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| Sujet: Jeux de mains... Lun 14 Déc 2015 - 12:01 | |
| Livre I, Chapitre 1 Svanja Feu-des-Glaces & Tyr Parle-d'Or Jeux de mains... ... jeux de coquins • Date : 7 octobre 991 • Statut du RP : Privé • Résumé : Peu après son recrutement parmi les Voleurs de Lorgol, Svanja Feu-des-Glaces est placée sous la tutelle de Tyr Parle-d'Or. Si l'avenir montrera qu'ils étaient faits pour s'entendre, les débuts, eux, se révèlent plutôt chaotiques... |
| | | | Sujet: Re: Jeux de mains... Lun 14 Déc 2015 - 12:01 | |
| Un bon livre est comme une évasion. On s’y plonge, en premier lieu inquiet de ce que l’on risque d’y trouver, puis le fil des mots nous entraîne un peu plus loin, et encore, et encore, jusqu’à ce qu’on finisse par ne plus pouvoir le lâcher, jusqu’au dénouement. La capacité de savoir lire offre des perspectives inestimables dans de nombreux domaines. Celui qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui nécessite lui aussi cette faculté. Échafauder des stratégies requiert une certaine instruction, que seule la lecture peut apporter. L’homme le plus intelligent du monde ne sait rien, tant qu’il ne sait pas lire. Le moelleux de mon fauteuil est tel que je ne le sens même plus. Il m’enveloppe dans un confort absolu, et mon esprit se concentre sur les mots qui défilent sous mes yeux aguerris. Je ne lis plus : je vis ce qui est écrit, comme si j’appartenais à ce monde développé sur ces pages. Point de traité sur l’art de la guerre en Faërie, mais un simple roman d’aventures – on a tous nos petits péchés mignons, n’est-ce pas ? Le mien est une passion invétérée pour ces évasions littéraires qui me donnent l’illusion d’être une autre personne, le temps de quelques dizaines de pages : chevalier, sauveur de princesses, redresseur de torts, vengeur, héros masqué et même, parfois, voleur, ce qui me prête à sourire tant la vision peut être romancée. Mes divagations mentales s’interrompent cependant brusquement, quand un son familier me parvient à l’oreille. Je reste immobile, l’oreille aux aguets. De prime abord, le silence qui règne pourrait me laisser croire que j’ai rêvé, mais le son revient, bas et contenu. Celui d’une respiration un peu hachée, impatiente et excitée. Il n’y a aucun autre bruit. La porte de mon sanctuaire n’a pas grincé, ni le parquet aux lames usées, et aucun bruit de pas ne se fait entendre. Je reste immobile, tâchant de me conduire aussi normalement que possible. La personne qui est entrée espère me surprendre ; hélas pour elle, elle a oublié un détail en ne maîtrisant pas son souffle. Une victime peu habituée à ces préoccupations n’y aurait pas prêté attention. Un Maître Voleur le remarque aussitôt. Je tourne une page, sans avoir terminé la précédente. J’y reviendrai plus tard. Et soudain jaillit un vif éclair argenté, sur ma droite, là où j’attendais le coup. Mes mains réagissent presque toutes seules : elles saisissent l’une le poignet armé, l’autre le coude, et d’une brusque pression en avant, envoient sa propriétaire au tapis. Le choc n’est pas aussi rude qu’il aurait pu l’être. Je ménage mon agresseur, dont je reconnais le visage aussitôt, sous une masse de cheveux d’un roux flamboyant. Le sourire naît sur mes lèvres.
« Bel essai, Renarde, lançai-je joyeusement. C’est un échec, hélas ! mais ça reste un bel essai. »
Ma sympathie évidente et appuyée m’attirera sans doute sa colère – sans doute est-ce pour cela que je ne peux m’empêcher de la taquiner un peu plus, en lui tendant une main secourable pour l’aider à se relever.
« Malheureusement, même un sourd pourrait t’entendre respirer. Tu as le pas léger d’un oiseau, et le souffle d’un bœuf. » La comparaison la fera enrager. L’idée me réjouit d’avance. « Il me semblait pourtant t’avoir déjà fait cette remarque. Non ? »
Je l’observe, mi-amusé, mi-sérieux. De toutes celles que j’ai pu rencontrer jusqu’à présent, Svanja est probablement l’Ombre qui détient le plus grand potentiel. Son agilité hors-normes, sa vitesse, sa discrétion, feront d’elle une Voleuse d’exception. Si seulement elle parvenait à canaliser la fureur qui bouillonne en elle, et qui manque de rejaillir à chaque instant, comme un volcan entrant en éruption. Mon choix était bon, lorsque je lui ai suggéré de rejoindre nos rangs. C’est donc aussi ma responsabilité, de lui apprendre à juguler ses émotions à fleur de peau. Dans peu de temps, elle sera l’une des meilleures – ou, non, la meilleure, car je ne tolérerai pas que quelqu’un puisse s’en sortir mieux qu’elle. Elle mérite la première place. À nous deux, elle l’obtiendra, sans le moindre doute. Je me rassieds dans mon fauteuil et referme le livre. Page 162. D’un geste, j’invite ma visiteuse à s’asseoir elle aussi, même si son échec doit la mortifier plus que l’inciter à se détendre. |
| | | | Sujet: Re: Jeux de mains... Ven 18 Déc 2015 - 0:24 | |
| Surprend-moi. Il n’a rien dit d’autre que cette consigne fumeuse, comme laissez-passer pour la prochaine étape de son apprentissage. Et depuis, il la délaisse et ne s’occupe plus d’elle. C’est la consigne la moins précise qu’on ne lui ait jamais donné. Qu’est-ce qu’elle fait avec ça ? Qu’est-ce qu’il attend ? Alors, elle tente, tous les jours, une approche différente, qui se solde irrémédiablement par un échec et une humiliation supplémentaire. Elle épie le moindre de ses gestes, de moindre de ses mouvements et déplacements en ville, si bien qu’elle pourrait être son ombre. Et, systématiquement, elle échoue. Svanja ne sait pas déterminer ce qui la blesse le plus : l’indifférence dont Tyr fait preuve à son égard, son égo froissé par son incapacité à résoudre l’énigmatique exercice ou la persistante impression de ne plus s’améliorer alors qu’elle se voyait progresser depuis des mois. En réalité, Svanja est vexée. Pourtant, c’est l’esprit relativement calme et apaisé qu’elle redescend du toit de l’auberge où elle se trouve pour regagner la chambre qu’elle partage avec son maître depuis le début de son apprentissage. Elle ne fait aucun bruit lorsqu’elle se déplace prudemment pour gagner l’étage inférieur. Et elle tire sa lame avec une discrétion extrême et elle pénètre sans se faire repérer, pense-t-elle, par Tyr qui est plongé dans un livre. Il lit. Il n’a pas mieux à faire que de lire ? Il peut pas lire le soir, sur leur temps libre ? Il est pas supposé lui enseigner ? Faire quelque chose d’autre que de lire ? Ca la rend furieuse de se confronter à nouveau au détachement de son maitre. Ses doigts s’agrippent à la lame, et elle se précipite vers son maître, le plus discrètement possible. Mais il est, encore une fois, trop réactif, et la désarme avec une facilité désespérante, et en plus il amortit sa chute. Qui épargne l’adversaire qui tient une arme toute prête à trancher les chairs ? Et ça la rend encore plus furieuse de le voir si précautionneux. « Bel essai, Renarde. C’est un échec, hélas ! mais ça reste un bel essai. » Elle lui répond par un regard noir, tandis qu’elle se relève et se masse légèrement les hanches. « Je m’appelle Svanja » marmonne-t-elle sombrement. Elle déteste ce surnom. Elle déteste Tyr et sa bienveillance, son humour et son sourire. Elle déteste tout, à cet instant. « Malheureusement, même un sourd pourrait t’entendre respirer. Tu as le pas léger d’un oiseau, et le souffle d’un bœuf. Il me semblait pourtant t’avoir déjà fait cette remarque. Non ? » Sa moue se fait d’autant plus boudeuse. Son souffle, il savait qu’elle était là rien qu’en l’entendant respirer ! Pourtant, il lui semble qu’elle a prêté attention à masquer sa respiration du mieux possible, prenant de longue inspiration et soufflant le plus doucement possible l’air. « Ouais, ben faut croire que juste faire une remarque ça suffit pas. Z’êtes pas supposé m’enseigner, plutôt que de rien branler d’la journée ? ». Le ton est d’une rare insolence, à l’image de ce qu’elle ressent pour Tyr. Et, à cet instant, elle le sait, elle ne le surprend pas du tout. |
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