Au secours, je suis coincée

« Allez, file, tu n'as rien à faire là. » Elle chasse pour la cinquième fois le félin au pelage immaculé qui tente de se faufiler dans la pièce pour épier ce qu'il s'y passe. Alméïde pousse un soupir, mi amusé, mi exaspéré, en entendant le miaulement piteux de Mirat qui l'observe par la porte entrouverte. Le regard de la princesse reste ferme néanmoins et elle le fait sortir, non sans esquisser un nouveau sourire. Mais c'est bien la partie la plus amusante qui laisse place au calvaire ; bien qu'elle apprécie les beaux atours, les robes, les bijoux et les coiffures, elle n'en reste pas moins étrangère aux coutumes cielsombroises. Les jeunes domestiques qui l'aident à se préparer se fendent de commentaires enthousiastes et enjoués, l'aidant à rassembler ses effets et à comprendre comment enfiler la robe qu'elle portera pour la cérémonie. Robe qu'elle n'a mis qu'une fois, lors d'essayages à Lorgol, et qu'elle serait incapable de remettre seule. Elle n'est pourtant pas à l'aise, entourée de cette myriades de jeunes filles qui pépient comme des oiseaux autour d'elle, débitant conseils et astuces, ainsi que commentaires sur sa silhouette et ses tatouages. L'Erebienne, déjà embarrassée, devient plus rouge à chaque instant, et c'est au bout de plusieurs minutes à entendre que « le corset sera forcément plus serré sur elle, puisqu'elle n'a pas la taille fine des Cielsombroises », qu'elle demande à avoir quelques minutes à elle seule.

Les demoiselles quittent la pièce dans un concert de gloussements, cancannant de chose et d'autre tandis que la princesse se retrouve seule devant son miroir en pied. Autour de sa taille, un corset d'une complexité affolante qu'elle doit s'efforcer de nouer – un corset bien trop serré qui l'empêche de se mouvoir comme elle le désire et surtout, qui ne lui permet pas de respirer aussi aisément qu'elle le voudrait. À cet instant, elle regrette vivement de ne pouvoir simplement prendre l'un de ses saris, soigneusement rangés dans une armoire. Elle regrette également de n'avoir sa soeur ou Sitara à ses côtés. Leur absence la heurte avec autant de force que de soudaineté, tout comme celle d'Anthim ; son frère assistera à la cérémonie à travers son miroir, mais son reflet ne remplacera pas sa présence rassurante et son étreinte apaisante. La gorge nouée, elle observe son reflet dans la glace et elle tente de prendre une grande inspiration – bloquée par le corset.

Exaspérée, elle se tourne sur le côté, tentant d'apercevoir les lacets dans son dos afin de les défaire ou au moins les desserrer. Ses cheveux noués momentanément au-dessus de sa nuque lui dégage la vue, mais plus elle tire sur les lacets, plus ils s'emmêlent et elle se retrouve définitivement coincée, sans savoir comment se défaire du noeud qu'elle a causé. Alméïde pousse un gémissement plaintif et recule au canapé où elle se laisse tomber, couchée sur le dos, la tête dans les mains.

Quand elle entend les coups frappés à la porte, puis celle-ci s'ouvrir une nouvelle fois, elle n'a même pas la force de regarder qui s'y trouve. Croyant que ce sont les jeunes femmes qui reviennent, elle grogne contre ses paumes : « Laissez-moi encore cinq minutes. » Le temps, peut-être, de s'étouffer définitivement dans son corset.

RP archivé.
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