu'il n'était qu'au début de sa formation. Si la magie était parfois d'une aide précieuse, elle était aussi d'une dangereuse violence pour le corps. C'était l'un des premiers adages que les jeunes mages apprenaient ; ne jamais outrepasser ses compétences. Simple en apparence, mais bien difficile en réalité.

─ Il serait sans doute plus prudent de retourner à l'Académie, vous avez besoin de repos. Puis-je me permettre de demander votre nom ?

Sans réellement attendre de réponse, il posa sa main sur le bras de la jeune femme, et la guida en direction du chemin. Il ne voulait pas se montrer trop entreprenant, mais elle ne devait pas rester dehors au risque de voir les choses se compliquer. D'un simple geste de la tête, il libéra Héritage de ses obligations - le laissant vaquer à ses occupations - et se mit à marcher d'un pas lent, entrainant la jeune femme avec lui.

[J'espère que ce n'est pas trop entreprenant pour toi, sinon dis le moi :)]

Le jeune chevaucheur s'approcha d'elle pour apporter son aide vu la fragilité de l'équilibre d'Agnès. En dépit de son état, elle parvint à se remettre debout. Elle écouta les explications d'Aaron puisque tel était son nom. La jeune femme se tourna vers le dragon.

- Merci Héritage, et merci à vous aussi Aaron.

*Franchement, tu aurais mieux fait de pratiquer à l'intérieur* La critique de Mara fit plisser les lèvres à Agnès, d'autant que la petite loutre n'avait pas tort. *Merci Mara de veiller sur moi* Depuis qu'elle avait rencontré son familier, le lien qui les unissait s'était renforcé au fil des années. Toutes deux se protégeaient mutuellement et Mara n'hésitait pas à faire part de son point de vue à sa maitresse. Agnès reporta son attention sur Aaron quand il conseilla de rejoindre l'Académie et elle hocha la tête. Oui, du repos lui fera le plus grand bien car son état de faiblesse n'allait pas disparaitre comme cela. D'ailleurs, le jeune homme ne se fit pas prier pour venir soutenir l'étudiante. Cette initiative aurait certainement surprise Agnès en temps normal, mais elle n'allait pas refuser son aide sous prétexte qu'il se montrait trop entreprenant. Elle savait faire la différence suivant le contexte. Et pour l'heure, elle était bien contente de pouvoir compter sur son soutien.

- Agnès... répondit-elle à son interlocuteur.

Pendant un instant, le paysage se déroba à ses yeux et elle vacilla mais heureusement Aaron la soutenait. Le chemin jusqu'à l'Académie fut laborieux car elle imposait son rythme à son sauveur. Avec un sourire désabusé, elle se tourna vers Aaron.

- Vous devez me considérer inconsciente de me laisser... surprendre par ce temps... et d'avoir abusé de mes capacités. Une chose qui n'avait pas dû échapper au chevaucheur. D'ailleurs, elle décida de changer de sujet de conversation. Cela fait longtemps que vous avez rejoint la Caserne de la Flamme ?

La jeune femme remercia le dragon et son chevaucheur, avant de prendre le chemin de l'Académie, tout en imposant sa cadence. Elle déclina ensuite son identité ; Agnès. Sans aucun doute une jeune mage, ou du moins, une élève de l'Académie. Tandis que le vent se remettait à souffler, les deux compagnons avancèrent comme ils purent dans la neige, la jeune femme vacillant de temps à autre. Aaron n'avait guère l'habitude d'avoir des contacts aussi rapprochés - plus encore avec des jeunes femmes, il devait l'avouer - mais il ne se sentait pas si mal à l'aise ; de toute manière, il ne pouvait guère laisser la jeune mage rentrer seule, au cas où elle ne serait pas en mesure d'arriver jusqu'au bout. Finalement, ce fut elle qui repris la parole :

─ Vous devez me considérer inconsciente de me laisser... surprendre par ce temps... et d'avoir abusé de mes capacités. Cela fait longtemps que vous avez rejoint la Caserne de la Flamme ?

Il ne dit rien, conscient de l'ambition que tout jeune mage pouvait ressentir à ses débuts. Lui-même avait plus d'une fois tenté le diable, et ne s'en était sorti que grâce à des intervenants extérieurs, ou à ses capacités physiques et intellectuelles, mais de peu. Et même à l'heure actuelle, lorsqu'il était en colère, il lui arrivait parfois de vouloir retourner le monde simplement pour fuir une vie qu'il n'était pas sur de maîtriser. Si les plus jeunes élèves de l'Académie restaient disciplinés à leur arrivé, peu à peu, le temps et la confiance en soi amenuisaient le sentiment de danger, et tous finissaient par franchir au moins une fois la barrière imposé par leurs corps. Chaque professeur s'y attendait, et il était rare que les choses tournent mal à l'Académie, néanmoins c'était un danger à ne pas négliger. Ce fut donc d'une voix posée qu'il répondit :

─ Chaque élève franchit au moins une fois ses limites, il faut simplement savoir s'en souvenir.

Il marqua une légère pause, avant d'ajouter :

─ Pour ma part, je ne réside à la Caserne que depuis quelques jours, mais l'Académie m'est familière. Néanmoins, il semble que nous ne nous soyons jamais croisés. Cela fait-il longtemps que vous vous résidez à proximité de Lorgol ?

Il ne se plaignit pas du rythme imposé et ne fit aucune remontrance à Agnès sur son incident. Elle hocha la tête quand il évoqua les élèves et la recherche de leurs limites. S’en souvenir… Ne pas réitérer les mêmes erreurs. Agnès saura s’en rappeler et elle fera en sorte de ne pas se retrouver isolée la prochaine fois. Non pas qu’elle veuille déjà réessayer mais elle ne doutait pas que la tentation surviendra de nouveau durant son cursus.

D’ailleurs, elle leva les yeux vers Aaron lorsqu’il lui apprit qu’il était tout jeune chevaucheur. Vu son âge, Agnès aurait cru une présence plus longue. Mais elle ne devait pas juger simplement sur ce qu’elle voyait. Elle ne connaissait pas le parcours de son sauveur, mais elle n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà croisé. En admettant qu’il ait suivi un cursus normal, il aurait été présent à l’Académie ces cinq dernières années.

- Cela fait sept ans que j’étudie à l’Académie et je réside en ville. Et comme vous le dites, je n’ai pas souvenir de vous avoir croisé. Durant quelles années avez-vous fait vos études ?

*Tu peux très bien l’avoir loupé, tu ne prêtes pas beaucoup attention à ces messieurs durant tes études.* Agnès foudroya du regard Mara. *Là n’est pas la question. Je n’ai guère le temps pour des passades, acquérir la maitrise de ma magie me prend un peu de temps, vois-tu. Et puis mes parents sauront très bien me trouver un mari adéquat.* Peut-être avaient-ils déjà conclu une union avec un noble quelconque. Pour l’instant, elle leur laissait le champ libre et aviserai une fois diplômée.

- Quelle est votre Saison ?

Cela pourrait l’orienter sur le fait qu’ils ne s’étaient jamais vus auparavant. Il était plus facile de rencontrer les mages de sa Saison, quoique le nombre d’élèves n’était pas si important pour se noyer dans la masse.

─ Cela fait sept ans que j’étudie à l’Académie et je réside en ville. Et comme vous le dites, je n’ai pas souvenir de vous avoir croisé. Durant quelles années avez-vous fait vos études ?

Aaron contînt sa surprise en continuant à marcher d'un pas léger. Il n'aurait pas parié là dessus ; cela faisait 7 ans que la jeune mage étudiait à l'Académie, autant dire qu'elle était loin d'être une débutante. Il se sentit soudain légèrement mal à l'aise, craignant que la jeune femme ait été vexée par son précédent commentaire. A dire vrai, elle maniait sûrement mieux la magie que lui, qui ne l'avait étudié que deux ans, et il aurait dû réfléchir à cela avant de répondre. Qu'importe, ce qui était dit était dit, et Aaron n'était pas du genre à s'attarder là dessus.

─ Quelle est votre Saison ?

Tournant légèrement son regard vers elle, il lui sourit, et répondit d'une voix calme :

─ Je suis mage de l'automne, et vous ?

S'il n'avait eu le choix de sa Saison, il avait longuement hésité entre la magie de l'illusion et du rêve, trouvant les connaissances tournant autour des deux fort intéressantes et surtout précieuses, néanmoins il avait finit par se décider pour le domaine de l'illusion, sans pouvoir réellement expliquer pourquoi. Et il ne regrettait pas, il le trouvait désormais tout aussi intéressant que les autres qu'il - même s'il ne les avait pas étudié - connaissait un peu, pour avoir vu des compagnons s'en servir. Un instant, il essaya de deviner quelle saison avait choisit Agnès, sans y parvenir. Au fond, rien ne distinguait les mages des différentes saisons, ni leur familier, ni leur caractère. Le choix était totalement libre, ce qui faisait que chaque nouvel élève pouvait s'orienter vers la saison de son choix. Après quelques instants de silence, il ajouta - le regard fixé plus loin - :

─ Puis-je me permettre de vous demander ce qui vous essayiez de faire avant que ... les choses se compliquent ?

C'était une question quelque peu délicate, et elle pourrait tout à fait le reprocher à Aaron, néanmoins ce dernier estimait - ou plutôt songeait - qu'il était en droit de savoir ce qui avait amené la jeune femme - pourtant aguerrie - à présumer de ses capacités. Au vue de son expérience, cela devait sans nul doute être quelque chose qui lui tenait à cœur.

Mage de l’Automne… Mais de quel domaine ? Agnès était toujours curieuse d’en apprendre plus sur les capacités magiques des élèves qu’elle rencontrait. Elle avait plus souvent affaire aux membres de sa Saison qu’aux autres. D'ailleurs, son camarade ne lui avait pas vraiment répondu sur ses années d'études. Agnès haussa légèrement les épaules.

- Le Printemps…

Puis Aaron s’enquit des circonstances ayant conduit Agnès à sombrer dans l’inconscience. La jeune femme ressentit l’hilarité de Mara car le chevaucheur avait choisi ses mots comme s’il voulait éviter de froisser la mage. Elle ne pouvait se réfugier derrière le fait qu’elle était novice vu qu’elle venait de lui expliquer qu’elle étudiait depuis plusieurs années. Agnès se redressa légèrement avant de répondre.

- J’essayais de voir un lieu qui m’est inconnu à très grande distance. Agnès se tourna vers Aaron. Je suis outrevoyeuse et il n’est pas courant de faire ce type de tentative car, comme j’ai pu le constater, cela puise énormément dans nos ressources. Il est bien plus simple de voir des lieux ou personnes connus.

Agnès avança de quelques pas avant de prendre de nouveau la parole.

- Il est peut-être présomptueux de ma part de m’aventurer ainsi dans des expériences à risque. Surtout en le faisant à l’extérieur en plein hiver, conclut-elle avec un rire désabusé. Puis décidant de ne pas s’appesantir sur sa mésaventure, elle revint sur Aaron. Quel est votre domaine de l’Automne ?

Elle avait envie d’en apprendre plus et puis cela lui donnait l’impression de ne pas monopoliser Aaron, bien que le fait de prendre appui sur lui devait l’accaparer un peu. Et puis, cela lui permettait d'oublier son état.

- Vous venez de rejoindre les Chevaucheurs mais connaissez-vous déjà votre vol d’affectation ?

Agnès ne savait pas trop comme se déroulait le cursus des Chevaucheurs, elle n’avait pas pris le temps de discuter avec l’un d’eux pour en savoir plus. Ses études étaient chronophages, encore plus depuis qu’elle avait intégré le cursus de spécialisation.

Si la jeune femme se redressa légèrement avant de répondre à la question légèrement indiscrète, elle ne sembla néanmoins pas rechigner à y répondre :

─ Le Printemps… J’essayais de voir un lieu qui m’est inconnu à très grande distance. Agnès se tourna vers Aaron. Je suis outrevoyeuse et il n’est pas courant de faire ce type de tentative car, comme j’ai pu le constater, cela puise énormément dans nos ressources. Il est bien plus simple de voir des lieux ou personnes connus. Il est peut-être présomptueux de ma part de m’aventurer ainsi dans des expériences à risque. Surtout en le faisant à l’extérieur en plein hiver.

L'outrevision, Aaron n'en avait que peu entendu parler, et s'il avait compris le principe, il était loin d'en maîtriser les détails. De toute manière, seuls les mages de ce domaine avaient accès aux connaissances les plus complexes. C'était un talent comme un autre, et lui ne le maîtrisait pas. Néanmoins, il se doutait de la complexité de ce qu'avait tenté la jeune femme, car les conseils étaient semblables pour son domaine. Il était plus aisé de faire voir quelque chose de connu que quelque chose d'imaginaire ou de nouveau. Lui-même n'avait jamais tenté de créer des visions qu'il n'avait jamais eu, au fond, mais il se doutait que cela ne devait pas être si simple. Néanmoins, il imaginait aussi combien le danger de se surestimer pouvait être oublié rapidement au regard d'un sentiment ou d'un ressenti, et plus encore lorsqu'il s'agissait de s'enquérir de ses proches. C'était là où l'outrevision et l'illusion se différenciait. Lui ne pourrait jamais apprendre quelque chose par le biais de ses visions, alors qu'Agnès le pouvait.

─ Quel est votre domaine de l’Automne ? Vous venez de rejoindre les Chevaucheurs mais connaissez-vous déjà votre vol d’affectation ?

─ Je maîtrise les bases de l'illusion.

Pourquoi ne pas s'être spécialisé après ses deux premières années à l'Académie, lui qui avait tant aimé apprendre ? Son rang l'avait vite rappelé aux côtés de son père, à Sombreval, et il n'avait guère eu la possibilité de choisir de continuer. A cette époque, il n'avait pas osé tenir tête à son père et était rentré pour continuer d'apprendre ce qui serait bientôt son héritage., sans en avoir le cœur. Néanmoins, en grandissant, il avait vite compris que ce n'était pas la vie qu'il désirait, et était retourné à Lorgol. Si son père était toujours en vie actuellement - ce qui ne nécessitait pas la présence d'Aaron à Sombreval - viendrait cependant un jour où le jeune chevaucheur devrait prendre une décision lourde de conséquences ; décision à laquelle il préférait ne pas penser pour le moment. Il reporta donc son attention sur la jeune femme, tout en continuant de marcher :

─ Je rejoindrai très probablement le Vol d'Outrevent, puisqu'il est de commune mesure que les chevaucheurs rejoignent le vol de leur duché d'origine.

Il n'alla pas plus loin, volontairement. Inutile d'exposer son problème, il aurait tôt fait d'avoir à le régler et de le mettre au jour. A dire vrai, s'il n'avait pas encore exprimé son choix, il l'avait déjà fait au fond de lui. Il lui faudrait cependant avoir gérer les conséquences que cela engendrerait, et le jeune homme n'était pas certain de vouloir les imaginer. Il regrettait parfois son rang et sa place dans la fratrie, néanmoins il ne regrettait aucunement les choix qu'il avait fait jusqu'ici. Étudier la magie et rencontrer Héritage était sans doute l'une des plus belles choses qui lui soient arrivées. Tandis que l'Académie se rapprochait peu à peu, Aaron profita des quelques instants de silence pour réaliser que - lui d'ordinaire peu bavard - se plaisait à discuter avec la jeune femme. Il ne se sentait ni jugé ni interrogé ; tous deux discutaient simplement, sans aucun objectif, et cela lui plaisait. Il parvînt même à se dérider, et fit un clin d'oeil à la jeune femme en déclarant d'une voix légère :

─ En attendant, votre familier devrait profiter de l'occasion pour vous faire marcher, vous lui devez une fière chandelle !

Après tout, sans la petite loutre, la jeune femme aurait sans doute pu y laisser la vie. Les promenades au coeur de la forêt se faisaient plus rares au cœur de l'hiver, et peu de personnes se plaisaient à y traîner lorsque les températures avoisinaient les négatives.

[Bon, désolé, ma relance n'est pas terrible, mais c'est toi qui me donne matière à répondre à chaque fois alors je me devais de trouver quelque chose ]

Automne illusoire. Illusion automnale. Telles furent les pensées qui traversèrent l’esprit d’Agnès à la réponse d’Aaron concernant sa magie. Un domaine usant également de la vision à l’image de l’outrevision mais somme toute différent dans l’usage et le but recherchés. Agnès tenait plus de l’espionne tandis que son sauveur tendrait vers la manipulation. Quoiqu’il ait dit ne maitriser que les bases, ce qui étonna Agnès car en cinq années il devait en savoir bien plus. Serait-il modeste ? Après en devenant chevaucheur il ne pouvait se spécialiser comme elle l’avait fait. Il allait apprendre d’autres choses, utiles dans un combat et pour ses futures fonctions de chevaucheurs.

Outrevent, un duché frontalier des Monts d’Aurebois. Et bien que les relations entre les deux familles ducales aient changées, les Aurebois continuaient leur commerce avec leurs voisins. Elle avait eu l’occasion d’accompagner Adélaïde lors d’une visite auprès de l’un de leurs clients. Elle conservait le souvenir d’une lande verdoyante mais un peu triste comparée aux terres lagranes et leurs jardins. Non pas qu’Outrevent soit dénué de charme, en tout cas l’accueil reçu avait été des plus chaleureux, comme si les habitant compensaient une terre un peu rude par leurs convivialité. La jeune femme hocha la tête d’un air entendu. Rejoindre le Vol de son duché d’origine lui semblait logique et cela lui fit penser à son jeune frère Anselme qui désirait intégrer ce corps prestigieux. Agnès constata que l’Académie approchait et se rendit compte que discuter lui avait fait oublier son état et avait raccourci le trajet. Elle rougit un peu en réponse au clin d’œil d’Aaron avant de laisser échapper un rire.

- Oui, je ne doute pas que Mara saura me rappeler cette histoire. Je vais en entendre parler pendant des semaines. Et je suis sûre qu’elle trouvera des arguments pour me faire fléchir quand elle aura une idée derrière la tête. Elle sait bien arriver à ses fins.

La petite loutre, qui gambadait un peu plus avant, se retourna vers le couple avec des yeux innocent, comme pour démentir les paroles de sa maîtresse.

*Inutile de faire ton innocente Mara, tu aimes jouer et tenter de me plier à ta volonté, petite coquine.* Mara sembla faire une grimace suite à ces paroles. Agnès reprit son sérieux en poursuivant.

- Mais vous avez raison, sans elle, peut-être que je serai encore inconsciente dans la neige. Qui sait…

L’étudiante frissonna légèrement en imaginant qu’elle aurait pu mourir si elle avait été seule. Et elle préféra ne pas mentionner ce fait à haute voix, autant éviter de jouer avec le Destin. Elle en avait réchappé, cela lui servira de leçon. Et elle avait bien l’intention de se rendre à l’infirmerie pour être certaine d’avoir recouvré son état normal et certainement demander un calmant pour cette migraine qu’elle sentait poindre derrière ses yeux. Heureusement, leur destination ne semblait plus très loin.

- Une visite auprès des guérisseurs ne me fera pas de mal…

Et ce sera certainement la conclusion de sa rencontre avec Aaron. Agnès lui était redevable et elle saura s’en souvenir. Mais elle ne doutait de recroiser son chemin durant sa scolarité. La Caserne n’était pas si loin de l’Académie.

─ Oui, je ne doute pas que Mara saura me rappeler cette histoire. Je vais en entendre parler pendant des semaines. Et je suis sûre qu’elle trouvera des arguments pour me faire fléchir quand elle aura une idée derrière la tête. Elle sait bien arriver à ses fins. Mais vous avez raison, sans elle, peut-être que je serai encore inconsciente dans la neige. Qui sait…

Arietty était faite du même bois. Toujours prête à rappeler à son jeune mage ses maladresses ou ses bêtises, et à le faire chanter pour obtenir quelque chose. Néanmoins, ce n'était entre eux qu'un jeu amical, rien de plus. Lui-même se plaisait à taquiner sa belette quand il le pouvait, et cela ne faisait que renforcer leur complicité. Elle était une partie de lui-même comme l'était Héritage, et vivre sans l'un ou l'autre paraissait désormais impossible au futur chevaucheur.

─ Une visite auprès des guérisseurs ne me fera pas de mal…

Aaron acquiesça :

─ A n'en pas douter. Ils sauront sûrement mieux que moi comment vous remettre sur pied.

Non loin de là, l'Académie se dessinait de plus en plus, et ils ne leur restaient que peu de chemin à parcourir. S'il l'accompagnerait jusqu'à la porte, il laisserait ensuite aux guérisseurs plus calés que lui le soin de s'occuper de la jeune femme. Après tout, lui n'avait plus aucun rôle à jouer dans cette histoire. Agnès n'était ni un membre de sa famille, ni une proche amie, mais peut-être le deviendrait-elle ? Le jeune homme devait reconnaître que cette courte promenade - si tant est qu'on puisse la désigner comme telle - ne lui avait pas déplu, car il avait fait la connaissance d'une jeune mage qu'il trouvait fort sympathique, et qu'il espérait avoir l'occasion de croiser à nouveau durant son cursus, et avant son départ. Après tout, de telle rencontre venait troubler son quotidien parfois un peu trop solitaire, lui qui avait plutôt tendance à être taciturne. Lorsqu'ils furent enfin arrivés aux portes de l'Académie, Aaron se tourna vers Agnès :

─ C'est ici que je vous laisse. Je suis heureux d'avoir pu faire connaissance, et j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir. Prenez soin de vous.

Ce disant, il jeta un rapide coup d’œil à la loutre qui se tenait non loin de là. Nul doute que le petit familier saurait continuer à veiller sur sa maîtresse, néanmoins elle ne pourrait remédier à tout. Puis, après un léger signe de tête, il fit demi-tour et s'éloigna de sa démarche souple. Il n'avait pas récupéré sa cape, mais qu'importe, il se débrouillerait pour en trouver une autre ou pour la récupérer. Lui ne craignait guère le froid, et la demoiselle en avait plus besoin que lui à l'heure actuelle.

[Je ne sais pas si tu veux répondre encore une fois ? Sinon on peut clôturer la dessus, comme tu veux. J'espère qu'on aura l'occasion d'en refaire un en tout cas, ça m'a bien plus :)]

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