Histoire
L’Ancre-Fleurie avait toujours été double. Comté à la limite même de Lagrance et Ansemer. Comté double, comté versatile, sujet à de nombreux remaniements. Combien de fois avait-on du changer les actes ? De la beauté des deux terres, les habitants en prenaient également les travers.
Ce fut dans cette demeure qui se réputait tout autant du duché des fleurs que de celui des océans que, fin août 970, vint au monde une petite fille. Une petite fille, l'innocence même, qui grandirait entourée de fleurs et d'embruns.
Une petite fille aimée, attendue et choyée par le comte et la comtesse. Tout deux encore jeunes voyaient leur mariage se concrétiser dans la naissance d'une première fille. Nul doute qu'après elle, d'autres suivraient, ils l'espéraient.Jamais d'autre bambin ne devait naître du couple, cependant.
La parole fut la première chose qui vint aisément à Jehanne. Petite enfant encore incertaine dans ses mouvements, elle savait bouger ses lèvres et s'émerveillait du son de sa voix.
La beauté, le pouvoir du son. Le pouvoir de la voix.
La blonde petite respectait le silence autant que les mots. En compagnie de sa mère aux traits tirés, l'enfant arpentait souvent les chemins sinueux entre les arbres du verger. Chacun avait sa particularité, tous étaient, aux yeux de Jehanne, plus digne de son intérêt que ce qu'elle pouvait croiser en dehors des jardins. Elle s'y sentait dans son élément, là, au milieu des teintes vertes et terre sombre, en sécurité. Elle, la blonde aux yeux d'océan, semblait trouver son confort à l'intérieur des terres, entre les arbres et les fleurs de Lagrance.
Petit à petit, au fur et à mesure que les mois passaient, et que les précepteurs remplaçaient les nourrices, les livres remplaçaient les jouets, Jehanne apprenait. Elle apprenait ces noms que, la nuit, elle se répétait en boucle pour s'endormir. La valse des fleurs comme une myriade d'étoiles au fond de son esprit, les plantes comme des centaines de mains amicales qui ne demanderaient qu'à être serrées, et, pour voûte céleste un plafond de feuilles, tissé par les plus grands des arbres de ses rêves.
Elle avait neuf ans lorsqu'elle fit la connaissance de Geneviève des Armoises, à l'occasion d'une rencontre de leur parents. Se souvenait-elle vraiment de pourquoi ? Non. Elle se souvenait avoir été intriguée par cette fillette, d'un an sa cadette, accompagnant sa mère. Elle se souvenait lui avoir adressé la parole, de sa voix mélodieuse. Lui avoir proposé de la suivre, de voir leur jardin. Pour sûr, elle ne venait pas de Lagrance - la comtesse le lui avait bien dit -, elle n'avait sans doute aucune idée de combien cet endroit était le plus agréable au monde !
Elle était presque son opposée. Là où la candide blonde n'osait parler, Geneviève intervenait à grands renforts de gestes élégants et de remarques des fois approximatives. Là où la brune manquait de mots, la lagrane savait lui souffler les bons. Il était des amitiés qui se nouaient en un souffle, et transcendaient les ans pour ne jamais se dénouer. Ou presque.
Son amour pour les plantes des jardins de sa demeure ne s'arrêta pas là. A chaque instant de libre, Jehanne cherchait à en apprendre le plus possible sur toute la flore, et son utilité. Ainsi, à dix ans était-elle capable de nommer plus de plantes qu'on ne pouvait en voir autour d'elle, ainsi que d'énumérer leurs effets en médecine. Ils restaient relativement vagues, mais elle avait pour tout ça une soif d'apprendre qui ne semblait jamais capable d'être étanchée.
Elle stupéfiait ses professeurs, à ce sujet. Son intérêt ne semblait avoir aucune limite, et grandissait avec le temps. Elle nourrissait, secrètement, le rêve de pouvoir dédier toute sa vie à cette étude de la flore, de tout le règne végétal.
Un soir de décembre 983 la jeune vint porter une requête singulière à son père : aller étudier à l’Académie, à Lorgol. Dépourvue de magie, certes, mais son intérêt pour les plantes lui faisait plus viser un Savoir. Son père refusa. Elle n’insista pas.
Alors elle grandit, la blonde lagrane, entre les cours et la cour, où son père quelquefois l'emmenait. Le comte de l'Ancre-Fleurie était de ces hommes qui fréquentaient les réceptions mondaines, après tout, et en tiraient des enseignements valables, mais également y développaient leurs plus sombres travers.
Son appétit pour les mots et le verbe grandit également, même s'il n'égalerait jamais son amour pour les plantes. Savoir avorté.
Il n'était pas dans son esprit de combattre de plein front. La nuit, elle restait éveillée, à murmurer les mots de vieux livres retrouvés au fond de la bibliothèque. Il n'était pas dans son esprit d'imposer son avis. Au fil des années, elle l'avait compris. L'enfant déjà discrète s'effaça complètement, et si ses réflexions et son esprit ne manquaient pas de charme, jamais ne parlait-elle sans y avoir été invitée.
Au fil des temps, elle commença à se sentir investie d'une mission auprès de ses gens. Elle était la fille de leur comte, après tout, et ils méritaient bien qu'elle s'occupât d'eux. Ce n'étaient que de petites visites, des attentions infimes dans les villages alentour. Vêtue simplement, lorsque le besoin s'y prêtait, elle allait faire profiter les gens de son éducation : toujours accompagnée, bien sûr, de la pointe d'une plume ou d'un stylet sur une tablette de cire, elle écrivait doléances et lettres officielles ou officieuses.
Ce n'était rien. Mais elle voulait le faire.
Et puis vinrent ses dix-huit ans. Son père avait fait des mystères, les mois précédant ce mois de mai. Lui demandant implicitement de se tenir prête, que le climat côtier était moins clément que celui qu'ils avaient sur leurs terres. Et puis la réponse était venue, un soir.
Jamais encore n'avait-elle mis le pied en Ansemer, si ce n'était aux Armoises, pour une visite de courtoisie. Elle ne connaissait pas cette cour, elle n'y connaissait personne… Pour l’heure.
Ce n'était qu'un plan. Un de plus, ficelé à la perfection. Elle n'en avait pas encore conscience, voilà tout.
La cour, à Port-Liberté, était déstabilisante. Magnifique, grandiose, loin de tout ce que Jehanne avait connu. Elle qui ne s'était jamais senti d'attache avec Ansemer savait volontiers, aux côtés de son amie retrouvée, se fondre dans la masse de nobles, attirer sur elles deux des regards envieux, joueurs, alors que leurs rires résonnaient.
Magnifiques inséparables qui jamais ne devraient se faire de mal.
Mais voilà que l'orage arrivait, déjà, tumultueux et porteur de souffrances, en la personne du duc d'Ansemer, Bartholomé.
Bien de sa personne, l'homme fréquentait sa propre cour lorsqu'il posait le pied à terre. La régence étant assurée par sa mère, il n'avait, globalement pas à s'en faire, et, Jehanne, du haut de sa discrétion toute à elle, ne s'attendait pas à ce qu'il la remarquât. Oh, bien sûr, il y avait de la noblesse et une forme de beauté chez ce duc. Bien sûr, il semblait passionné, attiré par le large comme beaucoup d'hommes dans le duché. Il avait dans ses yeux les tumultes des flots qui dansaient, et on sentait bien à chacun de ses pas qu'il regrettait le roulis des vagues.
Et la terrestre lagrane, qui n'avait aucun goût pour les vastes étendues d'eaux, regardait l'enfant du duché des océans naviguer au milieu d'intrigants et d'amis, distribuant petits mots, remarques affables et oeillades discrètes.
Il avait neuf ans de plus qu'elle. La vie, déjà, l'avait façonné de manières que la discrète héritière de l'Ancre-Fleurie ne pouvait imaginer, et, d'une certaine manière, celle-ci lui trouvait un certain charme. Plus d'une fois se laissa-t-elle entraîner dans une discussion avec lui, au cours de l'année qu'elle passa à la cour, et, sans doute leur relation aurait-elle pu devenir une solide amitié !
Elle aurait pu. S'il n'y avait pas eu Rodrigue et ses manigances.
Le tournant de son existence tenait sur un bout de papier, et dans un premier baiser au coeur de la nuit qui lui coupa le souffle. Dans une porte qui se referma, aussi silencieusement qu'elle s'était ouverte.
Dans l'abandon, la découverte et la peur, pour moins d'une nuit. Quelques heures de félicité, de chamboulement, sans pour autant se douter de la chute.
Déshonorée aux yeux du monde, surprise avec un homme, fut-il duc, dans son lit, elle était perdue. Rodrigue en joua, faisant pression sur l’homme couronné, pour réussir tant bien que mal à lui faire promettre de l’épouser.
Elle ne voulait pas. Mais personne ne l’écoutait. Le duc lui interdit de le voir, Geneviève n’accepta pas de lui ouvrir sa porte. Alors au coeur de la nuit, le soir précédant la cérémonie, elle fit un serment à Bramir : jamais sa voix ne devrait résonner dans ce palais tant que ce mariage ne serait pas annulé.
Alors elle se tut.
Les épousailles, forcées. Oh, le regard chargé de haine et de fiel de Bartholomé ! Oh, le sourire de son père, lui convaincu d'avoir fait la plus grande chose de sa vie !
Oh, les larmes, silencieuses, qui coulèrent sur ses joues et ses lèvres.
Oh, les sanglots, seule le soir de sa nuit de noces.
Seule et silencieuse.
De ce silence qui voulait tout dire. C'était une mort, en soi, elle qui avait toujours aimé parler.
C'était une perte douloureuse, qui empoisonnerait lentement tout son être pour la faire dépérir, pour qu'il ne reste plus rien de Jehanne de l'Ancre-Fleurie, que le fantôme d'elle-même. Que tous la regrettent.
Que personne ne se souvienne.
Le mariage fut célébré le 10 octobre 990, sur le pont d'un bâtiment dont Jehanne ne voulait pas se rappeler. Elle gardait les yeux obstinément baissés, ne voulant pas croiser le regard de son époux. Elle savait ce qu'elle y lirait.
La haine. Le dégoût. La fureur de devoir, désormais, abandonner cet océan qu'il chérissait pour rester à terre.
Elle ne fut pas capable de répondre à l'officiant. Et pourtant le mariage eut lieu.
Duchesse d'Ansemer.
Jehanne d'Ansemer. Elle abandonnait, ainsi, tout ce qui avait pu faire d'elle une lagrane. Où trouverait-elle ses fleurs ? Où trouverait-elle ses plantes ? Ce mariage, à ses yeux, était pire qu'une prison : il était sa propre condamnation à mort.
C'était mutisme contre rancoeur. Non-dits et regards assassins. Apathie et assauts furieux, car il le fallait. Très vite, la duchesse comprit quel était son rôle en Ansemer : aucun, si ce n'était de fournir l'héritier à la couronne ducale. Le système de la société était tel que le duc ne s'appuyait que sur ses proches conseillers, les gens en qui il avait confiance. Et, curieusement, sa femme n'en faisait pas partie.
Sa femme, qui ne décrochait pas un mot.
Sa femme, dont le ventre, non plus, ne voulait rien savoir. Silencieux, comme elle au lit alors qu'elle supportait les assauts de celui qu'un complot avait fait son époux.
Un mois. Dix. Quinze.
Et Jehanne, elle, se lassait de la vie. Désormais confinée au palais ducal et à ses alentours, elle recherchait avec passion le moindre coin de verdure, le plus petit des jardins ! Car l'ennui était tel qu'elle espérait encore qu'un miracle puisse se produire.
D'une certaine manière, le miracle vint, pour la sauver de cette détresse de plus en plus profonde dans laquelle elle se plongeait.
Elle avait espéré, la blonde aux yeux d'océan, que sa salvation viendrait des terres. De Geneviève, qui ne lui réservait plus qu'une froide indifférence qui achevait de la briser. De son père, désormais rentré dans le duché voisin !
Pas de son beau-frère.
Il s'était présenté à elle, un soir, après quelque réception où Bartholomé avait pris soin de ne même pas accorder à celle qu'il avait épousé un regard ou un mot. Il l'avait raccompagnée, dignement, jusqu'à ses appartements, devisant d'un peu tout, et elle s'était plu à entendre sa voix, même si elle n'avait pas su lui répondre.
Il l'avait laissée sur le seuil de sa porte, lui souhaitant une bonne nuit qu'elle n'avait pas pu lui retourner de vive voix.
La même chose se répéta, chaque soir, après le dîner, pendant toute la période que le prince d'Ansemer passa au palais ducal. Il prit l'habitude d'égayer la fin de journée de Jehanne de sa présence, lui racontant tout ce qu'il pouvait. Il savait comment amener sur le visage d'une femme un sourire et force était de constater qu'il y arrivait plus nettement que son frère.
Lentement, et naturellement, les simples discussions se transformèrent en longues entrevues dans les appartements de la duchesse, où les mots se paraient de rires retenus. Quelquefois, même, les lèvres de la blonde se desserraient pour esquisser un rire silencieux et trop vite ravalé.
Très vite, Jehanne comprit à quel point la présence du Chevaucheur lui permettait d'affronter la vie au palais. Elle comprit, un soir, alors qu'il s'apprêtait à prendre congé, l'énormité de la chose qui s'était tissée entre eux. L'innocence. Le sentiment qui battait au fond de sa poitrine, qu'elle ne pouvait pas nommer.
Et il revint. Chaque soir, s'attardant auprès d'elle après le départ de son mari quand il daignait venir la voir. Il ne s'attendait pas ce qu'elle parle, et elle lui en était reconnaissante. Souvent, leurs regards se croisaient, et alors même les mots devenaient inutiles et mouraient sur les lèvres de Bertin.
Plus le temps passait, plus leurs entrevues les menaient loin dans la nuit, et plus Jehanne avait le sentiment de revivre.
Il y eut un baiser, qu'il initia, un soir où Jehanne s'était installée à son côté. Un soir où l'orbe lumineux était sur le point de s'éteindre, signifiant la fin de leur entrevue. Un baiser qui tourna la tête de la jeune duchesse. Elle avait vingt-trois ans.
Même lorsqu'il partait, désormais, le prince restait au centre des pensées de la femme de son frère. Et lorsqu'il venait à la cour, et que leurs yeux se croisaient, la blonde ne pouvait s'empêcher de se sentir quelque peu coupable, de ces baisers qu'ensuite il déposerait dans l'intimité de leurs rencontres. De leurs correspondances, où elle pouvait laisser libre cours à la seule voix qu'elle avait, celle du fil de sa plume.
De leur amour naissant, qu'elle n'osait pas nommer comme tel encore. Elle avait peur, méfiante encore malgré toute l'affection qu'elle lui donnait, que tout ne soit qu'une mauvaise farce orchestrée par le duc pour mieux la perdre.
Plus le temps passait, plus les barrières dont Jehanne s'entourait s'affaissaient. Elle reprenait goût à la vie, se faisant, petit à petit, à ce rôle qui était le sien.
En mars 996, la duchesse d'Ansemer donna enfin naissance à une jeune princesse héritière, Bertille d'Ansemer, aux yeux aussi bleus que ceux de sa mère - une princesse des Océans, assurément -, et aux traits définitivement de la famille ducale. Personne ne soupçonna un instant que l'enfant était celui de Bertin, et non du duc.
L'accouchement avait été douloureux, compliqué par les fausses couches survenues auparavant, et, pour la première fois en six ans, un son avait franchi les lèvres de Jehanne. Un son enroué, qui, au milieu de la douleur de son corps entrain de donner la vie, l'avait inquiétée. C'était donc cela, désormais, sa voix ? Cet filet brisé, brisé comme elle ?
Et puis la pensée s'envola dans un nouveau cri.
Suite à la naissance de cet enfant, elle n'eut plus jamais à subir la présence de celui qui était son mari au sein de sa couche. D'abord car elle eut une longue période de relevailles. Ensuite car, dans le peu d'intérêt qu'elle avait pour Bartholomé, il y avait le besoin d'un enfant.
L'enfant arrivé, elle n'était plus qu'une potiche officielle, bonne à être oubliée, exhibée quand on le demandait. Mais sinon, le duc préférait grandement s'entourer de compagnes, au vu et su de tous, allant même jusqu'à lui imposer sa meilleure amie, désormais pire ennemie !
Elle savait endurer. Et n'avait-elle pas son propre bonheur, à sa manière ?
Humiliation totale, mais Jehanne supportait. Sa revanche, en soi, passait par sa petite fille, preuve d'un amour plus fort que tout dont Bartholomé n'avait même pas conscience. Il avait adopté sa nièce, et l'adorait, malgré la différence de plus en plus notable au fur et à mesure qu'elle grandissait.
Elle prenait les traits de son père, après tout. Fort heureusement, les deux étant de la même famille, la petite était encore protégée par les rondeurs de l'enfance pour l'heure. Cette enfant sut rapprocher encore plus, si c'était possible, Jehanne et Bertin, au point que malgré la méfiance qui hantait quelquefois encore la duchesse, celle-ci se laissait aller à lui parler, lorsqu'ils étaient seuls, de sa voix quelque peu enrouée, à force de ne plus être utilisée.
•
Pendant le livre I : En septembre 1001, à l'occasion du tournoi des Trois Opales, invitée avec son mari, elle manqua de perdre la vie, menacée par l'Ordre du Jugement. Pendant des mois, elle ne put fermer les yeux sans imaginer à nouveau l'eau remplir ses poumons, ses gestes inutiles, et les pensées qui avaient défilé derrière ses paupières. Les mots sur ses lèvres sous la surface.
Elle n'était pas pour l'Ordre, et ne l'avait jamais été. Dévouée entièrement à la famille impériale, à Chimène que depuis le début elle estimait légitime, elle n'approuva pas le soutien de son mari à Gustave, et ne l'approuve toujours pas. Mais il ne l'écouterait pas, de toute manière. Depuis son accession au trône impérial, et si Ansemer était bien vu du nouvel empereur, la duchesse restait grandement méfiante. Sa loyauté, ils devraient la mériter.
Et jusqu'ici, ils n'en étaient pas dignes.
•
Pendant le livre II : La guerre frappa. D'autres forces étaient à l'oeuvre, Jehanne en était consciente, derrière les combats. Et de ces forces, elle ne savait pas à quoi s'attendre. Pourrait-elle protéger convenablement sa fille ? Ansemer n'était que peu touché par la guerre, et Port-Liberté encore moins...
Mais cela ne l'empêchait pas de craindre pour l'empire, et pour les combattants au front. Faërie s'en sortait plutôt bien, gardant un avantage certain sur les Ibéens, et, du début de l'année, mis à part une attaque pirate sur un des domaines du duché - Jehanne gardait l'oreille attentive -, elle n'avait pas eu grand-chose à craindre de plus qu'en temps de paix.
Lorsque la Trève fut officiellement brisée, la duchesse aux convictions arrêtées, songea un instant à se faire entendre. Mais qui l'écouterait, elle ? Qui l'écouterait, plaider pour la paix d'une voix qu'ils ne connaissaient pas ?
Et puis étaient venues les chaleurs de juillet et d'août... Et le mal, fulgurant, dans ce mois. Jehanne n'avait jamais vu ça. La fièvre, le délire, les suppliques dans les rues de la capitale, jusque sous ses fenêtres ! La douleur qui l'avait saisie au coeur. Elle n'avait aucun amour pour Ansemer, mais elle ne pouvait pas laisser des gens souffrir sans rien y faire.
Alors, elle avait fait le tour de la cour, accompagnée de son propre herboriste, distribuant des décoctions aux mal en point ; elle s'était aventurée dans les demeures où plusieurs malades se trouvaient, aidant à distribuer des soins ou des aides. De toute manière, la maladie ne pouvait la toucher. Et, quand le remède était arrivé, elle avait aidé à sa diffusion, sidérée d'entendre la cause du mal.
Sidérée, et dégoûtée.
Et puis la Chasse Sauvage se déversa sur Arven. Elle perdit une proche amie dans la libération. Cassandre de Faërie resterait la seule avec qui elle avait pu partager son amour des plantes, même depuis ce duché.
La vie de sa fille était en jeu.
Arven n'était plus sûr, et Jehanne, pour l'heure, priait pour voir le jour se lever. Encore une fois. Elle avait remis au placard ses rêves de départ, songeant que Port-Liberté ou Lorgol, sous la menace actuelle, étaient bien les mêmes.
▬
TRAME ALTERNÉE (Intrigue 2.3 La Roue Brisée)
Jehanne ne s'est pas réveillée, dans cette réalité. Et pourtant, elle aurait pu y trouver une grande félicité. Une vie idyllique. Ca ne restera, pour toujours, qu'un rêve à ses yeux. Dans cette vie, jamais son erreur avec Bartholomé n'a eu lieu, jamais son père n'a trouvé le moyen de le glisser dans ses draps. En revanche, elle a su trouver, là encore, Bertin, et ensemble ils vivent une vie presque parfaite avec Bertille.
•
Pendant le livre III : Jehanne tomba enceinte suite à un voyage à Vivécume aux côtés de Bertin. Sa grossesse finit par être remarquée par son époux, qui reconnut l’enfant publiquement mais se décida de tout faire pour faire payer sa femme de son adultère. Elle brisa d’ailleurs son voeu de silence face à lui en avril 1003.
Elle passerait ensuite toute sa grossesse cloîtrée dans ses appartements, coupée du monde extérieur. Bertin, à qui elle avait caché également sa grossesse, l'apprit par son frère et vint la voir. Pensant le protéger, la duchesse décida de mettre un terme à leur relation. Décision qui l'isola du prince, sans savoir qu'elle ne le reverrait plus suite à cette décision.
En juillet 1003, elle fut officiellement déchue de son titre de duchesse - Bartholomé ayant découvert l’identité de son amant et ayant ainsi décidé de prendre les mesures qui s’imposaient. Elle se retrouva enfermée en attente d’un jugement.
Le 20 juillet 1003, elle accoucha d’une enfant prématurée qui meurt à la naissance, la fragilisant.
Elle fut jugée et reconnue coupable de haute trahison envers la couronne ansemarienne le 22 août 1003, et bannie d’Ansemer. Elle fuit à Lorgol, où la retrouve son père pour la déshériter.
Elle n'avait pas la moindre idée d'où se trouvait Bertin, et si elle lui écrivit des lettres, aucune ne put partir - faute de savoir à qui les adresser. Elle se sentait coupable, également, coupable de l'avoir entraîné avec elle dans la disgrâce et de lui avoir ravi sa terre de naissance, l'amour de son frère, sa fille. Son identité, en somme. Elle ne le chercherait pas tout le temps qu'elle resterait sur Lorgol, malgré ce besoin douloureux dans son coeur. Elle lui avait fait bien assez de mal.
Entre septembre et octobre, une correspondance s’établit avec la sultane erebienne, qui semble sincèrement touchée par son état. Celle-ci finit par lui offrir une place en tant que dame de compagnie et gouvernante des princesses. Elle prit ses fonctions à Vivedune le 18 novembre 1003. Elle a entendu parler de loin de massacre survenu à l’Académie, et se sent triste pour les enfants qui y ont péri.
Chronologie
30 août 970 : Naissance
Courant avril 990 : arrivée à la cour d’Ansemer
10 octobre 990 : mariage
Courant mai 993 : début de sa liaison avec Bertin
7 mars 996 : Naissance de Bertille
Septembre 1001 : Tournoi des Trois Opales
Août 1002 : Épidémie, Jehanne s’implique auprès des malades.
3-9 Janvier 1003 : Vacances à Vivécume
24 Avril 1003 : Découverte de sa grossesse par Bartholomé, rupture de son voeu de silence.
9 mai 1003 : Rupture avec Bertin, en pensant le protéger.
13 Juillet 1003 : Destitution de son rôle de duchesse.
22 août 1003 : Procès ; jugée et reconnue coupable de haute trahison. Le mariage avec Bartholomé est rompu. Dans la foulée, une fois envoyée à Lorgol, elle perd également son titre d’héritière de l’Ancre-Fleurie.
18 novembre 1003 : prend ses fonctions en Erebor.