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 Le miel de l'exil

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Message Sujet: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptyVen 23 Nov 2018 - 21:35


Livre III, Chapitre 6 • Puisse le sort vous être favorable
Shéhérazade d'Erebor & Jehanne d'Ansemer

Le miel de l'exil

et l'amertume du souvenir



• Date : 18 novembre 1003
• Météo (optionnel) : Chaud. Et sableux.
• Statut du RP : Privé
• Résumé : L'ancienne duchesse Jehanne rejoint ses nouvelles fonctions auprès de la sultane Shéhérazade qui vient de mettre au monde sa sixième fille.
• Recensement :
Code:
• [b]18 novembre 1003 :[/b] [url=http://arven.forumactif.org/t4314-le-miel-de-l-exil#159620]Le miel de l'exil[/url] - [i]Shéhérazade d'Erebor & Jehanne d'Ansemer[/i]
L'ancienne duchesse Jehanne rejoint ses nouvelles fonctions auprès de la sultane Shéhérazade qui vient de mettre au monde sa sixième fille.

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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptyVen 23 Nov 2018 - 21:37

Sristi.
Voilà le prénom que Shéhérazade a choisi pour sa dernière fille, âgée de quelques jours à peine – Sristi, la Création. Une promesse de vie et d’accomplissement, l’esquisse du creuset dans lequel croît l’intelligence, résonnant de mille qualités précieuses. Son premier instinct aurait été de la nommer Sita, mais voilà – Anthim aurait modérément apprécié ce choix, même s’il ne s’est jamais vraiment occupé de baptiser ses trop nombreuses filles. Nul besoin de raviver l’absence encore douloureuse, qui blesse si cruellement le cœur du souverain ! Aussi fut écarté l’hypothèse d’un discret hommage de la sultane à celle qui l’a précédée et dont elle entretient paisiblement le souvenir, mais le nom qu’elle a choisi à la place est tout aussi prometteur.

Sristi, qui repose dans les bras de sa mère, profondément endormie ; et qui, sans le vouloir, a motivé une décision importante aux potentielles répercussions politiques. Tout a commencé des mois plus tôt, lorsque le duc d’Ansemer a répudié son épouse lagrane et l’a chassée de ses terres – poussant la sultane inquiète à composer un courrier prudent et neutre pour s’enquérir de la santé de Jehanne. La réponse est venue au bout de quelques semaines – tout aussi prudente et circonspecte, presque méfiante. D’autres courriers ont été échangés, d’une bienveillante neutralité lorsqu’ils étaient signés de la main de Shéhérazade, d’une tristesse résignée lorsqu’ils émanaient de Jehanne. Puis, en octobre, alors que Vivedune s’apprêtait à recevoir la visite de la duchesse de Cibella Gaëtane, la fatigue pensant sur les épaules de Shéhérazade s’est alourdie dans la fièvre des préparatifs nécessaire à la venue d’une si haute personnalité, et dans un soupir elle avait regretté de n’avoir pas auprès d’elle de femme de confiance pour l’aider à gérer son emploi du temps. Distinguer une Erebienne aurait certainement fâché les autres clans, et en prendre une de chaque clan… impossible, un troupeau de suivantes l’aurait bien plus épuisée que continuer à œuvrer seule !

L’idée avait germé, petit à petit, et fait son chemin. Un soir, après le départ de leur auguste visiteuse, Shéhérazade avait présenté sa requête à Anthim : faire venir Jehanne en Erebor, non point en tant que réfugiée exilée, mais en qualité de noble dame apte à seconder la sultane dans l’éducation de ses filles, et à leur offrir un accès relatif à la culture faë qui pourrait bien leur être nécessaire, plus tard, pour mieux s’entendre avec leurs voisins. Les Lagrans n’étant pas, et de loin, les plus turbulents ; mais la position encore fragile d’Erebor devra sûrement être consolidée par quelques mariages soigneusement orchestrés, et mieux valait savoir à quoi s’en tenir sur les coutumes de leurs potentiels alliés… Anthim avait écouté la requête de Shéhérazade, et réservé sa décision ; après plusieurs jours de réflexion, et peut-être un échange confidentiel avec le duc Denys, la ressortissante lagrane avait été autorisée à s’établir dans la maisonnée de la sultane, sous réserve qu’elle y occupe un poste officiel. Shéhérazade avait alors consulté l’aînée de ses filles, puis écrit à l’exilée, lui proposant de devenir la gouvernante des princesses – Mansour restant sous la tutelle de la gouvernante erebienne des princes de la couronne – et de venir s’installer à Vivedune à ses côtés, loin du scandale, et dans un confort plus certain que celui de son refuge lorgois.

Jehanne avait accepté.
Malgré la douleur que devait être pour elle la perspective d’élever les filles d’une autre en étant privée de la sienne – Jehanne avait accepté.

La naissance de Sristi a ensuite un peu retardé les choses, mais la nouvelle arrivante est attendue d’un instant à l’autre par le prochain portail ; et Shéhérazade s’est exceptionnellement délestée de ses charges pour la journée, souhaitant être disponible pour accueillir la Lagrane à son arrivée, la minuscule princesse soigneusement enveloppée dans les plis de son sari. Le moment semble venu, d’ailleurs : on gratte à sa porte, et l’un des sigisbées gardant ses portes annonce « Dame Jehanne ». Pauvre exilée privée même de son nom – il faudra l’aider à s’en choisir un autre, plus tard.

Se relevant de ses coussins en s’assurant que Sristi reste bien lovée contre elle, avec un geste rendu fluide par l’habitude de promener avec elle nourrisson après nourrisson avec une belle régularité, la sultane quitte son siège douillet et rejoint l’antichambre de ses appartements où, sur ses ordres, l’on a conduit l’arrivante. « Je suis heureuse de vous voir, Jehanne », sourit-elle en l’accueillant, avant d’ajouter les paroles rituelles qui feront d’elle un membre officiel de la maisonnée. « Aussi longtemps que le sultan le décidera, ce toit sera votre toit, et je serai garante de votre sécurité. J’espère que vous serez ici tout autant une alliée qu’une amie, ma chère, et que vous vous sentirez chez vous », ajoute-t-elle en tendant vers elle la main qui ne retient pas Sristi, dans un geste d’accueil et de bienvenue qui fait tinter ses multiples bracelets.

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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptySam 22 Déc 2018 - 22:38

Jehanne a survécu. Malgré tout ce que l’on aurait pu songer, malgré les rumeurs, malgré les menaces, malgré l’apparent état de faiblesse dans lequel elle avait quitté le palais d’Ansemer, Jehanne a survécu. Elle a titubé hors du portail pour y trouver son père pour la première fois en treize ans, et sans doute la dernière fois de sa vie. L’exilée n’a pas demandé son pardon, pas plus qu’elle n’a cherché à se justifier ou à s’excuser alors qu’il le réclamait. Il réclamait qu’elle s’en veuille, qu’elle prie pour son pardon parce qu’en étant aussi stupide elle avait foutu en l’air tout ce qu’il avait mis en place pour qu’elle ait le plus beau des avenirs !
À d’autres…
La blonde a attendu qu’il soit à court de mots, que tombe la sentence que là aussi elle redoutait - mais logique, tellement logique. Elle a attendu que la porte se referme sur elle, privée de nom, privée de tout et de tous. Elle aurait pu haïr Bartholomé, elle aurait pu haïr Bertin, mais profondément elle sait que c’est sa faute et uniquement la sienne. Ca, elle l’admet.

Il lui a fallu presque un mois pour regagner une forme humaine, pour que ses membres ne la fassent plus souffrir à chaque pas, que ses yeux ne se remplissent plus de larmes quand il ne le fallait pas.
Jehanne a survécu en enfouissant la peine de son coeur sous les jours qui passent. Elle l’a enfouie, mais ne l’a pas oubliée - elle ne saura pas l’oublier.
C’est un courrier étrange, presque délirant, qui détermine ce qu’elle peut devenir - et l’aide, quelque peu, à tenir. Un courrier signé de la main d’une parfaite inconnue, en provenance d’un endroit du continent que pendant trente ans elle n’a jamais vraiment connu, mais maintenant… En quoi la souveraine erebienne s’intéresserait-elle à l’ancienne duchesse, devenue moins que rien ? D’autant plus que jamais elles ne se sont rencontrées. Circonspecte et méfiante d’abord, la lettre - somme toute formelle, et pleine d’une inquiétude nouvelle qu’elle n’avait pas croisé dans les regards ou autre - a cependant trouvé réponse. Une réponse qui a entraîné un autre courrier. Puis un autre. Un échange presque rassurant - écrire la rassure, encore aujourd’hui.

C’est un échange étrange, presque improbable. La demande qui en ressort est étonnante, et l’ancienne duchesse croit à une mauvaise blague : l’exilée, celle qui a été accusée de haute trahison envers la couronne ansemarienne et a réchappé de peu à la mort, cette Jehanne-là qui ne signe plus ses lettres avec honte que d’un prénom nu par faute de nom, cette Lagrane de naissance qui n’a plus le droit de poser les pieds sur les terres de son enfance, cette femme-là semble intéresser la sultane.
Assez pour lui proposer un poste, loin, sur des terres dont elle ne sait que ce qu’elle a lu et appris ici et là, quand elle-même devait se ‘préoccuper’ des relations avec Erebor. (Comprendre qu’elle devait, au mieux, rester en arrière du duc pendant qu’il exhibait Geneviève, et au pire ne pas se rendre aux rencontres - on avait si souvent oublié de l’inclure)
Et elle serait folle de ne pas accepter. Elle pèse ses options, longuement : il y a rester à Lorgol et vivre une parodie de vie, à attendre la mort, à se lamenter et survivre. Il y a Erebor, de l’autre côté,qui semble prêt à lui offrir une autre vie - pour peu qu’elle bouge, qu’elle agisse pour une fois.
Les choses, alors, s’enchaînent avec lenteur. Mais elles s’enchaînent. Et si ses prières semblent sonner dans le vide - mais les dieux l’ont depuis longtemps abandonnée, depuis sa promesse brisée - , c’est pleine d’un courage lumineux qu’on ne lui a que peu connu qu’elle emprunte le portail jusqu’à Vivedune. Elle a peur, bien sûr qu’elle a peur. Peur de cracher sur ce passé qui l’a forgée, sur cet empire qui a toujours été le sien, sur ce duché qu’elle ne reverra plus mais garde dans son coeur une place particulière. Mais il faut voir les choses en face : c’est le passé. Aussi important lui soit-il, aussi douloureusement puisse-t-il continuer à exister en elle, elle ne peut le changer. C’est continuer à vivre, avancer à petits pas, parce qu’elle sait que jamais la douleur ne disparaîtra et que la mort ne veut pas d’elle - sinon, elle l’aurait aisément ravie avant.

Elle sent les regards sur elle alors qu’elle marche en direction des appartements de la sultane, l’exilée, mais ce n’est presque rien. Elle a connu pires piques. On l’annonce, et elle entendrait presque l’attente à la fin de son prénom - là où il n’y a, désormais, plus rien.
Face à celle qui l’a faite mander, elle s’incline. Elle s’incline, celle qui n’est plus rien, avec cette grâce presqu’iréelle qu’elle possède et donne l’impression qu’elle n’est pas réellement là. Elle s’incline face à la sultane - sa sultane, bientôt. Peut-être.
« Tout le plaisir est mien, votre Altesse. » les mots sonnent juste, quoi qu’étranges. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas eu à les prononcer. Son coeur bat vite. peut-être a-t-elle tort… Mais elle se sent  en sécurité. Plus, pour la première fois, que depuis longtemps. « C’est un immense honneur, qui m’apporte une grande joie, que celui de me permettre de vous rejoindre. » De lui offrir une nouvelle chance – le premier choix qu’elle a eu, depuis longtemps. « Je tenais encore à vous en remercier. Tant qu’il plaira que je sois à vos côtés, vous trouverez en moi une alliée des plus dévouées, et amie. »
Sur certains mots, sa voix s’est enrouée, a faibli, a trébuché, et elle se maudit silencieusement alors que rien ne transparaît. Encore aujourd’hui, trop parler lui arrache la gorge et ne lui semble pas des plus naturels.
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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptySam 5 Jan 2019 - 21:43

Elle s’incline, la jeune blonde si fine qu’on la dirait prête à se briser au moindre souffle. Un instant, Shéhérazade l’observe attentivement, s’attardant sur la délicatesse presque maladive de sa silhouette – comme si elle ne se maintenait debout qu’un prix d’un grand effort. Un instant, son cœur se serre devant cette fragilité si vulnérable, puis Jehanne parle. La grâce de son maintien n’est pas démentie par la joliesse de son parler, et ses mots résonnent du timbre de la sincérité, dans cette voix fluette qui semble hésiter à s’envoler et qui achoppe, parfois, un peu rauque, un peu enrouée. Elle s’est renseignée auprès de l’ambassadeur d’Ansemer sur la personnalité de son ancienne duchesse, et il n’a pas su lui dire grand-chose – il a juste mentionné un silence profond, épais, et une attitude sans attrait qui faisait oublier aisément la jeune femme dans l’ombre de Bartholomé, qui affichait sans vergogne une courtisane flamboyante à son bras.

C’est un sujet d’incompréhension, pour Shéhérazade qui a toujours partagé les faveurs d’Anthim avec une légion d’autres femmes, et qui n’en a jamais pris ombrage. Autres coutumes, autres mœurs ; mais elle prend à défaut la description de l’ambassadeur, tandis que les quelques phrases énoncées par sa visiteuse laissent deviner une personnalité bien plus riche et complexe qu’il ne l’avait prétendu. Quelles qualités l’épouse bafouée a-t-elle dû enfouir en elle, par la force des choses, pendant toutes ces années ? Quelles vérités a-t-elle dû taire, quelles envies a-t-elle dû refréner, quelles passions a-t-elle dû nier ? Outre sa liaison adultère avec le frère de son époux, bien entendu – et sur ce sujet-là, Shéhérazade ne compte pas l’interroger. Ses intentions étaient multiples, en appelant Jehanne à rejoindre sa maisonnée ; et elle se prend soudain à espérer trouver une amie dans cette exilée au maintien si tristement digne. « Si vous voulez bien me suivre, allons dans mon boudoir. Nous y serons plus tranquilles et je crains de réveiller ma fille si je venais à trop arpenter les couloirs en votre compagnie, nous ne saurions discuter sereinement au son de ses pleurs. »

Il est délicat de mentionner Sristi qui dort contre le sein de sa mère, alors que l’absence de la dauphine Bertille doit cruellement meurtrir le cœur de sa mère, et Shéhérazade se maudit intérieurement de son manque de délicatesse. Prenant la main de Jehanne, le bébé maintenu contre elle de l’autre, la sultane conduit son invitée dans une pièce attenante, baignée d’une lumière dorée et remplie de coussins douillets invitant à s’alanguir. Elle s’installe avec la fluidité de l’habitude à son endroit préféré de l’épais tapis, creusé par des années d’usage répété et qu’elle a fait apporter du harem quand elle a emménagé dans ces appartements de reine. « Je vous en prie, ma chère, prenez place. Je suis confuse de ne pas pouvoir vous recevoir comme vous le méritez, mais j’ai pensé que, peut-être, vous préféreriez une arrivée plus discrète... ? »

La question est en suspens, à la fin de sa phrase, prudente et retenue. Elle n’ose pas questionner Jehanne trop crûment, redoutant de la blesser ; mais il est important pour elle que sa visiteuse comprenne que la sobriété de son accueil n’est pas le fruit d’une insulte déguisée, mais bien le vœu de délicatesse de la sultane, pour ne pas l’exposer à une curiosité déplacée.

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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptyLun 7 Jan 2019 - 13:43

Jehanne se sent légèrement désarçonnée : elle a vécu toute sa vie dans une sorte de bulle de politesse, de décence et de respect d’abord, d’étiquette, d’oubli et de fausse déférence ensuite. Elle a vécu dans un monde où le moindre contact avec elle était ridiculeusement protocolaire et décidé, un contact souvent intéressé, et encore plus souvent limité au minimum pour une personne qui aux yeux de tous n’avait décidément aucune raison d’exister autre que pour être pour les autres. Sans considération pour ce qu’elle aimait, à peine plus qu’un objet pour celle vouée à être dévouée quitte à s’oublier. Si elle n’est pas flamboyante, si elle ne percute pas par sa présence et s’efface volontiers, c’est qu’elle a depuis son plus jeune âge appris à ne pas exister pour elle-même forcément ; quand elle regarde ce que ses seules actions égoïstes ont pu amener, elle se dit qu’exister pour les autres est infiniment plus calme que d’être. Mais c’est une parodie de vie qui finira à la longue par l’user.

Elle se sent légèrement désarçonnée, la blonde sans nom, car de la sultane émane réellement de l’intérêt : elle n’a pas sur l’ancienne duchesse ce regard qui voit à travers pour n’en ressortir que ce qui lui sera profitable. Elle se sent désarçonnée car c’est un regard bien trop rare sous lequel elle ploierait presque. Et si elle sait qu’elle est ici à sa demande et pour la servir, c’est ce regard qui lui confirme, secrètement, qu’elle a fait le bon choix. La première impression est toujours la bonne, et elle n’est trompeuse que lorsque l’être n’inspire au départ aucune confiance. C’est tout du moins ce que Jehanne a toujours pensé -- et jusqu’ici, cette philosophie n’a jamais été mise en doute, qu’il s’agisse de son ami Marjolaine, de l’empereur de Faërie ou même de l’homme qu’elle a aimé. Ne plus y penser.

« Je vous suis. » dit-elle avec douceur. Elle n’a pas vraiment le choix alors qu’on lui prend la main - contact perturbant, presque familier déjà, doux, humain. En une poignée de minutes, en une première rencontre et sans doute sans le savoir, la sultane erebienne a montré à l’égard de l’ancienne lagrane plus d’intérêt et de sympathie qu’un duché tout entier en treize ans. La méfiance est de mise, car Jehanne ne saurait faire aveuglément confiance - et expressément lorsqu’ainsi on l’accueille, comme si l’on voulait qu’elle baisse la garde - mais elle veut y croire. Elle veut croire en la bonté de celle qui la recueille, qui l’invite chez elle presque à bras ouverts et qui dans ses correspondances et jusqu’ici n’a su que se montrer digne de son estime et de sa confiance - pour ce qu’elle vaut encore.

Elle est si blanche, Jehanne, dans ce décor d’or.
Lorsqu’elle prend place, délicatement, ses yeux se posent sur la petite princesse confortablement calée contre sa mère. La tristesse glisse dans son coeur, mais le tableau est si charmant et si doux qu’elle préfère se focaliser plutôt sur la paix qui en émane que sur le cruel manque qui vrille et troue ce qu’il lui reste d’âme. Elle ne reverra jamais sa fille, elle le sait. Elle portera ce deuil pour le restant de ses jours, se maudira jusqu’à la fin.
Un sourire contrit étire ses lèvres. Comme elle le mérite. Mais elle ne mérite rien. Elle n’est rien. Ce qu’elle a été ne lui donne plus aucun droit aujourd’hui, qu’importe qu’autrefois elle ait été membre de familles nobles, ancienne duchesse ! Aujourd’hui, il n’y a plus aucun égard à avoir à son envers.

Elle ne mérite rien, mais la sollicitude qu’elle pense deviner réellement sincère la touche clairement. « Votre Altesse, votre accueil est parfait, vous n’avez rien à vous reprocher. Je n’aurais pas souhaité que mon arrivée  puisse vous salir. Ces situations sont… Délicates, au vu de mon statut, de mon nom même. Vous êtes...»
La gorge sèche. La voix qui se brise, les mots qui disparaissent. Un éclair d’affolement dans ses prunelles. Inspirer. Elle revient, cette traitresse de voix.. « … Excusez-moi. Vous êtes d’une infinie prévenance à mon égard. »  Quand je n’en mérite pas tant. « Et je n’aurais pas souhaité vous mettre dans l’embarras, alors que vous êtes déjà si bonne avec moi. »
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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptyDim 3 Mar 2019 - 18:18

Jehanne s’installe à son tour parmi les coussins, et Shéhérazade ne la quitte pas des yeux. Il y a, dans les mouvements soigneux de l’ancienne duchesse, une grâce délicate qui interpelle. Elle est fragile, la jolie blonde : vulnérable, bien plus qu’on ne pourrait le soupçonner, marquée par des années de sévices, de négligence, et de méchanceté. Le cœur de la sultane pleure pour cette femme cruellement malmenée, et elle se fait la promesse solennelle, en son for intérieur, de faire de son séjour en Erebor une cure de jouvence, et du palais de Vivedune un nouveau foyer où se sentir en sécurité.

Il est si triste, le sourire de la reine des dunes, tandis que sa visiteuse lui répond, de ce timbre de voix si ténu que le moindre souffle de vent suffirait à le faire taire ! « Oh, Jehanne. » murmure-t-elle avec douceur, berçant Sristi contre elle, toute pleine de cet instinct maternel qu’elle porte chevillé au corps depuis la naissance de sa première fille. Est-ce normal de vouloir materner celle qu’elle a fait quérir depuis la capitale des peuples libres ? L’instinct lui souffle que la malheureuse n’a guère été protégée par le passé. Peut-être est-il temps que cela change ? Son sourire s’emplit de douceur lorsque Jehanne évoque ses réticences. « Ma chère, nous sommes en Erebor. Nous sommes déjà objet de toutes les plus folles rumeurs et de tous les reproches les plus insensés, depuis notre sécession. Votre présence ici ne sera jamais un embarras, ni pour moi ni pour ma couronne : c’est un privilège, et je vous remercie d’être venue jusqu’ici depuis Lorgol la lointaine. »

La porte de service s’entrouvre, et une file de servantes envahit les lieux, disposant des plateaux chargés de sucreries, quelques bols emplis de fruits et de biscuits, des carafes et des théières. En l’espace de quelques instants, un festin s’étale autour des deux femmes. « J’avais demandé que l’on nous apporte une ‘collation’. » chuchote Shéhérazade à Jehanne, haussant un sourcil amusé pour souligner l’excès d’enthousiasme de la domesticité. « Visiblement, le personnel du palais prend votre bien-être très au sérieux, et ce ne sont pas les seuls. Savez-vous que six couturières différentes de la capitale ont d’ores et déjà émis la requête officielle d’avoir l’exclusivité de votre garde-robe ? Deux d’entre elles ont d’ailleurs joint à leur demande des croquis des saris qu’elles imaginent pour une dame née en Lagrance, et l’une de ces deux-là a poussé le souci du détail jusqu’au bout en joignant des échantillons des tissus qu’elle pense utiliser… Je vous montrerai tout cela quand vous serez installée, que vous puissiez faire votre choix en toute tranquillité ! » D’une arabesque de sa main libre, la sultane reporte le sujet à plus tard, tâchant de refréner son babillement pour ne pas trop étourdir son invitée.

« Pour le moment, Jehanne… Parlez-moi un peu de vous. Avez-vous des projets ? Venez-vous chercher quelque chose de particulier en Erebor ? Et sous quel nom devons-nous vous désigner… ? »

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Message Sujet: Re: Le miel de l'exil   Le miel de l'exil EmptyMer 20 Mar 2019 - 13:31

Seule et déplacée, dans ce décor si somptueux. Une ombre au tableau. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la situation : une ombre à peine vivante, une tâche dans un monde qui n’est pas forcément le sien. N’est-ce pas ce qu’elle a toujours été ? Aussi discrète et effacée que l’existence le lui a permis. Prompte à être oubliée, prompte à se dissimuler à la demande jusqu’à ce qu’on ne se préoccupe plus d’elle - douceur et discrétion, délicatesse, ne jamais s’imposer, reste tranquille Jehanne, fais-toi oublier. Seule et déplacée, si loin du duché où elle a vu le jour et ne pourra jamais retourner.  

Sa tête se baisse, un pauvre sourire naît sur ses lèvres pâles et dénuées de teinte : lorsque la vie lui reviendra, si elle revient, elles seront plus sombres, plus vivantes. Elle s’apprête à ajouter un autre remerciement , à assurer encore une fois  qu’elle ne souhaite en aucun cas être ici un fardeau ou gêner, mais la porte s’ouvre sur une servante. Soit, la domesticité ne l’a jamais dérangée quand elle voulait s’exprimer – le nombre de ses congénères qui entrent à la suite, en revanche, désoriente l’ancienne Lagrane qui en suit le ballet de son regard d’océan.
Toute la surprise qu’elle ressent peut se lire sur les traits de son visage, alors qu’en silence elle écoute docilement sans piper mot. Seule et déplacée.
Le sourire sur ses lèvres et l’esquisse de phrase amusée, le « Eh bien... » à mi-voix – autant dire quasiment inaudible. Si les syllabes se craquellent, c’est assurément sous le coup de l’émotion.

Seule et voulue. Demandée. Attendue. Son coeur se gonfle et s’enflamme d’un sentiment de gratitude envers des inconnues. Inconnues intéressées, sans doute – qui ne l’est pas en ce monde ? Surtout dans ces sphères où depuis sa naissance la blonde évolue – mais inconnues qui lui accordent un semblant d’intérêt ! Oh, elle n’en dit rien, l’ancienne duchesse, mais elle est profondément touchée par toute la sollicitude et l’attention que d’autres portent à son égard sans même la connaître.
Elle parvient à retenir l’envie de pleurer qui perce sous sa peau et ferait se faner son sourire, mais ne parvient entièrement à dissimuler combien tout ceci est mille fois plus que ce qu’Ansemer, dans les années qui ont suivi son mariage, a su lui donner. Et même si les attentions sont forcément motivées par autre chose qu’une pure bienveillance, soyons réalistes, il est toujours plus agréable de ne pas sentir les reproches et la haine dans chaque regard qui se pose sur soi.

« Je cherche à me reconstruire. Les événements survenus récemment ont failli me coûter la vie, pour une accusation fausse, pour des mots sous le coup de la colère et de la douleur, mais ils m’ont également coûté ma réputation et ma famille… Mon nom. Mes filles. » Bertille qu’elle ne pourra jamais approcher, qui grandira sans elle. La douleur dans son coeur jamais ne cessera. Béatrice, l’enfant qui a tout fait basculer, dont la présence hante encore son ventre et ses rêves. Et les enfants rêvées, dans les carnets confisqués par Bartholomé il y a si longtemps – une éternité.

« M’engager auprès de vous m’est apparu comme une évidence après votre demande. Votre considération, cette bonté dont vous faites preuve… »je ne suis personne, sauf à vos yeux. Le regard et le non-dit, alors qu’elle hésite sur ses prochains mots, sont plus que compréhensibles. « Je ne saurais jamais assez vous en remercier. »

Un instant passe. La blonde semble un peu plus gênée, ses mains se tordent discrètement et cherchent sur le tissu de sa tenue, sur ses genoux, le carnet auquel la trentenaire encore aujourd’hui tente de se raccrocher par automatisme. Ses doigts ne font qu’effleurer le vide.
« Je n’ai pas… Réellement songé à un nom. Le choix est quelque peu... Compliqué. » Elle n’a même pas encore conscience d’exister entièrement, comment pourrait-elle se permettre de simplement se nommer ? Elle n’a que bien peu de qualités – n’en a pas, si elle s’écoute. Les seuls qualificatifs et termes qui s’appliquent à elle ne sont pas des plus sympathiques, quand ils ne sont pas juste injurieux ou ne sont pas. Et décider de son identité c’est revivre.
Y est-elle réellement prête ?
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Le miel de l'exil
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